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16/03/2009 | SUISSE | N°9C_207/2008

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 mars 2009, 9C 207/2008


{T 0/2} 9C_207/2008 Arrêt du 16 mars 2009 IIe Cour de droit social Composition MM. les Juges U. Meyer, Président, Borella et Kernen. Greffière: Mme Moser-Szeless. Parties Office cantonal de l'assurance-invalidité, rue de Lyon 97, 1203 Genève, recourant, contre D.________, intimé, représenté par Me Monique Stoller Füllemann, avocate. Objet Assurance-invalidité, recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 16 avril 2008. Faits: A. Par décision du 18 juin 1997, l'Office cantonal genevois de l'ass

urance-invalidité (ci-après: l'office AI) a mis D.________ a...

{T 0/2} 9C_207/2008 Arrêt du 16 mars 2009 IIe Cour de droit social Composition MM. les Juges U. Meyer, Président, Borella et Kernen. Greffière: Mme Moser-Szeless. Parties Office cantonal de l'assurance-invalidité, rue de Lyon 97, 1203 Genève, recourant, contre D.________, intimé, représenté par Me Monique Stoller Füllemann, avocate. Objet Assurance-invalidité, recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 16 avril 2008. Faits: A. Par décision du 18 juin 1997, l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) a mis D.________ au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité, assortie de rentes complémentaires pour son épouse et ses deux enfants, à partir du 1er septembre 1996. Initiant une procédure de révision en juin 2004, l'office AI a recueilli différents avis médicaux et chargé le Centre X.________ d'examiner D.________. Selon les conclusions des experts du centre (du 10 décembre 2004), la situation n'avait pas véritablement évolué depuis 1995 et aucune activité professionnelle n'était envisageable à cause des pathologies psychiatriques. Après avoir soumis le dossier médical à l'appréciation de son Service médical régional (SMR), l'office AI a rendu une décision, le 22 mai 2006, par laquelle il a supprimé la rente d'invalidité de l'assuré à partir du premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision. En bref, il a considéré que D.________ disposait désormais d'une capacité de travail totale dans une activité adaptée qui lui permettait de réaliser un salaire inférieur de 31% à celui qu'il gagnait avant son atteinte à la santé; l'incapacité de gain n'atteignant pas 40%, le droit à la rente avait dès lors pris fin. Après que l'assuré s'est opposé à la décision administrative, l'office AI a pris de nouveaux renseignements médicaux, puis confirmé la suppression de la rente par décision sur opposition du 21 septembre 2007. B. Statuant le 16 avril 2008 sur le recours formé par D.________, le Tribunal cantonal genevois des assurances sociales l'a admis et annulé la décision sur opposition de l'administration. C. L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont il demande l'annulation. Il conclut, principalement, à la confirmation de sa décision du 21 septembre 2007 et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'administration pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Il a, par ailleurs, sollicité l'effet suspensif à son recours, ce qui lui a été accordé par ordonnance du 1er septembre 2008. D.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1. 1.1 Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit selon l'art. 95 sv. LTF. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition lui donne la faculté de rectifier ou compléter d'office l'état de fait de l'arrêt attaqué dans la mesure où des lacunes ou erreurs dans celui-ci lui apparaîtraient d'emblée comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF). 1.2 Les constatations de la juridiction cantonale sur l'atteinte à la santé (diagnostic, pronostic, etc.), l'évaluation de la capacité de travail (résiduelle) et l'exigibilité, ainsi que le point de savoir si la capacité de travail, respectivement l'incapacité de travail, de l'assuré s'est modifiée d'une manière déterminante sous l'angle de la révision au cours d'une certaine période (arrêt 9C_270/2008 du 12 août 2008 consid. 2.2), sont en principe des questions de fait (ATF 132 V 393 consid. 3 p. 397). Dans la mesure cependant où il en va de l'évaluation de l'exigibilité d'une activité professionnelle au regard de l'expérience générale de la vie, il s'agit d'une question de droit qui peut être examinée librement en instance fédérale; il en va ainsi des conclusions tirées de l'expérience médicale, comme par exemple, la présomption que les troubles somatoformes douloureux ou un autre syndrome semblable dont l'étiologie est incertaine et leurs effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 132 V 65 consid. 