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26/06/2003 | SUISSE | N°5C.83/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juin 2003, 5C.83/2003


{T 0/2}
5C.83/2003 /frs

Arrêt du 26 juin 2003
IIe Cour civile

MM. les Juges Raselli, Président,
Meyer et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

S. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Jean-Franklin Woodtli,
avocat, rue
Prévost-Martin 5,
case postale 145, 1211 Genève 4,

contre

Etat de Genève, soit pour lui le Conseil d'Etat de la République et
Canton de
Genève, en la personne de son Président, Monsieur Carlo Lamprecht,
rue de
l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève,

défendeur et intimé, représenté par Me Michel Bergmann, avocat, case
postale
5715, 1211 Genève 11.

responsabilité de l...

{T 0/2}
5C.83/2003 /frs

Arrêt du 26 juin 2003
IIe Cour civile

MM. les Juges Raselli, Président,
Meyer et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

S. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Jean-Franklin Woodtli,
avocat, rue
Prévost-Martin 5,
case postale 145, 1211 Genève 4,

contre

Etat de Genève, soit pour lui le Conseil d'Etat de la République et
Canton de
Genève, en la personne de son Président, Monsieur Carlo Lamprecht,
rue de
l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève,
défendeur et intimé, représenté par Me Michel Bergmann, avocat, case
postale
5715, 1211 Genève 11.

responsabilité de l'État pour acte illicite de l'Office des
poursuites,

recours en réforme (traité comme recours de droit administratif)
contre
l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 14
février 2003.

Faits:

A.
A. ________, homme d'affaires né en 1947, a fait l'objet de nombreuses
poursuites dirigées contre lui à la requête de nombreux créanciers,
dont
S.________ qui lui a fait notifier le 17 janvier 1992 un commandement
de
payer, frappé d'opposition, dans la poursuite n° 92 xxxxx. Cette
poursuite a
donné lieu le 31 juillet 1992 à une saisie provisoire portant sur
divers
meubles, sur une créance et sur une part de copropriété d'une demie
sur un
appartement en propriété par étages. Selon le procès-verbal de
saisie, la
valeur estimée de l'ensemble des biens saisis couvrait la créance de
S.________; celui-ci n'a pas contesté cette estimation par la voie de
la
plainte.

Après que cette saisie eut acquis un caractère définitif en décembre
1997,
S.________ a été mis le 2 novembre 1999 au bénéfice du résultat de la
réalisation forcée des meubles saisis. Sa créance s'en est trouvée
ramenée à
588'352 fr. 05, alors que les autres biens saisis, d'une valeur
estimée au
total à 807'500 fr. (457'500 fr. + 350'000 fr.), attendaient encore
leur
réalisation.

B.
Le 2 novembre 1999 également, L.________, autre créancier important de
A.________, a conclu avec ce dernier un accord qui prévoyait le
paiement de
sa créance au moyen d'une somme unique devant revenir à A.________, à
titre
de rémunération d'un service rendu, de la part d'une société
C.________ SA en
faillite. Cet accord prévoyait que cette somme serait partagée, selon
certaines modalités, entre L.________ et A.________, et que la part
revenant
à ce dernier servirait en priorité au désintéressement de ses
créanciers;
l'avocat Y.________ devait servir de tiers séquestre "pour les
montants de M.
A.________ jusqu'à règlement avec les créanciers".

C.
L'Office des poursuites Arve-Lac (ci-après : l'Office) a appris que
A.________ s'attendait à recevoir une rémunération de la part de
l'avocat
Y.________, sans toutefois avoir connaissance de l'accord précité. Mal
informé du caractère et de l'importance de la rémunération, l'Office
a avisé
l'avocat Y.________, le 30 mai 2000, d'une saisie de revenus en ses
mains, à
concurrence de 2'000 fr. par mois. Dans l'avis de saisie en question,
l'Office a mentionné une poursuite série n° 98 xxxxx, tout en
indiquant
simultanément comme "numéro à rappeler" le n° 92 xxxxx.
Le 7 juin 2000, l'avocat Y.________ a informé l'Office qu'il n'était
ni le
mandataire ni chargé des intérêts de A.________ et qu'il ne détenait
encore
aucun actif appartenant à ce dernier, mais qu'il signalerait à
l'Office les
montants qu'il pourrait recevoir. En réaction à un nouveau courrier de
l'avocat Y.________, l'Office a avisé celui-ci, le 2 décembre 2000,
de la
saisie d'une créance en ses mains, au préjudice de A.________, à
concurrence
de 85'070 fr. 50 avec intérêts et frais, dans le cadre de trois
séries (nos
98 xxxxx, 99 xxxxx et 99 yyyyy) qui n'englobaient pas la poursuite n°
92
xxxxx.

