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24/03/2016 | MONACO | N°14781

Monaco | Cour de révision, 24 mars 2016, M. C. BO. c/ la SAM BANQUE EUROPEENNE DU CRÉDIT MUTUEL MONACO


Motifs

Pourvoi N° 2015-36 en session

Civile

COUR DE REVISION

ARRET DU 24 MARS 2016

En la cause de :

- Monsieur Christian BOISSON, expert-comptable de nationalité monégasque, demeurant 13, avenue des Castelans à Monaco, es-qualités de Syndic de la cessation des paiements de Monsieur gé. GI., exerçant le commerce sous la dénomination « MONABAT », désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de première Instance du 23 novembre 2006,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cou

r d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDEUR EN REVISION,

d'une part,

Contre :

...

Motifs

Pourvoi N° 2015-36 en session

Civile

COUR DE REVISION

ARRET DU 24 MARS 2016

En la cause de :

- Monsieur Christian BOISSON, expert-comptable de nationalité monégasque, demeurant 13, avenue des Castelans à Monaco, es-qualités de Syndic de la cessation des paiements de Monsieur gé. GI., exerçant le commerce sous la dénomination « MONABAT », désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de première Instance du 23 novembre 2006,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDEUR EN REVISION,

d'une part,

Contre :

- La SAM BANQUE EUROPEENNE DU CREDIT MUTUEL MONACO, société anonyme monégasque au capital de 10.000.000 d'euros, ayant son siège 8, rue Grimaldi à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président Délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

En présence de :

- La CAISSE MEDITERRANEENNE DE FINANCEMENT - CAMEFI, société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité limitée, dont le siège est sis 10 place de la Joliette à Marseille (13002), immatriculée au RCS de Marseille sous le n° D 341 840 304, représentée par le Président du Directoire en exercice, Monsieur Pierre FI., domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant toutes deux élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEFENDERESSES EN REVISION,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 10 mars 2015 par la Cour d'appel, signifié le 2 avril 2015 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 4 mai 2015, par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de M. Christian BOISSON, es-qualités de Syndic de la cessation des paiements de Monsieur gé. GI., exerçant le commerce sous la dénomination « MONABAT » ;

- le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n° 45719, en date du 4 mai 2015, attestant du dépôt par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom du demandeur, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- la requête déposée le 3 juin 2015 au greffe général, par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur Christian BOISSON, es-qualités de Syndic de la cessation des paiements de Monsieur gé. GI., exerçant le commerce sous la dénomination « MONABAT », signifiée le même ;

- la contre-requête déposée le 2 juillet 2015 au greffe général, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM BANQUE EUROPEENNE DU CREDIT MUTUEL MONACO et de la CAISSE MEDITERRANEENNE DE FINANCEMENT - CAMEFI, signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 6 juillet 2015 ;

- le certificat de clôture établi le 23 juillet 2015, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 15 mars 2015 sur le rapport de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Vice-Président,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. gé. GI. qui exerçait depuis 1995 un commerce en nom propre d'activité générale de bâtiment sous l'enseigne MONABAT, a obtenu le 19 janvier 2005, de la CAISSE MÉDITERRANÉENNE DE FINANCEMENT(CAMEFI) un prêt dit « crédit de restructuration » d'un montant de 350.000 euros d'une durée de 12 ans au taux effectif global de 5,486% et le 30 mars 2005, un prêt dit de « facilité de caisse destiné aux besoins courants de son activité », d'un montant de 90.000 euros, au taux de 8,60% ; qu'à la suite du dépôt de bilan intervenu le 30 octobre 2006, le tribunal de première instance a constaté par jugement du 23 novembre 2006 la cessation des paiements de M. GI., fixant la date de celle-ci au 1er octobre 2006 ; que par jugement du 4 octobre 2007, la date de cessation des paiements a été avancée au 1er juillet 2004 et que par jugement du 17 juin 2010, la liquidation des biens de M. GI. a été prononcée ; que le 15 juillet 2010, M. c. BO., agissant es-qualité de syndic de la procédure collective de M. GI., a fait assigner la CAMEFI devant le tribunal de première instance, sollicitant sa condamnation pour avoir abusivement soutenu le crédit de M. GI. ; que par jugement du 24 octobre 2013, le tribunal, après avoir reçu la SAM BANQUE EUROPEENNE DE CRÉDIT MUTUEL MONACO en son intervention volontaire et dit qu'elle venait valablement aux droits de la CAMEFI, l'a condamnée à réparer entièrement le préjudice collectif causé à la masse des créanciers de M. GI. par le soutien abusif accordé ; que ce jugement ayant été infirmé pour partie par arrêt de la cour d'appel du 10 mars 2015, M. Christian BOISSON, es-qualité, s'est pourvu en révision ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches

