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17/04/2024 | LUXEMBOURG | N°50316

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 avril 2024, 50316


Tribunal administratif N° 50316 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50316 5e chambre Inscrit le 11 avril 2024 Audience publique du 17 avril 2024 Recours formé par Monsieur …, connus sous différents alias, Findel contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50316 du rôle et déposée le 11 avril 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avoca

ts à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Maroc), de nationalité maroc...

Tribunal administratif N° 50316 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50316 5e chambre Inscrit le 11 avril 2024 Audience publique du 17 avril 2024 Recours formé par Monsieur …, connus sous différents alias, Findel contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50316 du rôle et déposée le 11 avril 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement placé au Centre de rétention de Luxembourg, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 20 mars 2024 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en sa plaidoirie à l’audience publique du 17 avril 2024, Maître Naïma EL HANDOUZ s’étant excusée.

Après avoir été transféré à trois reprises à savoir le 24 avril 2018, 9 décembre 2019 et 30 avril 2021 du Luxembourg vers l’Italie sur base des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, désigné ci-après par « le règlement Dublin III », Monsieur … fut de nouveau interpellé par la police grand-ducale sur le territoire luxembourgeois en date du 27 octobre 2021.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale du 30 décembre 2021 que Monsieur … était connu sous différents alias par les services suisses et allemands pour violation de différentes lois. Le même rapport renseigne que Monsieur … était connu par les services italiens et qu’il ne se dénommait probablement pas … dans la mesure où il était connu par les autorités de son présumé pays d’origine, à savoir le Maroc, sous le nom de …, né en … au Maroc.

Par un jugement d’une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg rendu le 27 octobre 2022, inscrit sous le numéro 31337/21/CD, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois prenant fin le 20 avril 2023 du chefd’infraction à la législation sur les stupéfiants, de blanchiment, de détention, de menace d’attentat et d’outrage envers officier ministériel. Par un jugement d’une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg rendu le 28 janvier 2021, inscrit sous le numéro 25223/20/CD, Monsieur … fut encore condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois du chef d’infraction à la loi sur les stupéfiants. Il ressort d’un acte d’écrou du Centre pénitentiaire de Luxembourg que la fin de la peine d’emprisonnement fut fixée au 21 décembre 2023.

Par arrêté du 19 décembre 2023, notifié à l’intéressé le 21 décembre 2023, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de le quitter sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Par arrêté ministériel séparé du même jour, notifié à l’intéressé également le 21 décembre 2023, le ministre ordonna son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125, (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 19 décembre 2023, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé :

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par des arrêtés des 18 janvier et 20 février 2024, notifiés à l’intéressé le 19 janvier, respectivement le 21 février 2024, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur …, chaque fois, pour une durée d’un mois.

Par arrêt du 20 mars 2024, notifié à l’intéressé le 21 mars 2024, le ministre prorogea encore le placement en rétention de Monsieur … pour la durée d’un mois à compter de la notification dudit arrêté, lequel est fondé sur les considérations suivantes :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 19 décembre 2023, 18 janvier 2024 et 20 février 2024, notifiés le 21 décembre 2023, le 19 janvier 2024 avec effet au 21 janvier 2024 et le 21 février 2024, 2 décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 19 décembre 2023 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l'intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 20 mars 2024.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tels qu’exposés ci-dessus.

En droit, et après avoir cité l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », le demandeur fait valoir que le placement en rétention devrait être considéré comme dernière solution, alors que celui-ci porterait atteinte à la liberté de mouvement. Il reproche à l’arrêté ministériel de ne pas être motivé à suffisance, respectivement de contenir une motivation stéréotypée, non individualisée ne documentant pas les diligences déjà entreprises par les autorités ministérielles.

Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, partant à une mesure privative de liberté, devrait rester exceptionnelle.

Il en déduit, en substance, que le ministre aurait dû recourir à une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg (« SHUK »).

Le demandeur reproche encore un manque de diligences au ministre. Il serait, ainsi, manifeste, en cause que le ministre n’aurait pas renseigné quelles démarches auraient été entreprises afin de permettre son éloignement du demandeur.

Le demandeur estime encore que le dispositif d’éloignement n’aurait aucune chance d’aboutir puisque le ministre se contenterait d’envoyer des rappels aux autorités consulaires.

Enfin, le demandeur conteste constituer une menace pour l’ordre public au sens de l’article 101, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, ainsi qu’au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, désignée ci-après par « la CJUE ».

