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28/05/2003 | MONACO | N°27051

Monaco | Cour supérieure d'arbitrage, 28 mai 2003, Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers (SBM) c/ les délégués du personnel de la brigade volante de cette société


Abstract

Conflits collectifs du travail

Caractère collectif du conflit

- Litige portant sur la répartition d'une masse de service entre divers personnels d'une même société, la SBM

Procédure précédant la saisine du collège arbitral

- Tentative de conciliation devant l'Inspecteur du Travail

- Saisine de la Commission paritaire prévue par la Convention collective

- Saisine de la Commission de conciliation

Collège arbitral

- Saisine en équité, objet limité à l'appréciation de l'opportunité d'une modification de la ré

partition de la masse de service entre divers personnels et non point de procéder à la classification du personnel pouv...

Abstract

Conflits collectifs du travail

Caractère collectif du conflit

- Litige portant sur la répartition d'une masse de service entre divers personnels d'une même société, la SBM

Procédure précédant la saisine du collège arbitral

- Tentative de conciliation devant l'Inspecteur du Travail

- Saisine de la Commission paritaire prévue par la Convention collective

- Saisine de la Commission de conciliation

Collège arbitral

- Saisine en équité, objet limité à l'appréciation de l'opportunité d'une modification de la répartition de la masse de service entre divers personnels et non point de procéder à la classification du personnel pouvant prétendre à en bénéficier

- Décision : motivée, critiquant la proposition de la SBM, de nature à entraîner une diminution appréciable de la rémunération des membres de la brigade volante et une modification substantielle de celle-ci

Cour supérieure d'arbitrage

- Rejet du recours, les moyens n'étant pas fondés, les arbitres s'étant prononcés sur ce litige d'ordre économique, dans le cadre de leur saisine, d'une façon suffisamment motivée

Résumé

La société anonyme monégasque dénommée « Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers (SBM) » qui exploite divers établissements commerciaux à Monaco, a regroupé au sein d'une équipe dénommée « brigade volante » l'ensemble des serveurs des bars et restaurants appelés à travailler à la « salle des Étoiles », au « bar des jeux », au « Cabaret », au « restaurant des Privés », au « bar du Soleil », à la « Potinière », à « l'Open de tennis du Monte-Carlo Country Club », ainsi qu'au « Jimmy'z ».

Par la suite de ce regroupement, les membres de l'équipe constituée de la sorte, et comprenant environ une cinquantaine de personnes, se sont trouvés chargés d'assurer leur service, soit en permanence dans l'un seulement des établissements, soit momentanément dans plusieurs autres, en fonction des besoins nés de leur exploitation.

Pour l'ensemble de ces établissements, et en exécution des accords collectifs et des contrats de travail applicables, la SBM a été appelée à rémunérer les membres du personnel placé en contact avec la clientèle, en répartissant entre eux, pour valoir minimum de rémunération et éventuel supplément, la masse des sommes par elle perçues au titre de pourcentage qui est obligatoirement ajouté aux notes payées par ses clients, correspondant à des pourboires versés pour le service, soit 15 %.

En application de ce système de rémunération dit « à la masse » ou au « pourcentage », chacun des membres de la Brigade volante a donc eu vocation, dans les termes de son contrat de travail, à percevoir une quote-part de la masse commune alimentée par les 15 % de service perçus dans l'ensemble des établissements concernés.

Ce système de rémunération était cependant particulier, s'agissant du Jimmy'z.

Par suite d'un usage s'étant en effet instauré depuis plusieurs années, entre le responsable de cet établissement, désigné en dernier lieu comme premier maître d'hôtel, et les membres de la Brigade volante, la masse des 15 % de service encaissée au Jimmy'z s'est effet trouvée divisée de sorte que le premier maître d'hôtel perçoive une fraction de cette masse et les membres de la Brigade volante le restant.

De fait, le personnel du Jimmy'z se partageait à cette époque diverse tâches ou activités dont certaines seulement la faisaient entrer directement en contact avec la clientèle.

À ce titre, et outre le responsable de l'établissement, la SBM rémunérait donc au pourcentage les barmen et serveurs de la brigade volante qui se trouvaient, soit affectés à demeure dans l'établissement, soit appelés à y travailler pour renforcer momentanément le personnel.

En revanche, les disquaires, les voituriers et les hôtesses des vestiaires étaient rémunérés au fixe, tout comme les personnes employées aux tâches de nettoyage.

Dans le passé, les voituriers avaient déjà fait verbalement état d'une semblable demande, non suivie d'effet, qui tendait, en somme, à revenir sur une pratique adoptée lors de la création de l'établissement, en 1947, et qui les avait placés dans une catégorie du personnel rémunéré au fixe, bien que, au regard de la grille de classification du personnel de la SBM, cette société ait indiqué qu'ils figuraient dans la catégorie du personnel rémunéré au pourcentage.

Au vu des prétentions ainsi exprimées, auxquelles elle s'est apparemment montrée favorable, sans cependant y faire directement droit par un changement individuel de classification du personnel concerné, la SBM, à la date du 26 mars 2001, a porté la revendication des voituriers à la connaissance des délégués du personnel de la brigade volante, dans le cadre d'une tentative de conciliation qu'elle a alors proposée aux membres de cette équipe.

À cette occasion, et s'agissant du Jimmy'z, trois solutions ont alors été soumises par la SBM au choix de la Brigade volante.

L'ensemble des propositions a été cependant rejeté par la brigade volante, au motif, pour l'essentiel, que chacune des solutions envisagées aurait nécessairement entraîné une diminution de la rémunération de ses membres, que ceux-ci n'auraient nullement eu à supporter au lieu et place de l'employeur.

Compte tenu de ce refus, une nouvelle conciliation a été, cette fois, tentée par l'inspecteur du Travail sans davantage de succès.

En l'état de ces divergences de vues, et, après en avoir délibéré hors la présence des délégués de la brigade volante et des représentants de la SBM, la commission paritaire a fait connaître son avis au terme d'un compte rendu de sa réunion du 23 juillet 2001.

Elle a alors estimé que la réglementation devait être respectée, et que dans l'ensemble des agents qui, suivant la nomenclature des emplois, pouvait prétendre à une rémunération « au pourcentage » devait être rémunéré sur ces bases.

