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30/11/2006 | SUISSE | N°4C.295/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 novembre 2006, 4C.295/2006


{T 0/2}4C.295/2006 /ech Arrêt du 30 novembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.Greffier: M. Ramelet. X. ________ SA,défenderesse et recourante, représentée parMe Frédérique Bensahel, contre H.Y.________ et F.Y.________,demandeurs et intimés, représentés par Me Daniel Richard. contrat de conseil en placements, mauvaise exécution de l'accord, calcul dudommage, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 23 juin 2006. Faits: A.A.a Au mois de juillet 1997, H.Y.________ et F.Y.________, res

sortissantsfrançais domiciliés à Genève, ont ouvert un compte...

{T 0/2}4C.295/2006 /ech Arrêt du 30 novembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.Greffier: M. Ramelet. X. ________ SA,défenderesse et recourante, représentée parMe Frédérique Bensahel, contre H.Y.________ et F.Y.________,demandeurs et intimés, représentés par Me Daniel Richard. contrat de conseil en placements, mauvaise exécution de l'accord, calcul dudommage, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 23 juin 2006. Faits: A.A.a Au mois de juillet 1997, H.Y.________ et F.Y.________, ressortissantsfrançais domiciliés à Genève, ont ouvert un compte joint auprès de la banqueX.________ SA dont le siège est à Genève. Les époux Y.________ ont ainsisigné les conditions générales de la banque et sont convenus avec celle-ciqu'ils recevraient la correspondance de X.________ SA «banque restante»,sous leur responsabilité. A.b Comme H.Y.________ avait manifesté l'intention en automne 2000 d'investirdans le marché financier une somme de 60'000'000 FF, une rubrique dite 002 ducompte précité a été créée le 27 novembre 2000, sur laquelle le prénommé afait transférer la somme de 9'146'941,03 EUR, contre-valeur de 60'000'000 FF.Le même jour, les époux Y.________ et la banque ont signé une «Convention deconseil», qui prévoyait que les premiers chargeaient la seconde de lesconseiller dans le choix des valeurs mobilières et des instruments financiersspécifiques; l'accord stipulait que les conseils donnés par X.________ SA neseraient que des recommandations et que toutes les décisions d'investissementseraient exclusivement prises par les clients, à leur libre initiative etappréciation, ces derniers assumant l'entière responsabilité de lacomposition et de la performance de leur portefeuille; il était égalementprévu que la banque aurait droit à une rémunération annuelle pour sonactivité. Par le transfert de fonds précité, H.Y.________ devenait l'un des plus grosclients de la banque. Le 1er décembre 2000, A.________, gestionnaire de X.________ SA, et sonsupérieur B.________, responsable de la gestion pour la clientèle française,ont déjeuné avec H.Y.________ afin de définir le type d'investissementssouhaité par le client. H.Y.________ a alors exposé qu'il désirait améliorerle rendement de son capital, mais qu'il voulait une gestion conservatrice,car il avait été échaudé par la perte, une vingtaine d'années plus tôt, desommes importantes dans des opérations boursières. Pour définir le cadre duconseil à apporter, B.________ a suggéré un maximum de 30% d'actions dans leportefeuille, en se référant à l'adage «100% d'actions moins l'âge duclient» qu'il appliquait aux clients souhaitant une gestion conservatrice.Selon le compte rendu de l'entretien établi par les représentants de labanque, il avait ainsi été convenu que le montant de 60'000'000 FF devaitêtre investi progressivement, des rendez-vous téléphoniques étant prévus pourfaire le point au fur et à mesure des investissements opérés. Plusparticulièrement, lesdits représentants ont noté qu'environ 30'000'000 FFdevaient être placés à 3 mois, afin de bénéficier de taux plus élevés, et«le solde au mieux de nos certitudes». A.c A la suite de ce déjeuner, B.________ a confié à A.________ le suivi dudossier des époux Y.________. Le 22 décembre 2000, A.________ a informé H.Y.