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18/12/2023 | LUXEMBOURG | N°47959

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 décembre 2023, 47959


Tribunal administratif N° 47959 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47959 2e chambre Inscrit le 20 septembre 2022 Audience publique du 18 décembre 2023 Recours formé par Monsieur …, … (Pakistan), contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47959 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2022 par Maître Cédric Schirrer, avoca

t à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ...

Tribunal administratif N° 47959 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47959 2e chambre Inscrit le 20 septembre 2022 Audience publique du 18 décembre 2023 Recours formé par Monsieur …, … (Pakistan), contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47959 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2022 par Maître Cédric Schirrer, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Pakistan), demeurant à … (Pakistan), ayant élu domicile à l’étude de Maître Cédric Schirrer sise à L-2611 Luxembourg, 51, route de Thionville, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 septembre 2022 portant refus d’accorder une autorisation de séjour pour raisons privées dans le chef de Monsieur …, ainsi qu’un regroupement familial, sinon une autorisation de séjour pour raisons privées dans le chef de son épouse, Madame …, née le … à … (Pakistan) et de ses enfants mineurs …, née le … à …, …, né le … à …, et …, né le … à …, tous de nationalité pakistanaise et demeurant à la même adresse ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Catherine Huber, en remplacement de Maître Cédric Schirrer, et Madame le délégué du gouvernement Charline Radermecker en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 novembre 2023.

Par courrier de son litismandataire daté du 1er février 2022, Monsieur …, de nationalité pakistanaise, sollicita une autorisation de séjour pour raisons privées sur base de l’article 78 (1) a) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ». Par ce même courrier du 1er février 2022, il introduisit également dans le chef de son épouse, Madame …, et de ses enfants mineurs …, … et …, une demande de regroupement familial, ainsi qu’une demande d’autorisation de séjour pour raisons privées, sur base respectivement des articles 69 et 78 (1) b) de la même loi.

Par courrier de son litismandataire daté du 24 mai 2022, Monsieur … fit introduire un recours gracieux contre le refus implicite de faire droit à ses demandes, tel qu’ayant découlé de l’absence de réponse de l’administration de plus de trois mois après l’introduction de la prédite demande.

Par décision du 12 septembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », confirma son refus de faire droit à la demande d’autorisation deséjour pour raisons privées dans le chef de Monsieur …, ainsi que d’un regroupement familial, sinon d’une autorisation de séjour pour raisons privées dans le chef de son épouse et de ses enfants mineurs, ladite décision étant motivée comme suit :

« […] En mains votre recours gracieux du 24 mai 2022 concernant ma décision de refus implicite.

Après réexamen du dossier, je dois malheureusement vous informer que ma décision de refus reste maintenue.

Le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées au ressortissant de pays tiers qui rapporte la preuve qu’il peut vivre de ses seules ressources conformément à l’article 78, paragraphe (1) point a) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration. Les ressources du demandeur sont évaluées par rapport à leur nature et leur régularité en application de l’article 7 du règlement grand-

ducal modifié du 5 septembre 2008 définissant les critères de ressources et de logement prévus par la loi du 29 août 2008 précitée.

Les ressources provenant des intérêts et profits générés en tant qu’actionnaire gérant de la société … établie au Pakistan au montant équivalent de …- Eur ne peuvent être considérés à elles seules ni comme régulières ni comme stables vu qu’ils sont soumis aux fluctuations du marché.

En ce qui concerne les avoirs en banque d’un montant total de …. - Eur auprès des institutions bancaires suivantes : » …, … et … » de votre mandant, je me permets d’attirer votre attention sur le fait que cette somme est placée au Pakistan de même que la fortune totale évaluée équivalente à … Eur.- au Pakistan, il n’est donc pas prouvé que ces avoirs sont immédiatement accessibles et disponibles au Luxembourg.

Il est par ailleurs de notoriété publique que les standards en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme applicables en Pakistan diffèrent de ceux applicables au sein de l’Union européenne, de sorte que la légitimité de la provenance des fonds en question est, pour le moins, sujette à caution.

En outre, ces ressources ne peuvent être considérés comme ressources suffisantes, étant donné que vos mandants seraient amenés à vivre de ce capital, lequel diminuerait inéluctablement et rapidement. D’après les pièces envoyées, vos mandants ne perçoivent aucun revenu régulier et la régularité des ressources n’est donc pas prouvée.

Par ailleurs, votre demande ne me permet pas non plus de conclure que votre mandant entretient un lien particulier avec le Luxembourg. Le motif de cette demande d’autorisation de séjour temporaire reste donc pour le moins, sujette à caution.