En tout dernier lieu, le demandeur signale avoir subi un accident de travail le 20 août 2023 au Centre pénitentiaire et de n’avoir été, malgré ses douleurs été examiné par un médecin que 10 jours après l’accident. Le demandeur explique ainsi vouloir introduire « une action en responsabilité pour les fautes commises à son égard » à l’encontre du Centre pénitentiaire. Il ajoute souffrir d’une autre blessure à la main ainsi que d’une hernie para et sus ombilicale.

Le demandeur reproche encore aux services ministériels d’avoir adressé un message électronique à son litismandataire duquel il ressortirait qu’à la sortie de prison il serait logé dans un foyer d’hébergement alors qu’en réalité il aurait été transféré au Centre de rétention.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Il échet tout d’abord de préciser qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté ministériel déféré, et plus particulièrement, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation dudit arrêté, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision –, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

Au-delà de cette considération, il convient d’ajouter qu’en tout état de cause l’arrêté litigieux est motivé à suffisance tant en fait qu’en droit par le renvoi aux articles 111 et 120 à 123 de la loi du 29 août 2008, ainsi que par le renvoi à l’arrêté ministériel initial du 19 décembre 2023 ayant prononcé le placement de l’intéressé au Centre de rétention en raison du défaut de passeport en cours de validité, d’un visa en cours de validité ou d’une autorisation de séjour valable, ainsi qu’en raison du fait qu’il constitue une menace pour l’ordre public, de même que par l’indication selon laquelle les démarches entreprises en vue de l’éloignement de l’intéressé n'avaient pas encore abouti.

Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au fond, il échet de rappeler que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en 4 rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.

C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, force est de relever qu’il n’est pas contesté en cause pour encore résulter du dossier administratif, que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, dans la mesure où une décision de retour a été prise à son encontre le 19 décembre 2023 sur base du constat qu’il ne dispose ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisationde séjour valable pour une durée supérieure à trois mois. En conséquence, le risque de fuite est présumé dans le chef du demandeur en vertu de l’article de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef d’un ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] ».

Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement et ce même indépendamment de la question de la régularité de l’affirmation selon laquelle le demandeur constitue une menace pour l’ordre public. Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef, ce qu’il est toutefois resté en défaut de faire.

S’agissant de l’argumentation de Monsieur … selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder 6 en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-

avant. Il n’est, en effet, pas contesté qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y serait pas concevable.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Pour autant que le demandeur a entendu soulever une violation de l’article 5 de la CEDH par sa référence au droit à la liberté consacré par ledit article, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté.

Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de 1 Trib. adm. 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort en effet du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH, que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH.

Il s’ensuit que les développements du demandeur relatifs à une violation de l’article 5 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.

En ce qui concerne les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, il convient de prime abord de préciser qu’à travers le recours sous examen, le tribunal n’est saisi que de la décision du ministre ayant prorogé pour la troisième fois la mesure de placement au Centre de rétention de Monsieur …, de sorte qu’il ne lui appartient que d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.

Les dernières démarches effectuées s’inscrivent toutefois dans la suite de celles réalisées préalablement, de sorte qu’il convient de préciser à cet égard qu’il ressort du dossier administratif et plus particulièrement du rapport précité de la police grand-ducale du 30 décembre 2021 qu’à cette époque l’identité du demandeur avait d’ores et déjà pu être établie grâce à un contrôle de ses empreintes digitales effectué via EUROPOL suite à une demande formulée par INTERPOL. Il ressort encore du dossier administratif que, préalablement à la prise de l’arrêté ministériel déféré portant une troisième fois prorogation de la mesure de placement en rétention, le ministre a contacté en date du 21 décembre 2023, soit au jour même de la sortie du demandeur du Centre pénitentiaire, le Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège en vue de la délivrance d'un laissez-passer en faveur du demandeur. Par courriers électroniques des 11 et 25 janvier 2024 les services ministériels ont adressé un rappel aux autorités consulaires marocaines, lesquelles ont répondu par courrier du 29 janvier 2024 avoir reçu le dossier de Monsieur … et ne pas manquer de tenir les autorités luxembourgeoises informées des suites du dossier. Par courrier du 6 février 2024, le Consulat Général du Royaume du Maroc informa les agents ministériels que Monsieur … avait pu être formellement identifié, de sorte qu’elles étaient disposées à délivrer en temps opportun un laissez-passer si toutes les conditions nécessaires étaient remplies. A cet égard elles ont sollicité la communication de diverses informations relatives à la situation de demandeur.

