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09/10/2023 | MONACO | N°30190

Monaco | Cour de révision, 9 octobre 2023, La société anonyme de droit français dénommée H. c/ Maria e. C.


Abstract

Accident du travail - Décès du salarié - Présomption d'imputabilité - Cause naturelle - Infarctus - Absence de cause totalement étrangère au travail

Résumé

Le malaise à l'origine du décès du salarié a bien eu lieu au temps et au lieu de son travail. Ni le rapport de l'expert qui indique que le diagnostic probable est un infarctus du myocarde, ni le certificat médical de décès par mort naturelle, ni le rapport du médecin conseil de l'assureur-loi ne permettent d'exclure le rôle causal joué par le travail. L'arrêt qui a constaté que la preuve ne

se trouvait pas rapportée par l'employeur d'une absence complète de lien entre le déc...

Abstract

Accident du travail - Décès du salarié - Présomption d'imputabilité - Cause naturelle - Infarctus - Absence de cause totalement étrangère au travail

Résumé

Le malaise à l'origine du décès du salarié a bien eu lieu au temps et au lieu de son travail. Ni le rapport de l'expert qui indique que le diagnostic probable est un infarctus du myocarde, ni le certificat médical de décès par mort naturelle, ni le rapport du médecin conseil de l'assureur-loi ne permettent d'exclure le rôle causal joué par le travail. L'arrêt qui a constaté que la preuve ne se trouvait pas rapportée par l'employeur d'une absence complète de lien entre le décès du salarié et le travail, en a exactement déduit qu'en l'absence de cause totalement étrangère, la présomption d'imputabilité au travail du décès devait bénéficier au salarié.

Pourvoi N° 2023-33

Hors Session AT

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2023

En la cause de :

* La société anonyme de droit français dénommée H., dont le siège social est sis x1à Paris (75009), agissant poursuites et diligences du Président de son Conseil d'Administration en exercice domicilié en cette qualité audit siège et représentée en Principauté de Monaco par la SAM I., ayant son siège x2 à Monaco (98000), représentée par son Administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège, prise en sa qualité d'assureur-loi de Monsieur B. ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

* Maria e.C, née le jma à Azurém-Guimares (Portugal), de nationalité portugaise, domiciliée x3 à Beausoleil (06240), agissant en qualité d'ayant-droit de Monsieur j.D, né le jma à Guimaraes (Portugal) et décédé le jma à Nice, son époux ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

Bénéficiaire de plein droit de l'assistance judiciaire au titre de la législation sur les accidents du travail

DÉFENDERESSE EN RÉVISION,

d'autre part,

Visa

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions des articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile, de l'article 22-4 de la loi n° 790 du 18 août 1965 modifiant et complétant la loi n° 636 du 11 janvier 1958 codifiant la législation sur la déclaration, la réparation et l'assurance des accidents du travail ;

VU :

* l'arrêt rendu par la Cour d'appel, statuant sur appel d'un jugement statuant en matière d'accident du travail, en date du 31 janvier 2023 ;

* la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 26 avril 2023, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société H. ;

* la requête en révision déposée le 5 mai 2023 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société H., accompagnée de 18 pièces, signifiée le même jour ;

* la contre-requête déposée le 5 juin 2023 au Greffe général, par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur, au nom de Maria e.C, signifiée le même jour ;

* la réplique déposée le 7 juin 2023 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société H., signifiée le même jour ;

* les conclusions du Ministère public en date du 7 juin 2023 ;

* le certificat de clôture établi le 19 juin 2023 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 14 septembre 2023, sur le rapport de M. Serge PETIT, Conseiller,