Par un nouvel avis du 11 décembre 2000, l'Office a porté le montant
de la
saisie de créance à 155'152 fr. 75 plus intérêts et frais, sur la
base de
l'addition de quatre séries (nos 98 xxxxx, 99 xxxxx, 99 yyyyy et 00
xxxxx)
n'incluant toujours pas la poursuite n° 92 xxxxx.

D.
Dans un courrier du 18 décembre 2000 à A.________, l'Office a porté à
239'536
fr. 45, intérêts et frais compris jusqu'au 15 janvier 2001, le total
des
poursuites entrant dans les quatre séries précitées (nos 98 xxxxx, 99
xxxxx,
99 yyyyy et 00 xxxxx).

Le 19 décembre 2000, l'avocat Y.________ a déclaré à l'Office prendre
bonne
note du fait qu'un versement de 239'536 fr. 45 "solderait toutes les
poursuites en cours à l'encontre de M. A.________, intérêts et frais
compris
jusqu'au 15 janvier 2001" et le libérerait de toutes ses obligations
de tiers
saisi.

Le 21 décembre 2000, l'Office a confirmé à l'avocat Y.________ que ce
montant
représentait l'addition de "toutes les poursuites citées sous
rubrique, ces
dernières ayant fait l'objet de deux avis de saisie de créance en
mains de
tiers que vous avez reçus". Les poursuites citées sous rubrique
étaient à
nouveau celles entrant dans les quatre séries nos 98 xxxxx, 99 xxxxx,
99
yyyyy et 00 xxxxx, toujours à l'exclusion de la poursuite engagée par
S.________.

E.
Entre-temps, le 12 décembre 2000, S.________ avait fait valoir auprès
de
l'Office sa qualité de créancier de A.________, le bien immobilier
saisi
n'étant pas encore vendu, et il a estimé pouvoir bénéficier "du
versement
d'une somme importante résultant du paiement d'une créance de M.
A.________ à
l'encontre d'un tiers". Parallèlement, il avait informé l'avocat
Y.________
de sa qualité de créancier poursuivant de A.________.

Le 22 décembre 2000, S.________ s'est vu répondre par l'Office qu'il
ne
pouvait pas bénéficier d'un versement en mains de l'Office, en
l'absence
d'une saisie correspondante exécutée dans le cadre de la série le
concernant,
étant observé par ailleurs que les conditions d'une saisie
complémentaire en
sa faveur n'étaient pas réalisées.

L'avocat Y.________ ayant payé à l'Office la somme indiquée, un
échange de
courrier infructueux s'en est suivi, entre S.________ et l'Office, au
sujet
de l'absence de participation de S.________ à la répartition des
sommes
versées à l'Office par l'avocat Y.________.

F.
Le 4 septembre 2001, S.________ a actionné l'État de Genève devant le
Tribunal de première instance du canton de Genève, sur la base de
l'art. 5
LP, en concluant au paiement de 429'572 fr. 07 plus intérêts à 5%
l'an dès le
31 décembre 2000. Par jugement du 7 février 2002, le Tribunal de
première
instance a débouté le demandeur de ses conclusions.

Par arrêt rendu le 14 février 2003 sur appel du demandeur, la Chambre
civile
de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de
première
instance.

G.
Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral, le
demandeur
reprend les conclusions formées en instance cantonale. Une réponse au
recours
n'a pas été demandée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 II 311 consid.
1 et la
jurisprudence citée).