________ par téléphone que 15%des fonds déposés par celui-ci avaient été investis en actions et que laperformance à ce stade était quasi nulle. Au cours du premier trimestre 2001, X.________ SA a procédé au moyen de lasomme déposée par les conjoints Y.________ à une cinquantaine d'opérationsd'acquisition et de revente de titres, si bien qu'à la fin mars 2001, lesactions représentaient 44,20% de la valeur totale des avoirs. Vers la fin mars 2001, alors que A.________ était en vacances, B.________ aconstaté que la valeur du portefeuille de titres détenu par les épouxY.________ avait baissé; il en a informé par téléphone H.Y.________, qui asouhaité en discuter le 30 mars 2001 lors d'un déjeuner. Il résulte du compte rendu de l'entretien établi par B.________ queH.Y.________ s'est plaint que A.________ ne l'ait appelé qu'à deux reprisesdepuis décembre 2000. Il a plus particulièrement reproché à la banque de nepas l'informer au fur et à mesure des investissements effectués,contrairement à ce qui avait été convenu. Lorsque B.________ a remis àH.Y.________ un état de situation de son compte, celui-ci a blêmi.H.Y.________ a fait grief à X.________ SA de ce que les actionsreprésentaient 45% des investissements effectués, alors que son portefeuille,selon ce qui avait été discuté, ne devait comprendre que 30% d'actions, àmoins que le marché ne soit «euphorique». En conclusion de son rapport,B.________ a écrit la remarque suivante: «(H.Y.________) a l'impression quel'on fait joujou avec son dossier et il est très inquiet. Du reste, s'il n'apas donné un mandat discrétionnaire à la banque, mais un mandat de conseil,c'était justement pour être conseillé...». Il a été convenu qu'un nouvel entretien aurait lieu dix jours plus tard, enprésence de A.________. Au 30 mars 2001, la baisse de valeur du portefeuille de titres détenu par lesconjoints Y.________ et les pertes enregistrées sur les opérations effectuéespendant le premier trimestre de l'année 2001 atteignaient en valeur1'105'855,66 EUR. Le 4 avril 2001, A.________ a envoyé à H.Y.________ un récapitulatif destitres achetés, spécifiant notamment les quantités acquises de chaque actifavec leur prix d'achat respectif. Le 11 avril 2001, B.________, A.________ et H.Y.________ se sont rencontrésdans les locaux de la banque. Il a alors été convenu qu'aucune opération neserait plus effectuée sur le compte, sans instruction ou accord préalable desépoux Y.________. Dans un compte rendu de cet entretien, A.________ a noté àpropos de H.Y.________ ce qui suit:«Déçu par performance, mais surtout a peur. Lui explique et lui remets lapolitique de gestion appliquée par [moi-même].Nous décidons:- de conserver la part actions à 40% dans un premier temps et de travailleravec cette part pour faire remonter le portefeuille;- tous les lundis, envoi par fax d'une situation de la partie Actions ducompte avec tél. pour suivre l'évolution;- 1 fois par mois, envoi par courrier des situations des comptes et d'uncourrier». Il a été constaté que lorsqu'un responsable de la banque avait vouluconsulter le dossier des conseils délivrés aux conjoints Y.________, ill'avait trouvé «étrangement vide». Les opérations boursières effectuées par X.________ SA à partir du compte desépoux Y.________ figuraient dans les relevés de compte mensuels que la banqueleur adressait «banque restante». A.d Dans les mois qui ont suivi, les principaux indices boursiers ontpoursuivi leur tendance baissière. Les époux Y.________ ont procédé à lavente d'un certain nombre de titres, à des prix inférieurs à leur valeurd'achat. En septembre 2001, H.Y.________ a reproché à X.________ SA d'avoir procédé àdes investissements non autorisés sur le compte joint des époux et manifestél'intention de tenir la banque pour responsable des pertes subies en raisonde ces investissements. A l'automne 2001, X.________ SA a proposé de verser aux époux Y.________ unmontant de 300'000 EUR, sans reconnaissance de responsabilité; ces derniers,par courrier du 28 décembre 2001, ont décliné cette proposition, qu'ilsestimaient insuffisante à considérer la perte subie au 14 décembre 2001, quise montait à 1'537'423,44 EUR. Deux entretiens ont eu lieu par la suite, aucours desquels tant la banque que les époux Y.