Au vu de ce qui précède et étant donné qu’il n’y a pas de regroupant disposant d’un titre de séjour permettant de demander le regroupement familial, je ne peux pas non plus donner de suite favorable à votre demande de regroupement familial dans le chef de Madame … et leurs enfants …, … et ….

À titre subsidiaire, il n’est pas prouvé que votre mandant ou sa conjointe prouvent les conditions afin de bénéficier d’une autorisation de séjour à d’autres fins dont les différentes conditions sont fixées à l’article 38 de la loi du 29 août précitée.

2 Par conséquent, l’autorisation de séjour est refusée à Monsieur …, et à sa conjointe, Madame … et leurs enfants …, … et … sur base de l’article 101, paragraphe (1) point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 septembre 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du 12 septembre 2022.

Aucune disposition légale n’instaurant de recours au fond en matière d’autorisations de séjour et de regroupement familial, le tribunal est valablement saisi du recours en annulation introduit contre la décision précitée du ministre du 12 septembre 2022, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, Monsieur … indique être de nationalité pakistanaise et résider au Pakistan avec son épouse, Madame …, et leurs trois enfants mineurs, …, … et …, avant de reprendre les rétroactes tels que présentés ci-avant.

En droit, après avoir cité l’article 78 (1) a) et (2) de la loi du 29 août 2008, ainsi que l’article 7 du règlement grand-ducal modifié du 5 septembre 2008 définissant les critères de ressources et de logement prévus par la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommé le « règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 », le demandeur explique que le législateur aurait créé l’autorisation de séjour pour raisons privées dans le but d’attirer des fortunes étrangères. Il ajoute que le pouvoir exécutif aurait fait preuve d’une volonté d’étendre le titre de séjour pour raisons privées en soumettant les personnes qui en feraient la demande à la seule condition financière qu’elles aient, comme ressources, au moins le salaire social minimum d’un travailleur non qualifié. Il reproche, à cet égard, à l’administration d’avoir « machinalement » refusé toute demande d’autorisation de séjour pour raisons privées depuis avril 2020.

En renvoyant à un arrêt de la Cour administrative du 16 décembre 2021, inscrit sous le numéro 46467C du rôle, Monsieur … fait plaider que la Cour aurait clarifié les conditions pour l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées en retenant que ces conditions seraient purement financières, sans qu’il ne soit nécessaire de prouver des attaches ou des liens forts avec le Luxembourg, que l’administration aurait une obligation de collaboration active avec l’administré en vue de clarifier les doutes, que toute ressource financière devrait être prise en compte par l’administration, y compris celle se trouvant à l’étranger et qu’il n’existerait pas de « présomption d’opération de blanchiment » du seul fait de l’existence de fonds sur un compte bancaire se trouvant en Chine, tel que c’était le cas dans l’affaire dont elle a eu à connaître. Il en conclut que lorsqu’un demandeur prouverait qu’il dispose de ressources financières suffisantes pour ne pas devenir une charge pour l’Etat luxembourgeois, il devrait se voir octroyer une autorisation de séjour pour raisons privées.

Il estime d’ailleurs que la véritable raison du refus d’octroyer une telle autorisation se trouverait dans le fait que l’administration ne souhaiterait plus accueillir « ce type » d’immigration, s’étant rendue compte qu’un nombre important de personnes serait susceptible de remplir les conditions prévues par l’article 78 (1) a) de la loi du 29 août 2008, ce qui se reflèterait à travers le projet de loi n° 7954 publié le 19 janvier 2022 visant à modifier ledit article en rendant plus restrictives les conditions d’octroi d’autorisations de séjour pour raisons privées, qui seraient désormais limitées aux personnes pouvant vivre de leurs ressources, à condition que celles-ci proviennent d’une activité professionnelle exercée dans un autre paysde l’Union européenne ou de l’espace Schengen ou si elles perçoivent une pension du Luxembourg ou de l’un de ces prédits pays. Ce projet de loi conforterait ainsi le fait que le ministre aurait procédé, par le biais de la décision litigieuse, à un détournement de pouvoir en la matière.

