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28/05/2015 | MONACO | N°13292

Monaco | Tribunal de première instance, 28 mai 2015, M. d. NI. et Mlle c. NI. c/ La Société par Actions Simplifiée de droit français DISTRIBUTION CASINO FRANCE


Motifs

TRIBUNAL

DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 28 MAI 2015

En la cause de :

M. d. NI., né le 23 novembre 1969 à Monaco, de nationalité italienne, exerçant la profession de chauffeur, domicilié 84 X 1ère X à Roquebrune-Cap-Martin (06190) ;

Mlle c. NI., née le 13 juillet 1979 à Monaco, de nationalité italienne, exerçant la profession d'assistante commerciale, domiciliée X, « X » à Eze (06360) ;

ayants droit de M. p. NI., décédé ;

DEMANDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-dé

fenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La Société par Action...

Motifs

TRIBUNAL

DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 28 MAI 2015

En la cause de :

M. d. NI., né le 23 novembre 1969 à Monaco, de nationalité italienne, exerçant la profession de chauffeur, domicilié 84 X 1ère X à Roquebrune-Cap-Martin (06190) ;

Mlle c. NI., née le 13 juillet 1979 à Monaco, de nationalité italienne, exerçant la profession d'assistante commerciale, domiciliée X, « X » à Eze (06360) ;

ayants droit de M. p. NI., décédé ;

DEMANDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La Société par Actions Simplifiée de droit français DISTRIBUTION CASINO FRANCE, au capital de 45.742.906 euros, dont le siège social se trouve 1 Esplanade de France - BP 306-42008 Saint-Etienne Cedex 2, immatriculée au RCS sous le n° 428 268 023, prise en la personne de son Président j-m. DU., demeurant en cette qualité audit siège ;

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Michel TROMBETTA, avocat au barreau de Saint-Etienne,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 31 mai 2013, enregistré (n° 2013/000587) ;

Vu le jugement de ce Tribunal en date du 8 mai 2015 ayant rejeté l'exception d'incompétence soulevée et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 11 juin 2014, rectifié pour erreur matérielle par jugement du 26 juin 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de d. NI. et c. NI., en date du 23 octobre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, en date du 14 janvier 2015 ;

À l'audience publique du 26 mars 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 28 mai 2015 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Le 7 juillet 1994, la société PRODIM GRAND SUD et Monsieur p. NI. ont conclu un contrat de franchise pour l'exploitation par ce dernier d'une supérette « 8 à huit » à Monaco ainsi qu'un contrat d'approvisionnement, pour une durée de cinq ans.

Ces contrats ont par la suite été renouvelés par tacite reconduction jusqu'à la cession par p. NI. de son fonds de commerce à la société DISTRIBUTION CASINO SAS par acte sous seing privé du 22 avril 2003, réitéré le 23 décembre 2003.

p. NI. a mis fin unilatéralement, en février 2004, aux contrats conclus avec la société PRODIM GRAND SUD.

Aux termes de deux sentences arbitrales en date des 10 septembre 2005 et 18 janvier 2006, le Tribunal arbitral de Paris a condamné Monsieur p. NI. à payer à la SAS PRODIM les sommes de :

– 50.000 euros au titre de sa mauvaise exécution des obligations de franchise relatives au droit de préférence du franchiseur ;

– 16.367,68 euros en réparation du préjudice qu'il a causé à cette société en décidant, unilatéralement et abusivement de résilier, à la fin du mois de février 2004, le contrat de franchise conclu entre les parties et dont le terme était fixé au 7 juillet 2005 ;

– 80.000 euros au titre de l'indemnisation de son dommage pour la rupture unilatérale et fautive du contrat d'approvisionnement qui liait les parties jusqu'à sa dénonciation irrégulière par le défendeur.

Suite au décès de Monsieur p. NI. le 11 décembre 2006 la société PRODIM SAS assignait Monsieur d. NI. Et Madame c. NI. en leur qualité d'héritiers de feu p. NI. afin de voir déclarer exécutoires en Principauté de MONACO les sentences arbitrales.

