La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2000 | SUISSE | N°1P.175/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 avril 2000, 1P.175/2000


«»

1P.175/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

26 avril 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Jacot-Guillarmod et Catenazzi. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

K.________, représenté par Me Thierry Thonney, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 18 février 2000 par le Tribunal
d'accusation
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose le recourant

à
B.________;

(procédure pénale; refus d'ordonner un séquestre)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
le...

«»

1P.175/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

26 avril 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Jacot-Guillarmod et Catenazzi. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

K.________, représenté par Me Thierry Thonney, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 18 février 2000 par le Tribunal
d'accusation
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose le recourant à
B.________;

(procédure pénale; refus d'ordonner un séquestre)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 19 novembre 1999, K.________ a formé une
plainte pénale contre la société I.________ et ses organes,
en particulier B.________, pour escroquerie, usure, "appro-
priation de technologie" et diffamation. Employé, avec d'au-
tres chercheurs, par I.________, K.________ aurait fourni
des
technologies de pointe à cette société, sur la base de pro-
messes qui n'auraient pas été tenues. I.________ aurait par
ailleurs enregistré sous son nom un brevet dénommé
I.________
12 en attribuant indûment l'invention à deux autres de ses
employés.

B.- Le 14 décembre 1999, K.________ a requis du Juge
d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois, chargé de
la cause, la saisie, en main des sociétés A.________ et
I.________, du dossier concernant l'élaboration du brevet
I.________ 12, à titre de moyen de preuve.

Par ordonnance du 12 janvier 2000, le juge d'ins-
truction a refusé d'ordonner le séquestre, en considérant
que
la demande se rapportait à un différend de nature exclusive-
ment civile, et que le plaignant disposait, pour sauvegarder
ses droits sur le brevet I.________ 12, des voies de droit
prévues par la loi fédérale sur les brevets d'invention
(LBI,
RS 232.14) et par l'art. 332 CO.

C.- Par acte du 25 janvier 2000, K.________ a re-
couru contre cette ordonnance auprès du Tribunal
d'accusation
du Tribunal cantonal vaudois. La référence à l'art. 332 CO
était sans pertinence, car les brevets déposés par
I.________
se fondaient sur des recherches antérieures à l'engagement
du
recourant. K.________ se plaignait d'une violation de la
LBI,
d'abus de confiance et d'appropriation illégitime, ainsi que
d'un faux dans les titres et d'infractions à la LCD, infrac-

tions commises au préjudice des véritables inventeurs. Les
faits dénoncés n'étaient donc pas exclusivement de nature ci-
vile. Le séquestre était ainsi destiné à conserver les preu-
ves de l'utilisation du travail du recourant, ainsi qu'à pré-
venir l'utilisation abusive du brevet.

D.- Par arrêt du 18 février 2000, le Tribunal d'ac-
cusation a rejeté le recours. L'existence des infractions dé-
noncées dépendait essentiellement de la titularité du droit
au brevet. Cette question, qui devait être examinée en pre-
mier lieu sous l'angle notamment de l'art. 332 CO, relevait
du juge civil, après une éventuelle suspension de la procé-
dure pénale.

E.- K.________ forme un recours de droit public
contre cet arrêt. Il en demande l'annulation, ainsi que le
renvoi de la cause au juge d'instruction pour qu'il statue
au
sens des considérants.

Le juge d'instruction a renoncé à se déterminer. Le
Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son ar-
rêt. B.________ n'a pas été invité à se déterminer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
125
I 412 consid. 1a p. 414).

a) L'arrêt attaqué confirme le refus, par le juge
d'instruction, de saisir les documents relatifs au brevet
d'une invention dont le recourant se prétend l'inventeur.
Contrairement à ce que soutient le recourant, les décisions
relatives aux mesures provisionnelles prises dans le cadre
de
procédures pénales ne constituent en général que des déci-
sions incidentes, puisqu'elles ne mettent pas un terme à la

procédure dans le cadre de laquelle elles s'inscrivent (cf.
ATF 123 I 325 consid. 3b p. 327, 122 I 39 consid. 1a/aa p.
41
et les arrêts cités). Tel est le cas du refus de séquestre
attaqué, la décision prise à ce sujet ayant été rendue au
cours de l'instruction pénale, sans faire l'objet d'une pro-
cédure distincte. Il y a donc lieu de s'interroger sur la re-
cevabilité du recours sous l'angle de l'art. 87 OJ.

