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06/12/2023 | LUXEMBOURG | N°47252

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 décembre 2023, 47252


Tribunal administratif N° 47252 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47252 1re chambre Inscrit le 30 mars 2022 Audience publique du 6 décembre 2023 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Mondercange en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47252 du rôle et déposée le 30 mars 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Yves Wagener, avocat à la Cour, inscrit au tablea

u de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à ...

Tribunal administratif N° 47252 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47252 1re chambre Inscrit le 30 mars 2022 Audience publique du 6 décembre 2023 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Mondercange en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47252 du rôle et déposée le 30 mars 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Yves Wagener, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du bourgmestre de la commune de Mondercange du 1er septembre 2021 refusant de faire droit à sa demande de régularisation d’aménagements extérieurs réalisés sans autorisation de construire et l’invitant à remettre son terrain en pristin état ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura Geiger, en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 24 mars 2022 portant signification de ce recours à l’administration communale de Mondercange, établie à L-3919 Mondercange, 18, rue Arthur Thinnes, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2022, au nom de l’administration communale de Mondercange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 juin 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Mondercange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 juillet 2022 par Maître Yves Wagener, au nom de Madame …, préqualifée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 octobre 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Mondercange, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Claudia Armellin, en remplacement de Maître Yves Wagener, et Maître Adrien Kariger, en remplacement de Maître Steve Helminger, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 octobre 2023 ;

1Vu l’avis du tribunal administratif du 22 novembre 2023 informant les parties de la rupture du délibéré ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Carole Beck, en remplacement de Maître Yves Wagner, et Maître Steve Helminger en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 novembre 2023.

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En date du 15 mai 2019, le bourgmestre de la commune de Mondercange, ci-après désigné par « le bourgmestre », accorda à Madame … l’autorisation, portant le numéro de référence …, pour la réalisation d’aménagements extérieurs de sa maison d’habitation sise à L-

….

Par courrier du 7 décembre 2020, le bourgmestre s’adressa à Madame … en ces termes :

« […] Lors d’une visite des lieux en date du 6 octobre 2020, mon service aménagement communal a dû constater que des aménagements extérieurs et qui ne sont pas couverts par l’autorisation délivrée en date du 15 mai 2019 enregistrée sous le numéro de référence … ont été réalisés.

Ainsi, il a été constaté :

o que les terrasses n’ont pas été aménagées telles qu’autorisées.

Je vous invite partant de remettre endéans les 2 mois de la réception de la présente votre jardin dans son état autorisé par mon autorisation du 15 mai 2019.

J’attire formellement votre attention sur l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain qui précise que :

1. Sont punis d’un emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 251 à 125.000 euros, ou d’une de ces peines seulement, tous ceux qui enfreignent de quelque manière que ce soit les prescriptions des plans ou projets d’aménagement généraux ou particuliers, du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ou des autorisations de bâtir.

2. Le juge peut ordonner la suppression des travaux exécutés ainsi que le rétablissement des lieux dans leur pristin état, aux frais des contrevenants. La commune ou, à son défaut, l’Etat peuvent se porter partie civile.

A défaut de réserver les suites voulues à la présente et de redresser la situation dans le délai indiqué ci-avant, je me verrai contraint d’entamer une procédure judiciaire à votre encontre pour violation des règlements communaux. […] ».

Il est constant en cause qu’en date du 15 juin 2021, Madame … introduisit une demande de régularisation des aménagements extérieurs visés par le courrier, précité, du bourgmestre du 7 décembre 2020, demande que ce dernier rejeta par décision du 1er septembre 2021, libellée comme suit :

2« […] Suite à votre demande du 15 juin 2021 se rapportant au projet susmentionné, je vous informe que le projet n’est pas conforme aux règlements communaux et que je ne suis pas en mesure de vous délivrer une autorisation de construire.

En effet, selon l’article 28 e) de la partie écrite du plan d’aménagement particulier « quartier existant », les terrasses sont à aménager avec un recul minimal de 1.90 mètre des limites de propriétés sauf en cas d’accord entre voisins.

