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28/12/2006 | SUISSE | N°6S.426/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 décembre 2006, 6S.426/2006


{T 0/2}6S.426/2006/rod Arrêt du 28 décembre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Wiprächtiger et Kolly.Greffière: Mme Kistler. A. X.________,recourante, représentée par Me Fiorenzo Cotti, avocat, et Me NicolasRouiller, avocat, contre Ministère public de la Confédération,Taubenstrasse 16, 3003 Berne.UBS SA, place de Cornavin 12, 1204 Genève, représentée par Me Antoine Boesch,avocat,case postale 5715, 1211 Genève 11,intimée, Blanchiment d'argent (art. 305bis CP), pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour desaffaires pénale

s, du 22 juin 2006. Faits: A.Par arrêt du 22 juin 2006, la Cour des a...

{T 0/2}6S.426/2006/rod Arrêt du 28 décembre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Wiprächtiger et Kolly.Greffière: Mme Kistler. A. X.________,recourante, représentée par Me Fiorenzo Cotti, avocat, et Me NicolasRouiller, avocat, contre Ministère public de la Confédération,Taubenstrasse 16, 3003 Berne.UBS SA, place de Cornavin 12, 1204 Genève, représentée par Me Antoine Boesch,avocat,case postale 5715, 1211 Genève 11,intimée, Blanchiment d'argent (art. 305bis CP), pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour desaffaires pénales, du 22 juin 2006. Faits: A.Par arrêt du 22 juin 2006, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénalfédéral a condamné A.X.________, pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP),à une peine de quarante-cinq jours d'empri-sonnement, avec sursis pendantdeux ans. Elle a reconnu A.X.________ débitrice de la Confédération d'unecréance compensatrice d'un montant de 3103 fr. 75. Elle a rejeté la demanded'assistance judiciaire et condamné l'intéressée à rembourser l'indemnité,arrêtée à 9134 fr. 40, versée par la Confédération à son défenseur d'office.Enfin, elle a condamné A.X.________ et sa coaccusée à payer à l'UBS SA,solidairement entre elles, la somme de 5040 fr. avec intérêt à 5% dès le 2mai 2004, dont à déduire la somme de 751 fr. 70. Les faits retenus à la charge de A.X.________ sont en résumé les suivants: La fille de A.X.________, B.X.________, a fait la connaissance de C.________dans une discothèque, à Neuchâtel, en 1999. Expulsé du territoire suisse enjanvier 2000, ce dernier est retourné dans son pays d'origine, la Colombie.B.X.________ a entretenu une correspondance régulière avec lui et s'estrendue à deux reprises en Colombie pour le voir, respectivement pourl'épouser le 7 avril 2004. En janvier 2004, B.X.________ a reçu un colis de son ami. Ce paquet contenaitdeux magazines d'informatique dont certaines pages avaient été collées defaçon à former des pochettes dans lesquelles 20 billets de 100 US$ avaientété dissimulés. Aux fins de restituer l'argent ainsi reçu, B.X.________ a,par l'intermédiaire de sa mère, A.X.________, changé les dollars en francssuisses au guichet de l'UBS, succursale de La Chaux-de-Fonds. Elle a ensuitetransféré le produit de la transaction en Colombie par l'intermédiaireG.________ de Neuchâtel, en faveur de la soeur de son ami. Aucune trace decette transaction n'a été retrouvée. Le 4 mars 2004, B.X.________ a reçu d'une dénommée D.________, Cali/Colombie,un colis postal contenant quatre CD renfermant chacun cinq billets de 100US$. Elle a fait appel à sa mère qui a changé les 2000 US$ en francs suissesau guichet de l'UBS SA, succursale de La Chaux-de-Fonds, et fait créditer leproduit de la transaction, à savoir 2495 fr., sur le compte qu'elle détenaitauprès de cet établissement. A.X.________ a ensuite retiré au distributeur dela banque 2000 fr. et les a remis à sa fille, qui a fait transférer cemontant en Colombie par l'intermédiaire financier G.________ de Neuchâtel, enfaveur de la soeur de son ami. A la mi-mars, B.X.________ a reçu de D.________ un nouveau colis postalcontenant des CD renfermant cette fois 3000 US$, correspondant à 3712 fr. 50.Procédant de la même manière que dans le cas précédent, le mère et la filleont envoyé 3500 fr. en Colombie. Le 21 mars 2004, B.X.