b) Selon cette disposition, le recours de droit pu-
blic fondé sur l'art. 4 aCst. est recevable contre les déci-
sions finales ou contre les décisions incidentes causant à
l'intéressé un préjudice irréparable. Dans sa version du 8
octobre 1999, entrée en vigueur le 1er mars 2000, l'art. 87
al. 2 OJ exige un préjudice irréparable pour tous les
recours
incidents, fondés ou non sur l'art. 4 aCst. (RO 2000, p.
417). En l'espèce, il n'y a pas lieu de rechercher si cette
nouvelle disposition s'applique au présent recours, formé le
20 mars 2000 contre une décision rendue le 18 février 2000.
En effet, le recourant se plaint uniquement d'arbitraire, de
sorte que l'art. 87 OJ est applicable, dans l'une ou l'autre
de ses versions.

c) Un préjudice irréparable au sens de l'art. 87 OJ
n'est réalisé que lorsque l'intéressé subit un dommage
qu'une
décision favorable sur le fond ne ferait pas disparaître com-
plètement. Le dommage doit en outre être de nature
juridique:
un inconvénient matériel, comme par exemple l'allongement de
la procédure, est insuffisant (ATF 122 I 39 consid. 1a/bb p.
42).

La jurisprudence considère que les décisions relati-
ves à l'administration des preuves au cours de l'instruction
pénale ne causent en général pas de dommage irréparable, car
l'intéressé peut renouveler ultérieurement ses offres de
preuve, le cas échéant jusque devant l'autorité de jugement.
En revanche, une mesure de séquestre pénal cause à celui qui

en est l'objet un préjudice irréparable en raison de l'at-
teinte immédiate à son droit de propriété (ATF 89 I 185 con-
sid. 4 p. 187).

En l'espèce, la mesure requise par le recourant
consiste dans la saisie, en main de son ex-employeur
I.________ et de A.________ (mandataire de I.________), du
dossier relatif à l'élaboration du brevet I.________ 12. Le
recourant soutenait que sa qualité d'inventeur avait été
occultée par I.________, et il désirait assurer la
sauvegarde
de ce moyen de preuve. Au stade de la recevabilité, on peut
admettre que l'éventuelle destruction ou altération de docu-
ments propres à servir de moyens de preuve peut constituer,
dans la perspective de la procédure pénale, un préjudice ir-
réparable (cf. arrêt du 26 octobre 1998 publié in SJ 1999 I
186, avec les arrêts cités). Sous réserve des considérants
qui suivent relatifs à la motivation du recours, il y a donc
lieu d'entrer en matière.

2.- Le recourant relève que les infractions dénon-
cées ne se rapportaient pas à la seule délivrance du brevet
I.________ 12. I.________ aurait omis de le mentionner comme
inventeur, ce qui lui permettait notamment de se passer de
son accord pour exploiter le brevet aux USA. La demande de
brevet constituerait donc un faux dans les titres au sens de
l'art. 251 CP, par renvoi de l'art. 83 LBI. Le recourant
évoque ensuite les indices démontrant qu'il y a bien eu in-
fraction. Le renvoi devant le juge civil impliquerait une
procédure longue et coûteuse, dépourvue des moyens
coercitifs
dont dispose le juge pénal.

a) Selon l'art. 223 al. 1 du code de procédure péna-
le du canton de Vaud (CCP/VD), le juge a le droit de séques-
trer tout ce qui peut avoir servi ou avoir été destiné à com-
mettre l'infraction, tout ce qui paraît en avoir été le pro-
duit, ainsi que tout ce qui peut concourir à la
manifestation

de la vérité. Comme le relève le recourant, cette
disposition
vise d'une part un but probatoire, afin d'éviter la dispari-
tion ou l'altération de preuves, et d'autre part un but con-
servatoire, notamment dans la perspective d'une confiscation
du produit de l'infraction. La formule potestative utilisée
à
l'art. 223 CPP/VD fait ressortir que le magistrat dispose
d'un large pouvoir d'appréciation pour décider de l'opportu-
nité, et de l'étendue, d'une mesure de séquestre. S'agissant
de l'application d'une norme de droit cantonal, le Tribunal
fédéral restreint son pouvoir d'examen à l'arbitraire.

