AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L.122-1 du code du travail, ensemble l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que Mme X... a travaillé en qualité d'assistante de caisse pour le compte de la société Carrefour du 1 er février 2000 au 18 mai 2002, en vertu de quarante et un contrats à durée déterminée successifs ayant pour objet le remplacement de salariés absents ou, pour l'un d'entre eux, un accroissement temporaire d'activité;
qu'estimant que ces divers contrats s'analysaient en réalité en un contrat à durée indéterminée, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, l'arrêt attaqué retient que la salariée n'a pas occupé le même poste puisque, si elle a été engagée pour remplacer l'une des soixante et onze caissières malades, l'examen de ses contrats fait apparaître que le volume horaire mensuel était différent, ainsi que la répartition des jours travaillés sur la semaine ; que dès lors qu'il est établi que les contrats conclus l'ont été pour faire face au remplacement de salariées, nommément désignées, absentes pour cause de maladie, de congés maternité ou parental ou pour prise de congés payés, il en résulte que ces contrats étaient autonomes les uns par rapport aux autres et que leur succession n'a pas eu pour effet de créer une situation nouvelle de relation de travail à durée indéterminée ;
Attendu, cependant, que la possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans re chercher comme il lui était demandé si l'employeur n'avait pas eu recours de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Carrefour France aux dépens ;
Vu les articles 700 du nouveau code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société à payer à la SCP Masse-Dessen et Thouvenin la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille six.