Or, je vous rappelle que la terrasse a été construite sur la limite de propriété sans aucune autorisation, ni d’accord du voisin, ni d’autorisation de bâtir. Même après deux rappels par courriel de la part de mes services, et une lettre de mise en demeure du 7 décembre 2020, vous n’avez pas complété le dossier jusqu’aujourd’hui.

Je vous invite par conséquent une dernière fois de remettre le terrain dans son état tel qu’il a été initialement prévu dans le cadre de l’autorisation de bâtir en date du 15 mai 2019, endéans un délai de 2 semaines.

A défaut de réserver les suites voulues à la présente et de redresser les non-conformités liées à votre projet dans le délai indiqué, je me verrai contraint d’entamer une procédure judiciaire à votre encontre pour violation des règlements communaux. […] ».

Par courrier recommandé de son litismandataire du 30 septembre 2021, réceptionné le 4 octobre 2021, Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision, précitée, du bourgmestre du 1er septembre 2021.

Malgré des rappels adressés au bourgmestre par courriers dudit litismandataire des 7 janvier et 21 février 2022, ce recours gracieux resta sans réponse.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 mars 2022, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision, précitée, du bourgmestre du 1er septembre 2021.

I) Quant à la compétence Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi.

Etant donné qu’aucun recours au fond n’est prévu en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit en l’espèce.

En revanche, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en annulation.

3 II) Quant à la recevabilité A) Quant à la recevabilité du recours, en ce qu’il vise l’invitation du bourgmestre à remettre le terrain dans son état prévu par l’autorisation de bâtir du 15 mai 2019 Le tribunal relève que la décision déférée comporte deux volets, à savoir, d’une part, le refus d’octroi d’une autorisation ex post en vue de la régularisation des aménagements extérieurs litigieux et, d’autre part, l’invitation à remettre le terrain dans son état prévu par l’autorisation de bâtir du 15 mai 2019.

Le recours sous examen tend à l’annulation de ladite décision dans sa globalité, la demanderesse ayant, au corps de sa requête introductive d’instance, critiqué expressément non seulement le refus d’octroi de l’autorisation sollicitée, mais aussi le fait, pour le bourgmestre, de l’avoir sommée à enlever les susdits aménagements extérieurs.

Par avis du 22 novembre 2023, le tribunal a informé les parties de la rupture du délibéré, afin de permettre à ces dernières de prendre oralement position quant à la question de la recevabilité du recours, en ce qu’il vise le volet de la décision déférée portant invitation à remettre le terrain dans son état prévu par l’autorisation de bâtir du 15 mai 2019 et, plus particulièrement, quant à la question du caractère décisionnel de ladite invitation.

A l’audience publique des plaidoiries du 29 novembre 2023, à laquelle l’affaire avait été refixée à cette fin, le litismandataire de la demanderesse a conclu, en substance et de l’entendement du tribunal, au caractère décisionnel de l’intégralité de l’acte attaqué, tout en soulignant que le silence gardé par le bourgmestre suite au recours gracieux introduit le 4 octobre 2021 équivaudrait à une décision de refus.

Le litismandataire de l’administration communale de Mondercange, ci-après désignée par « l’administration communale », a conclu à l’irrecevabilité du recours, en ce qu’il vise le volet de l’acte déféré portant invitation à remettre le terrain dans son état prévu par l’autorisation de bâtir du 15 mai 2019, au motif qu’il serait de jurisprudence constante qu’une telle invitation ne constituerait pas une décision administrative susceptible de recours contentieux.

Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996, un recours est ouvert « […] contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible ».

Cette disposition limite l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste.1 L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit dès lors constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à 1 Trib. adm., 6 octobre 2004, n° 16533 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 5 et les autres références y citées.

4qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame.2 Plus particulièrement n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision3 qui ne font que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci4.

Force est de constater qu’aux termes de l’article 107, intitulé « Sanctions pénales et mesures administratives », de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 » :

« 1. Sont punis d’un emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 251 à 125.000 euros, ou d’une de ces peines seulement, tous ceux qui enfreignent de quelque manière que ce soit les prescriptions des plans ou projets d’aménagement généraux ou particuliers, du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ou des autorisations de bâtir.