Les hoirs NI. soulevaient devant le tribunal une exception d'appel en garantie de la SAS DISTRIBUTION CASINO, soutenant que cette société s'était engagée auprès de leur père à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre du fait de la rupture unilatérale des contrats le liant à la société PRODIM GRAND SUD.

Le Tribunal rejetait cette exception par deux jugements avant-dire droit du 19 mars 2009 avant de prononcer l'exequatur des sentences arbitrales prononcées à l'encontre de p. NI., par deux jugements en date du 22 avril 2010.

Par exploit du 31 mai 2013, d. et c. NI., venant aux droits de leur père, ont assigné la société par action simplifiée DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux fins de voir le tribunal constater qu'elle s'est engagée à les relever et garantir des conséquences pécuniaires du litige opposant feu p. NI. aux filiales du groupe CARREFOUR et la condamner en conséquence au paiement de :

– la somme de 296.669,09 euros correspondant aux sommes engagées du fait des procédures et condamnations ;

– 350.000 euros correspondant à la différence de prix entre le montant retiré de la vente du bien immobilier situé […] boulevard […] et son prix réel aux termes des expertises réalisées ;

– 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– 50.000 euros pour les frais engagés par la procédure.

Par conclusions du 23 octobre 2014, d. NI. et c. NI. ont maintenu leurs précédentes demandes et en réponse à l'argumentation de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ont soutenu que :

– la demande de la défenderesse tendant à voir écarter des débats deux courriers émanant de Maître MONTAGARD, avocat au Barreau de Grasse au motif qu'elles enfreindraient le secret des correspondances attaché à la correspondance des avocats à défaut de la mention « Officielle » doit être rejetée aux motifs que :

* au vu du jugement du 8 mai 2014 et des faits de la cause ce sont les règles de procédure monégasques qui doivent s'appliquer,

* en Principauté, c'est un usage contraire qui prévaut entre avocats, l'avocat qui souhaite écrire de manière confidentielle à son confrère doit l'indiquer sur sa lettre pour manifester expressément sa volonté de confidentialité,

* la France a publié au Journal Officiel la décision du 12 juillet 2007 portant adoption du règlement intérieur national (R.I.N.) de la profession d'avocat (article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971, modifiée) dans laquelle l'article 3.4 stipule que « Dans ses relations avec un Avocat inscrit à un barreau en dehors de l'Union Européenne, l'avocat doit, avant d'échanger des informations confidentielles, s'assurer de l'existence, dans le pays où le confrère étranger exerce, de règles permettant d'assurer la confidentialité de la correspondance et, dans la négative, conclure un accord de confidentialité ou demander à son client s'il accepte le risque d'échange d'informations non confidentielles »,

* la Principauté de Monaco n'étant pas membre de l'Union Européenne, le courrier ne portant pas la mention « confidentiel » inscrite en toutes lettres doit être considéré comme officiel et pouvant être produit aux débats,

* il ne pouvait échapper à la vigilance du conseil de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE que ces correspondances avaient vocation de préserver les intérêts des consorts NI. et que c'est de manière explicite que la société défenderesse a, par l'intermédiaire de son conseil, confirmé son engagement de relever et garantir les hoirs NI. des conséquences financières nées ou à naître du litige opposant p. NI. aux filiales du groupe CARREFOUR (CSF et PRODIM),

* ces courriers ne peuvent faire l'objet d'une controverse car s'il y avait eu de la part de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE le moindre doute sur son engagement, son conseil n'aurait pas à deux reprises rappelé les termes de leur accord sur cette garantie,

* entre le premier et le second courrier les sociétés CSF et PRODIM avaient sollicité l'exequatur des sentences arbitrales, p. NI. était décédé le 11 décembre 2006 et les instances avaient été reprises contre ses héritiers, le 17 décembre 2007 ; ces sociétés se considéraient toujours créancières et avaient pris une inscription provisoire d'hypothèque sur des biens immobiliers appartenant à feu p. NI. et assigné en validation le 17 décembre 2007, ce qui indique que lors de la réitération du contrat de vente du fonds de commerce en date du 23 décembre 2013, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE était parfaitement informée des procédures qui opposaient les hoirs NI. aux sociétés CSF et PRODIM et qu'elle avait fait le choix de supporter toutes les condamnations pécuniaires découlant de la rupture anticipée du contrat de franchise par p. NI.,