L'avis ainsi exprimé par la commission paritaire a été porté à la connaissance des délégués du personnel de la brigade volante, par lettre recommandée postée le 13 septembre 2001, mais ceux-ci ont une nouvelle fois réitéré leur refus de souscrire aux propositions de la SBM, aux motifs que constitueraient une atteinte à leur salaire, et un détournement illicite de la « masse des 15 % », tout prélèvement qui serait opéré sur cette masse à l'effet de rémunérer au pourcentage un autre personnel que celui de la Brigade volante.

Les négociations entamées par la SBM se trouvant par là même suspendues, cette société a dès lors saisi le Ministre d'État, d'une requête, reçue le 12 novembre 2001 au secrétariat général du gouvernement, tendant à l'ouverture d'une procédure de conciliation et d'arbitrage, telle qu'instituée pour les conflits collectifs du travail par la loi n° 473 du 4 mars 1948, modifiée.

Cette société a indiqué en sa requête que celle-ci avait pour objet de résoudre un conflit social l'opposant à des salariés du Jimmy'z placés en contact avec la clientèle, dès lors que certains d'entre eux, les voituriers, prétendaient à la répartition de la « masse des 15 % » tandis que d'autres, les membres de la Brigade volante, s'y opposaient formellement.

Évoquant en sa requête l'essentiel des éléments du conflit qui viennent d'être rappelés, la SBM a en conséquence demandé que soit soumis à arbitrage le conflit collectif l'opposant au personnel de la Brigade volante, dès lors que celle-ci s'était opposée à toutes tentatives de conciliation et avait rejeté la demande présentée par les voituriers du Jimmy'z visant à les faire participer à la répartition de la masse des 15 % de service perçue dans cet établissement.

S'il était fait droit de cette demande, la SBM a indiqué en sa requête que les autres salariés de l'établissement placés, à ses dires, en contact avec la clientèle (responsables, voituriers, hôtesses, des vestiaires, disquaires) devraient également participer à la répartition de la masse des 15 % de service du Jimmy'z.

Il s'ensuivrait donc, selon la SBM, malgré le refus de tout changement opposé par les membres de la Brigade volante, que devrait être institué un lien de masse spécifique pour le Jimmy'z, qui serait alimenté par l'ensemble des 15 % de service encaissés dans cette unité, et où la répartition de la masse s'effectuerait entre les ayants droit affectés dans cet établissement ce, au prorata des présences, des salaires minima garantis, individuels et catégoriels, et des coefficients indiciaires respectifs.

Dans ces conditions, la SBM demandait en définitive la création par voie d'arbitrage d'un lien de masse des 15 % spécifique au Jimmy'z, dont la répartition bénéficierait à l'ensemble des salariés travaillant en contact avec la clientèle de cette unité.

Soumise, sous la présidence du vice-président du Tribunal du travail, à l'examen de la commission de conciliation des conflits collectifs du travail, qui s'est alors réunie conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi n° 473 du 4 mars 1948, la requête ainsi présentée par la SBM a donné lieu, à la date du 12 février 2002, à une tentative de conciliation entre, d'une part, les représentants de la SBM (B. L. et D. B.), et, d'autre part, les délégués du personnel de la Brigade volante (V. G. et T. P.).

Devant la commission de conciliation, le conseil des délégués de la brigade volante a estimé que la requête n'était pas recevable car les véritables requérants étaient non pas la SBM mais les voituriers, qui représentaient eux-mêmes une dizaine de personnes.

En l'état des prétentions (ainsi) exprimées, mais sans pouvoir parvenir à les rapprocher, la commission de conciliation a constaté, en définitive, la non-conciliation des parties, tout en souhaitant que celles-ci se réunissent à nouveau afin d'établir un protocole eu égard aux échanges constructifs qu'elles avaient manifestés.

Il a alors été demandé aux parties, conformément aux dispositions de l'article 6 § 3 de la loi n° 473 du 4 mars 1948, de porter à la connaissance du président de la commission de conciliation le nom d'un arbitre commun, dont elles auraient fait choix. Les parties ont alors immédiatement indiqué choisir en qualité d'arbitre M. A. M.

Sur ce, et après délibération du Conseil de gouvernement en date du 13 mars 2002, il a été procédé, par arrêté ministériel n° 2002-195 du 18 mars 2002, à la désignation de trois arbitres, dont celui nommé par les parties, afin de statuer sur le conflit opposant de la sorte la SBM à la Brigade volante.

Le délai initialement imparti aux arbitres pour formuler leur sentence a été, par la suite, prorogé jusqu'au 30 avril 2003, par arrêtés ministériels des 25 octobre 2002 et 3 mars 2003.

En définitive, une sentence arbitrale a été rendue dans ce conflit, le 28 avril 2003.

Selon l'exposé des motifs de cette décision les arbitres ont liminairement déterminé l'objet du litige comme ayant exclusivement trait « à la création d'un lien de masse des 15 % de service spécifique au Jimmy'z dont la répartition bénéficierait à l'ensemble des salariés travaillant au contact de la clientèle de cette unité ».

Les arbitres ont donc estimé n'avoir pas à connaître des demandes ou considérations étrangères à cet objet.

Quant à la forme de la procédure, les arbitres ont ensuite retenu que les représentants des parties remplissaient, pour agir, les conditions exigées par la loi.

Sur la qualification du conflit et leur compétence pour en connaître, les arbitres ont, par ailleurs, relevé que le litige opposait une « collectivité », la Brigade volante, regroupant l'ensemble des serveurs des bars et restaurants assurant leur service, en dehors des hôtels, dans divers autres établissements, qu'un tel différend résultait d'un litige collectif (la détermination d'une « masse ») et que de ce fait il revêtait, selon la jurisprudence, le caractère d'un conflit collectif du travail, de sorte que le collège arbitral pouvait apprécier le fond.

