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12/04/2024 | LUXEMBOURG | N°50238

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 avril 2024, 50238


Tribunal administratif N° 50238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50238 5e chambre Inscrit le 25 mars 2024 Audience publique du 12 avril 2024 Recours formé par Monsieur …, …, en matière de protection internationale (art. 35 (4), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50238 du rôle et déposée le 25 mars 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Marlène AYBEK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né en …, à … (Syrie), de nationalité syrienne,

actuellement assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence de Kirchberg (S...

Tribunal administratif N° 50238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50238 5e chambre Inscrit le 25 mars 2024 Audience publique du 12 avril 2024 Recours formé par Monsieur …, …, en matière de protection internationale (art. 35 (4), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50238 du rôle et déposée le 25 mars 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Marlène AYBEK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né en …, à … (Syrie), de nationalité syrienne, actuellement assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence de Kirchberg (SHUK), sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, tendant, d’après son dispositif, à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 5 mars 2024 de le transférer vers l’Allemagne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marlène AYBEK et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 avril 2024.

___________________________________________________________________________

Le 22 septembre 2023, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-

après par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche effectuée dans la base de données EURODAC, que Monsieur … avait déposé une demande de protection internationale en Allemagne, le 15 septembre 2023.

Par un arrêté du 26 septembre 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile ordonna l’assignation à résidence de Monsieur … à la structure d’hébergement d’urgence Kirchberg (SHUK) à partir de la notification du prédit arrêté jusqu’au 22 décembre 2023.

1Le 28 septembre 2023, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III ».

En date du 23 octobre 2023, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités allemandes en vue de la reprise en charge de Monsieur … sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par ces dernières en date du 27 octobre 2023, en application du prédit article du règlement Dublin III.

Par un arrêté du 21 décembre 2023, le ministre des Affaires intérieures, désormais en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », prolongea la mesure d’assignation à résidence de Monsieur … jusqu’au 8 mars 2024.

Par décision du 5 mars 2024, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 6 mars 2024, le ministre informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas sa demande de protection internationale et qu’il sera transféré vers l’Allemagne, Etat membre responsable pour examiner sa demande de protection internationale, le ministre invoquant plus particulièrement les dispositions de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, cette décision étant libellée comme suit :

« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 22 septembre 2023 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 18(1)b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers l’Allemagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 22 septembre 2023 et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 28 septembre 2023.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 22 septembre 2023, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez introduit une demande de protection internationale en Allemagne en date du 15 septembre 2023.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, un entretien Dublin Ill a été mené en date du 28 septembre 2023.

2Sur cette base, une demande de reprise en charge en vertu de l'article 18(1)b du règlement DIII a été adressée aux autorités allemandes en date du 23 octobre 2023, demande qui fut acceptée par lesdites autorités allemandes en date du 27 octobre 2023.

Sur cette base, une demande de reprise en charge en vertu de l'article 18(1)d du règlement DIII a été adressée le 1er septembre 2023 aux autorités françaises, demande qui fut acceptée par lesdites autorités françaises en date du 18 septembre 2023.

2. Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette compétence revient à un autre Etat.

Dans le cadre d'une reprise en charge, et notamment conformément à l'article 18(1), point b) du règlement DIII, l'Etat responsable de l'examen d'une demande de protection internationale en vertu du règlement est tenu de reprendre en charge — dans les conditions prévues aux art. 23, 24, 25 et 29 — le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre.

Un Etat n'est pas autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE »).

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il ressort des résultats du 22 septembre 2023 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez introduit une demande de protection internationale en Allemagne en date du 15 septembre 2023.