* la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a adopté un comportement peu scrupuleux ainsi que le montrent ces courriers alors qu'ils sont de bonne foi et n'ont jamais agi abusivement tant en France qu'à Monaco,

* la vente du bien immobilier sis […] boulevard […] par les hoirs NI. a été rendue nécessaire parce que les sociétés CSF et PRODIM avaient pris une inscription provisoire d'hypothèque et une inscription supplémentaire pour la société CSF sur deux biens immobiliers […] boulevard […] et […] avenue […] et les avaient assignés en validation le 4 août 2008,

* ces sociétés CSF et PRODIM ont fait opposition entre les mains du notaire sur les actifs de la succession de p. NI., en sorte qu'ils ont été contraints de se départir du patrimoine de leur père pour apurer leurs dettes,

* il est incontestable que si la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait respecté son engagement intervenu avec p. NI. aux droits duquel ils viennent, ils n'auraient pas été obligés de faire face à ces condamnations pécuniaires,

* il n'était pas dans leur intérêt de vendre précipitamment ce bien immobilier,

* si la défenderesse connaissait un établissement bancaire qui aurait accepté de consentir un prêt de 190.689,34 euros pour honorer leurs dettes, ils déplorent ne pas avoir bénéficié de ses services au moment nécessaire au lieu de se départir du patrimoine,

* p. NI. s'est retrouvé dans une impasse lorsque la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE n'a plus voulu le relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre contrairement à ce qu'elle s'était engagée à faire,

* en l'absence de l'intervention volontaire de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et p. NI. étant décédé, ses héritiers se trouvent dans la même situation ubuesque,

* si p. NI. avait eu le moindre doute sur la fiabilité de l'engagement de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, il n'aurait pas pris la décision de lui céder son fonds de commerce puisqu'il savait qu'en résiliant par anticipation le contrat de franchise, les sociétés CSF et PRODIM utiliseraient la clause compromissoire du contrat pour obtenir réparation de leur préjudice,

* ils ont étayé leur demande par les deux courriers du conseil de la société défenderesse et versent également une décision de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux du 4 janvier 2006 qui relève que p. NI. et la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avaient le même conseil et qui mentionne « Attendu que les défendeurs (hors tout arrangement intervenu entre elles aux termes d'actes dont la Commission Arbitrale n'aurait pas eu connaissance), devront s'acquitter de la somme précitée entre les mains de la société CAREL... » ce qui démontre que la Commission Arbitrale avait eu connaissance de l'accord intervenu entre p. NI. et la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et révèle que tout accord intervenu entre les parties devait être pris en considération par cette Commission arbitrale dès lors qu'il avait vocation à modifier la responsabilité de l'une ou l'autre des parties,

* l'accord a été conclu par le biais d'un conseil commun en sorte que chaque partie était parfaitement éclairée sur les répercussions de cet accord,

* lors de la réitération de la cession du fonds de commerce, p. NI. avait parfaitement prévenu son acquéreur des litiges l'opposant aux sociétés CSF et PRODIM et c'est donc en connaissance de cause que la défenderesse a accepté d'en prendre en charge les conséquences financières.