2. Le juge peut ordonner la suppression des travaux exécutés ainsi que le rétablissement des lieux dans leur pristin état, aux frais des contrevenants. La commune ou, à son défaut, l’Etat peuvent se porter partie civile. […] ».

Il découle de cette disposition légale que si le pouvoir de la police des bâtisses dont est investi le bourgmestre englobe la compétence pour vérifier la conformité de projets de construction aux règles d’aménagement applicables et conférer les autorisations afférentes, ainsi que pour empêcher la continuation de tous travaux de construction contraires aux règles d’aménagement ou non couverts par une autorisation afférente, le juge judiciaire est seul compétent pour ordonner la suppression de constructions érigées illégalement et la remise en pristin état d’un site, laquelle constitue non pas une peine mais un mode particulier de réparation ou de restitution destiné à mettre fin à une situation contraire à la loi résultant de l’infraction et nuisant à l’intérêt public, de manière que cette attribution échappe dans cette mesure à la fois au bourgmestre de même qu’au tribunal administratif saisi dans le cadre d’un recours contentieux.5 Cependant, à un stade précontentieux, il est admis que le bourgmestre invite un administré à se conformer aux règles urbanistiques en vigueur avec comme conséquence la remise des lieux en leur pristin état, cette invitation pouvant revêtir la forme d’une sommation assortie de délais, proportionnée à la gravité apparente de la situation en fait, du moment qu’il appert que cette invitation est un préalable à des poursuites judiciaires que l’administration communale envisage d’entamer afin d’obtenir la condamnation de l’auteur de l’infraction à l’exécution des mesures prévues par l’article 107, précité, de la loi du 19 juillet 2004. De telles 2 Trib. adm., 18 juin 1998, nos 10617 et 10618, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 44, et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658, confirmé sur ce point par Cour adm., 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 68 et les autres références y citées.

4 Cour adm., 22 janvier 1998, nos 9647C, 9759C, 10080C et 10276C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 67 et les autres références y citées 5 Trib. adm., 28 février 2005, n° 18597 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Compétence, n° 73 et les autres références y citées.

5invitations ou mises en demeure, constitutives d’une réaction spontanée au constat d’une infraction aux règles d’urbanisme6, ne constituent pas des décisions autonomes de nature à faire grief, étant donné qu’elles n’ont pas pour effet de créer à charge de l’administré concerné une nouvelle obligation, dans la mesure où l’illégalité des travaux exécutés découle des dispositions du plan d’aménagement et du règlement sur les bâtisses et où l’obligation légale de la suppression des travaux illégaux ne peut découler que d’un jugement. Une telle invitation doit plutôt être considérée comme mesure d’exécution préliminaire dans la saine intention de conférer à l’administré l’occasion d’éliminer volontairement dans un certain délai le résultat de son agissement illégal tout en évitant une condamnation afférente de la part du juge judiciaire.7 Il en découle qu’en l’espèce, l’invitation du bourgmestre à remettre le terrain dans son état prévu par l’autorisation de bâtir du 15 mai 2019 ne peut être qualifiée de décision administrative susceptible de recours contentieux, de sorte que le recours est à déclarer irrecevable en ce qu’il est dirigé contre ce volet de la décision déférée.

B) Quant à la recevabilité du recours pour le surplus S’agissant de la recevabilité du recours pour le surplus, l’administration communale soulève une violation, par la demanderesse, de l’article 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », au motif que la décision déférée n’aurait pas été versée à l’appui de la requête introductive d’instance.

La demanderesse conclut au rejet de ce moyen d’irrecevabilité.

Aux termes de l’article 2 de la loi du 21 juin 1999, « La requête introductive est déposée au greffe du tribunal, en original et quatre copies. Les pièces énoncées sont jointes en quatre copies. La décision critiquée doit figurer en copie parmi les pièces versées, si le demandeur en dispose; si tel n’est pas le cas, elle est à verser en cours de procédure par celui qui en est détenteur. […] ».

