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26/06/2003 | SUISSE | N°1A.116/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juin 2003, 1A.116/2003


{T 0/2}
1A.116/2003 /dxc

Arrêt du 26 juin 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

X.________, en détention extraditionnelle
à la prison de Champ-Dollon, 1226 Thônex,
recourant, représenté par Me Joanna Bürgisser, avocate, avenue de
Frontenex
5, 1207 Genève,

contre

Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales,
Section
extraditions, Bundesrain 20

, 3003 Berne.

extradition à la Grande-Bretagne - B 129 193 MBM,

recours de droit administratif contre la décision d...

{T 0/2}
1A.116/2003 /dxc

Arrêt du 26 juin 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

X.________, en détention extraditionnelle
à la prison de Champ-Dollon, 1226 Thônex,
recourant, représenté par Me Joanna Bürgisser, avocate, avenue de
Frontenex
5, 1207 Genève,

contre

Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales,
Section
extraditions, Bundesrain 20, 3003 Berne.

extradition à la Grande-Bretagne - B 129 193 MBM,

recours de droit administratif contre la décision de l'Office fédéral
de la
justice du 23 avril 2003.

Faits:

A.
Le 24 janvier 2003, X.________, ressortissant libanais naturalisé
français né
en 1941, a été arrêté à Genève et placé en détention extraditionnelle
à la
demande d'Interpol Londres. Un mandat d'arrêt lui a été notifié le 31
janvier
suivant, sur la base d'un mandat d'arrêt décerné le 6 juillet 2001
par un
juge du Tribunal de police de Bow Street (Londres). X.________ s'est
opposé à
son extradition en relevant que les autorités libanaises avaient déjà
ouvert
une enquête contre lui à la requête des autorités britanniques.

Le 7 février 2003, l'Ambassade de Grande-Bretagne à Berne a fait
parvenir à
l'Office fédéral de la justice (OFJ) la demande formelle
d'extradition pour
des délits d'escroquerie et de vol en bande. Entre le 1er mai 1997 et
le 31
décembre 1998, X.________ et Y.________ se seraient approprié 2,22
millions
d'USD qui devaient être placés dans un fond d'investissement à haut
rendement
prétendument géré par le "A.________". Y.________ était déjà inculpé
et le
procès devait s'ouvrir en mai 2003, mais un ajournement serait
possible afin
de permettre de juger ensemble les deux accusés.
Dans ses observations du 21 mars 2003, X.________ s'est opposé à son
extradition en se fondant sur les art. 2 let. a EIMP et 3 CEDH. Il se
disait
incapable de défendre ses droits en raison de son état physique et
psychique.
Le 12 février 2003, il avait été transféré au quartier cellulaire des
Hôpitaux universitaires genevois (HUG), après une tentative de
suicide. Selon
des certificats médicaux des 13 et 14 février, ainsi que du 20 mars
2003, il
souffrait de claustrophobie et d'états d'absence; après un accident
vasculaire le 2 mars 2003, il présentait également des troubles de la
marche
et du langage. Une intervention chirurgicale était envisagée, une
nouvelle
attaque cérébrale étant possible à tout moment. Son état de santé ne
lui
permettait pas de subir une incarcération.

B.
Par décision du 23 avril 2003, l'OFJ a accordé l'extradition. La
CEExtr.
n'autorisait pas de refuser l'extradition pour des motifs tenant à
l'état de
santé de l'intéressé. L'Etat requérant était partie à la CEDH et au
Pacte ONU
II, et rien ne permettait de redouter un traitement contraire aux
art. 3 et 6
CEDH. L'OFJ s'assurerait que le transfert ne présenterait aucun
risque et
attirerait l'attention de l'Etat requérant sur l'état de santé de
X.________,
en soulignant la nécessité de soins appropriés.

C.
X.________ forme un recours de droit administratif contre cette
décision. Il
requiert l'effet suspensif (accordé automatiquement, selon l'art. 21
al. 4
let. a EIMP), et conclut sur le fond à l'annulation de la décision et
au
refus de l'extradition.