Par conclusions du 14 janvier 2015, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE sollicite du Tribunal qu'il :

* écarte des débats les pièces des demandeurs n° 23 et 24,

* les déboute de l'intégralité de leurs prétentions comme non fondées,

* subsidiairement, réduise à ce que de droit les dommages-intérêts en excluant comme non fondée la demande au titre de la prétendue mévente de leur immeuble,

* en tout état de cause, condamne in solidum c. NI. et d. NI. à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Au soutien de ses demandes, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE expose que :

* la société DISTRIBUTION CASINO SERVICE FRANCE est une société de droit français, le prétendu engagement de garantie résulte de sentences arbitrales rendues en France et appliquant le droit français, enfin la règle de conflit désigne le droit du prétendu garant,

* pour preuve de l'engagement qui lui est prêté ne sont versés que deux courriers émanant de Maître MONTAGARD, avocat au barreau de Grasse qui représentait et assistait p. NI. devant le Tribunal arbitral adressés à son confrère Maître MICHEL (pièces n° 23 et 24),

* ces moyens de preuve sont irrecevables et doivent être écartés des débats dès lors qu'ils enfreignent le secret professionnel attaché à la correspondance entre avocats tel qu'édicté par l'article 66-5 de la loi n° 71-330 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques,

* l'absence de la mention « officielle » sur ces correspondances ne pouvait échapper à leur destinataire,

* quel que soit le droit de procédure, les actes professionnels d'un avocat exerçant en France sont soumis au règlement intérieur national de la profession d'avocat (R.I.N.), lequel a valeur réglementaire en droit français et fait l'objet d'une publication au Journal Officiel,

* les demandeurs, sans crainte de se contredire, invoquent l'article 3.4 du même R.I.N. mais ne justifient pas du respect des modalités qu'il prescrit à savoir le devoir de l'avocat de « demander à son client s'il accepte le risque d'échange d'informations non confidentielles », or, les demandeurs qui en matière de confidentialité opposent à l'avocat français le droit professionnel monégasque ne peuvent dispenser leur propre avocat monégasque de s'assurer du respect du droit professionnel français dans cette matière et aucune demande préalable n'a jamais été ni formulée et ni encore moins acceptée,

* l'engagement prêté n'a pas été pris pas plus que dans les autres acquisitions de fonds de commerce d'un affilié ou ancien affilié PRODIM (devenu CARREFOUR DISTRIBUTION FRANCE),

* un tel engagement serait anti-économique et intenable compte tenu des instances systématiquement engagées par ce franchiseur,

* il serait parfaitement contradictoire d'avoir en même temps pris cet engagement et d'en lever la confidentialité,

* les demandeurs ne versent aucun écrit émanant d'elle, le seul document signé par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE étant le contrat de réitération de la vente du fonds de commerce qui stipule l'exact contraire : « Les parties (...) entendent considérer que les conditions suspensives 1 et 2 ci-dessus rapportées sont réalisées chacune d'elle faisant son affaire de la suite des litiges évoqués et des conséquences qui pourraient en résulter»,

* en tout état de cause, il n'entre pas dans les prérogatives de l'avocat d'octroyer une garantie unilatérale au nom d'un client, la présomption de mandat outre qu'elle ne s'étend pas à la souscription au nom d'autrui d'un tel engagement ne jouant que dans le cadre du procès,

* Maître MONTAGARD n'a jamais représenté procéduralement que p. NI. et non la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE,

* les demandeurs font une interprétation erronée de la décision de la Commission Arbitrale qui a un sens opposé à celui qu'ils lui donnent,

* il y a lieu de relever que selon les demandeurs, la garantie qui résulterait des correspondances litigieuses s'étendrait aux condamnations correspondant à la majoration de loyer y compris ceux courus avant la cession du fonds,

* on ne discerne pas en quoi sur le fondement des correspondances invoquées, elle aurait entendu étendre indivisiblement sa garantie par nature personnelle à p. NI., à ses héritiers,

* il y a lieu de noter que la plus élevée des demandes d'indemnisation des demandeurs ne concerne pas les condamnations arbitrales mais la vente courant novembre 2011 d'un bien immobilier pour un prix soi-disant dérisoire par rapport à celui du marché,

* même à l'imaginer, ce préjudice serait indirect et dès lors non indemnisable, l'existence d'un lien direct étant requis en matière de responsabilité civile,

* si l'immeuble avait la valeur du marché, on ne s'explique pas pourquoi il a été vendu pour un prix moitié moindre ni pourquoi les demandeurs n'ont pas souscrit un emprunt d'un montant bien inférieur au vu des condamnations, en affectant en garantie l'immeuble,