Attendu que M. c. BO., es-qualité, fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de le débouter, es-qualité de syndic à la cessation des paiements de M. GI., de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la SAM BANQUE EUROPÉENNE DU CRÉDIT MUTUEL DE MONACO, alors, selon le moyen, d'une part, « qu'engage sa responsabilité à l'égard d'une entreprise la banque qui, ou bien apporte un soutien artificiel à une entreprise dont elle connaissait ou devait connaître la situation irrémédiablement compromise, ou bien pratique une politique de crédit ruineux pour l'entreprise devant nécessairement provoquer une croissance continue et insurmontable de ses charges financières, les deux conditions étant alternatives et non cumulatives ; qu'en se bornant à relever, pour débouter M. BO. agissant es-qualité, de l'action en responsabilité diligentée à l'encontre de la banque que la preuve de la situation irrémédiablement compromise n'était pas rapportée, quand il lui appartenait également de rechercher si la banque n'avait pas pratiqué une politique de crédit ruineux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 451-3 du Code de commerce et 1229 du Code civil » ; alors, d'autre part, « qu'engage sa responsabilité à l'égard d'une entreprise la banque qui consent de nouveaux crédits à une entreprise qu'elle sait être en difficulté dans l'unique dessein de se faire consentir des sûretés ; que M. BO. es-qualité soulignait que la volonté de la CAMEFI avait été de multiplier les sûretés lui assurant le recouvrement des prêts consentis à M. GI., auxquels celui-ci ne pouvait de toute évidence pas faire face eu égard à la situation obérée de son entreprise ; qu'en déboutant M. BOISSON sans même rechercher si, ce faisant, la banque n'avait pas commis une faute engageant sa responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 451-3 du Code de commerce et 1229 du Code civil » ;

Mais attendu que l'arrêt retient que Mme FU., expert-comptable, commissaire aux comptes, avait établi le 24 février 2005 un audit de l'entreprise pour notamment en évaluer la viabilité, que ce rapport était concomitant avec les crédits litigieux et qu'elle avait pris en considération dans son analyse l'emprunt de 350.000 euros ainsi que les éléments chiffrés résultant des bilans sur lesquels s'appuie M. BO. ; qu'il relève qu'après avoir déterminé un plan de remboursement des créanciers, l'expert a conclu que : « dans l'hypothèse la plus favorable, l'entreprise MONABAT est en mesure de rembourser tous ses créanciers en 6 années (de 2005 à 2010 inclus), de notre point de vue, l'entreprise est parfaitement viable et peut rembourser sa dette si on lui en laisse le temps », ajoutant que la seule réserve émise sur la fragilité de la situation de l'entreprise était impropre à mettre en évidence l'existence d'une situation irrémédiablement compromise, c'est-à-dire sans issue et que faute de démontrer la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise MONABAT au moment de l'octroi des deux crédits, M. BO., es-qualité, ne pouvait qu'être débouté de ses demandes à l'égard de la banque ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée sur le caractère ruineux du crédit, de même que sur les conditions d'octroi de sûretés, a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt de débouter M. BO., es-qualité, de ses demandes alors, selon le moyen, de première part, que les juges du fond ne peuvent dénaturer le sens des écrits lorsqu'ils sont clairs et précis ; qu'en retenant que le rapport de Mme FU. a pris en considération dans son analyse l'emprunt de 350.000 euros consenti par la CAMEFI pour débouter M .BO., es- qualité de ses demandes, quand il ressort clairement du rapport que ce prêt n'a pas été pris en considération puisqu'il apparaît comme « reste dû » au terme de l'échéancier établi par l'expert, la cour d'appel a dénaturé ce rapport et ainsi violé l'article 989 du Code civil ; alors, de deuxième part, que les juges du fond ne peuvent dénaturer le sens des écrits lorsqu'ils sont clairs et précis ; qu'à l'appui de sa demande tendant à voir condamner la banque pour soutien abusif de l'entreprise MONABAT, M.BOISSON agissant es-qualité, lui reprochait d'avoir consenti à l'entreprise non seulement un prêt de 350.000 euros mais également une autorisation de découvert de 90.000 euros ; que cette autorisation de découvert qui a contribué à l'endettement excessif de M. GI. n'a pas été pris en compte par Mme FU. dans son rapport ; qu'en déboutant néanmoins M. BO., es-qualité, de ses demandes aux motifs que l'expert qui avait eu connaissance des prêts ne considérait pas que l'entreprise n'avait pu poursuivre son activité que grâce aux concours de la banque, la cour d'appel a méconnu les termes pourtant clairs de son rapport qu'elle a dénaturé en violation de l'article 989 du Code civil ; et alors enfin que les jugements et arrêts doivent, à peine de nullité, être motivés ; que les juges du fond doivent répondre aux conclusions dont ils sont saisis ; que M. BO. es-qualité soutenait, à l'appui de ses demandes tendant à voir condamner la banque pour soutien abusif que le rapport de Mme FU. qui indique que c'est le découvert excessif consenti par la CAMEFI qui a contraint M. GI. à négocier un prêt de restructuration et à accepter la prise de sûretés sur ses biens, établissait ainsi la responsabilité de la banque à l'origine de l'endettement excessif de l'entreprise et de son incapacité à faire face à ses échéances sans s'endetter à nouveau ; que ces constatations de l'expert caractérisaient en effet les fautes de la banque au sens de l'article 1229 du Code civil; qu'en déboutant M. BO. es-qualité de ses demandes sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 199 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que, hors toute dénaturation des termes clairs et précis du rapport d'expertise de Mme FU. dont elle a souverainement apprécié la valeur et la portée, la cour d'appel, par décision motivée, a estimé que l'expert avait déterminé un plan de remboursement des créanciers et avait bien eu connaissance des prêts consentis par la banque à l'entreprise MONABAT ; que l'arrêt n'encourt donc pas les griefs du moyen ;