________ s'est rendue une seconde fois en Colombie poury épouser son ami. En recevant à son retour son décompte Postcard/Mastercard,elle a constaté que, pendant son séjour en Colombie, son mari avait utilisé àson insu sa carte de crédit dont il avait apparemment découvert le code, pourdes prélèvements et dépenses totalisant 2500 fr. environ. Le 2 mai 2004, B.X.________ a reçu un colis postal d'une dénommée F.________,Colombie, adressé cette fois à sa mère. Le paquet contenait quatre CDrenfermant chacun 10 billets de 100 US$. Le lendemain, B.X.________ s'estrendue à l'UBS SA, succursale de La-Chaux-de-Fonds, avec sa mère qui y achangé les 4000 US$ et en a fait créditer la contre-valeur, à savoir 5040fr., sur son compte bancaire. La mère a ensuite retiré 5000 fr. audistributeur de la banque. Les deux femmes ont versé 2500 fr. sur le comptede B.X.________ en remboursement des dépenses effectuées par C.________ etont transféré 2200 fr. plus 40 fr. de frais, par l'intermédiaire deH.________ SA à l'entreprise K.________ SA, Colombie, en faveur de la soeurdu mari. Il s'est révélé par la suite que les billets que C.________ avait envoyés,soit à son nom, soit au nom d'un tiers, à B.X.________ étaient des faux. LaCour des affaires pénales a cependant acquitté A.X.________ et sa fille duchef d'accusation des infractions prévues aux art. 242 et 244 CP (mise encirculation de fausse monnaie; importation, acquisition et prise en dépôt defausse monnaie) au motif que les éléments n'étaient pas suffisants pourretenir qu'elles avaient sciemment participé à un trafic de fausse monnaie nimême qu'elles en avaient soupçonné ou dû soupçonner l'existence. En revanche,la cour a retenu que A.X.________ et sa fille s'étaient doutées de l'originecriminelle des billets et les a condamnées pour blanchiment d'argent selonl'art. 305bis CP. B.Contre l'arrêt fédéral, A.X.________ dépose un pourvoi en nullité devant leTribunal fédéral. Elle conteste sa condamnation pour blanchiment d'argent, lerejet de sa demande d'assistance judiciaire gratuite, le montant desdommages-intérêts qu'elle a été condamnée à payer à la partie civile ainsique la créance compensatrice. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.En outre, elle sollicite l'assistance judiciaire. Invité à se déterminer sur le pourvoi, le Ministère public de laConfédération renonce à déposer des observations. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Les jugements rendus par la Cour des affaires pénales du Tribunal pénalfédéral, à Bellinzone, peuvent être portés devant la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral par la voie du pourvoi en nullité; la procédure estréglée par les art. 268 ss PPF (art. 1 al. 2 et 33 al. 3 let. b de la loifédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral, LTPF; RS 173.10), àl'exception de l'art. 269 al. 2 PPF qui n'est pas applicable (art. 33 al. 3let. b LTPF). 1.2 Dans un pourvoi en nullité dirigé contre une décision cantonale, l'art.269 al. 2 PPF réserve le recours de droit public pour violation de droitsconstitutionnels, ce qui signifie que les griefs d'ordre constitutionnel sontirrecevables. L'art. 33 al. 3 let. b LTPF prévoit toutefois que cettedisposition ne s'applique pas au pourvoi contre un jugement rendu par la Courdes affaires pénales du Tribunal pénal fédéral, de sorte que les griefsd'ordre constitutionnel sont dans ce cas recevables. Le législateur a de lasorte anticipé sur le futur recours unifié (cf. art. 95 LTF, loi sur leTribunal fédéral du 17 juin 2005; FF 2005 3829; message, FF 2001 4132). Enconséquence, la recourante est habilitée à se plaindre de la violation dedroits constitutionnels dans le présent pourvoi en nullité. Cette possibilité ouverte à la recourante ne fait pas de la Cour de cassationun juge d'appel qui revoit les questions de fait. En effet, la Cour decassation reste liée par les constatations de fait de l'autorité précédente(art. 