* les demandeurs ne justifient pas avoir été contraints de vendre en urgence alors que la dénonce de l'assignation en exequatur et leur assignation personnelle est du 23 juillet 2007 tandis que le jugement est du 22 avril 2010 et la vente de l'immeuble du 15 novembre 2011,

* on ne conçoit pas en quoi la garantie revendiquée aurait joué avant même le paiement par son bénéficiaire,

* il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager pour sa défense, ce qui justifie sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

SUR CE,

Sur la recevabilité de la production des pièces n° 23 et 24 communiquées par les demandeurs,

Ces pièces sont constituées de deux courriers en date des 22 février 2006 et 25 janvier 2008 adressés par Maître Michel MONTAGARD, avocat au Barreau de Grasse à Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco dans le cadre des litiges opposant p. NI. aux sociétés CSF et PRODIM suite à la cession de son fonds de commerce et à la résiliation anticipée du contrat de franchise qui le liait à ces sociétés.

c. NI. et d. NI. fondent leur demande de garantie à l'encontre de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE sur ces deux correspondances qu'ils considèrent comme « officielles » tandis que cette société estime que ces pièces ne peuvent être produites devant ce Tribunal pour être couvertes par le secret professionnel régissant les correspondances entre avocats.

Les lois de procédure monégasques sont en l'espèce indifférentes à la résolution de ce point de droit.

Il est constant que ces pièces ont été écrites par un avocat français et comme tel soumis à la législation française en l'espèce la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction en vigueur à l'époque et au Règlement intérieur national de la profession d'avocat (R.I.N.).

L'article 66-5 de cette loi dispose que :

« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention »officielle«, les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ».

Ce texte institue donc le principe de la confidentialité des échanges entre avocats, sauf mention expresse de leur caractère officiel.

Les deux courriers litigieux ne portent pas la mention « officielle ».

L'article 3.1 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat qui a valeur réglementaire et est publié, de même que ses modifications, au Journal Officiel de la République Française, précise que :

« Tous échanges entre avocats, verbaux ou écrits quel qu'en soit le support (papier, télécopie, voie électronique, ...), sont par nature confidentiels.

Les correspondances entre avocats, quel qu'en soit le support, ne peuvent en aucun cas être produites en justice, ni faire l'objet d'une levée de confidentialité ».

Cette confidentialité par nature des correspondances entre avocats fondée sur le secret professionnel de l'avocat qui est d'ordre public, général, absolu et non limité dans le temps (article 2 du R.I.N.) fait obstacle à leur production en justice, sauf si le document est nécessaire à la propre défense de l'avocat en justice et dans le cas de déclarations ou de révélations prévues ou autorisées par la loi (article 2 du R.I.N.).

Maître MONTAGARD était donc tenu à ce principe du secret.

L'article 3.4 du R.I.N. prévoit que : « Dans ses relations avec un avocat inscrit à un barreau en dehors de l'Union Européenne, l'avocat, doit, avant d'échanger des informations confidentielles, s'assurer de l'existence, dans le pays où le confrère étranger exerce, des règles permettant d'assurer la confidentialité de la correspondance et, dans la négative, conclure un accord de confidentialité ou demander à son client s'il accepte le risque d'un échange d'informations non confidentielles ».

Maître Frank MICHEL exerçant en Principauté de Monaco, État ne faisant pas partie de l'Union Européenne, Maître MONTAGARD se devait, à défaut de tout accord de son client pour déroger à la confidentialité, s'assurer de ce que son confrère monégasque appliquait les règles de confidentialité ou conclure un accord de confidentialité. Aucun accord de ce type n'est allégué.

Maître MICHEL affirme qu'à Monaco, la règle de la confidentialité des correspondances entre avocats serait différente et qu'en fait les courriers échangés seraient officiels sauf à mentionner expressément leur caractère confidentiel. Il ne produit aucune pièce à l'appui de cette affirmation et ne mentionne pas sur quelles dispositions ou jurisprudence il se fonde.