1.1 La décision rendue en matière d'action en responsabilité au sens
de
l'art. 5 LP, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 1997,
doit
faire l'objet d'un recours de droit administratif et non d'un recours
en
réforme, s'agissant non d'une contestation civile mais d'une décision
fondée
sur le droit public fédéral (ATF 126 III 431 consid. 2c et les
références;
pour la situation antérieure à l'entrée en vigueur du nouvel art. 5
LP, cf.
ATF 126 III 431 consid. 1a; 120 Ia 377 consid. 2).

1.2 Un recours d'un type donné, irrecevable à ce titre, peut dans
certains
cas être traité comme un recours d'un autre type, s'il en remplit les
conditions (ATF 127 II 198 consid. 2a in fine; ATF 121 II 72 consid.
1f; 120
Ib 379 consid. 1a; 120 II 270 consid. 2; 118 Ib 326 consid. 1b et la
jurisprudence citée). En l'occurrence, l'arrêt attaqué ne contenait
pas
l'indication des voies de recours, contrairement à l'obligation
découlant de
l'art. 35 al. 1 et 2 PA en relation avec l'art. 1 al. 3 PA (cf. ATF
121 II 72
consid. 2a). Or le défaut d'indication ou l'indication incomplète ou
inexacte
des voies de droit ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties
(art.
107 al. 3 OJ; ATF 127 II 198 consid. 2c; 123 II 231 consid. 8b; 121
II 72
consid. 2b p. 79; 119 IV 330 consid. 1c). Il n'est fait exception à
cette
règle que si la partie ou son avocat ont commis une faute lourde en ne
rectifiant pas d'eux-mêmes l'erreur ou l'omission (ATF 119 IV 330
consid. 1c;
117 Ia 297 consid. 2, 421 consid. 2a et les arrêts cités); il n'y a
ainsi pas
de protection pour la partie dont l'avocat eût pu déceler l'omission
ou
l'erreur par la seule lecture du texte légal, sans recourir à la
consultation
de la jurisprudence ou de la doctrine (ATF 127 II 198 consid. 2c; 117
Ia 297
consid. 2, 421 consid. 2a et les arrêts cités). En l'espèce, en
l'absence
d'une telle faute, le recours en réforme du demandeur peut être
converti en
recours de droit administratif, dans la mesure où il répond aux
exigences des
art. 97 ss OJ (cf. ATF 127 II 198 consid. 2a in fine, 2c et 2d).

2.
La motivation de l'arrêt attaqué, dans ce qu'elle a d'utile à retenir
pour
l'examen du recours, est en substance la suivante :
2.1En vertu de l'art. 5 al. 1 LP, le canton répond du dommage causé,
d'une
manière illicite, par les préposés, les employés et leurs
auxiliaires, dans
l'exécution des tâches que leur attribue la loi fédérale sur la
poursuite
pour dettes et la faillite. Le lésé doit établir l'existence d'un acte
illicite, d'un dommage et d'un lien de causalité entre l'acte
illicite et le
dommage.

2.2 S'agissant en premier lieu du dommage, force est de constater que
le
demandeur n'a subi aucune diminution de son patrimoine à ce jour,
puisqu'il
est toujours titulaire de sa créance contre A.________. A première
vue, un
paiement provenant d'un tiers intervenant n'aurait pas augmenté son
patrimoine, puisque le paiement aurait éteint sa créance
correspondante à due
concurrence, un actif remplaçant ainsi simplement un autre actif.
Certes, on
peut se demander si la valeur réelle du paiement que l'avocat
Y.________
aurait par hypothèse été disposé à faire pour solder au moins
partiellement
la poursuite n° 92 xxxxx n'excédait pas la valeur réelle de la
créance contre
un débiteur douteux. Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher
cette
question, car la condition de l'illicéité n'est pas non plus réalisée.

2.3 En effet, en l'absence d'une atteinte à un droit absolu, soit en
présence
d'un dommage purement patrimonial, l'illicéité de l'atteinte au
patrimoine du
lésé ne peut résulter que de la violation d'une norme ayant pour but
de
protéger ce patrimoine contre les atteintes telles que celles en
question.

