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30/06/1959 | MAROC | N°C248

Maroc | Maroc, Cour suprême, 30 juin 1959, C248


Texte (pseudonymisé)
248-58/59 30 juin 1959 2064
Ah Ae c/ Bark ben Saïd
Pourvoi contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 19 avril 1958
(Extrait)
La Cour,
......................................
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES DEUXIEME ET TROISIEME BRANCHES:
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations tant de l'arrêt attaqué que
du jugement dont la Cour d'appel a adopté les motifs non contraires, qu'en 1948 M'Barak ben Saîd a, par l'intermédiaire de Aa qui lui a délivré sous sa signature deux quittances d'acomptes à concurrence de 150010 francs et

50500 francs, acquis plusieurs parcelles de terrain comprises dans un lotissement en...

248-58/59 30 juin 1959 2064
Ah Ae c/ Bark ben Saïd
Pourvoi contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 19 avril 1958
(Extrait)
La Cour,
......................................
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES DEUXIEME ET TROISIEME BRANCHES:
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations tant de l'arrêt attaqué que
du jugement dont la Cour d'appel a adopté les motifs non contraires, qu'en 1948 M'Barak ben Saîd a, par l'intermédiaire de Aa qui lui a délivré sous sa signature deux quittances d'acomptes à concurrence de 150010 francs et 50500 francs, acquis plusieurs parcelles de terrain comprises dans un lotissement en voie de création, dit «Ad C» dont Ah était propriétaire ; que l'autorisation de bâtir sur le lotissement de «Ad C» n'ayant pas été accordée en définitive par la Ville de Casablanca, M'Barak ben Saîd et Aa ont échangé, à la date du 15 février 1950, les quittances susvisées contre une nouvelle quittance de 205000 francs ayant trait à l'acquisition de lots dépendant d'un terrain dit «Derb El Kheir» dont Ah devait par la suite devenir propriétaire ; que M'Barak ben Saïd ayant en raison des difficultés survenues entre Ah et lui, saisi le tribunal de Casablanca aux flns d'inscription forcée au registre foncier de la vente des terrains d' «El Kheir», Ah lui a opposé qu'il n'avait pas donné pouvoir à Aa en vue de la cession de ces terrains ; que la prétention de Ah a été écartée par le tribunal, puis par la Cour d'appel ;
Attendu que le pourvoi soutient que les juges du fond ont à tort admis, en violation des dispositions du dahir du 12 août 1913 et du dahir formant Code des obligations et contrats, que Aa avait en la circonstance la qualité fondé de pouvoirs de Ah, alors qu'en cas de vente immobilière seul le mandat spécial est de nature à conférer cette qualité ;
Mais attendu, d'une part, que, la contestation portant sur l'existence d'un mandat, les dispositions du dahir du 12 août 1913 relatives aux demandes d'inscriptions de droits réels sur les registres fonciers ne sauraient trouver application en l'espèce ; que d'autre part, la Cour d'appel a souverainement constaté qu'il était établi que Ah avait encaissé le montant des sommes perçues par Aa lors de la vente des terrains de Debaîdah I, qu'il s'est considéré comme engagé par cette vente puisqu'à la suite du refus de l'autorisation de bâtir sur le lotissement de Ad C, il a convoqué au domicile de Aa les acquéreurs de lots dépendant dudit lotissement pour leur offrir soit le remboursement des acomptes qu'ils avaient payés, soit le choix par priorité de terrains du lotissement d'El Kheir ; qu'elle a pu en déduire que Aa avait reçu de Ah pouvoir en vue de la vente de lots de Ad C et qu'en conséquence M'Barak ben Saîd était fondé à croire que Aa avait qualité pour céder aussi bien des lots d'El Kheir que ceux de Ad C et procéder à l'échange des quittances susvisées, en considérant à cet effet que, faute d'avoir en temps utile averti les tiers qu'il entend limiter l'étendue des pouvoirs antérieurement conférés à son mandataire, le mandant dont la responsabilité est ainsi engagée, est tenu envers eux, du fait qu'ils ont été trompés par l'apparence, des mêmes obligations que celles qui lui incomberaient en vertu d'un mandat réel.
D'où il suit qu'en déclarant que Aa avait un mandat de Ah en vue de vendre les terrains litigieux, l'arrêt attaqué qui est motivé et non entaché de dénaturation, n'a violé aucun des textes invoqués au moyen ;
.........................................
Président: M Denoits-Rapporteur: M Hauw-Avocat général: M XA B Ag, Achour.
Observations
Le mandant n'est tenu des engagements contractés en son nom par son mandataire que dans
la limite des pouvoirs qu'il a conférés à ce dernier. A ce principe le C obl Contr apporte cinq exceptions: quatre sont à l'art 927 et une à l'art 926, al. 2, aux termes duquel «les réserves et les traités secrets passés entre le mandant et le mandataire, et qui ne résultent pas du mandat lui- même, ne peuvent être opposés aux tiers si on ne prouve qu'ils en ont eu connaissance au moment du contrat». Dans ce cas le mandant est tenu à l'égard des tiers non en vertu d'un mandat réel mais en vertu d'unmandat apparent. Selon la jurisprudence, et l'arrêt rapporté en est un exemple, un tel mandat n'existe pas seulement dans l'hypothèse de conventions occultes entre le mandant et son mandataire, il produit également effet dans tous les cas où le tiers contractant, méconnaissant l'étendue ou la durée exactes des pouvoirs du mandataire, a pu légitimement croire que celui-ci agissait dans leur limite.
On donne généralement à cette obligation du mandant un fondement quasi-délictuel: elle serait la sanction de la faute qu'il a commise en ne prenant pas les mesures nécessaires pour éviter aux tiers d'être trompés par une apparence de mandat qu'il a lui même créée (VRép civ, V° Mandat, n 349 et s) ; telle est bien la thèse de la Cour suprême qui approuve la Cour d'appel d'avoir fondé sa décision sur la faute du mandant et sur la responsabilité qui en découle. Cependant la Cour de cassation française a abandonné récemment ce fondement quasi-délictuel en décidant que le mandant peut être engagé «même en l'absence de faute susceptible de lui être reprochée, si les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs du mandataire» (Ass plén 13 déc 1962, B 2, D 1963277, note Ac Af Ab ; Civ 14 janv 1965, D 1965218 Civ I, 16 juil 1965, B 474) l'obligation du mandant apparaît alors fondée sur le risque et elle entre en jeu lorsque les trois conditions suivantes sont établies: une réalité cachée, une apparence contraire, et enfin l'erreur commise par le tiers, ce dernier élément psychologique étant présumé sauf preuve contraire, dès lors que les deux premiers sont réunis ; telles sont bien d'ailleurs les règles prévues dans le cas particulier expressément Visé à l'alinéa 2 ci dessus reproduit de l'art 926 C obl Contr.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C248
Date de la décision : 30/06/1959
Chambre civile

Analyses

MANDAT-Mandat apparent.

Le mandant qui a négligé d'avertir en temps utile les tiers des limites qu'il entendait apporter à l'étendue des pouvoirs antérieurement conférés a son mandataire est tenu envers ces tiers, ainsi trompés par l'apparence des mêmes obligations que celles-qui lui incomberaient en vertu d'un mandat réel.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1959-06-30;c248 ?
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