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26/04/2018 | TUNISIE | N°49145-2017

Tunisie | Tunisie, Cour de cassation, 4ème chambre civile, 26 avril 2018, 49145-2017


République Tunisienne
Cour de Cassation

4ème chambre civile
N° de l’affaire : 49145.2017
Date : 26/04/2018

Mots clés : Arbitrage interne – sentence - refus annulation par la Cour d’appel -demande de cassation – rejet - motifs d’annulation limitativement énumérés à l’article 42 du code de l’arbitrage et absence des conditions de mise en œuvre de l’article 44 du code de l’arbitrage.

Faits
Dans cette affaire, les faits de l’espèce font apparaître un contrat de gestion locative relatif à un fonds de commerce destiné à l’usage h

ôtelier en date du 13 janvier 2013 conclu entre deux sociétés tunisiennes opérant dans le secteur du tourisme.
Se...

République Tunisienne
Cour de Cassation

4ème chambre civile
N° de l’affaire : 49145.2017
Date : 26/04/2018

Mots clés : Arbitrage interne – sentence - refus annulation par la Cour d’appel -demande de cassation – rejet - motifs d’annulation limitativement énumérés à l’article 42 du code de l’arbitrage et absence des conditions de mise en œuvre de l’article 44 du code de l’arbitrage.

Faits
Dans cette affaire, les faits de l’espèce font apparaître un contrat de gestion locative relatif à un fonds de commerce destiné à l’usage hôtelier en date du 13 janvier 2013 conclu entre deux sociétés tunisiennes opérant dans le secteur du tourisme.
Se plaignant du manquement de la défenderesse à exécuter ses obligations issues du contrat, la demanderesse se prévaut de son droit de recourir à l’arbitrage. Une autorité arbitrale siégeant dans un arbitrage de types interne et ad hoc est constituée. Elle rend le 28 mars 2015 une sentence déposée au greffe du Tribunal de 1ère instance de Tunis en date du 31 mai 2015 sous le numéro 679 et statuant comme suit :
1- La résiliation, d’une façon spontanée, du contrat de gestion locative relatif au fonds de commerce destiné à l’usage hôtelier en date du 09 janvier 2013 conclu entre la Société « » et la société « » conformément à l’article 25 paragraphe 4 de ce contrat et ce du fait que la défenderesse n’a pas livré la garantie en première demande.
2- Le rejet de la demande principale présentée par la demanderesse en ce qui concerne le paiement de la totalité du montant de la location pour la période s’étalant du 1er Mars 2014 jusqu’au 1er juin 2014. Pareillement, a été décidé le rejet de sa demande reconventionnelle visant à demander son obligation de payer le montant restant pour la période indiquée après déduction du montant de la saisie du gage arrêté et exécuté avant l’échéance définitive en date du 1er Mars 2014.
3- Le rejet de la demande de dédommagement du préjudice moral présentée par la demanderesse.
4- Le rejet de la demande de la défenderesse en vue de la désignation d’experts.
5- L’obligation à la charge de la défenderesse de payer :
1- La somme de 120000 dinars l’équivalent des frais d’arbitrages et des honoraires des trois arbitres.
2- La somme de 40000 dinars pour chacune des consultations au titre des honoraires d’avocats.

Au-delà de ça, l’autorité arbitrale a décidé de rejeter de toutes les autres demandes.
Le demandeur dans la procédure arbitrale a interjeté appel contre la sentence arbitrale citée sur la base du fait que l’autorité arbitrale a dénaturé les faits et a fait une mauvaise application du contrat et du droit lorsqu’elle s’est seulement fondée sur un procès-verbal d’avertissement daté du 20 Mai 2013 et ne s’est pas souciée du fait que la défenderesse a adressé d’autres avertissements indiquant qu’elle s’est rétractée sur ce qu'a contenu le premier procès-verbal d’avertissement. Parmi ces procès, figure le procès du 05 décembre 2013 dans lequel elle a exigé d’elle de délivrer l’attestation de la garantie bancaire, ensuite un procès du 26 février 2014 relatif à la nécessité de l’actualisation de la somme de la garantie. L’autorité d’arbitrage a, en outre, méconnu l’attachement de la demanderesse à l’exception d’inexécution conformément à l’article 246 du COC ce qui rend son jugement par la résiliation dépourvu de toute base juridique et factuelle et justifie, en conséquence, la demande d’annulation de la sentence arbitrale indiquée ci-dessus.