277bis al. 1 phr. 2 PPF), et les griefs contre les constatations defait sont irrecevables dans un pourvoi en nullité (art.273 al. 1 let. bPPF). La Cour de cassation n'examine que la violation de la garantieconstitutionnelle de l'interdiction de l'arbitraire. Dans ce cadre, ellen'entre en matière que sur les griefs expressément soulevés et suffisammentmotivés. Comme dans un recours de droit public, la recourante doit donc nonseulement indiquer les droits constitutionnels qui seraient, selon elle,violés, mais aussi démontrer par le détail en quoi consiste cette violation;des argumentations purement appellatoires ne sont pas recevables (ATF 127 I38 consid.3c p. 43, 125 I 492 consid. 1b p. 495). 2.La recourante s'en prend, en premier lieu, à sa condamnation pour blanchimentd'argent (art. 305bis CP). Elle fait d'abord valoir que les faux billetsqu'elle a mis en circulation ne sont pas des valeurs patrimoniales au sens del'art. 305bis CP. Elle voit en outre les vrais billets comme le résultat del'infraction de mise en circulation de fausse monnaie (art. 242 CP); or,cette infraction ne serait pas réalisée subjectivement et objectivement, desorte que les vrais billets ne proviendraient pas d'un crime. Enfin, selonelle, l'art. 242 CP, qui réprime la mise en circulation de fausse monnaie,serait une disposition spéciale dérogeant à l'art. 305bis CP. Acquittée duchef d'accusation de la première infraction, il serait contradictoire de lacondamner pour la seconde. 2.1 Se rend coupable de blanchiment d'argent celui qui aura commis un actepropre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou laconfiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumerqu'elles provenaient d'un crime. Le délinquant est aussi punissable lorsquel'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussipunissable dans l'Etat où elle a été commise (art.305bis ch. 3 CP). 2.2 La notion de valeurs patrimoniales englobe les devises et l'argent sousn'importe quelle forme, ainsi que les titres, actions, obligations ou autrespapiers-valeurs. Il doit s'agir d'un avantage qui a une valeur économique(Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II: Straftatengegen Gemeininteressen, 5e éd., Berne 2000, § 55, n. 26; Pieth, BaslerKommentar, Strafgesetzbuch II, 2002, 305bis CP, n.5; Corboz, Les infractionsen droit suisse, vol. II, Berne 2002, art.305bis CP, n. 9). Il s'ensuit queles faux billets, qui n'ont aucune valeur intrinsèque, ne sont pas desvaleurs patrimoniales et qu'ils ne peuvent être l'objet d'un délit deblanchiment (cf. dans ce sens, Ackermann, art. 305bis CP, n. 196, in: Schmid(Hrsg.), Kommentar Einziehung, organisiertes Verbrechen und Geldwäscherei,vol. I, Zurich 1998; contra: en droit allemand, cf. Schrönke/Schröder/Cramer,Strafgesetzbuch, Kommentar, 27e éd., Munich 2006, § 261, n. 3; Altenhain,NomosKommentar, Strafgesetzbuch, vol. 2, 2e éd., § 261, n.25 ss). Il en va en revanche différemment des francs suisses obtenus en échange desfausses coupures. Ceux-ci constituent sans conteste des valeurspatrimoniales. Il est admis que l'acte de blanchiment ne doit pas porternécessairement sur le produit direct du crime, mais que l'auteur dublanchiment peut également agir à l'égard des valeurs de remplacement(Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, 2e éd., Zurich1997, art. 305bis CP, n. 14; Ackermann, op. cit., art. 305bis CP, n. 211 ss;Corboz, op. cit., art. 305bis CP, n. 15; Stratenwerth, op. cit., § 55, n. 28,considère la question comme douteuse; Cassani, Commentaire du droit pénalsuisse, partie spéciale, vol. 9, art. 305bis CP, n. 22 ss, propose de fairedes distinctions; ATF 126 I 97 consid. 