________ ont maintenu leurposition respective. Le 6 août 2002, les conjoints Y.________ ont ordonné à X.________ SA detransférer l'intégralité de leurs avoirs auprès d'un autre établissementbancaire. Il a été retenu que le total des commissions de conseil prélevées parX.________ SA sur le compte de H.Y.________ et F.Y.________ pour la périodede décembre 2000 à fin mars 2001 s'élevait à 15'152,62 EUR. B.B.aLe 24 février 2003, H.Y.________ et F.Y.________ ont ouvert action devantles autorités genevoises contre X.________ SA, à laquelle ils ont réclamépaiement de 1'797'554,55 EUR et 9'796,55 US$, plus intérêts à 5% l'an dès le14 décembre 2001. A l'appui de leurs conclusions, les demandeurs ont soutenu que ladéfenderesse avait excédé les pouvoirs qui lui étaient conférés eninvestissant de son propre chef les avoirs déposés sur le compte, de sortequ'elle était tenue de répondre du dommage causé à ses anciens clients, quise décomposait en perte de valeur des investissements au 14 décembre 2001,par 1'537'423,44 EUR, manque à gagner par rapport aux placements fiduciaires,par 169'315,85 EUR, commissions de courtage perçues sur les opérations ayantentraîné des pertes, par 26'401,75 EUR et 9'796,55 US$, et commissions deconseil indûment encaissées, par 64'413,51 EUR. La défenderesse s'est opposée à la demande, prétendant qu'elle s'étaitacquittée de ses obligations conformément à son devoir de fidélité et dediligence. Par jugement du 6 octobre 2005, le Tribunal de première instance de Genève acondamné la défenderesse à payer aux demandeurs, pris conjointement etsolidairement, la somme de 784'092 EUR avec intérêts à 5 % l'an dès le 14décembre 2001. Saisie d'un appel de la défenderesse et d'un appel incident des demandeurs,la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 23juin 2006, a réformé partiellement le jugement susmentionné et condamné labanque à verser aux demandeurs, pris conjointement et solidairement, la sommede 747'539 EUR avec intérêts à 5 % l'an dès le 14 décembre 2001.En substance, la cour cantonale a retenu que les parties ont conclu uncontrat de conseil en placements. Un tel contrat est soumis aux dispositionsdu mandat au sens des art. 394 ss CO, ce qui signifie que le conseiller doitrespecter un devoir de diligence. Le gestionnaire de la banque A.________ n'atoutefois pas compris la nature de cette convention, mais agi en qualité degestionnaire, dépassant même le seuil convenu des 30 % d'actions. Cecomportement viole l'accord passé entre les plaideurs et oblige ladéfenderesse, responsable de son auxiliaire, à réparation. Passant au calculdu dommage, les juges cantonaux ont considéré qu'entre le 31 décembre 2000 etle 31 mars 2001, la totalité des investissements effectués pour lesdemandeurs l'avait été en violation du contrat conclu avec ces derniers. Maiscomme les clients avaient conservé dans leur portefeuille une partie de cesacquisitions, il convenait de faire application de l'art. 42 al. 2 CO. Dèsl'instant où les actions acquises durant le premier trimestre 2001représentaient les deux tiers du total des titres de participation figurantdans le portefeuille des demandeurs à fin mars 2001, la cour cantonale aretenu que le préjudice imputable aux manquements de la banque se montait auxdeux tiers de la perte de 1'105'855,66 EUR enregistrée au 30 mars 2001,c'est-à-dire à 737'237 EUR. L'autorité cantonale a encore admis que lesdemandeurs étaient encore en droit d'obtenir une réduction des deux tiers deshonoraires de gestion perçus par la banque entre l'ouverture du compte et lafin mars 2001, par 15'152,62EUR, d'où une créance en leur faveur ascendant à10'102EUR. C.X.________ SA exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêtcantonal. Elle conclut à ce que les demandeurs soient déboutés de toutesleurs conclusions.Les intimés proposent le rejet du recours et la confirmation de l'arrêtdéféré. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires etdirigé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale par untribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont lavaleur litigieuse dépasse largement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), lerecours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en tempsutile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ). Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al.1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'undroit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation dudroit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où unepartie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dansla décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une desexceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenircompte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut êtreprésenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyensde preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvertpour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de faitqui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129III 618 consid. 3).Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, quine peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'estpas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni parl'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;ATF 130 III 297 consid. 3.1). 2.La recourante prétend tout d'abord que la cour cantonale a enfreint l'art. 8CC pour n'avoir pas retenu dans l'arrêt déféré des faits établis par pièces,soit que les intimés ont reçu chaque mois, en banque restante, les relevés decompte établis par X.________ SA et que H.Y.________ est passé à dix reprisesà la banque entre le 1er décembre 2000 et le 2 avril 2001 pour y déposer del'argent liquide. 2.1 Il a été déduit de l'art. 8 CC un droit à la preuve et à la contre-preuve(ATF 129 III 18 consid. 2.6 et les arrêts cités). Cette règle est violéequand le juge n'administre pas, sur des faits pertinents (ATF 126 III 315consid. 4a), des preuves propres à les établir (cf. ATF 90 II 219 consid. 4b)qui ont été offertes régulièrement selon les règles de la loi de procédureapplicable (ATF 126 III 315 ibidem), alors qu'il ne considère l'allégationdesdits faits ni comme exacte, ni comme réfutée. Une mesure probatoire peutcependant être refusée par une appréciation anticipée des preuves, qui nepeut être réexaminée dans un recours en réforme (ATF 129 III 18 consid. 2.6;127 III 519 consid. 2a). 2.22.2.1L'autorité cantonale a expressément retenu, au considérant C let. b p.10 in fine de l'arrêt cantonal, qu'il était possible
que les opérationseffectuées au premier trimestre 2001 aient figuré dans les relevés de compteenvoyés «banque restante» aux demandeurs, mais que cela ne suffisait pas àexonérer la banque de sa responsabilité pour lesdites opérations. Les magistrats genevois auraient certes dû retenir sans restrictionl'allégation susmentionnée de la défenderesse, qui était documentée par lespièces déposées sous la cote 5 de son chargé du 27 novembre 2003. Mais iln'importe. En effet, l'application stricte de la fiction de la réception ducourrier ne saurait profiter à la banque notamment lorsqu'elle sait que leclient n'approuve pas les actes communiqués en banque restante (arrêts4C.378/2004 du 30 mai 2005 consid. 2.2, et 4C. 81/2002 du 1er juillet 2002,consid. 4.3), ce qui, comme on le verra, était bien le cas en l'occurrence.Autrement dit, l'allégation en question n'avait aucune influence sur lasolution de la querelle. 2.2.2 La circonstance que le demandeur H.Y.________ est venu personnellementdéposer à dix reprises de l'argent en liquide aux guichets de la banque entredécembre 2000 et le début avril 2001 n'a aucune pertinence dans le cadre duprésent litige. En effet, la recourante ne conteste plus (cf. p. 10 de sonmémoire de recours) qu'elle était liée aux demandeurs par un contrat deconseil en placements passé le 27novembre 2000 (sur un tel accord, cf. arrêt4C. 27/2003 du 26 mai 2003 consid. 