Etant donné que concomitamment au dépôt de sa requête introductive d’instance, la demanderesse a versé une farde de quatre pièces, contenant, entre autres, la décision déférée, le moyen d’irrecevabilité sous analyse est à rejeter pour manquer en fait.

L’administration communale fait encore remarquer que le recours sous examen ne viserait que la décision du 1er septembre 2021, et non pas la décision implicite de refus découlant du silence gardé par le bourgmestre suite à l’introduction du recours gracieux de l’intéressée.

Outre le fait que l’administration communale ne tire aucune conclusion en droit de ce constat, le tribunal relève qu’il est certes exact qu’il a été jugé que si, à la suite de l’introduction d’un recours gracieux, aucune décision expresse n’intervient dans un délai de trois mois, tel que c’est le cas en l’espèce, il y a lieu de conclure du silence gardé par l’administration que celle-ci est censée avoir rejeté ledit recours gracieux et que cette décision est à qualifier de 6 Cour adm., 14 juin 2011, n° 27726C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 129 et les autres références y citées.

7 Trib. adm., 18 octobre 2004, n° 17732, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 126 et les autres références y citées.

6décision implicite de rejet qui est susceptible d’être attaquée par la voie d’un recours contentieux.8 Il n’en reste pas moins qu’il est de jurisprudence constante qu’une décision sur recours gracieux, purement confirmative d’une décision initiale, tire son existence de cette dernière et que, dès lors, les deux doivent être considérées comme formant un tout indivisible, de sorte qu’un recours introduit contre la seule décision initiale est valable.9 Le recours sous examen n’est, dès lors, pas irrecevable, au motif de n’être dirigé que contre la décision initiale de refus, et non pas contre la décision implicite de refus découlant du silence gardé par le bourgmestre pendant plus de trois mois suite à la réception du recours gracieux de la demanderesse.

Pour le surplus, l’administration communale se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant à la forme et quant au délai.

S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation10, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions11. Dès lors, et dans la mesure où l’administration communale est restée en défaut d’expliquer en quoi le recours serait irrecevable quant à la forme et quant au délai, ses contestations afférentes encourent le rejet.

En l’absence d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours principal en annulation, en ce qu’il vise le refus du bourgmestre de délivrer une autorisation ex post pour la régularisation des aménagements extérieurs litigieux, est à déclarer recevable.

III) Quant au fond A l’appui de son recours, la demanderesse soutient, en substance, que la décision déférée méconnaîtrait l’article 28 e) de la partie écrite du plan d’aménagement particulier « quartier existant », ci-après désigné par « le PAP QE », au motif que les aménagements extérieurs litigieux ne constitueraient pas une terrasse, au sens de cette disposition réglementaire.

A cet égard, elle se prévaut de la définition de la notion de « terrasse », telle qu’issue du dictionnaire « Larousse », selon laquelle ladite notion viserait, notamment, d’une part, un « [t]erre-plein d’une levée de terre réalisée pour mettre de niveau (horizontal) un terrain en pente, généralement maintenue par un mur de soutènement et bordée par un garde-corps » et, d’autre part, « [d]ans les immeubles présentant des décrochements en hauteur, toute surface à l’air libre aménagée devant un appartement ou autre local, au-dessus d’un local inférieur ».

8 Cour adm., 28 avril 2016, n° 37158C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 105 et les autres références y citées.

9 Trib. adm., 31 janvier 2013, n° 28520 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 272 et les autres références y citées.

10 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 883 et les autres références y citées.

11 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 883 et les autres références y citées.

7 Or, en l’espèce, elle aurait fait construire une surface en bois autour de sa piscine, qui serait plane et entourerait cette dernière.

Cette surface, qui serait de plain-pied avec le jardin de son immeuble, ne constituerait pas un terre-plein d’une levée de terre.

Par ailleurs, elle insiste sur le fait qu’il se dégagerait de la susdite définition qu’une terrasse serait nécessairement une construction qui se trouverait en prolongement d’une maison. Cette conclusion serait confortée par le fait que l’article 28 e) de la partie écrite du PAP QE prévoirait une exception au recul minimal de 1,90 mètres pour les maisons jumelées, exception qui n’aurait aucun sens, si la notion de « terrasse » englobait une surface en bois, telle que celle litigieuse.