Quant au fond du litige, et après avoir rappelé l'historique de celui-ci, les arbitres ont relevé dans les motifs de leur décision que la proposition de la SBM de constitution d'une masse des 15 % de service spécifique au Jimmy'z à répartie entre tous les membres du personnel de cet établissement entraînerait obligatoirement une diminution appréciable de la rémunération des membres de l'actuelle Brigade volante et constituerait une modification substantielle de leur rémunération, ainsi qu'il est apparu clairement des simulations de nouvelles répartitions effectuées amiablement, à la demande et à l'intention du Collège arbitral, par les services comptables de la SBM. Les arbitres ont retenu également comme étant patent que les membres de la Brigade volante s'étaient toujours unanimement et totalement opposés à une modification de leur mode de rémunération en vigueur depuis au moins l'année 1974.

Sur la base des motifs ainsi rapportés les arbitres ont dès lors déclaré :

- qu'au regard des motifs et dispositifs des arrêts et sentences avancés par la défenderesse, qu'ils se sont appropriés, il n'appartenait pas à la société demanderesse d'imposer unilatéralement une modification de la composition de la Brigade volante, du mode de calcul et de l'établissement de la rémunération de ses membres, et qu'il y avait donc lieu de les maintenir pour l'instant en leur état et mode de décompte actuels,

- que les propositions formulées par la SBM ne pouvaient donc être retenues, la SBM devant être, en conséquence, déboutée de sa demande, en conservant à sa charge les frais et dépens de l'instance.

Dans le délai de 10 jours prévu par l'article 12 de la loi précitée, la SBM a formé, devant la Cour supérieure d'arbitrage, un recours en annulation de la sentence ainsi rendue, selon requête du 9 mai 2003 signée de Maître Didier Escaut, avocat-défenseur, laquelle requête a été reçue le jour même au secrétariat de la Cour supérieure d'arbitrage.

Aux termes de cet acte, le recours tend à l'annulation de la sentence attaquée pour :

« Violation des articles 199 du Code de procédure civile, 12 de la loi n° 473 relative à la conciliation et à l'arbitrage des conflits collectifs de travail du 4 mars 1948 ; de la circulaire n° 81-56 du 16 mai 1981 confirmant la classification des personnels de l'hôtellerie, prise en application de l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963 et de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur les salaires, de l'article 31 de la convention collective de l'hôtellerie du 1er juillet 1968. »

Disposant d'un délai de quinzaine à compter du 29 avril 2003, conformément aux dispositions des articles 12 de la loi n° 473 du 17 mai 1948 et 10 de l'ordonnance souveraine n° 3916 du 12 décembre 1967, le Procureur général n'a pas, dans ce délai, introduit de recours devant la Cour supérieure d'arbitrage, contre la sentence attaquée.

Les membres de la Brigade volante représentés par leur avocat-défenseur, Maître Richard Mullot, ont, en revanche, fait parvenir au secrétariat de la Cour supérieure d'arbitrage, un mémoire en défense, daté du 22 avril 2003, qui apparaît avoir été régulièrement communiqué à la partie adverse.

Aux termes de celui-ci, et réitérant l'essentiel de leurs argumentations antérieures, ils ont conclu au rejet du recours en annulation introduit par la SSM, dont ils ont sollicité la condamnation aux dépens ;

À l'audience, et conformément aux dispositions de l'article 12 de l'ordonnance souveraine n° 3916 du 12 décembre 1967, les représentants des parties ont été autorisés à présenter brièvement des observations orales. Enfin, le Procureur général, précisant les limites du recours, en droit, a conclu s'en rapporter à la sagesse de la Cour supérieure d'arbitrage quant aux deux branches du moyen d'annulation invoqué par la SBM.

Motifs

La Cour supérieure d'arbitrage

Considérant les faits suivants :

La société anonyme monégasque dénommée « Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers (SBM) » qui exploite divers établissements commerciaux à Monaco, a regroupé au sein d'une équipe dénommée « brigade volante » l'ensemble des serveurs des bars et restaurants appelés à travailler à la « salle des Étoiles », au « bar des jeux », au « Cabaret », au « restaurant des Privés », au « bar du Soleil », à la « Potinière », à « l'Open de tennis du Monte-Carlo Country Club », ainsi qu'au « Jimmy'z ».

Par suite de ce regroupement, les membres de l'équipe constituée de la sorte, et comprenant environ une cinquantaine de personnes, se sont trouvés chargés d'assurer leur service, soit en permanence dans l'un seulement des établissements, soit momentanément dans plusieurs autres, en fonction des besoins nés de leur exploitation.

Pour l'ensemble de ces établissements, et en exécution des accords collectifs et des contrats de travail applicables, la SBM a été appelée à rémunérer les membres du personnel placé en contact avec la clientèle, en répartissant entre eux, pour valoir minimum de rémunération et éventuel supplément, la masse des sommes par elle perçues au titre du pourcentage qui est obligatoirement ajouté aux notes payées par ses clients, correspondant à des pourboires versés pour le service, soit 15 %.

En application de ce système de rémunération dit « à la masse » ou « au pourcentage », chacun des membres de la Brigade volante a donc eu vocation, dans les termes de son contrat de travail, à percevoir une quote-part de la masse commune alimentée par les 15 % de service perçus dans l'ensemble des établissements concernés.

Ce système de rémunération était cependant particulier, s'agissant du Jimmy'z.

Par suite d'un usage s'étant en effet instauré depuis plusieurs années, entre le responsable de cet établissement, désigné en dernier lieu comme premier maître d'hôtel, et les membres de la Brigade volante, la masse des 15 % de service encaissée au Jimmy'z s'est en effet trouvée divisée de sorte que le premier maître d'hôtel perçoive une fraction de cette masse et les membres de la Brigade volante le restant.

Cette répartition s'est durablement appliquée, apparemment sans contestation formelle, jusqu'en 2001.

Antérieurement cependant, les membres de la Brigade volante avaient, en l'an 2000, déjà fait grief à la SBM de rémunérer au pourcentage le directeur d'un autre établissement, le cabaret du Casino. Ils avaient déposé pour ce motif un préavis de grève, qui avait été levé en l'état d'engagements pris par la SBM, de respecter l'ensemble des règles applicables à la rémunération au pourcentage, en fonction de l'activité des salariés concernés.

De fait, le personnel du Jimmy'z se partageait à cette époque diverses tâches ou activités dont certaines seulement le faisaient entrer directement en contact avec la clientèle.