Sur la demande de dommages et intérêts de la SAM Banque européenne du Crédit Mutuel Monaco et de la Caisse méditerranéenne de financement

Attendu que la SAM BANQUE EUROPEENNE DU CRÉDIT MUTUEL MONACO et la CAMEFI

demandent que M. BOISSON, es-qualité, soit condamné à leur payer respectivement la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts en application des articles 459-4, alinéa 2 du Code de procédure civile et 1229 du Code civil ;

Mais attendu que le caractère abusif du pourvoi en révision de M. BO. es-qualité n'est pas établi et qu'au vu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu à condamnation de ce chef ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Rejette la demande de dommages et intérêts de la SAM BANQUE EUROPÉENNE DE CRÉDIT MUTUEL MONACO ET DE LA CAMEFI,

Ordonne la restitution de la somme consignée par M.BO. au titre de l'article 443 du Code de procédure civile, abrogé par la loi n 1.421 du 1er décembre 2015 ;

Condamne M. c. BO., es-qualité aux dépens dont distraction au profit de Maître Alexis MARQUET sous sa due-affirmation.

Composition

Ainsi jugé et prononcé le vingt-quatre mars deux mille seize, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Présidente, rapporteur, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Messieurs François-Xavier LUCAS et Serge PETIT, conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, la Présidente,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 14781
Date de la décision : 24/03/2016

Analyses

L'arrêt retient que Mme FU., expert-comptable, commissaire aux comptes, avait établi le 24 février 2005 un audit de l'entreprise pour notamment en évaluer la viabilité, que ce rapport était concomitant avec les crédits litigieux. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée sur le caractère ruineux du crédit, de même que sur les conditions d'octroi de sûretés, a légalement justifié sa décision.Hors toute dénaturation des termes clairs et précis du rapport d'expertise dont elle a souverainement apprécié la valeur et la portée, la cour d'appel, par décision motivée, a estimé que l'expert avait déterminé un plan de remboursement des créanciers en connaissance des prêts consentis par la banque à l'entreprise.Le caractère abusif du pourvoi en révision de M. BO. es-qualité n'est pas établi et qu'au vu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu à condamnation à dommages et intérêts en application des articles 459-4, alinéa 2 du Code de procédure civile et 1229 du Code civil.

Banque - finance - Général  - Crédits.

Crédit bancaire - Audit de l'entreprise - Expertise - Plan de remboursement - Appréciation du caractère ruineux du crédit - Obligation (non) - Dommages et intérêts - Pourvoi abusif (non).


Parties
Demandeurs : M. C. BO.
Défendeurs : la SAM BANQUE EUROPEENNE DU CRÉDIT MUTUEL MONACO

Références :

article 989 du Code civil
article 199 du Code de procédure civile
article 1229 du Code civil
articles 451-3 du Code de commerce
articles 459-4, alinéa 2 du Code de procédure civile
Code civil
article 443 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2016-03-24;14781 ?

Source

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