2.3.1 En l'espèce, l'Office a avisé l'avocat Y.________ de la saisie
d'une
créance en ses mains, au préjudice de A.________, à concurrence d'un
certain
montant, et ceci dans le cadre de plusieurs séries de poursuites
n'englobant
pas la poursuite n° 92 xxxxx. La saisie pratiquée en faveur du
demandeur n'a
jamais été complétée par la saisie d'une créance contre un tiers
débiteur de
A.________. Une saisie complémentaire était d'ailleurs effectivement
exclue
lors de la découverte de biens en mains de l'avocat Y.________ : en
effet, la
valeur des biens déjà saisis dans la poursuite n° 92 xxxxx excédait
le solde
de la créance du demandeur (cf. art. 145 LP), selon l'estimation
faite par
l'Office au moment de la saisie et non contestée par le demandeur.

Ne prétendant pas le contraire, le demandeur reproche d'ailleurs
uniquement à
l'Office de ne pas avoir informé l'avocat Y.________ de sa qualité de
créancier poursuivant de A.________ et de ne pas avoir accepté de cet
avocat
un paiement en sa faveur. Il s'agit donc d'examiner ces griefs, sous
l'angle
d'une atteinte illicite aux intérêts juridiquement protégés du
demandeur.

2.3.2 En vertu de l'art. 12 al. 1 LP, l'office des poursuites est tenu
d'accepter les paiements faits pour le compte du créancier
poursuivant. Du
paiement fait par un tiers intervenant quelconque, il convient de
distinguer
le paiement fait par un tiers saisi : le paiement du tiers débiteur du
poursuivi équivalant à une réalisation de la créance saisie, il doit
toujours
être accepté par l'office des poursuites en vertu de l'art. 99 LP.

En l'espèce, ayant saisi, dans le cadre de plusieurs séries de
poursuites,
une créance de A.________ en mains de l'avocat Y.________, l'Office
devait
aviser cet avocat de la saisie en question, et il devait accepter les
paiements de cet avocat à titre de réalisation de la créance saisie.
Les
paiements devaient être imputés exclusivement sur les séries de
poursuites au
bénéfice desquelles la saisie de créance avait été exécutée, donc à
l'exclusion de la poursuite n° 92 xxxxx.

2.3.3 Dans ce contexte de saisie de créance et de réalisation de la
créance
saisie, l'avocat Y.________ a certes déclaré à l'Office, le 19
décembre 2000,
qu'il prenait bonne note qu'un versement de 239'536 fr. 45 "solderait
toutes
les poursuites en cours à l'encontre de M. A.________, intérêts et
frais
compris jusqu'au 15 janvier 2001" et le libérerait de ses obligations
de
tiers saisi. Ce faisant, l'avocat Y.________
n'a toutefois pas
formulé de
façon claire et intelligible une demande de renseignements concernant
la ou
les poursuites qui ne participaient pas à la saisie de créance en ses
mains,
alors qu'elles étaient dirigées contre le même débiteur. N'étant pas
informé
de l'accord entre le poursuivi et L.________, l'Office n'avait
d'ailleurs
aucune raison de se poser des questions sur un éventuel intérêt de
l'avocat
Y.________ à connaître non seulement les créanciers participant à la
saisie
de créance, mais également tous les autres créanciers poursuivants de
A.________.

En omettant de renseigner l'avocat Y.________ sur l'existence de la
poursuite
dirigée contre A.________ à la requête du demandeur, l'Office n'a
ainsi
nullement omis de respecter un devoir de renseigner découlant de
l'art. 8a
al. 1 LP, aux termes duquel toute personne peut consulter les
procès-verbaux
et les registres des offices des poursuites et des offices des
faillites et
s'en faire délivrer des extraits à condition qu'elle rende son intérêt
vraisemblable. De surcroît, le but de l'art. 8a al. 1 LP n'est pas de
protéger le patrimoine du demandeur contre les atteintes telles
celles en
question.

2.4 Enfin, un rapport de causalité adéquate fait également défaut
dans la
mesure où le demandeur avait informé personnellement l'avocat
Y.________ de
sa qualité de créancier poursuivant de A.________. Si, par hypothèse,
cet
homme de loi a estimé à tort que le demandeur ne pouvait pas être un
créancier de A.________ en l'absence d'une participation de sa
poursuite à la
saisie de créance, ou s'il a décidé en toute connaissance de cause de
ne
payer que le montant saisi, alors il est seul responsable de cette
décision
défavorable au demandeur, qui n'est pas imputable à l'Office.