3.2.2, in SJ 2003 I p. 597 et lesréférences doctrinales). L'objet du présent litige est donc de vérifier si ladéfenderesse a accompli le devoir de diligence qui lui incombait en vertu dela conclusion de ce contrat. Sous cet angle, dès l'instant où la défenderessene prétend pas que les caissiers qui ont reçu les versements effectués auguichet par H.Y.________ avaient des connaissances particulières en matièrede placements boursiers - hypothèse qui est du reste parfaitementinvraisemblable -, il est sans importance de déterminer si et combien de foisle client est venu en personne à Genève remettre des fonds à des guichetiersde X.________ SA. Le grief, dans ses deux branches, n'a aucun fondement. 3.3.1La recourante reproche à la Cour de justice de s'être focalisée sur laqualification du contrat noué par les plaideurs, sans s'interroger sur lecomportement adopté par les intimés pendant la période du 1erjanvier au 31mars 2001. Elle est d'avis que les demandeurs ont accepté les opérationslitigieuses par application de l'art. 4 de ses conditions générales - dont iln'est pas contesté qu'elles avaient été intégrées à la «Convention deconseil» du 27 novembre 2000 -, disposition qui impose au client le devoirde réagir envers la banque dans les 30 jours s'il n'approuve pas unetransaction. La défenderesse fait valoir que tant la doctrine que le Tribunalfédéral ont admis la validité juridique de ce type de clause. A suivre la recourante, les demandeurs auraient été dûment éclairés sur lesopérations entreprises par la banque, que ce soit par la remise de documentsen banque restante ou par les contacts sporadiques qu'ils ont eus avecA.________ et B.________ entre janvier et avril 2001. Pour n'avoir pas réagide manière diligente avant septembre 2001, en adressant une protestationclaire et sans équivoque à la banque, ils ne se seraient pas conformés àl'art. 4 des conditions générales et auraient donc transgressé leursobligations contractuelles, la défenderesse ayant pour sa part agiconformément à l'accord du 27 novembre 2000. La réclamation qu'ils ontformulée six mois après l'accomplissement des opérations querellées seraitclairement tardive au vu de cette disposition. 3.2 Le contenu de la clause des conditions générales à laquelle se réfère ladéfenderesse n'a pas été constaté dans l'arrêt critiqué. La recourante auraitdû former un recours de droit public si elle estimait que la cour cantonalen'avait pas administré les preuves régulièrement offertes pour établir unallégué portant sur la teneur de l'art. 4 de ses conditions générales. Il suit de là que le moyen de la défenderesse est fondé sur un état de faitdifférent de celui arrêté souverainement par la Cour de justice (art. 63 al.2 OJ). Il est donc irrecevable dans toute son étendue. 4.4.1D'après la recourante, «quand bien même la relation contractuellelitigieuse n'aurait pas été soumise à l'article 4 des conditions généralessusmentionné, l'on devrait tout de même considérer que les intimés ontratifié les opérations litigieuses par acte concluant». Elle prétend que lesintimés savaient dès le 30 mars 2001 que des opérations avaient étéeffectuées sans leur accord préalable au cours du premier trimestre 2001,mais qu'ils n'ont alors émis aucune protestation. Du reste, les demandeursétaient déjà restés sans réaction lorsqu'ils avaient appris par téléphone, le22 décembre 2000, que leur portefeuille était investi à hauteur de 15 % enactions. La recourante en conclut qu'elle était de bonne foi légitimée àconsidérer que les demandeurs acceptaient les opérations critiquées,lesquelles - elle n'en disconvient plus - avaient été opérées au mépris desinstructions au sens de l'art. 397 CO que leur avaient délivrées cesderniers. La violation de l'accord liant les plaideurs s'en trouverait guériepar la ratification des intimés. 4.2 Comme on l'a vu ci-dessus, les parties ont conclu le 27 novembre 2000 uncontrat de conseil en placements. Ce point n'est à bon droit plus contesté.Ce contrat, en tout cas en ce qui concerne les devoirs et la responsabilitédu gérant, relève du mandat au sens des art. 394 ss CO (arrêt 4C. 27/2003 du26 mai 2003 consid. 