Motifs

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. j. D. aide-coffreur au sein de l'entreprise E. a été raccompagné à son domicile par un employé de l'entreprise le jma, après avoir ressenti une forte douleur à la poitrine sur le lieu même de son travail et pendant ses horaires de travail ; qu'il est décédé au cours du trajet ; que le médecin urgentiste de l'hôpital K. de Nice a délivré un certificat de décès par mort naturelle ; que l'assureur loi H. a refusé de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle ; que le Juge chargé des accidents du travail a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de première instance par ordonnance de non conciliation en date du 19 décembre 2020 ; que par jugement du 4 mars 2021, le Tribunal de première instance a mis hors de cause M. B., employeur, ordonné une expertise avec mission principale de déterminer la cause du décès de M. j. D. et de dire si le décès est imputable au travail ; que l'expert a conclu à une probable mort par infarctus du myocarde chez un sujet hypertendu avec hypercholestérolémie ; que par jugement du 3 mars 2022, le Tribunal de première instance a constaté que le travail n'avait joué aucun rôle dans la survenance du décès qui ne pouvait être pris en charge au titre de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 relative aux accidents du travail ; que par arrêt du 31 janvier 2023, la Cour d'appel a infirmé cette décision, et statuant à nouveau, a dit que le décès de M. j.D constituait un accident du travail ; que la F. a formé un pourvoi en révision contre cet arrêt ;

* Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que l'assureur loi fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, d'une part, « que la présomption légale d'imputabilité au travail de la lésion survenue par le fait ou à l'occasion du travail peut être renversée si l'assureur-loi prouve que la lésion a une cause totalement étrangère au travail, lequel n'a joué aucun rôle, aussi minime soit-il, dans son apparition ; que si cette preuve peut être apportée par la démonstration de ce que la lésion invoquée résulte exclusivement de l'état antérieur de la victime, une telle démonstration n'est pas une condition cumulative nécessaire pour renverser la présomption d'imputabilité ; qu'en énonçant que la présomption légale d'imputabilité pouvait être renversée s'il était prouvé que la lésion invoquée résultait exclusivement de l'état antérieur "et" que le travail n'a joué aucun rôle, aussi minime soit-il, dans son apparition, qu'il s'agissait de deux conditions nécessaires cumulatives pour renverser la présomption d'imputabilité, puis en jugeant que la société H. échouait à renverser la présomption d'imputabilité dont bénéficiait le salarié faute de prouver que la lésion invoquée résultait exclusivement de l'état antérieur "et" que le travail n'avait joué aucun rôle, aussi minime soit-il, dans son apparition, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi n°636 du 11 janvier 1958 » ; alors selon le moyen, de deuxième part « que la présomption légale d'imputabilité au travail de la lésion survenue par le fait ou à l'occasion du travail peut être renversée si l'assureur-loi prouve que la lésion a une cause totalement étrangère au travail, lequel n'a joué aucun rôle, aussi minime soit-il, dans son apparition ; qu'en l'espèce, il est constant que le jma, M. D. a ressenti de vives douleurs à la poitrine sur son lieu de travail, qui ont conduit à son décès alors qu'il était raccompagné son domicile ; qu'il ressort de l'arrêt que selon l'unique témoin, la victime toussait tous les jours et plus que d'habitude le jour de l'accident, que vers 9 heures 30, alors qu'il était assis sur un bobcat en train de préparer le béton, il toussait beaucoup et lui avait dit qu'il avait mal à la poitrine et que cela allait passer, qu'il avait refusé d'aller à l'hôpital en disant que cela irait mieux dans un moment, avant d'accepter finalement d'être raccompagné chez lui ; que le certificat médical de décès mentionnait une "mort naturelle" ce qui traduisait que la mort n'était "pas violente ou suspecte" ; que le médecin expert judiciaire avait retenu au titre des antécédents médicaux que la victime souffrait d'hypertension découverte en 2008 et d'hyper cholestérolémie traitées et avait conclu que le diagnostic probable du décès était "un infarctus du myocarde chez un sujet hypertendu léger connu depuis 2008 avec hypercholestérolémie de faible grade" même si son décès n'était pas exclusivement imputable à son état antérieur, que la victime était statique sur un bobcat au moment des premières douleurs, que les températures ce jour-là étaient modérées (17,7° à 23,2°) ; que la victime exerçait la profession d'aide coffreur depuis le 1er novembre 2004 et avait été déclaré apte au poste de boiseur coffreur en 2012 ; que le médecin expert-judiciaire avait relevé qu'il n'avait pas été noté de travaux anormaux le jma, que le travailleur accomplissait des gestes identiques depuis plusieurs années et que ce n'était pas un jour de grande canicule, de sorte que selon lui, le travail n'avait joué aucun rôle dans la survenance du décès ; qu'en jugeant qu'il n'était pas prouvé que le travail n'avait joué aucun rôle, aussi minime soit-il dans l'apparition de la lésion du salarié de sorte que la présomption d'imputabilité n'était pas renversée lorsqu'il résultait de ses propres constatations qu'aucun épisode violent et inattendu n'était survenu dans le déroulement de son travail susceptible de jouer un rôle quelconque dans l'accident cardiaque qui l'avait frappé de sorte qu'en l'absence de traumatisme causé par une action soudaine et violente d'une cause extérieure, le travail n'avait pu jouer aucun rôle dans le décès de M. D., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 » ; alors, selon le moyen, enfin, « que la présomption légale d'imputabilité au travail de la lésion survenue par le fait ou à l'occasion du travail peut être renversée si l'assureur-loi prouve que la lésion a une cause totalement étrangère au travail, lequel n'a joué aucun rôle, aussi minime soit-il, dans son apparition ; que la preuve de ce fait étant libre, elle peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; qu'il appartient donc au juge d'examiner l'ensemble des éléments de preuve invoqués en ce sens par l'assureur-loi et d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent d'apporter cette preuve comme constituant éventuellement des présomptions graves, précises et concordantes ; qu'en examinant séparément chaque élément de preuve invoqué par l'assureur-loi, puis en jugeant chaque élément insuffisant à lui seul à établir que la cause du décès était totalement étrangère au travail lorsqu'il lui appartenait de rechercher si ces éléments, pris dans leur ensemble, établissaient cette preuve, la cour d'appel a derechef violé l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, ensemble l'article 1200 du Code civil » ;