L'avocat Y.________ n'ayant versé que le montant réclamé sur la base
de la
saisie de créance en ses mains, l'Office n'a refusé aucun paiement de
sa
part, en violation de l'art. 12 al. 1 LP. Il s'ensuit que les
conditions
d'une action en responsabilité contre l'État de Genève ne sont pas
réalisées.

3.
Le demandeur reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 12 al.
1 LP,
tout en se plaignant de ce que certaines constatations de l'arrêt
attaqué
reposeraient sur une inadvertance manifeste (art. 55 al. 1 let. d OJ
et art.
63 al. 2 OJ). Il convient dès lors d'examiner ci-après les divers
aspects de
ces griefs, dans la mesure où ceux-ci sont compréhensibles.

3.1
3.1.1En premier lieu, le demandeur rappelle la motivation de l'arrêt
attaqué
selon laquelle l'Office, qui avait avisé l'avocat Y.________ de la
saisie en
ses mains, dans le cadre de plusieurs séries de poursuites, d'une
créance de
A.________, devait accepter les paiements de cet avocat à titre de
réalisation de la créance saisie, les paiements devant être imputés
exclusivement sur les séries de poursuites au bénéfice desquelles la
saisie
de créance avait été exécutée, donc à l'exclusion de la poursuite n°
92 xxxxx
(cf. consid. 2.3.2 in fine supra).

Ne contestant pas ce raisonnement en lui-même, le demandeur critique
en
revanche la constatation selon laquelle la poursuite n° 92 xxxxx ne
faisait
pas partie de l'une des séries ayant donné lieu à la saisie de
créance en
mains de l'avocat Y.________. Selon le demandeur, aucun élément ne
permettrait de retenir que tel soit le cas et qu'il ne s'agit pas
purement et
simplement d'une omission d'un fonctionnaire chargé d'établir l'un ou
l'autre
des avis de saisie considérés. Cela serait si vrai que lorsque
l'Office avait
tenté pour la première fois d'effectuer une saisie en mains de
l'avocat
Y.________ dans le cadre de la poursuite n° 98 xxxxx, il avait, dans
son avis
de saisie du 30 mai 2000, indiqué simultanément comme "numéro à
rappeler" le
n° 92 xxxxx (cf. lettre C supra).

La participation du demandeur, dans la poursuite n° 92 xxxxx, à une
série de
1998 s'expliquerait aisément par le fait que la continuation de cette
poursuite, par la réquisition de saisie définitive, n'a pu être
requise qu'en
janvier 1998. Le demandeur aurait alors "fort logiquement" participé
à une
nouvelle saisie ¿ celle pratiquée le 30 mai 2000, qui n'a pas porté
¿, qui
aurait eu pour corollaire une nouvelle série, en application de
l'art. 110
al. 2 LP. A tout le moins la créance du demandeur aurait-elle dû,
selon lui,
faire partie de la série n° 98 xxxxx, conformément à l'art. 110 al. 2
LP.

3.1.2 Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit administratif dirigé
contre
une décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié
par les
faits constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 105 al. 2 OJ). Or en l'espèce, rien ne démontre
l'inexactitude de la constatation selon laquelle la poursuite n° 92
xxxxx ne
faisait pas partie de l'une des séries ayant donné lieu à la saisie de
créance en mains de l'avocat Y.________. Au contraire, cette
constatation est
absolument corroborée par les pièces du dossier, en particulier par
les
courriers adressés les 2, 13 et 21 décembre 2000 à l'avocat
Y.________ par
l'Office. C'est bien plutôt l'avis du 30 mai 2000 qui apparaît avoir
procédé
d'une erreur manifeste de l'Office en tant qu'il indiquait comme
"numéro à
rappeler" le n° 92 xxxxx, alors que la poursuite concernée, dont le
numéro
était indiqué en tête de l'avis, était la poursuite n° 98 xxxxx, qui
était
seule dans sa série.

