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26/12/2013 | SéNéGAL | N°64

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 26 décembre 2013, 64


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°64 du 26/12/13 J/323/RG/13 20/11/12 Administrative ------- -Ahmadou Moustapha Mboup (En personne)
Contre :
-Etat du Sénégal (Agent judiciaire de l’Etat)
PRESENTS :
Fatou Habibatou Diallo, Président de chambre, Président,
Abdoulaye Ndiaye, Mahamadou Mansour Mbaye,
Waly Faye, Ousmane Diagne, Conseillers, RAPPORTEUR :
Fatou Habibatou Diallo, PARQUET GENERAL:
Abdourahmane Diouf; GREFFIER :
Cheikh Diop; AUDIENCE :
26 décembre 2013
MATIERE :
Administrative
RECOURS :
Excès de pouvoir REPU

BLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ----------------- COUR SUPREME ----------------- CHAMBR...

ARRET N°64 du 26/12/13 J/323/RG/13 20/11/12 Administrative ------- -Ahmadou Moustapha Mboup (En personne)
Contre :
-Etat du Sénégal (Agent judiciaire de l’Etat)
PRESENTS :
Fatou Habibatou Diallo, Président de chambre, Président,
Abdoulaye Ndiaye, Mahamadou Mansour Mbaye,
Waly Faye, Ousmane Diagne, Conseillers, RAPPORTEUR :
Fatou Habibatou Diallo, PARQUET GENERAL:
Abdourahmane Diouf; GREFFIER :
Cheikh Diop; AUDIENCE :
26 décembre 2013
MATIERE :
Administrative
RECOURS :
Excès de pouvoir REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ----------------- COUR SUPREME ----------------- CHAMBRE ADMINISTRATIVE ----------------- -A l’audience publique ordinaire du Jeudi vingt six décembre de l’an deux mille treize ;
ENTRE : - Ahmadou Moustapha Mboup, Greffier en chef de la Cour des Comptes, Immeuble R+4 lot n°427, Almadies, BP : 9097 à Dakar;
D’UNE PART ;
ET :
-L’Etat du Sénégal pris en la personne de Monsieur l’Agent judiciaire de l’Etat, en ses bureaux sis au Ministère de l’Economie et des Finances, building Peytavin, Avenue de la République x Carde à Dakar ;
- Monsieur le Président de la Cour des Comptes, en ses bureaux, Cour des Comptes, Immeuble R+4 lot n°427, Almadies, BP : 9097 à Dakar;
D’AUTRE PART ; Vu la requête reçue au Greffe central de la Cour suprême, le 20 novembre 2012, par laquelle Ahmadou Moustapha Mboup, Greffier en Chef de la Cour des comptes, agissant en personne, sollicite de la Cour suprême l’annulation de l’ordonnance n°007/12 du 4 juin 2012 du Président de la Cour des comptes, portant répartition des primes du fonds d’intervention ; Vu la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême ; Vu la loi organique n°99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes ; Vu le décret n°99-499 du 8 juin 1999 fixant les modalités d’application de la loi organique sur la Cour des comptes ; Vu l’instruction n°0003/MEF du 27 août 2004 du Ministre de l’Economie et des Finances relative au Fonds d’intervention de la Cour des comptes ; Vu l’exploit servi les 24 et 26 décembre 2012 par Maître Mademba Guéye, huissier de justice à Dakar, portant signification de la requête à l’Etat du Sénégal et à la Cour des Comptes ; Vu le reçu du 20/11/2012, attestant de la consignation de l’amende ; Vu le mémoire en défense du Président de la Cour des comptes reçu au greffe le 18 janvier 2013 ; Vu le mémoire en défense de l’Agent judiciaire de l’Etat reçu au greffe le 22 janvier 2013 ; Vu l’ordonnance attaquée ; Vu les autres pièces du dossier ; Ouï Madame Fatou Habibatou Diallo, Présidente de la Chambre, en son rapport ; Ouï Monsieur Abdourahmane Diouf, Avocat général, en ses conclusions tendant au rejet du recours ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par ordonnance n°007/12 du 4 juin 2012 modifiant l’ordonnance n°6/004 du 15 février 2006 abrogeant et remplaçant l’ordonnance n°0042/04 du 15 septembre 2004 modifiée, le Président de la Cour des comptes a procédé à la répartition de la part du fonds d’intervention affectée aux primes des travailleurs de la Cour des comptes à compter du 1er janvier 2012 ;
