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21/06/1993 | FRANCE | N°93-320

France | France, Conseil constitutionnel, 21 juin 1993, 93-320


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 14 juin 1993, par MM Claude Estier, Robert Laucournet, William Chervy, Paul Raoult, Jean-Pierre Masseret, Jean-Louis Carrère, Marcel Bony, Mmes Françoise Seligmann, Marie-Madeleine Dieulangard, Josette Durrieu, MM Jacques Bellanger, Jacques Bialski, Aubert Garcia, Roland Bernard, Guy Penne, Michel Dreyfus-Schmidt, Gérard Miquel, Fernand Tardy, Robert Castaing, Gérard Delfau, Pierre Biarnes, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM André Vezinhet, Louis Philibert, Mme Monique Ben Guiga, MM Michel Sergent, Germain Authié, Jean Besson, Jean-Pierre Demerliat

, Paul Loridant, Guy Allouche, Léon Fatous, Claude Fuzie...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 14 juin 1993, par MM Claude Estier, Robert Laucournet, William Chervy, Paul Raoult, Jean-Pierre Masseret, Jean-Louis Carrère, Marcel Bony, Mmes Françoise Seligmann, Marie-Madeleine Dieulangard, Josette Durrieu, MM Jacques Bellanger, Jacques Bialski, Aubert Garcia, Roland Bernard, Guy Penne, Michel Dreyfus-Schmidt, Gérard Miquel, Fernand Tardy, Robert Castaing, Gérard Delfau, Pierre Biarnes, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM André Vezinhet, Louis Philibert, Mme Monique Ben Guiga, MM Michel Sergent, Germain Authié, Jean Besson, Jean-Pierre Demerliat, Paul Loridant, Guy Allouche, Léon Fatous, Claude Fuzier, Claude Cornac, Gérard Roujas, François Louisy, Marc B uf, Francis Cavalier-Benezet, Jacques Carat, Jean Peyrafitte, René-Pierre Signe, Marcel Charmant, Claude Pradille, André Rouvière, Louis Perrein, Marcel Vidal, Franck Sérusclat, Jean-Luc Mélenchon, Charles Metzinger, René Régnault, François Autain, Michel Moreigne, Michel Charasse, Gérard Gaud, Pierre Mauroy, Roland Courteau, Claude Saunier, Bernard Dussaut, Albert Pen et Rodolphe Désiré, sénateurs, et le même jour par MM Martin Malvy, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Jean-Pierre Braine, Laurent Cathala, Jean-Pierre Chevènement, Henri d'Attilio, Mme Martine David, MM Bernard Davoine, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emmanuelli, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Garmendia, Jean Glavany, Jacques Guyard, Jean-Louis Idiart, Frédéric Jalton, Serge Janquin, Charles Josselin, Jean-Pierre Kucheida, André Labarrère, Jack Lang, Jean-Yves Le Déaut, Louis Le Pensec, Alain Le Vern, Marius Masse, Didier Mathus, Jacques Mellick, Louis Mexandeau, Jean-Pierre Michel, Didier Migaud, Mme Véronique Neiertz, MM Paul Quilès, Alain Rodet, Mme Ségolène Royal, MM Georges Sarre, Henri Sicre, Camille Darsieres, Jean-Pierre Defontaine, Gilbert Annette, Kamilo Gata, Roger-Gérard Schwartzenberg, Didier Boulaud, Bernard Charles, Régis Fauchoit, Emile Zuccarelli et Bernard Tapie, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances rectificative pour 1993 ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LA PROCEDURE :
. En ce qui concerne les articles 1er et 9 au regard du contenu des lois de finances :
1. Considérant que les députés, auteurs de la seconde saisine, font valoir que les articles 1er et 9 de la loi déférée ont un contenu étranger à celui qui est imparti aux lois de finances ;
- Quant à l'article 1er :
2. Considérant que l'article 1er a pour objet de créer un groupement d'intérêt public chargé de l'informatisation du livre foncier des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
3. Considérant que l'article 1er ne concerne pas la détermination des ressources et des charges de l'État ; qu'il n'a pas pour but d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou d'imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires ; qu'il n'a pas davantage le caractère de disposition d'ordre fiscal au sens de l'article 1er, alinéa 3, de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 ; qu'ainsi l'article 1er est étranger à l'objet des lois de finances ; qu'il suit de là que cet article a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;
- Quant à l'article 9 :
4. Considérant que l'article 9 a pour objet d'autoriser le Ministre de l'économie à émettre un emprunt d'État ; que, parmi les caractéristiques de cet emprunt, il prévoit que les titres émis peuvent servir à régler des actions cédées par l'État dans le cadre des opérations de privatisation ; qu'il dispose également que les demandes émanant de personnes physiques en vue de la remise des titres faisant l'objet d'un tel règlement sont servies prioritairement ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er et 15 de l'ordonnance précitée du 2 janvier 1959 que l'autorisation des émissions d'emprunt relève du domaine des lois de finances ; que les dispositions critiquées se bornent à déterminer certaines caractéristiques de l'emprunt concerné ; que, par suite, l'article 9 de la loi n'est pas étranger au contenu des lois de finances ;