À ce titre, et outre le responsable de l'établissement, la SBM rémunérait donc au pourcentage les barmen et serveurs de la Brigade volante qui se trouvaient, soit affectés à demeure dans l'établissement, soit appelés à y travailler pour renforcer momentanément le personnel.

En revanche, les disquaires, les voituriers et les hôtesses des vestiaires étaient rémunérés au fixe, tout comme les personnes employées aux tâches de nettoyage.

Au mois de mars de l'année 2001 le directeur du Jimmy'z a quitté ses fonctions.

Avant qu'il ne soit remplacé, et que ne soit donc réitéré l'accord de répartition de la masse des 15 % ouvrant droit pour son successeur à une fraction de celle perçue dans l'établissement, deux voituriers ont formellement prétendu avoir également droit à une partie de cette masse, comme étant eux-mêmes en contact avec la clientèle, bien que ne faisant pas partie de la Brigade volante qui avait seule, jusque là, vocation à se répartir la masse avec le responsable de l'établissement.

Dans le passé, les voituriers avaient déjà fait verbalement état d'une semblable demande, non suivie d'effet, qui tendait, en somme, à revenir sur une pratique adoptée lors de la création de l'établissement, en 1974, et qui les avait placés dans la catégorie du personnel rémunéré au fixe, bien que, au regard de la grille de classification du personnel de la SBM, cette société ait indiqué qu'ils figuraient dans la catégorie du personnel rémunéré au pourcentage.

Au vu des prétentions ainsi exprimées, auxquelles elle s'est apparemment montrée favorable, sans cependant y faire directement droit par un changement individuel de classification du personnel concerné, la SBM, à la date du 26 mars 2001, a porté la revendication des voituriers à la connaissance des délégués du personnel de la Brigade volante, dans le cadre d'une tentative de conciliation qu'elle a alors proposée aux membres de cette équipe.

À cette occasion, et s'agissant du Jimmy'z, trois solutions ont alors été soumises par la SBM au choix de la Brigade volante :

* Tenant compte de ce que d'autres salariés que les voituriers étaient, selon elle, en contact avec la clientèle, outre ceux de la Brigade volante, la SBM a envisagé, en premier lieu, que tous ces autres salariés, de même que les voituriers, soient désormais intégrés dans la Brigade volante. Celle-ci, en contrepartie se serait répartie la totalité du pourcentage de service, inclus à hauteur de 15 % dans les notes de l'établissement.

* Une deuxième solution proposée par la SBM consistait à modifier autrement la répartition de la « masse des 15 % » en attribuant 3/4 de celle-ci à la Brigade volante et le quart restant à une nouvelle brigade qui aurait compris les voituriers et les autres membres de l'établissement se trouvant en contact avec la clientèle.

* Enfin, la SBM proposait, en troisième lieu, que la Brigade volante ne couvre plus le personnel du Jimmy'z, qui n'y aurait désormais travaillé qu'à temps plein.

En ce cas, aurait été constituée une « masse des 15 % » spécifique à l'établissement, devant être répartie seulement entre, d'une part, les membres de la Brigade volante désireux de demeurer au Jimmy'z, et, d'autre part, l'ensemble des voituriers et autres salariés du Jimmy'z en contact avec la clientèle.

L'ensemble de ces propositions a été cependant rejeté par la Brigade volante, au motif, pour l'essentiel, que chacune des solutions envisagées aurait nécessairement entraîné une diminution de la rémunération de ses membres, que ceux-ci n'auraient nullement eu à supporter au lieu et place de l'employeur.

Compte tenu de ce refus, une nouvelle conciliation a été, cette fois, tentée par l'inspecteur du Travail.

Celui-ci a pour ce réuni, le 14 mai 2001, d'une part, les voituriers assistés d'un délégué syndical, secrétaire général du « Syndicat des employés des hôtels, cafés et restaurants », d'autre part, les délégués du personnel de la Brigade volante ainsi que les représentants de l'administration de la SBM.

Les délégués du personnel de la Brigade volante ont cependant maintenu leur antérieur refus et la tentative de conciliation ainsi mise en œuvre n'a donc pas davantage abouti.

Ensuite de celle-ci, et par lettre du 17 mai 2001, les voituriers ont néanmoins renouvelé formellement leur demande auprès de la SBM, tendant à participer à la répartition de la masse des 15 % de service encaissée au Jimmy'z.

Compte tenu de cette lettre, la SBM a alors entendu faire application de l'article 35 de la convention collective de l'hôtellerie, du 1er juillet 1968, qui prévoit que les conflits collectifs seront soumis, préalablement à toute procédure légale, à une commission paritaire composée de trois délégués patronaux et de trois délégués ouvriers de la profession, désignés par les organisations syndicales.

À la date du 29 mai 2001, la SBM a donc sollicité la réunion de la commission paritaire ainsi prévue, qui a été convoquée par l'inspection du travail pour le 23 juillet 2001.

En présence de l'inspecteur principal du travail, É. B., ont alors été réunis trois représentants de l'association de l'activité hôtelière monégasque (A. E., J.-P. V., J.-M. P.), trois représentants du syndicat des hôtels, cafés et restaurants (S. C., M. A., A. D.), trois représentants de la SBM (B. L., M. S., D. B.), ainsi que deux délégués du personnel de la Brigade volante (T. P. et V. G.).

Bien qu'ayant été également convoqués à cette réunion, y ont fait cependant défaut les délégués du personnel rémunéré au fixe du Casino et du Sporting, ainsi que le représentant des salariés demandeurs d'une rémunération au « pourcentage ».

En leur absence, la SBM a fait connaître à la commission paritaire, pour déterminer l'objet du litige, qu'elle avait été saisie par deux salariés « au fixe » exerçant l'activité de voituriers, d'une demande tendant à leur intégration dans la catégorie de personnel rémunéré « à la masse ».

Les solutions originairement proposées à la Brigade volante pour résoudre ce litige, ont été alors rappelées à la commission paritaire, de même que les conditions de leur rejet, et, en conclusion, la SBM a estimé que les salariés en contact avec la clientèle n'avaient pas vocation à être payés « au fixe » et devaient selon la classification applicable passer « au pourcentage ».