Que le Greffier en chef de la Cour à qui a été affecté un coefficient de 3,50, s’estimant lésé dans la répartition, a adressé le 12 juillet 2012 un recours gracieux au Président de la Cour des comptes, lequel étant resté sans réponse, il a saisi la Cour suprême d’une demande d’annulation de ladite ordonnance, en développant à l’appui deux moyens, le premier pris du caractère illégal de l’ordonnance articulé en quatre branches et le second tiré du grief qui lui a été fait ; Sur la recevabilité du recours :
Considérant que le Greffier en chef soutient qu’il est un chef de service de la Cour nommé par décret et qui, en conséquence, y occupe un rang et y assume des responsabilités administratives et juridictionnelles ; qu’il a été classé en dessous des contractuels à qui un coefficient supérieur a été attribué sans fondement juridique ; que cette attitude a eu pour effet de diminuer sa part et de lui causer un grief d’ordre pécuniaire qui fait que l’ordonnance mérite d’être annulée ; Considérant que ce grief allégué par le Greffier en chef et qu’il présente comme second moyen d’annulation de l’ordonnance attaquée est en fait une condition de recevabilité du recours puisqu’il tend à établir son intérêt à agir ; Considérant que l’Agent judiciaire de l’Etat qui s’est approprié le mémoire en défense déposé par le Président de la Cour des comptes, a conclu à l’irrecevabilité du recours pour absence de grief fait au Greffier en chef, puisque l’ordonnance attaquée a été prise pour augmenter le nombre d’agents bénéficiaires de primes et d’un point les coefficients affectés aux Magistrats de la Cour ; Considérant qu’il y’a lieu de relever justement que si comme le soutient l’Agent judiciaire de l’Etat l’ordonnance attaquée a eu pour effet d’augmenter le nombre d’agents bénéficiaires de primes et de relever le coefficient accordé à certains d’entre eux, la conséquence ne peut être que la réduction du montant auquel s’attendait le Greffier en chef, ce qui constitue un manque à gagner qui établit son intérêt à agir en annulation de l’ordonnance de répartition des primes ;
Qu’ainsi, son recours est recevable ; Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres branches,
Sur les troisième et quatrième branches du premier moyen, en ce que, - d’une part, l’ordonnance dont la date d’effet est remontée rétroactivement au 1er janvier 2012 viole le principe général de Droit qui veut qu’un acte administratif ne puisse produire d’effets à une date antérieure à celle de son édition,
- et, d’autre part, l’auteur de l’acte a manifestement poursuivi une opération dans un but totalement étranger à l’intérêt public et dans un intérêt personnel, puisque le Ministre des Finances, ayant augmenté de 265.000.000 F le fonds d’intervention de la Cour pour l’année budgétaire 2012, le Président de la Cour des comptes n’a pris l’ordonnance attaquée, que pour faire bénéficier de cette augmentation le seul groupe auquel il appartient en en relevant les coefficients et en déterminant le paiement de trimestres antérieurs à la prise de l’ordonnance, violant ainsi les dispositions de la comptabilité publique en matière de paiement ; Considérant que, l’Agent judiciaire de l’Etat soutient que la rétroactivité de l’ordonnance est justifiée par le fait que la décision du 20 mars 2012 du Ministre de l’Economie et des Finances concerne l’année budgétaire 2012, qui commence le 1er janvier 2012, l’ordonnance n’ayant d’autre but que de matérialiser cette décision visant à améliorer notamment la motivation des personnels Magistrats et d’appliquer la décision des Chambres réunies de la Cour du 10 avril 2012 ; Considérant qu’une décision administrative est applicable, au plus tôt si elle est réglementaire, à compter du jour où sa publication la rend obligatoire, et si elle est individuelle, à compter du jour où elle a été notifiée à l’intéressé, toute décision qui prévoit une date d’application antérieure étant illégale dans la mesure où elle est rétroactive ; Considérant que, cependant, le principe de non rétroactivité en dépit de sa rigueur connait des aménagements et même des exceptions comme lorsque, la rétroactivité de l’acte peut être exigée par la situation qu’elle avait pour objet de régir ; Considérant néanmoins qu’il ne semble pas au vu des faits constants ayant précédé la prise de l’acte attaqué que la rétroactivité de l’ordonnance pouvait être exigée par la situation qu’elle avait pour objet de régir comme le soutient la partie adverse ;
