La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2015 | OHADA | N°018/2015

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 02 avril 2015, 018/2015


L’action en référé tendant à obtenir la mainlevée d’un gage constitué aux termes d’une convention de garantie à première demande implique nécessairement l’examen au fond de la validité de la convention de garantie conclue par les deux parties, ce qui entraîne l’incompétence de la juridiction des référés. La cour d’appel qui a ainsi retenu sa compétence a méconnu les dispositions de l’article 13 précité et exposé sa décision à la cassation. Sur l’évocation, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance en cause et se déclarer incompétente. ARTICLE 13 AUA CCJA,

2ème ch., Arrêt n° 018/2015 du 02 avril 2015 ; Pourvoi n° 001/2012/PC du 03/01/2012 : Socié...

L’action en référé tendant à obtenir la mainlevée d’un gage constitué aux termes d’une convention de garantie à première demande implique nécessairement l’examen au fond de la validité de la convention de garantie conclue par les deux parties, ce qui entraîne l’incompétence de la juridiction des référés. La cour d’appel qui a ainsi retenu sa compétence a méconnu les dispositions de l’article 13 précité et exposé sa décision à la cassation. Sur l’évocation, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance en cause et se déclarer incompétente. ARTICLE 13 AUA CCJA, 2ème ch., Arrêt n° 018/2015 du 02 avril 2015 ; Pourvoi n° 001/2012/PC du 03/01/2012 : Société United Bank for Africa (UBA) c/ Société Beneficial Life Insurance (BLI).
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 02 avril 2015 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge, Rapporteur
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 03 janvier 2012 sous le
n°001/2012/PC et formé par le cabinet JING & Partners, Avocats au Barreau du Cameroun, demeurant 537, Rue AFCODI, Derrière MRS rue Njo-Njo, Bonapriso, BP 1245, à Douala - Cameroun, agissant au nom et pour le compte de la société United Bank for Africa- Cameroun SA, demeurant au 1144, Boulevard de la Liberté, à Douala - Akwa, dans la cause qui l’oppose à la société Beneficial Life Insurance SA, siège social : 1944, Boulevard de la République, BP : 2328, Douala - Cameroun, ayant pour Conseil Maître Henri JOB, Avocat au Barreau du Cameroun, demeurant Boulevard de la République, Immeuble dit « Ancien Stamatiades », BP : 5482, à Douala - Cameroun
en cassation de l’arrêt n°138/REF, rendu le 14 septembre 2011 par la cour d’appel du
Littoral à Douala et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière des référés, en appel, en dernier ressort, en formation collégiale et à l’unanimité des voix :
2
En la forme - Reçoit les appels ;
Au fond - Constate qu’à la suite de la sentence arbitrale rendue le 17 juin 2011 par le
Centre d’Arbitrage de GICAM, la société UBA CAMEROUN SA a donné mainlevée du gage des valeurs gagées ;
- Disons par conséquent sans objet la demande de séquestre judiciaire formulée par les sociétés UBA CAMEROUN S.A. et UBA COTE D’IVOIRE SA ;
- Confirme l’ordonnance entreprise pour le surplus ;
- Dit n’y avoir lieu à relèvement d’astreinte ;
- Dit que celle prononcée par le premier juge court à compter de la notification de
l’ordonnance querellée ;
- Condamne les appelantes UBA CAMEROUN SA et UBA COTE D’IVOIRE SA aux dépens solidaires dont distraction au profit de Maître Henri JOB, avocat aux offres de droit. » ;
Attendu que la requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de
cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, sur instruction de Beneficial Life Insurance dite BLI SA, UBA-Cameroun contre-garantissait, le 21 juillet 2009, UBA-Côte d’Ivoire pour l’émission d’une garantie à première demande, dans le cadre d’une opération d’acquisition d’entreprise ; qu’auparavant, pour couvrir UBA-Cameroun, BLI émettait à son profit, par convention en date du 15 juillet 2009, une Lettre de garantie à première demande avec gages de valeurs d’un montant de 1000 000 000 FCFA ; que, suite à une mise en jeu irrégulière de la contre-garantie par UBA-Côte d’Ivoire, BLI SA a saisi en référé le tribunal de Douala aux fins de constater la caducité de son engagement et d’ordonner la mainlevée du gage constitué ; que par ordonnance n°220 du 27 avril 2010, le juge des référés du tribunal de première instance de Douala - Bonanjo a fait droit à cette demande ; que défense à exécution fut obtenue par UBA contre cette décision ; que BLI SA a alors saisi le tribunal arbitral en vertu de l’article 16 de la convention ; que nonobstant la sentence rendue, elle a poursuivi l’instance en appel qui a abouti à l’arrêt n°138/REF du 14 septembre 2011, objet du présent pourvoi ;
3
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit
de l’arbitrage
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé les dispositions de l’article 13 visé au moyen en passant outre l’exception d’incompétence des juridictions étatiques en présence de clauses compromissoires au motif que le juge des référés a été saisi bien avant le tribunal arbitral et qu’il s’agit de mesures provisoires alors, selon le moyen, que la convention d’arbitrage insérée dans un contrat a un objet procédural visant à soumettre à l’arbitrage tout litige qui pourrait naître de ce contrat et qu’au terme de ces dispositions de l’Acte uniforme sur l’arbitrage, lorsque les parties ont expressément prévu dans leur contrat la voie de l’arbitrage pour le règlement de leurs litiges, le juge étatique qui en est saisi, même avant le tribunal arbitral, doit se déclarer incompétent ; qu’en l’occurrence, le juge d’instance comme ceux d’appel ont vidé tout le contentieux et leurs décisions ne constituent pas des mesures provisoires ;
Attendu en effet que pour rejeter l’exception d’incompétence soulevée par les appelants, la cour d’appel du Littoral a argué du fait que « le tribunal arbitral n’étant pas constitué au moment de la saisine du juge des référés, c’est à juste titre que le juge des référés pouvait ordonner la mesure urgente sollicitée par l’intimé… » ; que, suivant l’arrêt déféré, l’urgence en l’espèce réside dans le fait pour la société BLI SA de recouvrer ses valeurs gagées eu égard à la non réalisation de la transaction pour laquelle ces valeurs étaient garanties et aux velléités manifestées par la société UBA-Côte d’Ivoire sur ces fonds ;
Mais attendu que si, aux termes de l’alinéa 4 de l’article 13 sus mentionné, le juge des référés peut statuer en matière d’urgence même en présence d’une clause compromissoire, les mesures qu’il serait amené à prendre ne doivent en aucun cas impliquer un examen du litige au fond ;
Attendu qu’il est constant, comme résultant de l’assignation en référé devant les
juridictions étatiques et de la sentence arbitrale, que l’action intentée par BLI SA tend à obtenir la mainlevée du gage constitué aux termes de la convention de garantie à première demande ; que cette action implique nécessairement l’examen au fond de la validité de la convention de garantie conclue par les deux parties ; que, dès lors, il apparaît clairement que les conditions de compétence de la juridiction des référés ne sont pas réunies ; que la Cour d’appel de Douala, en retenant sa compétence, a méconnu les dispositions de l’article 13 visé au moyen et sa décision encourt cassation ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué, d’évoquer et de statuer sur le fond ;
Sur l’évocation
Attendu que, par requête n°856 du 06 mai 2010, la société UBA Côte d’Ivoire SA a
relevé appel de l’ordonnance n°220, rendue le 27 avril 2010 par le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo dont le dispositif suit : « Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties :
- Au principal, renvoyons les parties à mieux se pourvoir comme elles aviseront ;
- Néanmoins, au principal et en raison de l’urgence :