Pour appuyer ses dires selon lesquels l’administration refuserait de prendre en compte toutes les preuves de ressources « possibles et imaginables », le demandeur se réfère à d’autres affaires qui seraient pendantes devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne sa situation personnelle, il aurait remis (i) des documents sociaux qui prouveraient qu’il est actionnaire et gérant de la société …, (ii) des certificats et décomptes d’impôts qui démontreraient qu’il perçoit un revenu annuel de … PKR, équivalent à … EUR, (iii) des décomptes d’impôts qui prouveraient qu’il dispose d’une fortune totale nette évaluée à … PKR, équivalent à … EUR, de même que (iv) des décomptes d’impôts démontrant qu’il disposerait d’avoirs bancaires à hauteur de … PKR, équivalent à … EUR. Le demandeur en conclut qu’il aurait non seulement apporté la preuve qu’il percevrait un revenu supérieur au montant mensuel du salaire social minimum d’un travailleur non qualifié au Luxembourg, mais également celle qu’il disposerait de réserves conséquentes lui permettant largement de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Il conteste encore que ses ressources « ne seraient pas disponibles et immédiatement accessibles », rappelant que la Cour administrative, dans son arrêt du 16 décembre 2021, aurait retenu que le fait que le capital invoqué ne se trouverait pas sur un compte bancaire luxembourgeois, mais à l’étranger, ne saurait constituer un motif de rejet de la source de revenus en question. En outre, même à supposer que ses fonds se trouveraient actuellement bloqués, cette circonstance ne permettrait en tout état de cause pas à l’administration de refuser de tenir compte de telles ressources financières.

Enfin, en ce qui concerne le questionnement du ministre quant à la légitimité de la provenance des fonds dont il dispose et des standards pakistanais en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme, outre le caractère insultant envers le Pakistan et à son égard, ces allégations ministérielles seraient contestées et infondées alors qu’elles ne seraient basées sur aucun élément sérieux et ne sauraient servir de justification pour lui refuser une autorisation de séjour pour raisons privées.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour être non fondé.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant1, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.

Le tribunal relève ensuite que, dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge 1 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 21060 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 515 et autres références y citées.d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité2 appelant le juge administratif à opérer une balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but3.

En l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, qu’à travers la décision litigieuse, le ministre a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons privées à Monsieur … sur base de l’article 78 (1) a) de la loi du 29 août 2008, l’octroi de la même autorisation de séjour à son épouse et à ses trois enfants, ainsi que leur regroupement familial et il a constaté qu’ils ne rempliraient pas, en outre, les conditions pour l’obtention d’une autorisation de séjour sur base de l’article 38 de la même loi.

Dans ce contexte, dans la mesure où le demandeur n’a formulé aucun moyen par rapport à l’affirmation du ministre selon laquelle aucune condition lui permettant, ainsi qu’à son épouse et à ses trois enfants mineurs, de bénéficier d’une autorisation de séjour dont les catégories sont énumérées à l’article 38 de la loi du 29 août 2008 n’est remplie en l’espèce, ce volet de la décision n’a pas à être examiné par le tribunal.

Par ailleurs, si Monsieur … a initialement introduit, au nom et pour compte de son épouse et de ses trois enfants mineurs, une demande de regroupement familial sur base de l’article 69 (1) de la loi du 29 août 2008 et une demande d’autorisation de séjour pour raisons privées sur base de l’article 78 (1) b) de la même loi, force est de constater qu’aucun moyen n’a été développé en ce qui concerne ces deux dispositions.

En effet, il échet de relever, concernant le regroupement familial, qu’aucune mention n’en est faite dans le recours sous objet, de sorte que le tribunal est amené à retenir qu’il n’est pas saisi du volet de la décision ministérielle ayant trait à cette demande.

Quant à l’autorisation de séjour pour raisons privées introduite dans le chef de Madame … et des enfants …, … et …, force est de constater que seuls les éléments liés à la situation personnelle de Monsieur … sont fournis dans la requête introductive d’instance pour tenter de justifier qu’il remplirait les conditions de l’article 78 (1) a) de la loi du 29 août 2008 et qu’aucun argumentaire n’a été fourni concernant l’autorisation de séjour pour raisons privés pour son épouse et ses enfants. De ce fait, la simple mention à la première page de la requête introductive d’instance d’une demande qui a été introduite pour l’épouse et les trois enfants mineurs du demandeur sur base de l’article 78 (1) b) de la loi du 29 août 2008 n’est pas suffisante pour pouvoir être considérée comme étant un moyen en droit valablement soutenu, de sorte que, même à supposer que le recours puisse être considéré comme visant également le refus opposé à la demande d’autorisation de séjour pour raisons privées dans leur chef, il est, sur ce point, à rejeter pour être dénué de fondement, étant rappelé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

2 Cour adm., 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 55 et les autres références y citées.

3 Cour adm., 12 janvier 2021, n° 44684C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 31 et les autres références y citées.