4.2.1 p. 70 s. et les arrêts cités, 393 consid. 3.2 p. 398 s. et les arrêts cités). 2. 2.1 Le litige porte sur la suppression, par la voie de la révision, du droit de l'intimé à une rente entière d'invalidité, singulièrement sur l'existence d'une modification des circonstances susceptible d'influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, depuis la décision initiale du 18 juin 1997. A cet égard, le jugement entrepris expose correctement les règles légales et les principes jurisprudentiels relatifs aux notions d'invalidité et de révision de la rente (au sens de l'art. 17 LPGA), ainsi que la jurisprudence sur les troubles somatoformes douloureux, applicable par analogie à la fibromyalgie. Il suffit d'y renvoyer. 2.2 On précisera par ailleurs que selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b et les arrêts cités). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et la référence). En conséquence, les rapports du Département de psychiatrie de l'Hôpital Y.________ des 5 février et 2 avril 2008, envoyés par l'intimé à la juridiction cantonale le jour du prononcé du jugement entrepris, n'ont pas à être pris en considération en l'occurrence. Dans la mesure où ces avis médicaux font état d'hospitalisations de l'assuré les 5 décembre 2007 et 18 mars 2008 en raison d'un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F33.2), il s'agit de faits postérieurs à la date déterminante de la décision sur opposition du 21 septembre 2007. On rappellera cependant qu'il est loisible à l'assuré de faire valoir en tout temps une modification de son état de santé, en s'adressant à nouveau aux organes de l'assurance-invalidité. 3. Examinant l'évolution de la situation médicale de l'intimé depuis 1997, la juridiction cantonale a constaté que si, à l'époque, un syndrome dépressif majeur récurrent d'intensité sévère avait été diagnostiqué (cf. rapport du docteur M.________ du 24 octobre 1996), cette atteinte n'avait plus été retenue dans l'expertise interdisciplinaire du Centre X.________; la thymie du recourant s'était donc améliorée depuis sans qu'on pût cependant parler d'une rémission complète du trouble dépressif, les experts du Centre X.________ indiquant que l'état de l'assuré était resté stationnaire depuis 1997. Au vu des diagnostics psychiatriques posés (troubles de l'humeur persistants, sans précision F34.9, syndrome douloureux somatoforme persistant F45.4, troubles de l'érection F52.2; rapport du Centre X.________ du 10 décembre 2004, p. 11), les premiers juges ont considéré que l'intimé ne présentait plus de comorbidité psychiatrique déterminante au sens de la jurisprudence (ATF 132 V 65 consid. 4.2.2. p. 71), de sorte qu'il convenait d'examiner le caractère invalidant de la fibromyalgie à la lumière des critères jurisprudentiels permettant d'admettre exceptionnellement, à certaines conditions, que l'assuré n'était plus en mesure de mobiliser ses ressources pour réintégrer le monde du travail. L'autorité cantonale de recours a ainsi considéré que si D.________ ne subissait pas de perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, il y avait lieu d'admettre un repli sur soi important, ainsi que l'existence d'affections corporelles chroniques affectant son état psychique (douleurs dans toutes les articulations et multiples affections annexes) et d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable. De même, compte tenu du rapport du Centre X.________, en particulier des conclusions de la psychiatre V.________, le critère de l'état psychique cristallisé était selon toute vraisemblance réalisé, alors que tous les traitements conformes aux règles de l'art avaient échoué. Au terme de son analyse, la juridiction cantonale est arrivée à la conclusion que la fibromyalgie dont souffrait l'assuré avait un caractère invalidant. Il n'y avait en conséquence pas d'amélioration notable de l'état de santé de l'intimé, si bien que les conditions d'une révision n'étaient pas remplies. 4. La juridiction cantonale a retenu que l'intimé, qui souffrait de fibromyalgie, ne présentait plus de comorbidité psychiatrique. Ces constatations de fait, qui ne sont pas remises en cause par les parties, lient le Tribunal fédéral (consid. 1 supra). Est en revanche litigieux le point de savoir si, à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence et des faits retenus par les premiers juges, l'intimé était en mesure de fournir, au moment de la décision sur opposition, l'effort de volonté raisonnablement exigible en vue de surmonter les effets de ses douleurs. 