3.2.2, in SJ 2003 I p.597; Daniel Guggenheim, Lescontrats de la pratique bancaire, 4e éd., p.208; Pierre Engel, Contrats dedroit suisse, 2e éd., p. 503).Le mandataire doit exécuter avec soin la mission qui lui est confiée etsauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son cocontractant (art. 321aal. 1 CO applicable par le renvoi de l'art. 398 al. 1 CO). Il est responsableenvers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat (art. 398 al. 2CO). Si le mandant ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peutl'obtenir qu'imparfaitement, le mandataire est tenu de réparer le dommage enrésultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable (art.97 al. 1 CO) (ATF 128 III 22 consid. 2b).Les instructions sont des manifestations de volonté sujettes à réception, aumoyen desquelles le mandant indique au mandataire, pendant l'exécution ou aumoment de la conclusion du contrat, comment les services doivent êtreexécutés. D'après l'art. 397 al. 1 CO, les instructions sont en principecontraignantes. Le mandataire ne peut s'en écarter que dans des circonstancesprécises, ainsi si la sauvegarde des intérêts du mandant commande la prisesans instructions de mesures urgentes (art. 397 al. 1 in fine CO), si lesinstructions sont illicites ou contraires aux moeurs ou si elles sontdéraisonnables (cf. Franz Werro, Commentaire romand, n. 3 ss ad art. 397 CO;Rolf H. Weber, Commentaire bâlois, n. 4 ss ad art. 397 CO; Pierre Tercier,Les contrats spéciaux, 3e éd., ch. 4676 ss, p. 675). Le mandataire, qui ne se conforme pas aux instructions qu'il a reçues, violele contrat et est tenu à réparation à l'égard du mandant (ATF 107 II 238consid. 5b; Franz Werro, op. cit., n. 12 ad art. 397 CO; Rolf H. Weber, op.cit., n. 10 ad art. 397 CO). 4.3 En l'occurrence, la recourante ne semble plus contester que le conseilleren investissements, dont la banque répond en vertu de l'art. 101 al. 1 CO, nes'est pas conformé aux instructions que les intimés lui avaient données quantau type d'investissements qu'ils souhaitaient. H.Y.________ avait clairementexposé le 1er décembre 2000 au gestionnaire A.________ et à son supérieurB.________ qu'ayant subi des pertes importantes en bourse deux décennies plustôt, il voulait une gestion conservatrice, caractérisée par un maximum de 30% d'actions dans le portefeuille, et qu'il désirait que la somme à investir,par 9'146'941,03 EUR, le soit progressivement, des rendez-vous téléphoniquesdevant être organisés au fur et à mesure des placements opérés. Or il a étéconstaté qu'au 31 mars 2001 les actions représentaient 44,20 % des avoirsinvestis (à savoir 47 % de plus que le plafond fixé pour ce type d'actifs) etque A.________ avait procédé de janvier à mars 2001 à une cinquantained'opérations d'achat et de vente de titres, en n'ayant appelé que deux foisH.Y.________. Il saute aux yeux que le gestionnaire prénommé a grossièrementviolé les instructions du demandeur. Du reste, la défenderesse a étécontrainte d'admettre que le dossier renfermant les conseils dispensés auxintimés était «étrangement vide». 4.4 En dépit des affirmations de la recourante, les intimés n'ont nullementratifié les opérations incriminées. Tout d'abord, opposer la clause dite de banque restante aux demandeurs, ainsique tente de le faire la banque, consacre in casu un abus de droit manifeste(art. 2 al. 2 CC). En effet, au vu de ce qui vient d'être dit, ladéfenderesse ne pouvait ignorer que les demandeurs, dont les instructionsétaient limpides, n'approuveraient pas les extraits de compte communiquésbanque restante, qui montraient que la gestion de leurs avoirs ne pouvaitplus être qualifiée de conservatrice, puisque la part actions représentaitplus de 44 % des montants investis (arrêts 4C.378/2004 du 30 mai 2005 consid.2.2, et 4C. 81/2002 du 1er juillet 2002, consid. 4.3). Ensuite, la recourante ne peut rien tirer de l'inaction des demandeurs aprèsle téléphone de A.________ du 22 décembre 2000, qui leur annonçait que 15 %de leurs avoirs avaient été investis en actions. On ne voit pas pourquoi lesintimés auraient dû s'inquiéter à ce stade, puisque le plafond maximumd'actions qu'ils avaient autorisé pour les fonds investis, soit 30 % dutotal, n'était à cette date même pas approché. Enfin, 12 jours après avoir reçu, le 30 mars 2001 une situation de soncompte, H.Y.