La profession d'avocat est régie à Monaco par la loi n° 1.047 du 28 juillet 1982 sur l'exercice de la profession d'avocat-défenseur et d'avocat et l'ordonnance souveraine n° 8.089 du 17 septembre 1984 prise pour son application. Aucun de ces deux textes ne contient de disposition relative au secret professionnel.

L'ordre des avocats-défenseurs et avocats de la Principauté de Monaco n'est pas doté d'un règlement intérieur.

L'article 308 du Code pénal prévoit que « Toutes personnes dépositaires, par état ou profession, du secret qu'on leur confie, qui, hors des cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punies d'un emprisonnement de un à six mois et de l'amende prévue au chiffre 2 de l'article 26, ou de l'une de ces deux peines seulement ».

Il n'a jamais été contesté en droit monégasque que l'avocat est tenu au secret professionnel, principe essentiel à l'exercice de sa mission et aux droits de la défense.

L'absence de reconnaissance d'un tel droit entraverait le plein exercice par les avocats de leur mission de défense des intérêts de leurs clients lesquels seraient de plus privés des droits garantis par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui a été ratifiée par la Principauté de Monaco.

Le principe de ce secret professionnel a d'ailleurs été reconnu par le législateur monégasque qui a prévu des dispositions spéciales en ce qui concerne les avocats en matière, par exemple, d'interception de correspondances émises par voie de télécommunications puisque l'article 106-8 du Code de procédure pénale impose un avis au Bâtonnier lorsqu'un avocat est concerné tant à son domicile qu'à son cabinet tandis que l'article 106-2 de ce Code limite les conditions de mise en œuvre pour les personnes soumises au secret professionnel incluant nécessairement les avocats et l'article 106-13 prohibe toute sonorisation au cabinet d'un avocat en excluant les lieux visés à l'article 106-8 dont le premier alinéa vise le domicile et le cabinet des avocats.

Cette absence de secret si elle était reconnue ferait également obstacle au caractère nécessairement confidentiel des échanges entre avocats tant pour prévenir les litiges que les résoudre par le biais de transactions.

Le secret des correspondances entre avocats, comme le secret de celles échangées entre l'avocat et son client, étant un élément fondamental du secret professionnel, il ne peut être considéré que les échanges entre avocats ne sont confidentiels qu'en présence d'une mention expresse de confidentialité.

Cette thèse est d'ailleurs contredite par la pièce n° 22 produite par les demandeurs qui s'agissant d'un courrier émanant de Maître Frank MICHEL adressé à Maître MONTAGARD le 4 mai 2009, porte la mention « COURRIER OFFICIEL ». Or, une telle mention n'aurait aucune utilité si le principe était comme le soutient ce conseil des demandeurs le caractère officiel des correspondances, la confidentialité étant l'exception.

En l'espèce, il est de surcroît évident que compte tenu de la concurrence entre les franchiseurs telle qu'elle résulte des nombreux litiges opposant le groupe CASINO au groupe CARREFOUR, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne pouvait se permettre qu'une éventuelle garantie de sa part donnée à un franchisé soit rendue publique et n'aurait, à supposer que tel ait été le cas, que pu l'indiquer que de manière strictement confidentielle.

En conséquence, les courriers litigieux adressés par un avocat français à un avocat monégasque sont confidentiels et ne peuvent être produits en justice dès lors que tous deux sont soumis au secret professionnel couvrant les correspondances adressées entre confrères.

Les pièces n° 23 et 24 doivent donc être déclarées irrecevables et écartées des débats.

Sur les demandes de c. NI. et d. NI.,

Ces demandes étaient essentiellement fondées sur les deux courriers écartés des débats.

L'acte de réitération de vente du fonds de commerce du 23 décembre 2003 quant à lui mentionne concernant les litiges en cours entre p. NI. et la société PRODIM que « Les parties constatant que (...) entendent considérer que les conditions suspensives 1 et 2 ci-dessus rapportées, sont réalisées chacune d'elle faisant son affaire de la suite des litiges évoqués et des conséquences qui pourraient en résulter ».