Il ressort ensuite du dossier administratif que par courrier électronique du 13 février 2024 les services ministériels ont de nouveau adressé un rappel relatif à leur demande 2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 812 et les autres références y citéesd’identification aux autorités marocaines, lesquelles ont répondu par courrier du même jour qu’elles avaient d’ores-et-déjà informé le ministre que l’intéressé avait pu être identifié. Par le même courrier, elles ont réitéré leur demande de renseignement relative à la situation de l’intéressé. Par courrier du 14 février 2024, les autorités luxembourgeoises ont fourni différentes informations aux autorités marocaines relatives aux condamnations pénales encourues par l’intéressé, ainsi que quant à sa situation familiale et juridique au Luxembourg, tout en réitérant la demande de délivrance d’un laissez-passer au nom du demandeur.

Par deux courriers électroniques des 26 février et 8 mars 2024, les autorités ministérielles ont envoyé des rappels aux autorités consulaires marocaines au sujet de la délivrance d'un laissez-passer en faveur du demandeur. Par deux courriers électroniques du 14 mars 2024, le Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège a transmis aux autorités ministérielles deux courriers rédigés les 20 février et 11 mars 2024 par lesquels il a, d’une part, demandé aux autorités ministérielles de bien vouloir lui communiquer un complément d'informations et de détails au sujet des infractions commises par l'intéressé concernant plus particulièrement l’infraction de menace d’attentat et, d’autre part, indiqué aux autorités ministérielles avoir déjà sollicité un complément d’informations par courrier du 20 février 2024. Le ministre a fourni par courrier du même 14 mars 2024 aux autorités consulaires différentes informations relatives au demandeur en précisant plus particulièrement que ce dernier avait une « attitude agressive et peu coopérative lors de son interpellation en date du 27 octobre 2021 » et qu’il avait commis « un outrage envers des officiers ministériels et proféré des menaces en tous genres comme celui d’un attentat ».

En ce qui concerne les démarches entreprises par les autorités ministérielles depuis la prise de l’arrêté ministériel déféré portant une troisième fois prorogation de la mesure de placement au Centre de rétention, il convient de constater que les autorités ministérielles ont rappelé leur demande de délivrance d’un laissez-passer par deux courriers des 22 mars et 5 avril 2024 aux autorités consulaires marocaines.

Au vu des démarches ainsi entreprises par les autorités ministérielles lesquelles s’inscrivent, tel que le tribunal vient de le préciser, dans la suite de celles effectuées préalablement, le tribunal est amené à conclure que les diligences déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, à ce stade de l’avancement du dossier, comme étant suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

Contrairement aux affirmations du demandeur, relatives à l’impossibilité de l’exécution de son éloignement, il convient, en l’état actuel du dossier, de retenir qu’à ce jour, l’éloignement de l’intéressé demeure une perspective raisonnable notamment au vu de l’existence d’un échange de communications au sujet de l’intéressé entre les autorités luxembourgeoises et marocaines et au vu de l’identification formelle de l’intéressé par les autorités marocaines. Il n’existe dès lors à l’heure actuelle pas d’élément permettant de conclure que les autorités marocaines ne collaboreraient pas avec les autorités luxembourgeoises et que l’éloignement de l’intéressé ne puisse pas être mené à bien.

Enfin, le délégué du gouvernement affirme à juste titre que les explications du demandeur relatives à son accident de travail subi au Centre pénitentiaire et son intention d’engager la responsabilité de l’Etat du chef de cet accident sont étrangères à l’objet du recours sous examen lequel est limité à l’analyse de la légalité de la décision de prorogation de lamesure de placement au Centre de rétention. Les développements afférents du demandeur sont donc à rejeter dans leur intégralité pour ne pas être pertinents en l’espèce.

Il en va de même des explications du demandeur selon lesquels il ressortirait d’un courrier d’un agent ministériel que les autorités ministérielles n’auraient initialement pas eu l’intention de le placer au Centre de rétention, mais plutôt dans un foyer d’hébergement. En effet, même à admettre que tel était le cas et que le ministre se soit par la suite ravisé et ait placé le demandeur au Centre de rétention, un tel procédé n’affecte pas la légalité avérée de la décision déférée sur le fondement de la loi du 29 août 2008, de sorte que l’argumentation afférente est à son tour à rejeter pour ne pas être fondée.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de prorogation de placement en rétention litigieuse n’est pas disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 avril 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, juge, Nicolas GRIEHSER SCHWETZSTEIN, attaché de justice délégué;

en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 avril 2024 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 50316
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-04-17;50316 ?

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