En réponse à ces indications, la Brigade volante a fait d'abord valoir à la commission paritaire l'importance du travail accompli par ses membres au Jimmy'z, qui était de nature à accroître notablement « la masse des 15 % », tandis que les voituriers ne participaient pas à ce travail, de sorte qu'ils n'avaient pas à bénéficier de cette masse, alors surtout que, de leur côté ils percevaient directement de nombreux pourboires qu'ils ne reversaient pas au « petit tronc ».

La Brigade volante a également indiqué qu'en réalité la SBM voulait lui faire supporter la rémunération des salariés qui n'avaient pas vocation à être payés au pourcentage, tels le directeur de l'établissement déjà rémunéré à ce titre, ou encore les disquaires.

Enfin la Brigade volante a souligné que seuls deux voituriers avaient signé la demande transmise à la commission paritaire, sur les dix qui auraient été concernés, de sorte qu'ils n'étaient pas eux-mêmes réellement représentatifs de la situation alléguée.

Ont alors été évoquées devant la commission paritaire la question de la clef de répartition de la masse, et celle de la participation financière des établissements, autres que le Jimmy'z, bénéficiant du service des voituriers, ce à quoi le représentant de la SBM a expliqué qu'à défaut d'accord interne sur la répartition, il serait possible de créer une équipe au Jimmy'z avec sa propre masse, et que, s'agissant des établissements Fuji, Bar & Bœuf et Casino, il aurait été possible, comme cela s'était opéré dans d'autres établissements, d'effectuer des ponctions sur d'autres masses, étant précisé que dans cette zone seul le Jimmy'z serait ouvert à l'année.

S'agissant de l'incidence financière de chacune des solutions proposées à la Brigade volante, il a enfin été relevé que la plus pénalisante pour cette équipe serait celle tendant à créer une brigade propre au Jimmy'z, et, par ailleurs, que la perte de salaire minimale pour les membres de la Brigade volante serait de l'ordre de 20 %, en sorte que celle-ci n'accepterait jamais que le service du Jimmy'z lui soit retiré.

En l'état de ces divergences de vues, et, après en avoir délibéré hors la présence des délégués de la Brigade volante et des représentants de la SBM, la commission paritaire a fait connaître son avis au terme d'un compte rendu de sa réunion du 23 juillet 2001.

Elle a alors estimé que la réglementation devait être respectée, et que l'ensemble des agents qui, suivant la nomenclature des emplois, pouvait prétendre à une rémunération « au pourcentage » devait être rémunéré sur ces bases.

L'avis ainsi exprimé par la commission paritaire a été porté à la connaissance des délégués du personnel de la Brigade volante, par lettre recommandée postée le 13 septembre 2001, mais ceux-ci ont une nouvelle fois réitéré leur refus de souscrire aux propositions de la SBM, aux motifs que constituerait une atteinte à leur salaire, et un détournement illicite de la « masse des 15 % », tout prélèvement qui serait opéré sur cette masse à l'effet de rémunérer au pourcentage un autre personnel que celui de la Brigade volante.

Les négociations entamées par la SBM se trouvant par là même suspendues, cette société a dès lors saisi le Ministre d'État, d'une requête, reçue le 12 novembre 2001 au secrétariat général du gouvernement, tendant à l'ouverture d'une procédure de conciliation et d'arbitrage, telle qu'instituée pour les conflits collectifs du travail par la loi n° 473 du 4 mars 1948, modifiée.

Cette société a indiqué en sa requête que celle-ci avait pour objet de résoudre un conflit social l'opposant à des salariés du Jimmy'z placés en contact avec la clientèle, dès lors que certains d'entre eux, les voituriers, prétendaient à la répartition de la « masse des 15 % » tandis que d'autres, les membres de la Brigade volante, s'y opposaient formellement.

Évoquant en sa requête l'essentiel des éléments du conflit qui viennent d'être rappelés, la SBM a en conséquence demandé que soit soumis à arbitrage le conflit collectif l'opposant au personnel de la Brigade volante, dès lors que celle-ci s'était opposée à toutes tentatives de conciliation et avait rejeté la demande présentée par les voituriers du Jimmy'z visant à les faire participer à la répartition de la masse des 15 % de service perçue dans cet établissement.

S'il était fait droit à cette demande, la SBM a indiqué en sa requête que les autres salariés de l'établissement placés, à ses dires, en contact avec la clientèle (responsables, voituriers, hôtesses, des vestiaires, disquaires) devraient également participer à la répartition de la masse des 15 % de service du Jimmy'z.

Il s'ensuivrait donc, selon la SBM, malgré le refus de tout changement opposé par les membres de la Brigade volante, que devrait être institué un lien de masse spécifique pour le Jimmy'z, qui serait alimenté par l'ensemble des 15 % de service encaissés dans cette unité, et où la répartition de la masse s'effectuerait entre les ayants droit affectés dans cet établissement ce, au prorata des présences, des salaires minima garantis, individuels et catégoriels, et des coefficients indiciaires respectifs.

Dans ces conditions, la SBM demandait en définitive la création par voie d'arbitrage d'un lien de masse des 15 % spécifique au Jimmy'z, dont la répartition bénéficierait à l'ensemble des salariés travaillant en contact avec la clientèle de cette unité.

Soumise, sous la présidence du vice-président du Tribunal du travail, à l'examen de la commission de conciliation des conflits collectifs du travail, qui s'est alors réunie conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi n° 473 du 4 mars 1948, la requête ainsi présentée par la SBM a donné lieu, à la date du 12 février 2002, à une tentative de conciliation entre, d'une part, les représentants de la SBM (B. L. et D. B.), et, d'autre part, les délégués du personnel de la Brigade volante (V. G. et T. P.).

Devant la commission de conciliation, le conseil des délégués de la Brigade volante a estimé que la requête n'était pas recevable car les véritables requérants étaient non pas la SBM mais les voituriers, qui représentaient eux-mêmes une dizaine de personnes.

Ce conseil a par ailleurs souligné que la requête restreignait la portée des premières propositions de l'employeur, dans la mesure où seule la troisième de celles-ci se trouvait désormais soutenue, qui était de surcroît la plus pénalisante pour la Brigade volante.

En outre, le conseil des membres de la Brigade volante a fait valoir que la SBM ne détenait aucun mandat pour agir au nom des véritables demandeurs, dont la désignation était au demeurant imprécise.

