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09/10/2023 | MONACO | N°30188

Monaco | Cour de révision, 9 octobre 2023, c. A. divorcée G. c/ j. B.


Abstract

Testaments - Nullité (oui) - Trouble mental du testateur - Atteinte à son discernement

Résumé

Après avoir relevé que l'ensemble des éléments intrinsèques et extrinsèques produits constituaient des présomptions graves et concordantes de l'existence d'un trouble mental au moment de la rédaction du testament litigieux, caractérisé par un syndrome frontal en rapport avec la maladie Steele-Richardson-Olszewski et que ce trouble mental apparaissait suffisamment grave, à cette époque, pour avoir porté atteinte au discernement du testateur, ses choix ne r

elevant pas d'une volonté parfaitement libre et éclairé, c'est dans l'exercice de ...

Abstract

Testaments - Nullité (oui) - Trouble mental du testateur - Atteinte à son discernement

Résumé

Après avoir relevé que l'ensemble des éléments intrinsèques et extrinsèques produits constituaient des présomptions graves et concordantes de l'existence d'un trouble mental au moment de la rédaction du testament litigieux, caractérisé par un syndrome frontal en rapport avec la maladie Steele-Richardson-Olszewski et que ce trouble mental apparaissait suffisamment grave, à cette époque, pour avoir porté atteinte au discernement du testateur, ses choix ne relevant pas d'une volonté parfaitement libre et éclairé, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la Cour d'appel a estimé que le testament litigieux devait être annulé.

Pourvoi N° 2023-29 en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2023

En la cause de :

* c. A. divorcée G, née le jma à Nice (France), de nationalité française, domiciliée et demeurant X1 06950 Falicon (France) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Patricia MUSSO, avocat au barreau de Nice ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

* j. B., né le jma à Seloncourt (France), de nationalité française, domicilié et demeurant x2 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

Visa

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

* l'arrêt rendu le 28 février 2023 par la Cour d'appel, statuant en matière civile, signifié le 24 mars 2023 ;

* la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 13 avril 2023, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de c. A. ;

* la requête déposée le 2 mai 2023 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de c. A., accompagnée de 6 pièces, signifiée le même jour ;

* la contre-requête déposée le 24 mai 2023 au Greffe général, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de j. B., accompagnée de 17 pièces, signifiée le même jour ;

* les conclusions du Ministère public en date du 1er juin 2023 ;

* le certificat de clôture établi le 6 juin 2023 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 3 octobre 2023 sur le rapport de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère public ;

Motifs

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, qu'aux termes d'un testament olographe du 27 août 2010, déposé au rang des minutes de Maître CROVETTO-AQUILINA, notaire à Monaco, M. h. D., né le jma, a institué M. I. en qualité de légataire universel pour tous ses biens situés en Principauté de Monaco ; que selon testament authentique reçu le 12 octobre 2011 par Maître FROUMESSOL, notaire à Nice, celui-ci a révoqué toutes dispositions antérieures et institué pour légataire universelle Mme F. ; que M. D. est décédé le jma à Nice, laissant, notamment, un patrimoine immobilier à Monaco ; qu'invoquant l'insanité d'esprit du testateur au moment de l'établissement de la libéralité du 12 octobre 2011, M. I. a fait assigner Mme F devant le Tribunal de première instance pour solliciter, notamment, le prononcé de la nullité du testament du 12 octobre 2011, le prononcé de la validité du testament olographe du 27 août 2010 à son profit et la rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession ; que selon jugement du 28 mai 2015, le Tribunal de première instance a sursis à statuer sur ces demandes jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été rendue sur le sort de la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. I entre les mains du doyen des Juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Nice, du chef d'abus de faiblesse ; que par jugement du 10 octobre 2018, le Tribunal correctionnel de Nice a déclaré Mme F. coupable des faits « d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour la conduire à un acte ou à une abstention préjudiciable » ; que par arrêt du 10 septembre 2009, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé ce jugement, relaxant Mme F des faits objets de la prévention et déboutant M. I. de ses demandes ; que la Cour de cassation a déclaré le pourvoi formé par M. I. « non admis » ; que par jugement du 24 juin 2021, le Tribunal de première instance, saisi par M. I., l'a débouté de ses demandes, déclaré en conséquence valable le testament authentique du 12 octobre 2011 et dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession du 17 juin 2013 ; que par arrêt du 28 février 2023, la Cour d'appel a infirmé le jugement déféré, déclaré nul le testament authentique reçu le 12 octobre 2011 instituant Mme F. légataire universelle, avec toutes conséquences de droit, ordonné la rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession et débouté les parties du surplus de leurs demandes ; que Mme F. a formé un pourvoi en révision ;

* Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme F. fait grief à l'arrêt attaqué de déclarer nul le testament authentique du 12 octobre 2011 ayant institué une amie fidèle, (l'exposante), légataire universelle des biens dépendants de la succession de feu h. D., avec toutes conséquences de droit, et ordonner la rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession au profit du bénéficiaire d'un testament olographe plus ancien (M. I.), alors, selon le moyen, que 1) « La personne qui sollicite la nullité d'un testament doit établir l'existence de l'insanité d'esprit du testateur au moment même de l'acte ; qu'en retenant que le trouble mental du testateur apparaissait suffisamment grave à l'époque de l'acte pour avoir porté une atteinte à son discernement, ses choix n'ayant pas ainsi relevé d'une volonté parfaitement libre et éclairée, tout en constatant que l'expertise sur laquelle elle a fondé cette décision faisait état de troubles cognitifs fluctuants qui pouvaient ne se manifester que pendant quelques jours, ce qui ne permettait pas d'établir que le discernement du disposant était aboli au jour de la signature du testament authentique, la cour d'appel a violé les articles 410-1 et 769 du Code civil » ; 2) « le trouble mental allégué doit être d'une gravité suffisante pour porter atteinte au discernement de l'intéressé ; que l'exposante faisait valoir (v. ses concl., pp.19-20) que le docteur C. ne pouvait être aussi affirmatif en n'ayant jamais ni rencontré ni examiné le disposant, que les témoins du de cujus devant le notaire, tous deux évoluant dans le milieu médical, avaient exclu tout état de vulnérabilité de ce dernier, l'un d'eux ayant souligné qu'il était "intellectuellement vif" et "avait toujours un livre à la main" ; que le certificat établi par son médecin traitant depuis 6 ans à l'époque, lequel renouvelait ses prescriptions, surveillait sa tension et l'avait orienté vers un neurologue lorsqu'il avait constaté chez lui des raideurs à la marche, n'était ni succinct ni inadapté, l'arrêt de relaxe du 10 septembre 2018 ayant ainsi relevé "qu'il avait posé des questions à h. D. et avait constaté qu'il n'était pas en état de vulnérabilité et était en mesure de comprendre les enjeux de ses actes, d'ailleurs disait-il "si j'avais eu le moindre doute, j'aurais pris l'avis d'un spécialiste neurologue ou psychiatre"" ; que le docteur F. avait confirmé au cours de l'enquête que, dans la maladie de Steele-Richardson, les fonctions cognitives pouvaient être longtemps conservées ; qu'en se bornant à retenir que les appréciations portées par le médecin traitant et le docteur F. étaient contredites par le rapport particulièrement circonstancié de l'expert judiciaire neurologue, le docteur C., sans répondre à ces conclusions mettant en avant les avis des médecins ayant examiné le patient et les déclarations de ses témoins devant le notaire le jour de la signature de l'acte, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 199 du Code de procédure civile » ; 3) « Si les juges apprécient souverainement le sens, la valeur et la portée des pièces produites au débat, ils ne peuvent les dénaturer ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a retenu que les critiques formulées à l'encontre de l'expertise judiciaire par le docteur E. étaient insuffisamment explicitées pour considérer que le rapport aurait comporté des observations "imprécises et contradictoires", d'autant plus qu'aucune documentation médicale dans un sens contraire à celui développé par l'expert sur la préservation de la mémoire et langage, l'absence de délire ou le caractère fluctuant de l'atteinte cognitive n'étaient communiquée ou justifiée ; qu'en statuant ainsi quand les critiques du docteur E. ne tendaient pas à démontrer l'inexactitude des observations de l'expert mais à soutenir qu'une nouvelle expertise se justifiait "avec l'entier dossier de l'intéressé y compris les éléments sous-scellés", la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée de l'attestation du 11 juin 2019 en violation de l'article 199 du Code de procédure civile » ;

Mais attendu qu'après avoir procédé à l'analyse de l'ensemble des attestations et documents médicaux versés aux débats, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et, hors toute dénaturation, que la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que sa décision rendait inopérantes, a estimé que le testament du 12 octobre 2011 devait être annulé, après avoir relevé que l'ensemble des éléments intrinsèques et extrinsèques constituaient des présomptions graves et concordantes de l'existence d'un trouble mental au moment dudit acte, caractérisé par un syndrome frontal en rapport avec la maladie Steele-Richardson-Olszewski et que ce trouble mental apparaissait suffisamment grave, à cette époque, pour avoir porté atteinte au discernement de M. D., ses choix ne relevant pas d'une volonté parfaitement libre et éclairé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

* Sur les demandes formées sur le fondement des articles 238-1 et 459-4 alinéa 2 du Code de procédure civile :

Attendu que Mme F qui succombe ne peut se voir allouer aucune somme de ce chef ;

Attendu que M. I sollicite la condamnation de Mme F au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour pourvoi abusif sur le fondement de l'article 459-4 alinéa 2 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que Mme F n'a fait qu'user d'une voie de recours prévue par la loi ; qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Et attendu que M. I sollicite également la condamnation de Mme F au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'au vu des circonstances de l'espèce, il convient de faire droit à cette demande ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Déboute Mme c. A. de sa demande sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Déboute M. j. B. de sa demande sur le fondement de l'article 459-4 alinéa 2 du Code de procédure civile,

Condamne Mme c. A. à payer à M. j. B. la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du même code,

Condamne Mme c. A. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition

Ainsi jugé et prononcé le neuf octobre deux mille vingt-trois, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, rapporteur, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Serge PETIT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Madame Martine VALDES-BOULOUQUE, Conseiller, en présence du Ministère public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Premier Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30188
Date de la décision : 09/10/2023

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités


Parties
Demandeurs : c. A. divorcée G.
Défendeurs : j. B.

Références :

article 238-1 du Code de procédure civile
articles 238-1 et 459-4 alinéa 2 du Code de procédure civile
article 199 du Code de procédure civile
articles 410-1 et 769 du Code civil
article 459-4 alinéa 2 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2023-10-09;30188 ?

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