La Cour d’appel de Tunis a rendu son arrêt objet de l’actuel pourvoi sous le N° 81045 en date du 28/1/2016 et ayant statué en acceptation du recours en annulation sur le plan de la forme et de son rejet quant au fond et de faire supporter les dépenses juridiques à la demanderesse et ce en se basant sur le fait que la demanderesse n’a pas considéré les cas d’annulation au sens de l’article 42 du code de l’arbitrage comme elle a rejeté la demande de son exequatur émanant de la défenderesse du fait que la décision du refus d’annulation est considérée à son tour conformément à l’article 44 du code de l’arbitrage comme un exequatur du fait du jugement.

La demanderesse initiale s’est pourvue en cassation contre cet arrêt au fond par l’intermédiaire de son mandataire qui a demandé, parmi les demandes de son pourvoi, sa cassation avec renvoi ou sans renvoi sur la base de ce qui suit :
Le moyen unique pris de l’entrave aux articles 42 et 44 du code de l’arbitrage et de l’article 246 du COC et de la dénaturation des faits :
Disant que la position de la Cour d’appel était approbatrice de l’opinion de la majorité des membres de l’autorité arbitrale laquelle autorité a considéré que le contrat conclu entre la défenderesse au pourvoi et la demanderesse au pourvoi a été résilié et ce par application des dispositions du paragraphe 4 de l’article 25 du contrat. Or, aussi bien la sentence arbitrale que l’arrêt d’appel se sont seulement fondés sur un procès-verbal d’avertissement daté du 20 mai 2013 rédigé par l’intermédiaire du huissier notaire « » et enregistré sous le N°0188316. La Cour d’appel a méconnu les invocations de la demanderesse au pourvoi et n’a pas tenu compte du fait que la défenderesse au pourvoi a adressé, après la date de l’avertissement indiqué, d’autres procès prouvant qu’elle s’est rétractée sur ce qu’a contenu le procès-verbal du premier avertissement. Contrairement à cela, la Cour est allée dans le sens des invocations de la défenderesse au pourvoi en considérant que la Cour examinant un recours en annulation n’a pas la possibilité de statuer sur le fond du litige et que le contrôle de la Cour sur la sentence arbitrale n’est qu’un contrôle formel. Or, contrairement au résultat auquel est arrivé la Cour d’appel, l’article 44 du code de l’arbitrage a prévu qu’une fois que le tribunal compétent a admis le recours, il lui est possible de statuer sur l’objet du litige. La Cour indiquée, lorsqu’elle n’a aucunement tenu compte de tout ce qui concerne l’objet du litige et de l’attachement de la demanderesse au pourvoi au principe de l’exception d’inexécution conformément aux dispositions de l’article 246 du COC, est réputée avoir transgressé la loi et dénaturé les faits ce qui rend sa décision susceptible de cassation.

Attendu qu’en réponse à cela, le mandataire de la défenderesse au pourvoi a remarqué au sein de son mémoire écrit que les invocations soulevées par la demanderesse au pourvoi et consistant dans la référence à un procès-verbal d’avertissement en exclusion d’autres procès et l’entrave aux dispositions de l’article 246 civil sont relatives au fond du procès et font partie des données non susceptibles de recours en annulation au sens des dispositions de l’article 42 du code de l’arbitrage lequel article a restreint le champ d’application de l’action en annulation de la sentence arbitrale dans les cas d’annulation basés sur des motifs précis non susceptibles d’élargissement et ne donnent aucune occasion à un contrôle de lecture et d’examen des faits à laquelle s’est livrée l’autorité arbitrale. Vu ces considérations, la Cour dont émane l’arrêt contesté, lorsqu’elle a basé son jugement sur les exigences de l’article 42 du code de l’arbitrage, est réputée avoir correctement appliqué la loi et a fait la lecture qu’il faut de ses dispositions. Le mandataire de la défenderesse au pourvoi ajoute que, et contrairement aux allégations de la recourante, l’application des dispositions de l’article 44 du code de l’arbitrage invoqué en soutien de la possibilité de juger le fond du litige est conditionnée par le prononcé de l’annulation de la sentence arbitrale ce qui constitue une hypothèse autre que l’hypothèse de l’affaire actuelle dans laquelle il y a eu prononcé d’un jugement de refus d’annulation. S’ajoute, à cela, la nécessité de demander son application par les parties conformément à ce qu’a décidé l’article lui-même lequel article a exigé, en plus du prononcé de l’annulation, que le jugement dans l’objet du litige soit sur demande des parties. Les invocations de la recourante sont demeurées, en conséquence, non sérieuses, non pertinentes et basées sur une lecture erronée des dispositions de la loi ou des limites du contrôle de la justice judiciaire sur les décisions des autorités arbitrales, ce qui amène à les rejeter et à ne pas les considérer.
L’arrêt objet de recours va donc dans le bon sens en droit et dans les faits ce qui justifie, sur la base de ce qui précède, de demander le rejet quant au fond de la demande en cassation formulée à son encontre.