En soulignant qu’en l’espèce, l’ouvrage litigieux ne constituerait pas une terrasse, au sens de l’article 28 e), précité, de la partie écrite du PAP QE, mais une surface plane en bois et « […] tout au plus une plage […] », elle conclut que la décision déférée devrait encourir l’annulation.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste sur le fait que la surface en bois longeant sa piscine, qui entourerait cette dernière et y serait « […] jumelée […] et […] intrinsèquement liée […] », ne constituerait pas une terrasse dans le sens commun du terme, mais une « […] plage en bois […] », respectivement une surface plane attenante au bassin.

L’administration communale conclut au rejet du recours.

L’article 28 e) de la partie écrite du PAP QE prévoit ce qui suit :

« Les terrasses sont à aménager avec un recul minimal de 1,90 mètre des limites de propriétés, à l’exception des terrasses de constructions jumelées ou en cas d’accord entre voisins. ».

Les parties sont en désaccord quant à la question de savoir si la surface en bois réalisée par la demanderesse constitue une terrasse, au sens de la disposition réglementaire citée ci-avant.

A cet égard, le tribunal relève que la notion de « terrasse » est définie par l’article 36 de la partie écrite du PAP QE, intitulé « Glossaire ». Cette définition, reprise de l’« Annexe II :

Terminologie » du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 », est de la teneur suivante : « On entend par terrasse, une surface stabilisée à l’air libre, non close, communiquant avec les pièces d’habitation adjacentes par une ou plusieurs portes ou portes-fenêtres.

On distingue :

- la terrasse accolée à un bâtiment ;

- la terrasse aménagée sur la surface résultant du retrait d’un étage par rapport à l’étage inférieur ;

8- le toit-terrasse aménagé sur une toiture plate accessible. ».

En l’espèce, le tribunal constate, au vu des plans de l’immeuble et de ses aménagements extérieurs, tels que versés par l’administration communale, ainsi que des photographies produites par la demanderesse, que la surface litigieuse, qui constitue une surface plane en bois entourant la piscine de l’intéressée, est réalisée en prolongement direct d’une surface plane préexistante, elle-même directement reliée par un escalier à une autre surface plane située au niveau du rez-de-chaussée de la maison et communiquant avec des pièces d’habitation adjacentes par au moins une porte ou porte-fenêtre, toutes ces surfaces étant stabilisées, situées à l’air libre et non closes.

Au vu de ces éléments, le tribunal conclut que ces surfaces forment un tout répondant à la définition de la notion de « terrasse », telle qu’inscrite à l’article 36, précité, de la partie écrite du PAP QE et telle que reprise de l’« Annexe II : Terminologie » du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, chacune de ces surfaces étant, d’ailleurs, qualifiée de terrasse sur les plans versés en cause.

Dès lors, et dans la mesure où il est constant en cause (i) que la surface en bois litigieuse a été aménagée sans respecter le recul minimal de 1,90 mètre des limites de propriétés, tel que prévu par l’article 28 e) de la partie écrite du PAP QE, (ii) que la maison de la demanderesse ne constitue pas une construction jumelée (iii) et qu’il n’existe pas d’accord entre voisins quant au non-respect de ce recul minimal, c’est à juste titre et sans violer l’article 28 e), précité, de la partie écrite du PAP QE que le bourgmestre a refusé de faire droit à la demande d’autorisation ex post de la demanderesse.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, la demanderesse est à débouter de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.500 euros.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

déclare le recours principal en annulation irrecevable, dans la mesure où il vise le volet de la décision du bourgmestre de la commune de Mondercange du 1er septembre 2021 invitant la demanderesse à remettre son terrain dans son état prévu par l’autorisation de bâtir du 15 mai 2019 ;

le reçoit en la forme pour le surplus ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

déboute la demanderesse de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

9 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 décembre 2023 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Michel Thai, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 décembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 47252
Date de la décision : 06/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-12-06;47252 ?

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