. En ce qui concerne l'insertion, par voie d'amendement, de l'article 9 et la modification, par voie d'amendements, des articles 12, 13 et 14 :
6. Considérant que les sénateurs et les députés, auteurs des saisines, font valoir que l'article 9, en ce qu'il autorise l'émission d'un emprunt de 40 milliards de Francs, ayant pour origine un amendement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, excéderait les limites inhérentes au droit d'amendement ; que les députés, auteurs de la seconde saisine, formulent le même grief à l'encontre des articles 12, 13 et 14 aux motifs que ceux-ci feraient apparaître notamment "une augmentation de plus de 75 % des dépenses définitives par rapport au projet initial", entraînant un bouleversement des conditions de l'équilibre général défini par ce projet ; qu'ils estiment que ces modifications révèlent un "détournement de procédure" et qu'elles auraient dû impliquer le dépôt d'une lettre rectificative au projet de loi initial ;
7. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ; que, toutefois, les adjonctions ou modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ;
8. Considérant que les modifications apportées au projet de loi de finances rectificative soumis au Parlement, même si elles emportent une augmentation substantielle des ressources et des charges initialement prévues, n'ont pas, eu égard à l'objet et à la portée de ces ajustements, entraîné un bouleversement des conditions générales de l'équilibre économique et financier défini par le projet qui soit de nature à dépasser les limites inhérentes au droit d'amendement ; que dès lors le grief invoqué ne peut être accueilli ;
. En ce qui concerne les conditions d'application de l'article 39 de la Constitution :
9. Considérant que les députés, auteurs de la seconde saisine, font valoir que faute d'avoir été soumis par le Gouvernement prioritairement à l'Assemblée nationale, l'article 40 méconnaîtrait par sa procédure d'adoption l'article 39 de la Constitution ;
10. Considérant que l'article 39, in fine, de la Constitution dispose que "les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale" ; qu'il en résulte que des mesures financières entièrement nouvelles ne peuvent être présentées par le Gouvernement pour la première fois devant le Sénat ;
11. Considérant que l'article 1518 bis du code général des impôts comporte des majorations des valeurs locatives foncières qui sont prévues pour chaque année à partir de 1981 par une loi de finances, par application de coefficients forfaitaires tenant compte des variations des loyers ; que la disposition contestée a pour seul objet de déterminer par avance les coefficients à appliquer au titre des deux années 1994 et 1995, en vue d'assurer une évolution régulière des bases d'impôts directs locaux ; qu'elle se borne ainsi, dans le cadre de la législation existante relative au mécanisme d'actualisation annuelle, à procéder pour une période limitée à la fixation de coefficients correcteurs nécessaires à la mise à jour de la valeur locative des propriétés bâties et non bâties en fonction des variations de loyers ; que, dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme une mesure financière entièrement nouvelle ; que, par suite, elle pouvait être introduite par voie d'amendement dans le projet de loi de finances rectificative soumis au Sénat sans méconnaître l'article 39 de la Constitution ;
- SUR LE FOND :
. En ce qui concerne l'article 2 :
12. Considérant que l'article 2 de la loi tend à supprimer la règle du décalage d'un mois, en matière de remboursement aux entreprises de la taxe à la valeur ajoutée, à partir du 1er juillet 1993 ; que cet article prévoit, pour certaines entreprises, un échelonnement dans le temps de l'effet de cette mesure sur les recettes fiscales de l'État ; qu'il institue, à cette fin, un mécanisme suivant lequel les droits à déduction non exercés constituent des créances du redevable sur le Trésor converties en titres assortis d'intérêts et remboursables dans un délai maximal de vingt ans ou en cas de cessation définitive d'activité ;
13. Considérant que les sénateurs, auteurs de la première saisine, font valoir que la diminution des ressources fiscales, qu'ils évaluent à cent milliards de francs, entraînée par la mesure de suppression ainsi prévue, aurait dû être mentionnée dans la loi déférée, alors que celle-ci ne comporte que l'inscription de onze milliards de francs correspondant aux remboursements immédiats de la taxe à la valeur ajoutée aux entreprises ; que les sénateurs soutiennent en outre que le Parlement a été privé d'éléments suffisants d'information et n'a pu ainsi exercer sa mission de contrôle ;