La Cour
Sur le moyen unique :

Attendu que le recours à l’arbitrage est un choix émanant d’une volonté libre des parties en vue de trancher les litiges naissant entre elles d’une manière particulière et ce vu que le législateur, lorsqu’il a codifié les travaux de l’arbitrage, a mis en exergue ces considérations. La conséquence en a été que la direction générale dominante dans le code de l’arbitrage est d’ouvrir la voie aux parties pour choisir les arbitres et le type d’arbitrage et de limiter les recours contre la sentence arbitrale. L’article 42 du code de l’arbitrage est, ainsi, venu préciser à titre limitatif les cas dans lesquels il est permis de demander l’annulation de la sentence arbitrale lesquels cas sont les suivants :
Premièrement : Si la sentence a été rendue sans se baser sur une convention d’arbitrage ou hors son domaine.
Deuxièmement : Si la sentence a été rendue sur la base d’une convention arbitrale nulle ou hors délais d’arbitrage.
Troisièmement : Si elle a statué au-delà des demandes.
Quatrièmement : Si elle a heurté une des règles d’ordre public.
Cinquièmement : Si l’autorité d’arbitrage n’a pas été régulièrement constituée.
Sixièmement : Si elle n’a pas respecté les règles fondamentales de procédures.

Par conséquent, le recours en annulation devant la Cour d’appel contre la sentence arbitrale rendue dans son ressort ne doit pas sortir des limites des cas sur lesquels se fonde l’action en annulation.
La Cour d’appel est considérée comme une juridiction de recours. En effet, elle ne s’établit pas comme juridiction de second degré chargée de réexaminer les faits du litige par application de l’effet dévolutif de l’appel mais est plutôt saisie d’un recours en vue de contrôler certains aspects formels et procéduraux de la sentence arbitrale conformément aux cas indiqués à l’article 42 du code de l’arbitrage et de l’examen desquels il s’avère qu’ils concernent des questions formelles telles que la régularité de la composition de l’autorité et le degré du respect des délais et des règles d’ordre public.

Attendu que le moyen invoqué a intégré la critique faite à la Cour de l’arrêt attaqué de n’avoir pas répondu aux invocations précédemment soulevées devant elle par la recourante et relatives à l’objet du litige et de s’être désintéressée de l’attachement de cette dernière au principe de l’exception d’inexécution conformément aux dispositions de l’article 246 du COC laquelle est une discussion quant au fond relative à l’essence du droit. Or, la recherche de la réinterprétation des faits est de la compétence exclusive de l’autorité arbitrale ayant prononcé la sentence arbitrale et il n’est pas possible de la considérer dans le cadre d’une action en annulation de la sentence arbitrale ou dans une demande de déploiement du contrôle de la Cour de cassation sur la juridiction d’annulation. Le fait est que le contrôle de la Cour est restreint au contrôle formel et c’est l’exigence de l’article 42 du code de l’arbitrage précédemment cité.

Attendu que même si l’article 44 du code de l’arbitrage invoqué par la recourante comme argument a prévu la possibilité de juger l’objet du litige, ceci demeure conditionné par le jugement dans le sens de l’annulation du jugement ayant statué dans l’objet du litige, ce qui constitue un cas distinct de celui de la présente affaire dans laquelle il y a un jugement de rejet de la demande d’annulation.

Attendu que la Cour de l’arrêt attaqué, lorsqu’elle a rejeté le recours en annulation contre la sentence arbitrale sur la base de la non présentation par la recourante de ce qui affaiblit la sentence arbitrale attaquée conformément aux cas prévus à l’article 42 du code de l’arbitrage et sur la base du fait que ce qu’elle a discuté est resté un pur débat dans le fond du litige alors que le contrôle sur la sentence arbitrale ne peut être qu’essentiellement formel, elle est réputée, en cela, avoir bien appliqué le droit sans reproche aucun. A partir de là, le moyen invoqué s’avère non plausible et fondé sur une mauvaise compréhension des dispositions du code de l’arbitrage ce qui amène, avec, à le rejeter et à refuser la demande de cassation quant au fond.

Pour ces motifs,
La Cour a décidé d’accepter la demande en cassation en la forme et de la refuser quant au fond.


Synthèse
Formation : 4ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 49145-2017
Date de la décision : 26/04/2018

Analyses

Arbitrage interne – sentence - refus annulation par la Cour d’appel -demande de cassation – rejet - motifs d’annulation limitativement énumérés à l’article 42 du code de l’arbitrage et absence des conditions de mise en œuvre de l’article 44 du code de l’arbitrage.


Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;tn;cour.cassation;arret;2018-04-26;49145.2017 ?
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