Selon vos déclarations auprès de la police judiciaire, vous auriez quitté la Syrie il y a environ deux ans pour vous rendre en Turquie. Après un séjour d'environ deux ans, vous auriez quitté la Turquie afin de rejoindre le territoire grec. Vous auriez ensuite poursuivi votre voyage en direction de l'Allemagne en passant par la Macédoine du Nord, la Serbie, la Hongrie et la République tchèque. Vous déclarez ne pas avoir introduit de demande de protection internationale en Allemagne, et après environ deux semaines, vous auriez quitté l'Allemagne pour vous rendre au Luxembourg. Vous avez déclaré être arrivé au Luxembourg vers le 17 septembre 2023. Vous auriez passé 5 jours auprès de votre père au Luxembourg avant de vous 3présenter auprès des autorités luxembourgeoises compétentes afin d'introduire votre demande de protection internationale.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 28 septembre 2023, vous avez déclaré que vous auriez quitté votre pays d'origine en 2016 ou 2017 afin de vous rendre en Turquie. Selon vos déclarations, vous ne vous rappelez plus de votre chemin jusqu'en Allemagne, ni de la durée de séjour dans les pays que vous auriez traversés. Vous déclarez ne pas avoir introduit de demande de protection internationale en Allemagne et avoir poursuivi votre voyage vers le Luxembourg.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 28 septembre 2023, vous mentionnez avoir besoin d'une intervention chirurgicale en raison d'un abcès et de souffrir de douleurs dentaires.

Cependant, vous n'avez fourni aucun élément concret sur votre état de santé ou fait état d'autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Allemagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Monsieur, vous indiquez que vous avez quitté l'Allemagne afin de rejoindre votre père qui vit au Luxembourg et que vous préférez rester au Luxembourg.

Rappelons à cet égard que l'Allemagne est liée à la Charte UE, et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que l'Allemagne est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que l'Allemagne profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.

Par conséquent, l'Allemagne est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture. Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de I'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l'Allemagne sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

En l'occurrence, vous ne rapportez pas la preuve que votre demande de protection internationale n'aurait pas fait l'objet d'une analyse juste et équitable, ni que vous n'auriez pas les moyens de faire valoir vos droits, notamment devant les autorités judiciaires allemandes.

Vous n'avez fourni aucun élément susceptible de démontrer que l'Allemagne ne respecterait pas le principe de non-refoulement à votre égard et faillirait à ses obligations internationales en vous renvoyant dans un pays où votre vie, votre intégrité corporelle ou votre liberté seraient sérieusement menacées.

4Monsieur, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Allemagne revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv.

torture.

Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Notons dans ce contexte que bien qu'il soit compréhensible que vous voudriez rejoindre votre père qui réside ici au Luxembourg, il y a lieu de constater que vous êtes majeur d'âge et capable de vivre seul sans l'assistance d'un membre de famille. Ainsi, rien n'empêche votre transfert en Allemagne. Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l'exécution du transfert vers l'Allemagne, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers l'Allemagne, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s'avère nécessaire, la Direction générale de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers l'Allemagne en informant les autorités allemandes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités allemandes n'ont pas été constatées. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2024, inscrite sous le numéro 50238 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, d’après son dispositif auquel est seul tenu le tribunal, à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 5 mars 2024.

Les termes juridiques employés par un professionnel de la postulation étant a priori à appliquer à la lettre, ce plus précisément concernant la nature du recours introduit, ainsi que son objet, tel que circonscrits dans le dispositif de la requête introductive d’instance, il y a lieu de retenir, au vu de la demande y formulée tendant à voir annuler la décision ministérielle y 5visées, que le recours, en dépit de la possibilité plus large et plus favorable au demandeur d’un recours en réformation prévue par la loi, tend à la seule annulation des décisions y visées.

Or, si dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité.

Il s’ensuit qu’en l’espèce le recours en annulation tel qu’introduit n’est recevable que dans la limite des moyens de légalité invoqués.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours en annulation sous analyse.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a soulevé l’irrecevabilité ratione temporis du recours déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 mars 2024.

A l’audience publique des plaidoiries du 10 avril 2024, le litismandataire de Monsieur … a fait valoir que son mandant serait illettré et qu’il n’aurait reçu en mains propres, de la part des agents de la SHUK, le courrier contenant la décision déférée qu’en date du 11 mars 2024, tandis que le litismandataire lui-même aurait eu connaissance de la décision déférée en date du 8 mars 2024, de sorte qu’il conclut à la recevabilité ratione temporis du recours introduit le 25 mars 2024.

Le délégué du gouvernement a conclu au rejet de cet argumentaire du litismandataire de Monsieur …, en insistant sur le fait que la notification de la décision déférée au litismandataire aurait été valablement effectuée le 5 mars 2024 et au demandeur, le 7 mars 2024.