4
• Recevons la société Beneficial Life Insurance SA en son action comme régulière en la forme ;
• Recevons en outre la société UBA Côte d’Ivoire en son intervention volontaire ;
• La recevons en même temps que la société UBA Cameroun en leur
exception d’incompétence du juge motif pris de la contestation sérieuse et risque de préjudicier au fond ; Les déclarons impertinents en leur argumentaire et mal fondées ;
• Puis nous déclarons compétents ratione materiae ;
• Déclarons la société Grassfields Holding Limited irrecevable en son
intervention volontaire comme tardive et mal dirigée ;
• Constatons faisant suite à l’action de la société Beneficial Life Insurance SA que l’objet spécifique à la réalisation duquel la demanderesse destinait les diverses valeurs détenues en vertu de la convention consensuelle des parties par UBA Cameroun SA n’a pas été rempli ;
• Constatons en outre qu’en dépit de l’expiration de la convention des parties le 24 décembre 2009, la société UBA Cameroun entre les mains de qui se trouvent déposées les valeurs concernées se refuse de les restituer ;
• Que sa résistance n’est ni plus ni moins qu’une voie de fait ;
• Déclarons la demanderesse bien fondée en son action ;
• Donnons mainlevée immédiate du gage consenti par la demanderesse sur les diverses valeurs d’un montant de 800 000 000 FCFA par la société Beneficial Life Insurance S.A. au profit de la société UBA Cameroun ;
• Disons qu’en cas de résistance de la défenderesse, celle-ci payera pour
chaque jour de retard une astreinte de 200 000 FCFA, à compter de la signification de la présente décision ;
• Déclarons la demande de désignation de séquestre injustifiée dès lors
que les conventions ayant lié d’une part Beneficial Life Insurance SA et UBA Cameroun, et d’autre part, la société UBA Côte d’Ivoire et la société Grassfields Holding Limited sont détruites ;
• Déboutons les sociétés UBA Cameroun et UBA Côte d’Ivoire de cette
demande ;
• Ordonnons l’exécution provisoire de la présente décision sur minute et avant enregistrement ;