L'OFJ conclut au rejet du recours. Invité à répliquer, le recourant a
renoncé
à déposer de nouvelles déterminations, tout en indiquant que son état
de
santé continuait à se dégrader.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'extradition entre la Grande-Bretagne et la Suisse est régie, depuis
le 14
mai 1991, par la CEExtr. et son second protocole additionnel (RS
0.353.12).
Le droit interne, soit l'EIMP et son ordonnance d'exécution,
s'applique aux
questions qui ne sont réglées ni explicitement ni implicitement par le
traité, y compris lorsqu'il permet la coopération internationale à des
conditions plus favorables (ATF 122 II 140 consid. 2, 373 consid. 1a
p. 375;
120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2b p. 191/192 et les
arrêts
cités). Le respect des droits fondamentaux est réservé (ATF 123 II 595
consid. 7c p. 617).

1.1 La décision de l'Office fédéral accordant l'extradition peut faire
l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral en
vertu de
l'art. 55 al. 3 EIMP mis en relation avec l'art. 25 de la même loi
(ATF 122
II 373 consid. 1b p. 375). Le recourant a qualité pour agir au sens
de l'art.
21 al. 3 EIMP (ATF 122 II 373 consid. 1b p. 375; 118 Ib 269 consid.
2d p. 275
et les arrêts cités).

1.2 Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision
attaquée
- en l'occurrence, celle qui tend au refus de l'extradition - sont
recevables
(art. 25 al. 6 EIMP et 114 OJ; ATF 122 II 373 consid. 1c p. 375; 118
Ib 269
consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les arrêts cités).
Le
Tribunal fédéral examine librement dans quelle mesure la coopération
internationale doit être prêtée; il statue avec une cognition pleine
sur les
griefs soulevés sans toutefois être tenu, comme le serait une
autorité de
surveillance, de vérifier d'office la conformité de la décision
attaquée à
l'ensemble des dispositions applicables en la matière (ATF 123 II 134
consid.
1d p. 136/137; 119 Ib 56 consid. 1d p. 59).

2.
Le recourant reprend ses motifs d'opposition. Il soutient qu'en
raison de son
état de santé, l'extradition serait contraire à l'art. 3 CEDH, ce qui
justifierait un refus fondé sur l'art. 2 let. a EIMP. Selon les
certificats
médicaux, il serait incapable de se défendre dans un procès. Ses
troubles de
la vue et de l'ouïe l'empêcheraient de se concentrer. Il
s'exprimerait avec
difficulté et souffrirait de claustrophobie liée aux traumatismes
subis lors
de la guerre au Liban. Son état ne serait pas stabilisé et il serait
menacé à
tout moment d'une nouvelle attaque cérébrale. Il préférerait se
laisser
mourir plutôt que d'être extradé vers la Grande-Bretagne, même s'il
s'agit
d'un Etat démocratique signataire des conventions internationales.

2.1 Lorsqu'elle accorde l'extradition, la Suisse doit s'assurer que la
personne remise à l'Etat requérant ne risque pas d'y subir un
traitement
contraire aux normes de protection des droits de l'homme (notamment
la CEDH
et le Pacte ONU II; ATF 129 II 100 consid. 4 p. 104); outre l'art. 2
let. a
EIMP, l'art. 37 EIMP permet de refuser l'extradition s'il y a lieu de
craindre un traitement portant atteinte à l'intégrité corporelle de
l'intéressé, et si l'Etat requérant de donne pas de garanties
suffisantes et
crédibles à ce sujet. Toutefois, comme l'a relevé l'OFJ, la CEExtr.
ne permet
pas à l'Etat requis de refuser l'extradition dont toutes les
conditions sont
par ailleurs remplies, au motif que la personne recherchée serait
malade ou
que son état de santé nécessiterait un traitement médical. Ni la
Suisse, ni
l'Etat requérant n'ont formulé de réserve telle que celle de la
France ou
d'autres Etats signataires, aux termes de laquelle l'extradition peut
être
refusée "si la remise est susceptible d'avoir des conséquences d'une
gravité
exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son
âge ou
de son état de santé..." (cf. ATF 129 II 100 précité, consid. 3.2 p.
102-103). Le droit interne - qui ne saurait d'ailleurs prendre le pas
sur le
traité multilatéral - ne prévoit pas davantage un tel motif
d'exclusion de la
coopération internationale. La jurisprudence ancienne et constante va
dans le
même sens (Robert Zimmermann, La coopération judiciaire
internationale en
matière pénale, Berne 1999, n. 461, p. 356; arrêt Malzacher, du 25
novembre
1876, ATF 2 490 consid. 1 p. 491, arrêt non publié du 19 juin 1998
dans la
cause U.; ATF 129 II 56, consid. 8 non publié).