Le tribunal rappelle qu’aux termes de l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 : « Contre la décision de transfert visée à l’article 28, paragraphe (1), un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification (de la décision de transfert) », tandis qu’aux termes de l’article 12, paragraphe (3) de la même loi, « […] Le demandeur devra accepter de recevoir toute communication au lieu de sa résidence habituelle ou, le cas échéant, au domicile élu. Sans préjudice d’une notification à personne, toute notification est réputée valablement faite trois jours après l’envoi sous pli recommandé à la poste soit au lieu de la résidence habituelle soit au domicile élu. […] ».

Conformément à l’article 10, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », dans l’hypothèse où l’administré a désigné un mandataire, l’autorité adresse ses communications à celui-ci, mais doit, en outre, notifier la décision finale à la partie elle-même.

Par ailleurs, les dispositions des articles 12, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 et 10, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sont complémentaires et s’appliquent cumulativement.1 Le tribunal est amené à retenir en l’espèce que la notification de la décision ministérielle du 5 mars 2024 a été valablement faite à personne en date du 7 mars 2024, alors qu’il se dégage d’un relevé établi par l’entreprise des Postes et Télécommunications, intitulé « Track and Trace », figurant au dossier administratif, que le courrier recommandé portant notification de 1 Cour adm., 5 décembre 2013, n° 33029C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 74 et les autres références y citées.

6la décision litigieuse – adressé à la SHUK, où le demandeur a été assigné à résidence en vertu d’un arrêté ministériel du 21 décembre 2023 – a été expédié par la poste en date du 6 mars 2024 et que l’envoi a effectivement été remis à l’intéressé le 7 mars 2024, ledit relevé « Track and Trace » ne faisant en outre pas état d’un quelconque obstacle rencontré à cette dernière date par l’agent des postes pour la remise du courrier recommandé, mais indiquant, au contraire, que ledit courrier a fait l’objet d’un « […] Final delivery […] », l’affirmation du demandeur selon laquelle il n’aurait reçu le courrier litigieux de la part des agents de la SHUK qu’en date du 11 mars 2024 restant, par ailleurs, à l’état de pures allégations.

Dès lors, au vu de cette mention et à défaut d’un quelconque élément de preuve contraire, il est établi à suffisance de droit que le courrier litigieux a été remis au demandeur en date du 7 mars 2024, de sorte que – tel que retenu ci-avant – la notification litigieuse a été valablement accomplie à cette même date.

Le tribunal constate ensuite qu’il ressort du dossier administratif que le litismandataire du demandeur s’est vu expédier le courriel électronique contenant, en annexe, la décision litigieuse en date du 5 mars 2024 – fait finalement non contesté à l’audience des plaidoiries – de sorte qu’à l’égard dudit litismandataire, la notification de la décision déférée a été valablement accomplie à cette dernière date.

Etant donné que les règles édictées respectivement par l’article 12, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 et l’article 10, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne sont, tel que relevé ci-avant, pas exclusives l’une de l’autre, mais complémentaires et s’appliquent cumulativement, le délai du recours de 15 jours prévu par l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 commence à courir à partir de la date la plus récente de notification, en présence d’une décision notifiée tant à l’administré qu’à son mandataire désigné, telle que la décision déférée.

Selon l’article 3, paragraphe (1) de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle, le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, les délais exprimés en jours, semaines, mois ou années courent à partir du dies a quo, minuit, jusqu’au dies ad quem, minuit, les termes dies a quo désignant le jour à partir duquel le délai commence à courir et les termes dies ad quem désignant le jour où le délai expire.

Dès lors, et dans la mesure où, en l’espèce, la notification la plus récente a eu lieu le 7 mars 2024, ainsi que cela se dégage des considérations qui précèdent, le délai de recours contentieux de 15 jours à compter de la notification, tel que prévu par l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, a commencé à courir le 7 mars 2024, à minuit, pour expirer le vendredi 22 mars 2024, à minuit.

Il s’ensuit que le recours sous examen, introduit le lundi 25 mars 2024, soit après l’expiration du délai susmentionné, est à déclarer irrecevable pour cause de tardiveté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevable le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 5 mars 2024 portant le transfert du demandeur vers l’Allemagne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

7Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 avril 2024 par :

Laura Urbany, premier juge, Michel Thai, juge, Anna Chebotaryova, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 avril 2024 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 50238
Date de la décision : 12/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-04-12;50238 ?

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