La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/10/2023 | MONACO | N°30186

Monaco | Cour de révision, 9 octobre 2023, La SARL A. c/ a. C.


Abstract

Procédure civile - Langue française officielle - Pièces rédigées en langue italienne - Absence de traduction - Pièces écartées des débats

Résumé

La Cour d'appel retient exactement qu'aux termes de l'article 8 de la Constitution, la langue française est la langue officielle de l'État et qu'il en découle que les débats judiciaires doivent être menés en employant exclusivement cette langue. Les pièces produites en langue étrangère devant être traduites, les pièces en langue italienne devaient être écartées des débats.

Pourvoi N° 2023

-18 en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2023

En la cause de :

* La SARL A., ...

Abstract

Procédure civile - Langue française officielle - Pièces rédigées en langue italienne - Absence de traduction - Pièces écartées des débats

Résumé

La Cour d'appel retient exactement qu'aux termes de l'article 8 de la Constitution, la langue française est la langue officielle de l'État et qu'il en découle que les débats judiciaires doivent être menés en employant exclusivement cette langue. Les pièces produites en langue étrangère devant être traduites, les pièces en langue italienne devaient être écartées des débats.

Pourvoi N° 2023-18 en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2023

En la cause de :

* La SARL A., dont le siège social est sis à Monaco, x1, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, Monsieur f.B, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Céline MARTEL-EMMERICH, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

* a. C., né le jma à Bordighera (Italie), de nationalité italienne, exploitant l'entreprise individuelle dénommée a. C. située x2 Cap à Vintimille 18039 (Italie), y demeurant en cette qualité ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Jacques GATINEAU, avocat aux Conseils ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

En présence de :

Monsieur le Procureur Général

Visa

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

* l'arrêt rendu le 24 janvier 2023 par la Cour d'appel, statuant en matière civile, signifié le 20 février 2023 ;

* la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 23 février 2023, par Maître Céline MARTEL-EMMERICH, avocat-défenseur, au nom de la SARL A. ;

* la requête déposée le 23 mars 2023 au Greffe général, par Maître Céline MARTEL-EMMERICH, avocat-défenseur, au nom de la SARL A., accompagnée de 8 pièces, signifiée le même jour ;

* la contre-requête déposée le 20 avril 2023 au Greffe général, par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de a. C., accompagnée de 18 pièces, signifiée le même jour ;

* les conclusions du Ministère public en date du 2 mai 2023 ;

* le certificat de clôture établi le 15 mai 2023 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

* le mémoire en réplique déposé le 17 mai 2023 au Greffe général, par Maître Céline MARTEL-EMMERICH, avocat-défenseur, au nom de la SARL A. ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 5 octobre 2023 sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère public ;

Motifs

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. C., ressortissant italien, transporteur routier, soutenant, au titre de factures datant de 2015, 2016, 2017, être créancier, pour une somme totale de 303.671,40 euros, de la SARL A. (la SARL), de même activité, et dont le siège est à Monaco, a, par acte du 1er août 2017, assigné celle-ci en paiement devant le Tribunal de première instance ; que par jugement en date du 25 mars 2021, le Tribunal a prononcé la condamnation demandée, outre intérêts au taux légal depuis la mise en demeure, et à une somme de 10.000 euros pour résistance abusive, rejetant une prétention de compensation invoquée par la défenderesse au titre de locations de camions qu'elle aurait elle-même consenties à M. C. ; que sur l'appel de la SARL, la Cour d'appel, après avoir écarté des débats deux courriels de 2015 produits par la SARL et accompagnés d'annexes en langue italienne non traduites, pièces dites « numérotées 18 et 19 », a confirmé la décision, déboutant M. C. d'une demande de dommages-intérêts pour recours abusif, et condamnant la SARL au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de frais exposés et non compris dans les dépens ; que la SARL s'est pourvue en révision ;

* Sur la recevabilité d'une réplique, déposée le 17 mai 2023 au nom de la SARL A. :

Attendu que, selon les articles 450 et 451 du Code de procédure civile, au-delà du délai de trente jours suivant la signification de la requête, dans lequel le défendeur en révision peut signifier sa défense, avec les pièces à l'appui, aucune autre pièce ne peut faire partie de la procédure ; que la réplique déposée le 17 mai 2023 doit être déclarée irrecevable ;

* Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SARL reproche à l'arrêt d'écarter des débats deux pièces numérotées 18 et 19 produites le 17 octobre 2022, et de confirmer en conséquence la décision querellée en ce qu'elle l'avait condamnée à payer à M. C. la somme de 303.671,40 euros, outre les intérêts au taux légal depuis le 22 mai 2017, date de la mise en demeure, ainsi que la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, et en ce qu'elle avait écarté sa demande tendant à obtenir une compensation entre les créances des parties et la condamnation de M. C. à lui payer la somme de 28.000 euros, 1° Alors « qu'il appartient au juge du fond d'apprécier la valeur probante des pièces produites, fussent-elles rédigées en langue étrangère ; qu'en retenant que, dès lors que la langue française est la langue officielle de l'État, les pièces n° 18 et 19, rédigées en langue italienne, ne sauraient être valablement admises aux débats, cependant qu'aucun texte n'impose de traduire des documents rédigés en langue étrangère afin de les produire, la Cour d'appel a méconnu l'article 8 de la Constitution » ; 2° Alors « que lorsque le président de la juridiction ou le magistrat par lui délégué aura fixé la date des plaidoiries hors application des dispositions propres à l'ordonnance de clôture de la mise en état, les avocats-défenseurs pourront déposer des conclusions, écritures et pièces au greffe général au plus tard le dernier jour ouvré précédent la date d'audience fixée pour les plaidoiries avant la fermeture du greffe ; qu'en retenant que "dans le cadre de la présente instance, initiée devant le Tribunal de première instance par assignation du 1er août 2017, puis poursuivie par exploit d'appel du 13 juillet 2021, l'affaire a été appelée pour la première fois devant la cour d'appel à l'audience du 5 octobre 2021 puis renvoyée à plusieurs reprises pour échange de conclusions et de pièces entre les parties, puis finalement fixée pour plaidoiries à l'audience du 18 octobre 2022" et que "nonobstant un calendrier de procédure garantissant le respect du principe du contradictoire deux nouvelles pièces sont produites par l'appelante quelques jours avant les plaidoiries" (arrêt, p. 9, in fine), sans établir, d'une part, que les pièces n° 18 et 19 auraient été déposées après la date qui aurait été fixée par le calendrier de procédure, ni constater, d'autre part, l'existence d'une ordonnance de clôture, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de révision en mesure d'exercer son contrôle et a violé les articles 177, 178 et 180 du Code de procédure civile » ;

Mais attendu, en premier lieu, que la Cour d'appel retient exactement qu'aux termes de l'article 8 de la Constitution, la langue française est la langue officielle de l'État et qu'il en découle que les débats judiciaires doivent être menés en employant exclusivement cette langue, les pièces produites en langue étrangère devant être traduites, et que tel n'était pas le cas des pièces en langue italienne versées aux débats par la SARL, sous les numéros 18 et 19, et qui devaient en conséquence en être écartées ;

Et attendu, en second lieu, que le rejet de la première branche rend la seconde inopérante, la Cour d'appel n'ayant pas écarté des débats « les pièces 18 et 19 » en raison d'une tardiveté procédurale dans leur présentation, mais parce qu'elles étaient rédigées en italien non traduit ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

* Et sur le second moyen :

Attendu que la SALR articule aussi le même grief, alors « que la preuve entre commerçants est libre ; qu'en retenant que la production par la société A. d'un relevé de compte bancaire faisant apparaître un débit de 28.000 euros au profit de M. C. ne pouvait suffire à établir la preuve du paiement, cependant que la preuve du paiement pouvait être établie par tous moyens, la Cour d'appel a violé l'article 79 [74] du Code de commerce » ;

Mais attendu que le moyen manque en fait, l'arrêt, par motifs propres ou adoptés, après avoir relevé que rien ne permettait de savoir à quelle prestation correspondait ce simple relevé bancaire d'un paiement effectué au profit de M. C. en 2015, a souverainement estimé, au regard de l'article 74 du Code de commerce, que la cause de cette dette n'était pas établie ;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

* Sur la demande de M. C. de voir condamner la SARL à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour recours abusif en application de l'article 459-4 du Code de procédure civile :

Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

* Sur la demande de M. C. de voir condamner la SARL à lui payer la somme de 12.500 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 238-1 du Code de procédure civile :

Attendu que l'équité commande d'accueillir cette demande à hauteur de 10.000 euros ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Condamne la SARL A. à payer à M. a. C. la somme de 10.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Condamne la SARL A. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition

Ainsi jugé et prononcé le neuf octobre deux mille vingt-trois, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Laurent LE MESLE, Président, Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et François CACHELOT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence du Ministère public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30186
Date de la décision : 09/10/2023

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : La SARL A.
Défendeurs : a. C.

Références :

articles 450 et 451 du Code de procédure civile
article 459-4 du Code de procédure civile
articles 177, 178 et 180 du Code de procédure civile
article 238-1 du Code de procédure civile
Code de commerce
article 74 du Code de commerce
article 8 de la Constitution


Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2023-10-09;30186 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award