________ a rencontré le gestionnaire chargé de le conseiller etle supérieur hiérarchique de celui-ci pour se plaindre de la stratégieadoptée jusque-là, laquelle a été stoppée sans délai. Ainsi, à partir du 11avril 2001, il n'a pas été procédé à de nouvelles acquisitions d'actions ettoutes les opérations auxquelles la banque a procédé l'ont été selon lesinstructions ou avec l'accord préalable des demandeurs. Dans ce contexte, il est exclu de reprocher aux intimés de ne pas s'êtreopposés aux investissements réalisés pendant le premier trimestre 2001,lesquels violaient manifestement les instructions qu'ils avaient communiquéesle 1er décembre 2000.Le grief est privé de tout fondement. 5.5.1De l'avis de la recourante, la cour cantonale aurait violé les art. 8CCet 42 al. 1 CO en retenant que les demandeurs ont subi un préjudice, puisque,d'une part, ceux-ci n'en ont pas établi l'existence et que, de toute manière,le préjudice était virtuel tant que les titres litigieux n'avaient pas étérevendus, opération qui n'a été ni alléguée et encore moins prouvée. La Courde justice aurait de plus enfreint l'art. 42 al. 2 CO en déterminant lepréjudice en équité, alors que les demandeurs n'ont pas présenté les faitsdont ils déduisent la survenance et la quotité d'un préjudice. 5.25.2.1Suivant les principes généraux de l'art. 8 CC, l'art 42 al. 1 CO disposeque la preuve du dommage incombe au demandeur; cette norme est applicable àla responsabilité contractuelle par le renvoi de l'art. 99 al. 3 CO.In casu, il a été retenu qu'au 30 mars 2001 le cumul de la baisse duportefeuille et des pertes enregistrées sur les opérations qui se sontdéroulées dans les trois premiers mois de l'année 2001 par l'entremise dugestionnaire A.________ se montaient pour les intimés à 1'105'855,66EUR. Ilappert donc que les demandeurs ont établi avoir subi un préjudice du fait desplacements en actions effectués par la défenderesse au mépris desinstructions des premiers. L'attribution du fardeau de la preuve a ainsi étéconforme au droit fédéral. Et la recourante ne prétend pas avoir été privéede son droit de tenter la contre-preuve de ce fait. Sa thèse selon laquellele dommage était virtuel aussi longtemps que les titres restaient dans leportefeuille des demandeurs se heurte à la constatation (art. 63 al. 2 OJ)que ces derniers ont bel et bien vendu un certain nombre de titres à des prixinférieurs à leur valeur d'achat après le changement total de stratégiedécidé lors de l'entretien du 11 avril 2001. La première branche du grief est infondée. 5.2.2 L'estimation du dommage d'après l'art. 42 al. 2 CO repose sur lepouvoir d'apprécier les faits; elle relève donc de la constatation des faits,laquelle ne peut être revue en instance de réforme (ATF 126 III 388 consid.8a). Pour que l'application de cette norme entre en jeu, il est dejurisprudence que le demandeur doit apporter tous les éléments que l'on peutattendre de lui pour permettre l'appréciation ex aequo et bono du préjudice(ATF 122 III 219 consid. 3a et les références). Est en revanche une question de droit de dire si la notion juridique dudommage a été méconnue et de déterminer si l'autorité cantonale s'est fondéesur des principes de calcul admissibles pour le fixer (ATF 132 III 359consid. 4 p. 366; 130 III 145 consid. 6.2; 129 III 18 consid. 2.4). Dans l'arrêt critiqué, la cour cantonale a comparé la valeur du portefeuillede titres des intimés entre le 31 décembre 2000 et le 30 mars 2001, ce quifaisait ressortir une perte de 1'105'855,66 EUR. Selon une jurisprudence récente (arrêt 4C.18/2004 du 3 décembre 2004 consid.2, Pra 2005 n° 73 p. 566), pour calculer le dommage des clients lésés par labanque dans une pareille situation, il faut confronter le résultat duportefeuille administré en violation du contrat de conseil en placements aveccelui d'un portefeuille hypothétique de même ampleur géré pendant la mêmepériode conformément aux instructions de ladite convention. Il reste qu'en l'espèce le dommage est très difficile à déterminer, dèsl'instant où il a été constaté que les intimés ont conservé une partie - nondéfinie en pourcentage - des actions achetées par A.