Au demeurant, il n'existait aucun motif pour que la poursuite n° 92
xxxxx
participe à la saisie de créance en mains de l'avocat Y.________.
Comme l'a
relevé avec pertinence l'autorité cantonale (cf. consid. 2.3.1
supra), la
valeur des biens déjà saisis dans la poursuite n° 92 xxxxx excédait
le solde
de la créance du demandeur, selon l'estimation faite par l'Office au
moment
de la saisie et non contestée par le demandeur. Dans la mesure où,
selon
cette estimation ¿ que le demandeur n'a pas contestée à l'époque, ni
apparemment cherché à faire revoir par la suite ¿, les biens saisis
étaient
suffisants pour satisfaire le demandeur (cf. art. 97 al. 2 LP),
celui-ci ne
pouvait bénéficier d'un complément de saisie, au sens des art. 110
al. 1 ou
115 al. 3 LP, ou d'une saisie complémentaire au sens de l'art. 145
al. 1 LP.
Pour les mêmes raisons, la "réquisition de continuer la poursuite"
formée le
6 janvier 1998 par le demandeur dans la poursuite n° 92 xxxxx ne
pouvait
déboucher sur sa participation à une nouvelle série, pour laquelle il
devait
être procédé à une nouvelle saisie (cf. art. 110 al. 2 LP). La saisie
devant
permettre de satisfaire le demandeur avait en effet déjà été exécutée
à titre
provisoire en 1992, de sorte que l'octroi de la mainlevée définitive
permettait directement au demandeur de requérir la réalisation des
biens
saisis (art. 116 et 118 LP).

3.2
3.2.1Le demandeur fait ensuite grief aux juges cantonaux d'avoir
considéré
que l'art. 12 al. 1 LP n'avait fait l'objet d'aucune violation dès
lors que
l'avocat Y.________ n'avait versé que le montant correspondant à la
saisie de
créance effectuée en ses mains. Selon le demandeur, l'avocat
Y.________
sollicitait manifestement la possibilité de régler l'intégralité des
poursuites dirigées à l'encontre de A.________, et non uniquement
celles
faisant partie des séries que l'Office voulait bien lui communiquer.
Il
faudrait ainsi admettre que l'avocat Y.________ n'avait pas
uniquement la
position du tiers saisi, mais aussi celle du tiers intervenant. Or
selon le
demandeur, le paiement que souhaitait faire celui qui avait aussi la
qualité
de tiers intervenant devait être rendu possible ou le cas échéant
accepté par
l'Office. Quand bien même l'on admettrait, à l'instar de la cour
cantonale,
que le droit à l'information découlant de l'art. 8a LP n'a pas été
violé,
force serait de constater que le tiers intervenant ne peut
aujourd'hui se
voir reprocher d'avoir prétendument failli à sa mission, alors que
l'Office a
systématiquement répondu de manière erronée ou inappropriée à ses
interrogations, l'empêchant par là même de payer la totalité des
créances
poursuivies.

3.2.2 Par l'argumentation résumée ci-dessus, le demandeur reprend la
thèse
soutenue devant les juges cantonaux, selon laquelle l'avocat
Y.________
souhaitait solder toutes les poursuites dirigées contre A.________,
et non
seulement celles qui participaient à la saisie de créance en ses
mains; il
reproche à l'Office de ne pas avoir informé l'avocat Y.________ de
l'existence de la poursuite n° 92 xxxxx, lors même que celle-ci ne
participait pas à la saisie de créance (cf. consid. 3.1.2 supra). La
thèse du
défendeur apparaît toutefois contredite par les faits de la cause et
infondée
en droit, la décision attaquée ne consacrant aucune violation du droit
fédéral.

D'une part, le demandeur ne démontre pas que la cour cantonale aurait
erré en
considérant que l'Office n'avait pas violé l'art. 8a LP (cf. consid.
2.3.3
supra). Or dans ces conditions, il ne saurait affirmer simultanément,
et de
manière péremptoire, que l'Office aurait "systématiquement répondu de
manière
erronée ou inappropriée [aux] interrogations" de l'avocat Y.________.