3c/bb p. 105 au sujet de laconfiscation de l'objet de remplacement). Suivant le premier juge, il fautdonc admettre que les vrais billets de banque peuvent faire l'objet d'un actede blanchiment en tant que produit indirect du crime de fabrication et demise en circulation de fausse monnaie. En remettant aux deux femmes des fauxbillets comme authentiques, le mari de la fille de la recourante a déjàréalisé subjectivement et objectivement l'infraction de mise en circulationde fausse monnaie. La recourante soutient à tort que le blanchisseur doit accuser réception desvaleurs qui sont déjà des valeurs patrimoniales. Il faut et il suffit que lesopérations de blanchiment portent sur des valeurs patrimoniales, ce qui estle cas en l'espèce, puisque, après avoir déposé sur son compte les fauxbillets, la recourante a retiré l'argent suisse au distributeur de la banque,puis l'a remis à sa fille qui l'a transféré en Colombie. Si la mise en comptede ces valeurs au nom d'un des auteurs ne tombe pas sous le coup de l'art.305bis CP, les opérations successives dont l'argent a fait l'objet doiventêtre considérées comme des actes propres à entraver l'accès au produit ducrime (Cassani, op. cit., art. 305bis CP, n. 41). Il résulte de l'art. 305bis ch. 3 CP que si l'acte a été commis à l'étranger,il doit être considéré comme une infraction dans l'Etat où il a été commis etconstituer un crime selon le droit suisse. Les infractions de fabrication etde mise en circulation de fausse monnaie sont punies en Suisse de laréclusion (art. 240 et 242 CP) et constituent ainsi des crimes au sens del'art. 9 CP. Commises partiellement en Colombie, ces infractions sontégalement réprimées par la loi colombienne 599 de 2000 sur la falsificationde la monnaie. 2.3 L'art. 305bis CP réprime une infraction intentionnelle, y compris par doléventuel. L'auteur n'a pas besoin de connaître la nature du crime préalable.Il n'est pas nécessaire qu'il se soit fait une représentation concrète del'infraction préalable, ni qu'il connaisse la qualification exacte decelle-ci. Il suffit qu'il ait envisagé et accepté les circonstances quiremplissent les éléments constitutifs d'une infraction, ainsi que le fait quecette infraction était susceptible d'entraîner une sanction pénale importante(Cassani, op. cit., art. 305bis CP, n. 51). Savoir ce que l'auteur voulait, savait ou ce dont il s'accommodait relève ducontenu de la pensée, donc de l'établissement des faits, lesquels ne peuventêtre revus dans le cadre d'un pourvoi en nullité (cf. ci-dessus consid. 1.2).Selon les constatations retenues dans l'arrêt attaqué, qui lient la cour decéans, la recourante s'est méfiée dès le départ des agissements du mari de safille. Elle s'est en particulier refusée à admettre, lorsque sa fille le luia raconté, que la présence de dollars dans ses chaussettes à son retour deColombie pouvait être due à une erreur. L'arrêt attaqué précise qu'elle acherché à plusieurs reprises à mettre sa fille en garde, mais a néanmoinsaccepté de lui venir en aide "pour éviter de la perdre" (arrêt attaquép.18). La recourante a même évoqué à sa fille la possibilité d'un lien avecun trafic de drogue, lequel constitue une infraction grave (arrêt attaqué p.12). Au vu de l'ensemble des éléments, force est d'admettre que la recourante aenvisagé et accepté que les billets reçus proviennent d'une infractionrevêtant une certaine gravité lorsqu'elle a porté l'argent sur son compte,qu'elle l'a retiré au distributeur de la banque et qu'elle l'a remis à safille. Contrairement à ce que soutient la recourante, il n'est pascontradictoire d'admettre qu'elle se doutait de la provenance criminelle desbillets, mais qu'elle ignorait leur origine exacte. Que la recourante ait cruque les billets provenaient de la drogue plutôt que de la fabrication et dela mise en circulation de fausse monnaie ne saurait l'exempter de touteresponsabilité. Les griefs soulevés ne peuvent donc être que rejetés. 3.Après avoir examiné la situation financière de la recourante, le premier jugea considéré que celle-ci n'était pas indigente et l'a condamnée à