Cette mention contredit l'hypothèse soutenue selon laquelle la société DISTRIBUTION CASINO France se serait engagée à garantir p. NI. des condamnations pouvant découler des litiges avec la société PRODIM puisque au contraire, elle prévoit que le litige concernant p. NI. et non la société cessionnaire, p. NI. en fera son affaire personnelle et en assumera les conséquences.

La lecture de la décision de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux du 4 janvier 2006 dans l'instance opposant la SCI CAREL à p. NI. et à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne permet pas plus d'établir l'existence de l'accord de garantie allégué, le fait que les deux défenderesses aient pris le même avocat (Maître LEANDRI) montrant une absence de conflit d'intérêt et tout au plus un lien d'intérêt et alors que la mention de la page 10 « Attendu que les défendeurs (hors tout arrangement intervenu entre elles aux termes d'actes dont la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux n'aurait pas eu connaissance), devront s'acquitter (...) » n'implique nullement un accord de garantie mais au contraire que cette juridiction n'a pas eu connaissance d'accord sur la prise en charge des loyers compte tenu de la cession intervenue.

La charge de la preuve reposant sur c. NI. et d. NI. qui prétendent à l'exécution d'une obligation, ainsi qu'en dispose l'article 1162 du Code civil, il y a lieu de constater qu'ils ne rapportent pas la preuve de l'obligation de garantie que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE se serait engagée à leur accorder. c. NI. et d. NI. doivent donc être déboutés de l'ensemble de leurs demandes.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE,

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE sollicite la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive en faisant valoir qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais engagés pour la défense de ses droits non compris dans les dépens.

Il convient de rappeler que la notion de frais irrépétibles n'existe pas en droit monégasque.

L'action en justice constitue l'exercice d'un droit et ne dégénère en abus que lorsqu'il est exercé de mauvaise foi ou dans l'intention de nuire, d. NI. et c. NI. ayant légitimement pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits, il ne saurait être considéré qu'ils ont agi de manière abusive et infondée.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens,

d. NI. et c. NI. qui succombent seront condamnés aux dépens du présent jugement, par application des dispositions de l'article 231 du Code de procédure civile.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE qui a succombé en son exception d'incompétence supportera ceux relatifs au jugement du 8 mai 2014 ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire, et en premier ressort,

Déclare irrecevable la production devant le Tribunal des pièces communiquées par d. NI. et c. NI. consistant en deux courriers rédigés par Maître Michel MONTAGARD, en date des 22 février 2006 et 25 janvier 2008, à Maître Frank MICHEL et les écarte des débats ;

Déboute d. NI. et c. NI. de l'ensemble de leurs demandes ;

Déboute la société par actions simplifiée de droit français DISTRIBUTION CASINO FRANCE de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société par actions simplifiée de droit français DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens relatifs au jugement de ce Tribunal du 8 mai 2014, avec distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Condamne d. NI. et c. NI. aux dépens du présent jugement avec distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef.

Composition

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Aline BROUSSE, Juge, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Léa PARIENTI, Magistrat référendaire, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Antoinette FLECHE, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 28 MAI 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 13292
Date de la décision : 28/05/2015