Mais attendu qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen, la Cour d'appel relève que le malaise à l'origine du décès de M. j.D a bien eu lieu au temps et au lieu de son travail, que ni le rapport de l'expert du 6 décembre 2018 qui indique que le diagnostic probable est un infarctus du myocarde, ni le certificat médical de décès par mort naturelle, ni le rapport du médecin conseil de l'assureur-loi du 17 octobre 2019 ne permettent d'exclure le rôle causal joué par le travail ; qu'en l'état de ces énonciations, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen, l'arrêt qui a constaté que la preuve ne se trouvait pas rapportée par la F. d'une absence complète de lien entre le décès du salarié et le travail, en a exactement déduit qu'en l'absence de cause totalement étrangère, la présomption d'imputabilité au travail du décès de M. D. devait bénéficier au salarié ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

* Sur la demande formée par la F. sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile :

Attendu que la F. succombe en son pourvoi ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande ;

Attendu que la F. qui succombe sera condamné aux entiers dépens ; qu'imputables à l'adversaire d'une partie bénéficiant de l'AJ, ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Rejette la demande formée par la F. sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Condamne la F. aux entiers dépens distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;

Composition

Ainsi jugé et rendu le seize octobre deux mille vingt-trois, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs Serge PETIT, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Jacques RAYBAUD, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Et Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier-Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Premier Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30190
Date de la décision : 09/10/2023

Analyses

Accidents du travail


Parties
Demandeurs : La société anonyme de droit français dénommée H.
Défendeurs : Maria e. C.

Références :

article 2 de la loi n°636 du 11 janvier 1958
article 22-4 de la loi n° 790 du 18 août 1965
articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile
article 1200 du Code civil
article 238-1 du Code de procédure civile
loi n° 636 du 11 janvier 1958
article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2023-10-09;30190 ?

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