b) Il y a arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst.
(art. 4 aCst.), lorsque la décision attaquée viole gravement
une règle ou un principe juridique clair et indiscuté ou
lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment
de
la justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte
de
la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière ins-
tance que si elle est insoutenable ou en contradiction évi-
dente avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans
motif objectif ou en violation d'un droit certain. Par ail-
leurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision atta-
quée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit
arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a p.
168
et la jurisprudence citée).

c) Le recourant insiste sur le caractère prétendu-
ment pénal des agissements qu'il reproche à I.________. Le
Tribunal d'accusation n'a toutefois pas exclu que des infrac-
tions aient pu être commises. Il a estimé en revanche que la
question de la titularité du brevet litigieux devait être
examinée en premier lieu, qu'elle relevait du juge civil et
qu'une suspension de la procédure pénale pourrait apparaître
judicieuse. Il est certes possible que d'autres infractions,
en particulier de faux dans les titres, aient été commises,
sans rapport direct avec la question de la titularité du bre-
vet. Le recourant ne conteste pas que, dans le cadre d'une

procédure civile, il aura le loisir d'établir l'ensemble des
reproches formulés à l'encontre de I.________, y compris les
indications erronées figurant dans la demande de brevet. Le
recourant soutient qu'une procédure civile serait longue et
coûteuse, et que le juge civil ne disposerait pas de moyens
de coercition semblables à ceux dont dispose le juge pénal.
Les inconvénients dont il se plaint sont toutefois de pur
fait: la procédure pénale a pour objectif la poursuite et le
jugement des auteurs d'infractions pénales, et non de dispen-
ser le recourant d'agir sur le plan civil, en lui épargnant
le temps et les frais liés à une telle procédure. Le carac-
tère éventuellement pénal des agissements dénoncés n'affecte
donc en rien le bien-fondé de la décision attaquée.

d) Il pourrait en aller autrement si le recourant
démontrait qu'il existe un risque d'altération ou de dispa-
rition des preuves. Or il se contente, à ce sujet, d'alléga-
tions générales, en soutenant que l'auteur d'une violation
du
droit de la propriété intellectuelle "peut également être
capable de protéger ses arrières". Une telle argumentation
est insuffisante sous l'angle de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.
Le recourant devrait au moins indiquer quelles sont les piè-
ces dont la conservation lui paraît compromise, et en quoi
elles seraient déterminantes pour l'issue de la cause
pénale.
Le recourant prétend en effet posséder de nombreux documents
propres à prouver la part active et prépondérante qu'il
aurait apportée à l'élaboration du brevet. Il omet d'indi-
quer, au moins en substance, en quoi consisteraient les do-
cuments qu'il ne possède pas déjà, et qui permettraient de
confirmer sa thèse. Il ne fournit par ailleurs aucune indica-
tion permettant de soupçonner que les sociétés I.________ et
A.________ s'apprêteraient à falsifier l'un ou l'autre élé-
ment du dossier en leur possession. Il ne démontre pas, en-
fin, que la procédure civile n'offrirait pas une protection
suffisante sur ce point.

3.- Sur le vu de ce qui précède, la décision atta-
quée n'apparaît arbitraire ni dans ses motifs, ni dans son
ésultat. Le recours de droit public doit par conséquent être
rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais du re-
courant (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de
dépens, B.________ n'ayant pas été invité à se déterminer.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 2000 fr.

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, à B.________, au Juge d'instruction de l'ar-
rondissement du Nord vaudois et au Tribunal d'accusation du
canton de Vaud.

Lausanne, le 26 avril 2000
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.175/2000
Date de la décision : 26/04/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-04-26;1p.175.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award