D'autre part, si la cour cantonale a constaté que dans son courrier
du 19
décembre 2000 à l'Office, l'avocat Y.________ déclarait prendre bonne
note du
fait qu'un versement de 239'536 fr. 45 "solderait toutes les
poursuites en
cours à l'encontre de M. A.________" (cf. lettre D supra), il n'en
découle
pas que cet avocat, qui n'était pas le mandataire ni chargé des
intérêts de
A.________ (cf. lettre C supra), avait l'intention de payer une somme
excédant celle de la saisie. Il semble bien au contraire qu'il n'avait
d'autre intention que de se libérer de ses obligations de tiers
saisi, comme
cela ressort du courrier précité du 19 décembre 2000. De surcroît, le
demandeur avait lui-même informé l'avocat Y.________ de sa qualité de
créancier poursuivant de A.________ (cf. lettre E supra). Or cet
avocat a
malgré tout décidé de ne payer que le montant saisi. Cela atteste à
la fois
l'intention de l'avocat Y.________ de ne payer que le montant saisi,
et
l'absence de causalité entre la prétendue violation par l'Office de
son
devoir de renseigner et le dommage invoqué par le demandeur (cf.
consid. 2.4
supra), si tant est que ce dommage existe (cf. consid. 2.2 supra).
C'est dès
lors à bon droit que la cour cantonale a retenu que l'Office n'avait
refusé
aucun paiement en violation de l'art. 12 al. 1 LP et que les
conditions d'une
action en responsabilité contre l'État de Genève n'étaient pas
réalisées (cf.
consid. 2.4 in fine supra).

3.3
3.3.1Le demandeur soutient enfin que l'art. 12 al. 1 LP a
manifestement été
érigé dans le but de protéger les intérêts des créanciers
poursuivants, le
but essentiel qui découle de son sens littéral étant de faire en
sorte que
l'Office ne refuse point d'encaisser des sommes payées pour le compte
desdits
créanciers poursuivants. Hormis les privilèges de classe, la LP vise,
entre
autres au sein d'une même série (cf. art. 110 LP), à favoriser
l'égalité de
traitement des créanciers poursuivants. Cette égalité de traitement
constituerait une norme de comportement dont le non-respect en
l'espèce
serait constitutif d'un acte illicite, lequel serait de surcroît en
relation
de causalité adéquat avec le dommage subi par le demandeur. En effet,
si
l'Office n'avait pas omis ou d'une quelconque manière écarté la
créance du
demandeur, non sans répondre de façon exacte aux sollicitations du
tiers
saisi et intervenant, l'égalité de traitement entre les divers
créanciers
poursuivants aurait été respectée, et le demandeur aurait participé au
partage de tous les fonds dont disposait l'avocat Y.________, fonds
que ce
dernier aurait intégralement versés à l'Office.

3.3.2 Ces griefs sont infondés. La cour cantonale n'a aucunement nié
que
l'art. 12 al. 1 LP ait pour but de protéger les intérêts des
créanciers
poursuivants, mais elle a considéré que l'Office n'avait pas violé
cette
disposition, n'ayant refusé aucun paiement de la part de l'avocat
Y.________.
Comme on l'a vu (cf. consid. 3.2.2 supra), il n'apparaît pas que cet
avocat
avait l'intention de payer d'autres sommes que celles permettant
d'éteindre
les poursuites au bénéfice desquelles la saisie de créance avait été
ordonnée
en ses mains. Le demandeur ne saurait invoquer l'égalité de
traitement des
créanciers poursuivants au sein d'une même série, puisqu'il ne
participait
pas à l'une des séries au bénéfice desquelles la saisie de créance
avait été
exécutée (cf. consid. 3.1.2 supra). L'on ne discerne au demeurant pas
non
plus d'inégalité de traitement dans la mesure où il faut rappeler que
la
poursuite n° 92 xxxxx a donné lieu à une saisie portant sur des biens
dont la
réalisation, selon l'estimation faite par l'Office au moment de la
saisie et
non contestée par le demandeur, devrait permettre de satisfaire ce
dernier
(cf. consid. 3.1.2 supra). Enfin, l'absence de lien de causalité
entre la
prétendue violation par l'Office de son devoir de renseigner et le
dommage
invoqué par le demandeur a déjà été relevée (cf. consid. 3.2.2 supra).

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours, qui se révèle mal fondé,
doit
être rejeté aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).


Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en réforme, traité comme recours de droit administratif,
est
rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 26 juin 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.83/2003
Date de la décision : 26/06/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-26;5c.83.2003 ?
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