S'agissant de la modification de la « masse des 15 % » proposée par l'employeur relativement aux employés du Jimmy'z, les membres de la Brigade volante ont fait alors plaider par leur conseil qu'elle était contraire aux textes en vigueur, et qu'elle portait atteinte à leurs droits.

Ils ont estimé, en effet, qu'en ce qui concernait, déjà, le responsable de l'établissement, la classification de celui-ci résultant de la convention collective de l'hôtellerie (art. 31 § 5) lui interdisait de prétendre à la masse du pourcentage-service.

Ils ont estimé, par ailleurs, que seul le personnel en service de salle pouvait prétendre à la répartition de cette masse exclusion faite, donc, des voituriers, portiers, disquaires, hôtesses et personnel d'entretien non rémunéré au pourcentage.

À ce propos, les membres de la Brigade volante ont fait observer par leur conseil que les règles de la répartition du pourcentage service avaient été précisées par une sentence arbitrale du 8 juin 1964, confirmée par la Cour supérieure d'arbitrage le 27 juin 1964.

Dès lors, les prestations des voituriers dont l'activité serait spécifique comme se déroulant hors du service de salle, ne sauraient ouvrir droit à une rémunération au pourcentage.

Les membres de la Brigade volante ont soutenu, également, que la proposition de l'employeur entraînerait une modification substantielle de leur contrat de travail, qui ne pouvait pas intervenir sauf accord des parties, étant relevé que cette atteinte à leur contrat s'avérait d'autant moins justifiée qu'elle permettrait à l'employeur de réaliser une économie sur les salaires, en n'acquittant plus le fixe dont il aurait été débiteur envers les véritables demandeurs.

Rejetant également, pour des motifs similaires, les deux autres solutions originairement envisagées par la SBM, les membres de la Brigade volante ont en définitive demandé à la commission de conciliation, sous réserve de la recevabilité par eux contestée de la requête :

* d'ordonner à l'employeur de justifier d'une requête introductive d'instance de la part des deux salariés intéressés ainsi que du pouvoir régulier qu'il détiendrait de la part d'autres membres du personnel SBM,

* de constater que les propositions de la SBM constituaient des modifications unilatérales du contrat de travail qui ne pouvaient être imposées sans l'accord des salariés concernés, membres de la Brigade volante,

* de constater qu'en aucune manière, le directeur du Jimmy'z ne pouvait se voir attribuer le poste de « Maître d'Hôtel 1er échelon », ni solliciter son intégration parmi les membres de la Brigade volante,

* de constater que les salariés requérants, s'agissant des voituriers, hôtesses, disc-jockeys et personnel d'entretien ne pouvaient prétendre à une rémunération au pourcentage, ni faire partie de la Brigade volante de la SBM, exclusivement composée de personnels de service limonadiers, ou de restauration.

* de dire et juger que c'est à bon droit que les membres de la Brigade volante s'opposaient formellement aux modifications sollicitées par l'employeur,

* de rejeter l'intégralité des demandes présentées par les requérants salariés ainsi que par la SBM avec toutes conséquences de droit,

* de dire et juger, enfin, que l'effectif et la composition de la Brigade volante devraient être maintenus en l'état actuel, sauf à porter gravement atteinte aux droits des salariés la composant,

En l'état des prétentions ainsi exprimées, mais sans pouvoir parvenir à les rapprocher, la commission de conciliation a constaté, en définitive, la non-conciliation des parties, tout en souhaitant que celles-ci se réunissent à nouveau afin d'établir un protocole eu égard aux échanges constructifs qu'elles avaient manifestés.

Il a alors été demandé aux parties, conformément aux dispositions de l'article 6 § 3 de la loi n° 473 du 4 mars 1948, de porter à la connaissance du président de la commission de conciliation le nom d'un arbitre commun, dont elles auraient fait choix. Les parties ont alors immédiatement indiqué choisir en qualité d'arbitre M. A. M.

Sur ce, et après délibération du Conseil de gouvernement en date du 13 mars 2002, il a été procédé, par arrêté ministériel n° 2002-195 du 18 mars 2002, à la désignation de trois arbitres, dont celui nommé par les parties, afin de statuer sur le conflit opposant de la sorte la SBM à la Brigade volante.

Le délai initialement imparti aux arbitres pour formuler leur sentence a été, par la suite, prorogé jusqu'au 30 avril 2003, par arrêtés ministériels des 25 octobre 2002 et 3 mars 2003.

En définitive, une sentence arbitrale a été rendue dans ce conflit, le 28 avril 2003.

Selon l'exposé des motifs de cette décision les arbitres ont liminairement déterminé l'objet du litige comme ayant exclusivement trait à « la création d'un lien de masse des 15 % de service spécifique au Jimmy'z dont la répartition bénéficierait à l'ensemble des salariés travaillant au contact de la clientèle de cette unité ».

Les arbitres ont donc estimé n'avoir pas à connaître des demandes ou considérations étrangères à cet objet.

Quant à la forme de la procédure, les arbitres ont ensuite retenu que les représentants des parties remplissaient, pour agir, les conditions exigées par la loi.

Sur la qualification du conflit et leur compétence pour en connaître, les arbitres ont, par ailleurs, relevé que le litige opposait une « collectivité », la Brigade volante, regroupant l'ensemble des serveurs des bars et restaurants assurant leur service, en dehors des hôtels, dans divers autres établissements, qu'un tel différend résultait d'un litige collectif (la détermination d'une « masse ») et que de ce fait il revêtait, selon la jurisprudence, le caractère d'un conflit collectif du travail, de sorte que le collège arbitral pouvait apprécier le fond.

Quant au fond du litige, et après avoir rappelé l'historique de celui-ci, les arbitres ont relevé dans les motifs de leur décision que la proposition de la SBM de constitution d'une masse des 15 % de service spécifique au Jimmy'z à répartir entre tous les membres du personnel de cet établissement entraînerait obligatoirement une diminution appréciable de la rémunération des membres de l'actuelle Brigade volante et constituerait une modification substantielle de leur rémunération, ainsi qu'il est apparu clairement des simulations de nouvelles répartitions effectuées amiablement, à la demande et à l'intention du Collège arbitral, par les services comptables de la SBM. Les arbitres ont retenu également comme étant patent que les membres de la Brigade volante s'étaient toujours unanimement et totalement opposés à une modification de leur mode de rémunération en vigueur depuis au moins l'année 1974.