A supposer que les objections tirées de l'état de santé soient
néanmoins
recevables, elles devraient de toute manière être écartées.

2.2 Le dossier médical contient notamment un rapport de la
policlinique de
neurologie des HUG du 26 mars 2003, qui évoque une sténose
carotidienne
gauche sévère d'environ 75 %, sans qu'il soit possible de lui
attribuer
l'ensemble des symptômes. Selon les certificats médicaux des 14 et 20
février
2003, l'état de santé du recourant ne lui permettrait pas de faire
face aux
contraintes de l'incarcération. La sténose carotidienne constituerait
un
facteur de risque d'accident vasculaire cérébral. Il est cependant
précisé
que les soins nécessaires ont pu être prodigués au sein de la
division de
médecine pénitentiaire, soit du quartier carcéral psychiatrique et du
quartier cellulaire hospitalier. En revanche, les soins de
réhabilitation à
long terme ne seraient pas prévus au sein de cette division.

2.3 Si l'état de santé du recourant paraît actuellement incompatible
avec une
détention en cellule ordinaire, il ressort de ce qui précède que le
recourant
a bénéficié, en quartier carcéral, des soins nécessaires à son état,
et rien
ne permet d'affirmer qu'il ne pourrait pas en aller de même dans
l'Etat
requérant. Le recourant ne prétend pas que cet Etat ne disposerait
pas des
infrastructures médicales suffisantes. L'octroi de l'extradition ne
signifie
d'ailleurs pas nécessairement que le recourant, une fois extradé,
serait ipso
facto placé en détention. II appartiendra aux autorités compétentes
de l'Etat
requérant d'en décider, sur le vu des certificats médicaux qui se
trouvent
déjà en leur possession. Il est ainsi possible qu'elles renoncent à
l'incarcération du recourant, compte tenu de sa santé défaillante, ou
prennent toutes les mesures adéquates à cet égard, en ordonnant à
nouveau son
placement dans un quartier cellulaire hospitalier. Afin de prévenir
tout
risque lié au transport et à l'éventuelle incarcération du recourant,
l'OFJ a
pris l'initiative de rendre les autorités requérantes attentives à
son état
de santé, et de les inviter à veiller à ce que celui-ci reçoive tous
les
soins que nécessite sa maladie. Le recourant ne saurait non plus
contester
que l'Etat requérant applique les mêmes standards que la Suisse en
matière de
protection contre les traitements inhumains et dégradants, ainsi qu'en
matière de procès équitable.

En définitive, on peut raisonnablement penser, sans qu'il y ait à
poser des
réserves ou conditions sur ce point, que les autorités de poursuite
étrangères sauront tenir compte de l'évolution récente de l'état de
santé du
recourant, dès lors qu'elles en sont informées par avance.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit
être
rejeté. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire
est mis à
la charge du recourant, dont toutes les conclusions sont écartées.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du recourant
et à
l'Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales,
Section extraditions.

Lausanne, le 26 juin 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.116/2003
Date de la décision : 26/06/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-26;1a.116.2003 ?
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