4.1 Comme le fait valoir à juste titre le recourant en reprochant aux premiers juges une application erronée des principes régissant la prise en compte des facteurs invalidants - ce qui relève d'une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (cf. arrêt I 683/06 du 29 août 2007 consid. 2.2, in SVR 2008 IV n° 23 p. 71) -, le critère des affections corporelles chroniques n'est pas rempli au regard des constatations de la juridiction cantonale. Ainsi, les douleurs "dans toutes les articulations" qu'elle retient à titre de comorbidité somatique font partie de la symptomatologie propre à la fibromyalgie et ne relèvent pas d'une atteinte somatique indépendante (voir sur ce point, MEYER, La récente jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances [notamment en matière de prestations d'invalidité], in Nouveautés en matière de prévoyance professionnelle, Berne 2007, p. 115). Les troubles de l'érection que les premiers juges mentionnent ensuite n'ont pas, de l'avis des experts du Centre X.________, de répercussion sur la capacité de travail de l'assuré (expertise, p. 13), de sorte que cette atteinte ne revêt pas une importance suffisante, comme l'admet du reste la juridiction cantonale en précisant que "ces affections ne sont pas invalidantes en soi, mais [...] participent au trouble psychiatrique". En outre, on ne voit pas, à défaut de constatations sur ce point, quelles seraient les "multiples affections annexes" dont souffrirait l'intimé. La longue énumération que font les premiers juges des examens médicaux subis par l'assuré ne correspond pas, contrairement à ce que prétend celui-ci, à une "liste des pathologies" dont il conviendrait de tenir compte. Les experts du Centre X.________ n'ont, pour le surplus, mis en évidence aucune pathologie rhumatologique ou un autre trouble entraînant des limitations de l'assuré dans l'exercice d'une activité adaptée. Par ailleurs, comme l'a elle-même relevé la juridiction cantonale, l'intimé ne subit pas de perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de sa vie. Le retrait social marqué qu'elle a constaté ne suffit pas pour retenir ce critère, dans la mesure où les contacts limités que l'assuré entretient avec son entourage ne semblent pas correspondre à une modification de ses habitudes sociales. De plus, ni l'existence d'éléments biographiques difficiles mis en évidence par les premiers juges, ni les interrogations de la psychiatre du Centre X.________ quant au rôle de la symptomatologie douloureuse dans la négation d'autres problèmes psychiques ne permettent de conclure à la présence d'un état psychique cristallisé. Il s'agit en effet d'hypothèses que le médecin ne motive pas plus avant. On ne peut, ensuite, parler d'échec de traitements conformes aux règles de l'art pour le seul motif - mentionné dans le jugement entrepris - que la thymie de l'intimé n'a été que partiellement améliorée par la médication antidépressive. Dans son expertise, la psychiatre du Centre X.________ a indiqué que depuis l'introduction d'un traitement par psychotropes, l'intimé n'était plus déprimé. Ainsi, même si la thérapie proposée n'a pas permis une rémission complète des troubles, elle a eu, quoi qu'en disent les premiers juges, un effet bénéfique. 4.2 Il ressort de ce qui précède qu'il n'y a pas de raisons suffisantes, sous l'angle juridique, de considérer que la fibromyalgie se manifestait, au moment déterminant, avec une sévérité telle que, d'un point de vue objectif, la mise en valeur complète de la capacité de travail de l'assuré ne pouvait plus raisonnablement être exigée de sa part. Il s'ensuit que le jugement entrepris, qui admet le caractère invalidant de la fibromyalgie en l'absence des critères de morbidité retenus par la jurisprudence et nie toute modification des circonstances susceptibles d'entraîner la révision de la rente au sens de l'art. 17 LPGA, viole le droit fédéral. Pour le surplus, l'évaluation de l'invalidité effectuée par le recourant dans la décision du 22 mai 2006 (confirmée par la décision sur opposition) n'est pas contestée par l'intimé et n'apparaît au demeurant pas critiquable. Le recours de l'office AI est dès lors bien fondé et doit être admis. 5. Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF en corrélation avec l'art. 65 al. 4 let. a LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est admis et la décision du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 16 avril 2008 est annulée. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 16 mars 2009 Au nom de la IIe Cour de droit social du Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière: Meyer Moser-Szeless


Synthèse
Numéro d'arrêt : 9C_207/2008
Date de la décision : 16/03/2009
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2009-03-16;9c.207.2008 ?
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