rembourserl'indemnité de 9134 fr. versée par la Confédération à son défenseur d'office.La recourante estime qu'elle a droit à l'assistance judiciaire gratuite, dèslors que sa situation financière n'est pas "suffisamment bonne" pour luipermettre de rembourser les frais exigés pour sa défense. Devant la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral, l'assistanced'un avocat constitue une défense nécessaire (art. 136 PPF). L'art. 38 al. 2PPF prévoit que la Caisse fédérale prend en charge l'indemnité du défenseurdésigné d'office si l'inculpé est indigent. Cette disposition est entrée envigueur le 1er avril 2004 à la suite de l'adoption de la loi fédérale du 19décembre 2003 sur le programme d'allégement budgétaire 2003. Déjà connue enmatière d'assistance judiciaire (cf. art. 29 al. 3 Cst, art. 152 OJ), lanotion d'indigence a fait l'objet d'une abondante jurisprudence, qui peutêtre reprise pour l'application de l'art. 38 al. 2 PPF. En bref, une personneest indigente si elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procéduresans devoir entamer les moyens qui lui sont nécessaires pour couvrir sesbesoins personnels et ceux de sa famille (ATF 128 I 225 consid. 2.5.1 p. 232;127 I 202 consid. 3b p. 205; 125 IV 161 consid. 4a p. 164; 124 I 97 consid.3b p. 98). A cet égard, il y a lieu de tenir compte des ressources effectivesdu requérant et, le cas échéant, des personnes qui ont à son égard uneobligation d'entretien, ainsi que de sa fortune (ATF 124 I 97 consid. 3b p.98-100). Il ressort de l'arrêt attaqué que la recourante réalise un revenu mensuel de3110 fr. 40 et que son mari lui verse 1000 fr. pour l'aider à subvenir à sesbesoins. Du côté de ses dépenses, son loyer s'élève à 830 fr., chargescomprises, ses primes d'assurance-maladie, à 328fr.90, ses impôts cantonalet communal, à 305 fr. 55. Si l'on tient compte de ses frais et d'un minimumvital de 1100 fr., il lui reste un montant mensuel disponible de 1545 fr. 95(et non de 1145 fr. 95 comme le retient le premier juge). Compte tenu de ceschiffres, la recourante -qui n'invoque aucune autre dépense - estparfaitement en mesure d'assumer les frais de sa défense, au besoin par leversement d'acomptes. Le premier juge n'a donc pas violé le droit fédéral enn'accordant pas l'assistance judiciaire gratuite. 4.Le premier juge a condamné la recourante et sa coaccusée à payer à l'UBS,solidairement entre elles, la somme de 5040 fr., montant qui correspond aux40 faux billets de 10 dollars changés le 3 mai 2004 au guichet de la banque.La recourante estime que le montant des dommages-intérêts alloués à l'UBSdevraient être réduits compte tenu de la faute concomitante de la banque. 4.1 La responsabilité délictuelle instituée par l'art. 41 CO suppose, entreautres conditions, l'existence d'un acte illicite. Lorsque, comme enl'espèce, une atteinte au patrimoine est invoquée, l'acte, pour être qualifiéd'illicite, doit enfreindre une norme qui a pour but de protéger le lésé dansles droits atteints par l'acte incriminé (ATF 132 III 122 consid. 4.1 p.130). Tel est le cas de la violation de dispositions pénales qui ont pour butla protection des intérêts patrimoniaux de la victime (cf. ATF 129 IV 322consid. 2.2.2 p. 325; Rey, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, 2e éd.,Zurich 2003, n. 705 ss). La jurisprudence a récemment précisé que le blanchiment d'argent (art. 305bisCP) protégeait également les intérêts patrimoniaux de ceux qui sont lésés parle crime préalable, lorsque les valeurs patrimoniales proviennent d'actesdélictueux contre des intérêts individuels (ATF 129 IV 322 consid. 2.2.4 p.325 ss). En l'espèce, le crime préalable est la fabrication et la mise encirculation de fausse monnaie. Bien que figurant au titre 10e du Code pénalsur la fausse monnaie, les art. 240 ss CP tendent également à protéger lepatrimoine (ATF 99 IV 9 consid. 2b p. 11; Trechsel, op. cit., art. 240 CP, n.1). Il s'ensuit que le comportement de la recourante constitue une atteinteaux intérêts individuels et peut fonder une allocation d'une prétention endommages-intérêts à la banque. 4.2 La recourante reproche à la banque de ne pas avoir respecté les standardsde diligence imposés notamment par l'art. 305ter CP et les directives sur leblanchiment, ce qui devrait entraîner une réduction des dommages-intérêts enapplication de l'art. 44 CO. Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après lescirconstances et la gravité de la faute (art. 43 al. 1 CO). Il peut réduireles dommages-intérêts, ou même ne point en allouer, lorsque la partie lésée aconsenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ontcontribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou qu'ils ont aggravé lasituation du débiteur (art. 44 al. 1 CO). La jurisprudence a précisé qu'enapplication de ces dispositions, il peut être tenu compte, pour fixerl'étendue de la réparation, du fait que la victime du dol aurait pu déjouerla tromperie en faisant preuve d'un certain degré de prudence (ATF 61 II 236consid. 4). Le risque de contrefaçon des billets de 50 et 100 US$ n'est certes pasnégligeable (arrêt p. 13). Il ne ressort cependant pas de l'état de fait queles faux billets étaient grossiers, de sorte que l'on ne saurait reprocher àla banque de ne pas avoir remarqué la fausseté de ceux-ci. Au demeurant, iln'existait aucun indice particulier de blanchiment, qui aurait dû éveillerdes soupçons chez les collaborateurs de la banque et nécessiter desvérifications supplémentaires. Ainsi les dollars changés ne représentaientpas des montants élevés et la contre-valeur était versée sur un compte, demanière que la banque conservait une trace de l'opération (cf. annexe del'ordonnance de la Commission fédérale des banques en matière de lutte contrele blanchiment d'argent; RS 955.022, OBA-CFB). Dans ces circonstances, uneréduction des dommages-intérêts alloués à la banque pour faute concomitantene se justifie pas. Mal fondé, le grief soulevé doit être rejeté. 5.La recourante conteste la créance compensatrice au motif que la contre-valeurdes faux billets n'aurait que transité sur son compte et qu'elle n'auraitainsi pas été enrichie par l'infraction. L'argument de la recourante consiste à affirmer que la créance compensatricene pourrait viser que le bénéfice net de l'opération illicite. Tel n'esttoutefois pas le cas: la jurisprudence, appliquant -avec certainesexceptions - le principe des recettes brutes (sans tenir compte des fraisd'acquisition des valeurs litigieuses; ATF 124 I 6), permet notammentd'étendre la créance compensatrice au chiffre d'affaire total lorsquel'opération illicite porte sur une chose dont le commerce et la détentionconstituent en soi une infraction, l'objet d'une telle infraction pouvant entout temps être confisqué sans aucune contrepartie (ATF 119 IV 17 s'agissantde produits stupéfiants; cf. aussi ATF 123 IV 70). Il peut en aller de même àl'égard de valeurs patrimoniales provenant d'un crime, dont l'entrave à laconfiscation est réprimée à l'art. 305bis CP (arrêt du 28 avril 2003 duTribunal fédéral 1P.120/2003). Mal fondé, le grief de la recourante doit êtrerejeté. 6.Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté. La recourante a sollicité l'assistance judiciaire. On ne saurait dire que lerecours était d'emblée dénué de chances de succès. La condition del'indigence doit également être admise, dans la mesure où la recourante doitdéjà payer les frais de première instance et que ses revenus sont modestes(art. 152 al. 1 OJ). L'assistance judiciaire lui sera donc accordée, de sortequ'il ne sera pas perçu de frais et qu'une indemnité sera versée à sondéfenseur. Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimée, qui n'a pas déposé demémoire devant le Tribunal fédéral. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le pourvoi est rejeté. 2.La requête d'assistance judiciaire est admise. 3.Il n'est pas perçu de frais. 4.La Caisse du Tribunal fédéral versera aux mandataires de la recourante uneindemnité de 2'000 fr. 5.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, auMinistère public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, Cour desaffaires pénales. Lausanne, le 28 décembre 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.426/2006
Date de la décision : 28/12/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-12-28;6s.426.2006 ?
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