________ au premiertrimestre 2001. A posteriori, il n'est pas possible de connaître lesopérations que les clients auraient acceptées. Dans ce contexte, lajurisprudence susmentionnée ne saurait trouver application. Face à une telledifficulté de preuve, l'autorité cantonale s'est référée à bon droit à l'art.42 al. 2 CO. La Cour de justice s'est fondée sur la perte encourue par le portefeuille au30 mars 2001, par 1'105'855,66 EUR. Elle a réduit cette somme d'un tiers pourtenir compte des incertitudes nées du fait que les clients ont gardé dansleur dossier-titres certaines actions pendant une période non définie. Cetteestimation du dommage au montant de 737'237 EUR (2/3 de 1'105'855,66 EUR) atrait à la constatation des faits, de sorte qu'elle échappe au contrôle duTribunal fédéral saisi d'un recours en réforme.La seconde branche du moyen doit être rejetée dans la mesure de sarecevabilité. 6.6.1La recourante soutient en dernier lieu que la Cour de justice atransgressé l'art. 394 al. 3 CO en admettant
qu'elle n'avait droit qu'autiers des honoraires de gestion perçus entre l'ouverture du compte joint etla fin du mois de mars 2001. Elle allègue qu'elle aurait dû percevoirl'entier de la rémunération prévue par la convention du 27 novembre 2000. 6.2 Selon la jurisprudence, en cas d'exécution défectueuse du mandat, lemandataire n'a droit à des honoraires que pour l'activité qu'il a accomplieen conformité avec le contrat (ATF 124 III 423 consid. 4a; consid. 3a nonpublié de l'ATF 127 III 543). Appliquant ce principe, l'autorité cantonale a retenu que la banque nepouvait pas être rémunérée pour les achats d'action non autorisés par lesdemandeurs auxquels elle avait procédé durant le premier trimestre 2001, quireprésentaient - on vient de le voir - les deux tiers des actions détenuespar les intimés à la fin mars 2001. Elle en a déduit que ces derniers avaientdroit au remboursement des deux tiers du total des honoraires encaissés parla défenderesse pendant cette période, soit, après arrondissement à l'unitésupérieure, 10'102 EUR (2/3 de 15'152,62 EUR). Ce raisonnement est en parfaitaccord avec le droit fédéral. Le grief n'a aucune consistance. 7.7.1Il suit de là que les demandeurs ont droit à la somme totale de 747'339EUR (737'237 EUR + 10'102 EUR), et non 747'539 EUR comme l'ont retenu lesjuges cantonaux. Cette erreur de calcul sera rectifiée d'office (art. 64 al.2 OJ), ce qui a pour résultat une admission très partielle du recours dans lamesure de sa recevabilité. 7.2 La recourante n'obtient gain de cause que sur un point de détail, quientraîne une modification insignifiante (moins d'un millième) du montant misà sa charge, cela alors qu'elle concluait à sa libération complète. Dans ces conditions, il se justifie de mettre l'émolument de justice à lacharge de la défenderesse et de la condamner à verser une indemnité de dépensaux demandeurs, créanciers solidaires. L'arrêt déféré est modifié dans une si faible mesure qu'il n'y a pas lieu derépartir différemment les frais et dépens de l'instance cantonale. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est très partiellement admis dans la mesure où il est recevable.L'arrêt attaqué est rectifié en ce sens que la défenderesse est condamnée àpayer aux demandeurs, pris conjointement et solidairement, non pas la sommede 747'539 EUR avec intérêts à 5 % l'an dès le 14 décembre 2001, mais lasomme de 747'339 EUR avec intérêts à 5 % l'an dès le 14 décembre 2001. Il estconfirmé pour le surplus. 2.Un émolument judiciaire de 12'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse 3.La défenderesse versera aux demandeurs, créanciers solidaires, une indemnitéde 14'000 fr. à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 30 novembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.295/2006
Date de la décision : 30/11/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-30;4c.295.2006 ?
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