Analyses

Les pièces écrites par un avocat français sont soumises à la loi n° 1.130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction en vigueur à l'époque et au Règlement intérieur national de la profession d'avocat (R.I.N.) dont l'article 66-5 prévoit notamment le principe de la confidentialité des échanges entre avocats, sauf mention expresse de leur caractère officiel par l'apposition de la mention « officielle » sur la correspondance.Les deux courriers litigieux ne portent pas cette mention « officielle ».L'article 3.1 du R.I.N., qui a valeur réglementaire et est publié au Journal Officiel de la République Française, précise que les échanges entre avocats verbaux ou écrits quel qu'en soit le support sont par nature confidentiels et ne peuvent en aucun cas être produits en justice ni faire l'objet d'une levée de confidentialité. Cette confidentialité fondée sur le secret professionnel de l'avocat qui est d'ordre public, absolu et non limité dans le temps (article 2 du R.I.N.) fait obstacle à leur production en justice sauf si le document est nécessaire à la propre défense de l'avocat en justice ou dans le cas de déclarations ou de révélations prévues ou autorisées par la loi.L'avocat français rédacteur était donc tenu à ce principe de secret.L'article 3.4 du R.I.N. impose à l'avocat français qui correspond avec un avocat inscrit à un barreau en dehors de l'Union Européenne de s'assurer, avant d'échanger des informations confidentielles, que les règles du pays où exerce le confrère permettent d'assurer la confidentialité et dans la négative, de conclure un accord de confidentialité.L'avocat-défenseur exerçant en Principauté de Monaco, État qui ne fait pas partie de l'Union Européenne, l'avocat français se devait, à défaut de tout accord de son client pour déroger à la confidentialité, s'assurer que son confrère monégasque appliquait les règles de confidentialité ou conclure un accord de confidentialité.L'avocat-défenseur soutient qu'à Monaco, la règle du principe de la confidentialité des correspondances entre avocats serait différente et qu'en fait les courriers échangés seraient officiels sauf à mentionner leur caractère confidentiel.La profession d'avocat est régie à Monaco par la loi n° 1.047 du 28 juillet 1982 et par l'ordonnance souveraine n° 8.089 du 17 septembre 1984, aucun de ces textes ne contient de disposition relative au secret professionnel. L'ordre des avocats-défenseurs et avocats de la Principauté n'est doté d'aucun règlement intérieur.L'article 308 du Code pénal réprime et punit la révélation de secret commise par les dépositaires par état ou par profession.Il n'a jamais été contesté en droit monégasque que l'avocat est tenu au secret professionnel, principe essentiel à l'exercice de sa mission et aux droits de la défense. À défaut d'un tel droit le plein exercice de la mission de l'avocat serait entravé et leurs clients seraient privés des droits garantis par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.Ce principe du secret professionnel a d'ailleurs été reconnu par le législateur monégasque qui a prévu des procédures spéciales pour certaines mesures d'enquête ou de surveillance des avocats.Cette absence de secret ferait également obstacle au caractère nécessairement confidentiel des échanges entre avocats pour prévenir les litiges ou les résoudre par le biais de transactions.Le secret des correspondances entre avocats, comme le secret de celles échangées entre l'avocat et son client, étant un élément fondamental du secret professionnel, il ne peut être considéré que les échanges entre avocats ne sont confidentiels qu'en présence de la mention expresse de leur confidentialité.Cette thèse est d'ailleurs contredite par un courrier émanant de l'avocat-défenseur monégasque adressé à son confrère français qui porte la mention « courrier officiel », or cette mention n'aurait aucune utilité si le principe était, comme le soutient cet avocat-défenseur, le caractère officiel et la confidentialité l'exception.En conséquence, les courriers adressés par un avocat français à un avocat monégasque sont confidentiels et ne peuvent être produits en justice puisque tous les deux sont soumis au secret professionnel couvrant les correspondances entre confrères. Les pièces litigieuses doivent donc être déclarées irrecevables et écartées des débats.

Professions juridiques et judiciaires  - Procédure civile.

Avocat - Secret professionnel - Correspondances entre un avocat français et un avocat monégasque - Correspondances entre l'avocat et son client - Confidentialité - Production en justice de correspondances entre avocats - Recevabilité.


Parties
Demandeurs : M. d. NI. et Mlle c. NI.
Défendeurs : La Société par Actions Simplifiée de droit français DISTRIBUTION CASINO FRANCE

Références :

loi n° 1.047 du 28 juillet 1982
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013
article 106-8 du Code de procédure pénale
article 231 du Code de procédure civile
article 308 du Code pénal
article 1162 du Code civil
article 66-5 de la loi n° 71-330 du 31 décembre 1971
loi n° 1.130 du 31 décembre 1971
loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971
ordonnance souveraine n° 8.089 du 17 septembre 1984


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2015-05-28;13292 ?

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