Sur la base des motifs ainsi rapportés les arbitres ont dès lors déclaré :

* qu'au regard des motifs et dispositifs des arrêts et sentences avancés par la défenderesse, qu'ils se sont appropriés, il n'appartenait pas à la société demanderesse d'imposer unilatéralement une modification de la composition de la Brigade volante, du mode de calcul et de l'établissement de la rémunération de ses membres, et qu'il y avait donc lieu de les maintenir pour l'instant en leur état et mode de décompte actuels,

* que les propositions formulées par la SBM ne pouvaient donc être retenues, la SBM devant être, en conséquence, déboutée de sa demande, en conservant à sa charge les frais et dépens de l'instance.

* Incidemment, et comme l'avait déjà fait la commission de conciliation réunie le 13 février 2002, le collège arbitral a, par ailleurs, rendu hommage à la correction et au sérieux ayant présidé aux débats et échanges de vues au cours de l'arbitrage, ainsi qu'aux efforts réciproques et recherches de solutions équitables et satisfaisantes s'étant dégagés au fil des débats. Il a donc invité les parties à se réunir à nouveau, au besoin avec le concours des arbitres, pour jeter les bases d'un accord consensuel sur la solution des difficultés rencontrées et non surmontées.

Régulièrement notifiée aux parties et communiquée à la Direction du travail et des affaires sociales, la décision arbitrale, ainsi rendue le 28 avril 2003, a été déposée en minute au secrétariat du Tribunal du travail, et un exemplaire en a été envoyé au Procureur général, le tout pour l'application des articles 14 bis de la loi n° 473 du 4 mars 1948, modifiée, et 6 de l'ordonnance souveraine n° 3916 du 12 septembre 1967.

Dans le délai de 10 jours prévu par l'article 12 de la loi précitée, la SBM a formé, devant la Cour supérieure d'arbitrage, un recours en annulation de la sentence ainsi rendue, selon requête du 9 mai 2003 signée de Maître Didier Escaut, avocat-défenseur, laquelle requête a été reçue le jour même au secrétariat de la Cour supérieure d'arbitrage.

Aux termes de cet acte, le recours tend à l'annulation de la sentence attaquée pour :

« Violation des articles 199 du Code de procédure civile, 12 de la loi n° 473 relative à la conciliation et l'arbitrage des conflits collectifs de travail du 4 mars 1948 ; de la circulaire n° 81-56 du 16 mai 1981 confirmant la classification des personnels de l'hôtellerie, prise en application de l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963 et de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur les salaires, de l'article 31 de la convention collective de l'hôtellerie du 1er juillet 1968. »

En ce que la sentence arbitrale attaquée a retenu, prenant en considération les motifs et dispositifs des arrêts et sentences avancés par la défenderesse et qu'elle a déclaré faire siens, qu'il n'appartenait pas à la SBM d'imposer unilatéralement une modification de la composition de la Brigade volante, du mode de calcul et de l'établissement de la rémunération de ses membres, qu'il y avait lieu de les maintenir pour l'instant en leurs état et mode de décompte actuels et qu'elle a en conséquence rejeté la proposition de la SBM visant à la création d'un lien de masse des 15 % de service spécifique au Jimmy'z, dont la répartition bénéficierait à l'ensemble des salariés travaillant au contact de la clientèle de cette unité.

Aux motifs que la proposition de la SBM de constitution d'une masse des 15 % de service spécifique au Jimmy'z à répartir entre tous les membres du personnel de cet établissement entraînerait obligatoirement une diminution appréciable de la rémunération des membres de l'actuelle Brigade volante et constituerait une modification substantielle de leur rémunération, ainsi qu'il est apparu clairement des simulations de nouvelles répartitions, effectuées amiablement, à la demande et à l'intention du Collège, par les services comptables de la SBM, qu'il est patent que les membres de la Brigade volante, défenderesse, se sont unanimement et totalement opposés à une modification de leur mode de rémunération en vigueur depuis au moins l'année 1974.

1) Alors que l'obligation de motivation d'une sentence arbitrale impose au collège arbitral de s'expliquer précisément en fait comme en droit, sur la situation soumise à son appréciation ; qu'en l'espèce, la demande présentée par la SBM avait pour origine la réclamation de voituriers de son établissement le Jimmy'z et pour objet la création d'un lien de masse des 15 % de service spécifique au Jimmy'z, dont la répartition bénéficierait à l'ensemble des salariés travaillant au contact de la clientèle de cette unité, y compris lesdits voituriers ; que le collège arbitral, qui s'est borné à affirmer que la proposition de la SBM entraînerait une modification substantielle de la rémunération des membres de l'actuelle Brigade volante à laquelle cette dernière s'était opposée, sans examiner la situation spécifique des voituriers, ni d'ailleurs celle des salariés travaillant en contact avec la clientèle, a violé les dispositions susvisées.

2) Alors que l'article 31 de la convention collective de l'hôtellerie prévoit notamment que le pourcentage est fixé pour tous les établissements à 15 % du montant des notes des clients et que le produit de cette majoration sera intégralement réparti entre les employés dits « au pourcentage », sans distinguer entre eux ; qu'il est constant que les personnels placés en contact avec la clientèle, relèvent en conséquence, en application de la classification des personnels de l'hôtellerie et de la restauration hôtelière, des salariés rémunérés « au pourboire », comme les serveurs ; qu'en se bornant à écarter la proposition de la SBM sans constater que les voitures et les autres salariés en contact avec la clientèle ne pouvaient être admis au bénéfice de la répartition de la masse en application de dispositions particulières, le collège arbitral a violé les dispositions susvisées.

Disposant d'un délai de quinzaine à compter du 29 avril 2003, conformément aux dispositions des articles 12 de la loi n° 473 du 17 mai 1948 et 10 de l'ordonnance souveraine n° 3916 du 12 décembre 1967, le Procureur général n'a pas, dans ce délai, introduit de recours devant la Cour supérieure d'arbitrage, contre la sentence attaquée.