5
• Condamnons la défenderesse aux dépens dont distraction au profit de maître Henri Job, avocat aux offres de droit ».
Qu’au soutien de son appel, elle demande à la Cour d’infirmer l’ordonnance entreprise
en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de recevoir l’exception d’incompétence soulevée et de se déclarer incompétente ; qu’elle expose que courant 2009, la société UBA Cameroun l’a sollicitée pour la mise en place d’une garantie bancaire à la demande de ses clients BLI SA et Inlife Holdings SA ; que pour assurer cette garantie la société UBA Cameroun a émis à son profit une contre-garantie assortie d’un gage de titres obligataires et de fonds déposés dans ses livres par BLI SA ; que suite à sa condamnation à payer la garantie, elle a, le 11 décembre 2009, appelé la contre-garantie ; que c’est pour bloquer la réalisation de la contre-garantie qu’est intervenue l’assignation de la société BLI SA tendant à obtenir la mainlevée du gage constitué en couverture de la garantie ; qu’en dépit de l’exception d’incompétence soulevée par elle et UBA Cameroun en raison de l’existence d’une clause compromissoire dans la convention de garantie ayant conduit à la constitution du gage, le juge des référés du Tribunal de Douala, par l’ordonnance n°220 en date du 27 avril 2010, a fait droit à cette demande en prononçant la mainlevée sollicitée ; que dans leur convention de gage et lettre de garantie à première demande, les parties avaient choisi l’arbitrage comme mode de règlement de leur litige ; que c’est pour cette raison que BLI SA s’est ravisée en saisissant le centre d’arbitrage du GICAM dont un tribunal a statué le 17 juin 2011 ;
Attendu que la société BLI SA, appelante incidente, soutient, à l’appui de ses prétentions, que l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage évoqué par l’appelante n’empêche pas à une partie liée par cette convention de saisir le juge des référés pour se prononcer exclusivement sur les mesures provisoires ou lorsque le tribunal arbitral n’est pas encore saisie comme dans le cas d’espèce ; qu’en conséquence, elle conclut au rejet de l’exception d’incompétence et à la confirmation de l’ordonnance querellée ;
Mais attendu que, pour les mêmes motifs que ceux développés ci-dessus lors de l’examen du moyen de cassation articulé par la requérante, tirés de l’existence de clauses compromissoires relativement à tout différend qui pourrait naître entre les parties, il y a lieu, pour la cour des céans, d’infirmer l’ordonnance n°220 rendue le 27 avril 2010 par le tribunal de première instance de Douala en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de se déclarer incompétente ;
Attendu que la société Beneficial Life Insurance SA (BLI SA) ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°138/REF, rendu le 14 septembre 2011 par la Cour d’appel du Littoral à Douala ;
Evoquant et statuant sur le fond :
- Infirme l’Ordonnance n°220, rendue le 27 avril 2010 par le tribunal de première instance de Douala ;
6
- Se déclare incompétente ;
- Condamne la société Beneficial Life Insurance SA aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 018/2015
Date de la décision : 02/04/2015

Analyses

ARBITRAGE - AUA - QUESTION URGENTE À TRANCHER IMPLIQUANT UN EXAMEN AU FOND - INCOMPÉTENCE DU JUGE DES RÉFÈRES - CASSATION DE L'ARRÊT AYANT RETENU LE CONTRAIRE


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2015-04-02;018.2015 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award