Qu’en effet, en l’espèce, le Ministre des Finances avait rallongé de 265.000.000 F le fonds d’intervention de la Cour des comptes, par arrêté du 20 mars 2012 puis les Chambres réunies de la Cour, par un avis du 10 avril 2012, avaient également retenu que les Assistants de vérification issus du recrutement spécial devaient, à l’occasion de la répartition du fonds d’intervention de la Cour, bénéficier des mêmes coefficients que les Commissaires de vérification des comptes et de contrôle des entreprises publiques ; Considérant que l’auteur de l’ordonnance soutient que c’est pour appliquer ces deux mesures qu’il a fait rétroagir ladite ordonnance datée du mois de juin 2012 au 1er janvier 2012 ; Considérant que, certes, la dotation au titre du fonds couvre l’année budgétaire 2012 mais que le fonds est réparti trimestriellement entre les bénéficiaires et les décisions que le Président de la Cour des comptes voulait appliquer sont toutes intervenues après le 1er trimestre 2012 et concernaient deux catégories de personnel qui allaient bénéficier de coefficients supérieurs à ceux qui leur avaient été affectés auparavant ; Considérant qu’ainsi, la rétroactivité de l’ordonnance n’était nullement nécessaire pour régler la répartition des primes du fonds d’intervention, puisque deux seules catégories d’agents allaient en bénéficier au détriment d’autres ;
Qu’en conséquence, en vertu de la règle de la non rétroactivité des actes administratifs érigée en principe général de droit, l’ordonnance attaquée ne devait produire effet que pour l’avenir et non rétroagir au 1er janvier 2012 ; Considérant, en outre, que le cas le plus évident de détournement de pouvoir est la poursuite par l’auteur de l’acte d’un but étranger à l’intérêt général ; Considérant qu’en l’espèce, il résulte des pièces du dossier que la rallonge accordée par le Ministre des Finances a bénéficié au seul groupe des emplois supérieurs de la Cour dont les coefficients ont été relevés et qui ont bénéficié de paiements de trimestres antérieurs prenant en compte l’augmentation du fonds ; Considérant que le Président de la Cour des comptes, auteur de l’acte fait partie de ce groupe et a donc tiré un intérêt personnel de sa décision de faire rétroagir l’ordonnance de répartition des primes ;
Qu’ainsi, sa décision encourt l’annulation ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare recevable le recours formé par Ahmadou Moustapha Mboup ; Annule l’ordonnance n°007/12 du 4 juin 2012 du Président de la Cour des comptes ; Ordonne la restitution de l’amende consignée ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, Chambre administrative, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
Fatou Habibatou Diallo, Président de chambre, Président,
Abdoulaye Ndiaye, Mahamadou Mansour Mbaye,
Waly Faye, Ousmane Diagne, Conseillers,
Cheikh Diop, Greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre, Président, les Conseillers et le Greffier.
Le Président de Chambre, Président : Fatou Habibatou Diallo Les Conseillers : Abdoulaye Ndiaye Mahamadou Mansour Mbaye Waly Faye Ousmane Diagne Le Greffier :
Cheikh Diop.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 64
Date de la décision : 26/12/2013

Analyses

ACTE ADMINISTRATIF – EFFETS – NON-RÉTROACTIVITÉ – EXCEPTIONS – APPLICATIONS DIVERSES.


Parties
Demandeurs : AHMADOU MOUSTAPHA MBOUP
Défendeurs : ÉTAT DU SÉNÉGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Fonds documentaire ?: Bulletin des arrets
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2013-12-26;64 ?
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