En ce qui concerne, ensuite, l’argumentation du demandeur selon laquelle la décision litigieuse en ce qu’elle refuse de lui délivrer une autorisation de séjour serait à annuler pour détournement de pouvoir par le ministre qui refuserait d’octroyer systématiquement de telles autorisations, le tribunal est amené à constater que Monsieur … n’apporte aucun élément tangible à l’appui de son argumentaire. En effet, la simple référence à des dossiers dans lesquels le ministre aurait refusé d’octroyer une autorisation de séjour n’est pas suffisante pour permettre au tribunal de retenir que celui-ci n’aurait pas analysé de manière objective le présent dossier et qu’il se serait uniquement basé sur des éléments subjectifs pour refuser l’octroi de l’autorisation de séjour requise par le demandeur. Ces affirmations restant à l’état d’allégations, le moyen afférent encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Quant à l’article 78 de la loi du 29 août 2008, disposition qui serait, selon le demandeur, violée dans la décision litigieuse, celui-ci dispose que « (1) A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques et qu’ils disposent de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées :

a) au ressortissant de pays tiers qui rapporte la preuve qu’il peut vivre de ses seules ressources ;

b) aux membres de la famille visés à l’article 76 ;

c) au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas les conditions du regroupement familial, mais dont les liens personnels ou familiaux, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ;

d) au ressortissant de pays tiers qui fait valoir des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité.

(2) Les personnes visées au paragraphe (1) qui précède doivent justifier disposer de ressources suffisantes telles que définies par règlement grand-ducal ».

Il ressort de l’article précité qu’afin de pouvoir prétendre à une autorisation de séjour pour raisons privées, un demandeur doit tout d’abord remplir les conditions énumérées de manière générale aux premier et deuxième paragraphes de l’article 78 précité de la loi du 29 août 2008, c’est-à-dire (i) ne pas constituer de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, disposer de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, et (ii) disposer de ressources suffisantes.

Il y a tout d’abord lieu de constater qu’il n’est pas contesté que Monsieur … remplit la condition de ne pas constituer de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, ainsi que de disposer d’une assurance maladie, seules les conditions tenant à un logement approprié ainsi qu’à des ressources suffisantes étant litigieuses, en l’espèce, au vu des explications complémentaires fournies par la partie étatique dans son mémoire en réponse, étant précisé qu’il est de jurisprudence constante que l’administration peut utilement produire ou compléter les motifs postérieurement à la décision prise et même pour la première fois au cours de la phase contentieuse4.

Le tribunal relève, ensuite, que les conditions énumérées de manière générale à l’article 78 (1) et (2) de la loi du 29 août 2008 sont cumulatives, de sorte que le fait qu’une seule de ces 4 Cour adm., 20 décembre 2007, n° 22976C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse n° 92 et les autres références y citées.conditions n’est pas remplie est suffisante pour justifier un refus de l’autorisation de séjour y visée.

Or, en ce qui concerne plus particulièrement la condition ayant trait au logement approprié, le tribunal est amené à remarquer, à l’instar de la partie étatique, que le demandeur ne fournit aucun document à cet égard. Force est, en outre, de constater que si Monsieur … relève que cette condition doit être remplie, il ne prend position sur la question du logement approprié (i) ni dans le cadre de sa demande initiale datée du 1er février 2022 (ii) ni dans son recours gracieux daté du 24 mai 2022 (iii) ni dans la requête introductive d’instance (iv) ni dans le cadre d’un mémoire en réplique vis-à-vis des reproches émis à cet égard dans le mémoire en réponse du délégué du gouvernement.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’octroyer une autorisation de séjour pour raisons privées à Monsieur …, de sorte que le recours en annulation, en ce qui concerne le refus d’une autorisation de séjour pour raisons privées à son encontre, encourt le rejet pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, une telle analyse devenant surabondante au vu du caractère cumulatif des conditions visées à l’article 78 (1) de la loi du 29 août 2008.

Partant, au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.500 EUR telle que formulée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Quant à la demande de distraction des frais au profit du mandataire du demandeur, il convient de rappeler qu’il ne saurait être donné suite à la demande en distraction des frais posés par le mandataire d’une partie, pareille façon de procéder n’étant point prévue en matière de procédure contentieuse administrative5.

Enfin, la demande de Monsieur … tendant à voir ordonner l’exécution provisoire du présent jugement est également à rejeter, étant donné que le législateur n’a pas conféré au tribunal administratif le pouvoir d’ordonner l’exécution provisoire de ses jugements6.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.500 EUR telle que formulée par le demandeur ;

rejette la demande en distraction des frais formulée par le mandataire du demandeur ;

rejette la demande tendant à voir ordonner l’exécution provisoire du jugement ;

5 Trib. adm., 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 1289 et les autres références y citées.

6 Trib. adm., 12 mai 1998, n° 10266 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 18 décembre 2023 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 décembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47959
Date de la décision : 18/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-12-18;47959 ?

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