Les membres de la Brigade volante représentés par leur avocat-défenseur, Maître Richard Mullot, ont, en revanche, fait parvenir au secrétariat de la Cour supérieure d'arbitrage, un mémoire en défense, daté du 22 avril 2003, qui apparaît avoir été régulièrement communiqué à la partie adverse.

Aux termes de celui-ci, et réitérant l'essentiel de leurs argumentations antérieures, ils ont conclu au rejet du recours en annulation introduit par la SBM, dont ils ont sollicité la condamnation aux dépens ;

À l'audience, et conformément aux dispositions de l'article 12 de l'ordonnance souveraine n° 3916 du 12 décembre 1967, les représentants des parties ont été autorisés à présenter brièvement des observations orales. Enfin, le Procureur général, précisant les limites du recours, en droit, a conclu s'en rapporter à la sagesse de la Cour supérieure d'arbitrage quant aux deux branches du moyen d'annulation invoqué par la SBM.

Sur quoi,

Quant au moyen unique d'annulation pour violation de la loi,

Sur la première branche du moyen,

Considérant que la SBM reproche en premier lieu à la décision attaquée un défaut de motivation contraire aux prescriptions des articles 199 du Code de procédure civile et 12 de la loi n° 473 du 4 mars 1948, en ce que les arbitres n'auraient pas examiné la situation spécifique des voituriers du Jimmy'z, dont la réclamation avait pourtant été à l'origine du conflit en cause ;

Considérant, toutefois, qu'au regard de la définition qu'ils ont donnée à ce conflit, telle qu'elle résulte des mentions non critiquées de leur sentence ayant circonscrit celui-ci, sur le fondement de l'article 8 de la loi n° 473 précitée, à la création d'un lien de masse de 15 % de service spécifique au Jimmy'z, dont la répartition bénéficierait à l'ensemble des salariés travaillant en contact avec la clientèle de cette unité, les arbitres, qui pouvaient statuer en équité sur la question d'ordre économique leur étant ainsi déférée, comme les y autorisait l'article 8 de cette même loi, ont retenu, dans les motifs de leur décision, par référence à des calculs prévisionnels débattus par les parties et déduits de la proposition qui leur était présentée par la SBM, que la constitution d'une masse de 15 % de service spécifique au Jimmy'z diminuerait nécessairement de manière appréciable, et modifierait substantiellement, la rémunération des membres de la Brigade volante, ce à quoi ceux-ci s'étaient toujours unanimement opposés ;

Que les arbitres ont, dès lors, refusé la création de la « masse des 15 % » proposée par la SBM, à qu'ils ont, d'autre part, dénié le droit de l'imposer unilatéralement ;

Considérant qu'usant ainsi de leur pouvoir d'appréciation de l'ensemble des circonstances contradictoirement soumises à leur examen, sans avoir à s'expliquer, en outre, sur le cas particulier des membres du personnel du Jimmy'z qui n'étaient pas parties en la cause, les arbitres ont, sans violer les textes précités, suffisamment motivé le rejet de la demande ;

D'où il suit que le moyen d'annulation n'est pas fondé en sa première branche ;

Sur la seconde branche du moyen,

Considérant que la SBM fait par ailleurs grief aux arbitres d'avoir écarté sa proposition d'instituer une masse des 15 % spécifique au Jimmy'z, sans constater simultanément que les voituriers et les autres salariés en contact avec la clientèle ne pouvaient être admis au bénéfice de la répartition de cette masse qui aurait pu leur être conféré, ce en quoi les arbitres n'auraient pas tiré les conséquences légales de l'article 31 de la convention collective de l'hôtellerie et de la circulaire susvisée n° 81-56 du 16 mai 1981 ;

Considérant, cependant, que les dispositions invoquées de ces textes, relatives aux modalités de répartition de la « masse des 15 % », ainsi qu'à la détermination des salariés pouvant y prétendre, n'avaient pas à être appliquées par les arbitres pour la solution du litige dont ils étaient saisis, qui avait seulement pour objet d'apprécier l'opportunité d'une masse particulière devant bénéficier aux salariés du Jimmy'z en contact avec la clientèle, et non de procéder simultanément à la classification individuelle du personnel de l'établissement considéré pouvant légalement prétendre à la répartition de la masse, non plus que de déterminer les modalités d'une telle répartition ;

Qu'ainsi, c'est sans violation des textes précités que le collège arbitral a, par les motifs susvisés, écarté la demande de la SBM ;

Qu'il s'ensuit qu'en sa seconde branche le moyen d'annulation n'est pas davantage fondé, et que, par voie de conséquence, le recours de la SBM doit être rejeté ;

Quant aux dépens,

Considérant qu'aucune condamnation aux dépens n'est légalement encourue devant la Cour supérieure d'arbitrage ; que la demande formulée de ce chef en défense ne peut donc être reçue ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour supérieure d'arbitrage,

Rejette le recours formé contre la sentence rendue le 28 avril 2003 dans le conflit opposant la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers (SBM) aux délégués du personnel de la Brigade volante de cette société ;

Rejette la demande de ces derniers relative aux dépens.

Composition

M. Landwerlin. prem. prés. rapp. ; Mme François v. prés ; M. Adam cons ; Mme Rouanet-Passeron et Mme Colle-Gamerdinger membres titulaires ; M. Serdet. proc. gén. ; Mme Aubergier secrétaire, Me Escaut, Mullot av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27051
Date de la décision : 28/05/2003

Analyses

Relations collectives du travail ; Contentieux (Social) ; Arbitrage - Général ; Justice (organisation institutionnelle)


Parties
Demandeurs : Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers (SBM)
Défendeurs : les délégués du personnel de la brigade volante de cette société

Références :

articles 199 du Code de procédure civile
article 12 de l'ordonnance souveraine n° 3916 du 12 décembre 1967
loi n° 473 du 4 mars 1948
ordonnance souveraine n° 3916 du 12 septembre 1967
arrêté ministériel n° 2002-195 du 18 mars 2002
ordonnance souveraine n° 3916 du 12 décembre 1967
article 3 de la loi n° 473 du 4 mars 1948
articles 14 bis de la loi n° 473 du 4 mars 1948
articles 12 de la loi n° 473 du 17 mai 1948
arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963
loi n° 739 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.superieure.arbitrage;arret;2003-05-28;27051 ?

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