14. Considérant que l'article 2 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 dispose que : "... la loi de finances de l'année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des charges de l'État... Seules des lois de finances dites "rectificatives" peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année" ; que l'article 3 de la même ordonnance énumère les catégories de ressources permanentes de l'État ; qu'aux termes de l'article 6 de cette ordonnance, les charges de l'État comprennent notamment "les dépenses ordinaires" au nombre desquelles figurent "les charges de la dette publique" ; que l'article 15 du même texte dispose que : "Outre les opérations permanentes de l'État décrites aux articles 3 et 6 ci-dessus, le Trésor public exécute sous la responsabilité de l'État des opérations de trésorerie. Celles-ci comprennent : a) Des émissions et remboursements d'emprunts publics..." ; qu'enfin aux termes de l'article 30 de la même ordonnance : "Les opérations de trésorerie de l'État sont affectées à des comptes de trésorerie distincts..." ;
15. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les intérêts de la dette publique doivent, en tant que charges annuelles permanentes de l'État, figurer dans le titre du budget général consacré aux charges de la dette publique ; qu'en revanche, les émissions d'emprunt sont des opérations de trésorerie qui n'ont pas à figurer dans un titre déterminé du budget, mais sont retracées dans des comptes de trésorerie distincts faisant apparaître les engagements de l'État ;
16. Considérant que la loi déférée retrace, conformément aux dispositions ci-dessus analysées de l'ordonnance du 2 janvier 1959, les charges annuelles de l'État liées au dispositif institué pour la suppression de la règle du décalage d'un mois ; qu'ainsi les charges budgétaires résultant de cette mesure n'ont pas été sous-estimées ; que le Parlement, comme il ressort de ses travaux sur ce texte, a été informé tant du coût de cette mesure pour l'année 1993 que de ses incidences sur les charges de la dette publique ;
. En ce qui concerne l'article 5 relatif au droit de timbre sur les opérations de bourse :
17. Considérant que les députés, auteurs de la seconde saisine, soutiennent qu'en instaurant un plafonnement à 4 000 francs de ce droit, le législateur a créé entre "moyens et gros opérateurs" sur le marché boursier une différence de traitement sans commune mesure avec leur différence de situations, dans des conditions qu'ils estiment manifestement discriminatoires ;
18. Considérant qu'il appartient au législateur, lorsqu'il établit une imposition, d'en déterminer librement les taux sous la réserve des principes et des règles de valeur constitutionnelle ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que, pour des motifs d'intérêt général, le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation au développement d'activités économiques et financières en appliquant des critères objectifs en fonction des buts recherchés ;
19. Considérant que l'institution du plafonnement contesté tend à susciter le développement du marché boursier national, notamment par la réalisation d'opérations importantes intervenant jusqu'à présent à l'étranger en raison d'un régime d'imposition plus favorable ; que les agents procédant à des opérations d'un même montant sont soumis au même taux d'imposition ; que, dès lors, l'article 5 n'est pas contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article 9 :
20. Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent qu'en prévoyant, au seul bénéfice des personnes physiques, une priorité pour régler, par remise de titres de l'emprunt, les actions cédées par l'État dans le cadre des opérations de privatisations, l'article 9 méconnaît le principe d'égalité au détriment des personnes morales ;
21. Considérant que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'en fonction des buts recherchés par le législateur, celui-ci établisse des règles différentes à l'égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes ; qu'en l'espèce il a entendu encourager les personnes physiques à souscrire les titres de l'emprunt et à acquérir des actions de sociétés privatisées ; que, dès lors, le grief invoqué doit être écarté ;
. En ce qui concerne l'article 10 :
22. Considérant qu'il est soutenu par les sénateurs, auteurs de la première saisine, que l'inscription en recettes du budget général de 1993, pour un montant de 18 milliards de francs du produit d'opérations de cession au secteur privé par l'État d'entreprises du secteur public, méconnaît la règle posée à l'article 16 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, selon laquelle les recettes sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont encaissées, altérant ainsi la sincérité des chiffres contenus dans la loi ;
23. Considérant que les ressources de l'État figurant dans les lois de finances de l'année et dans les lois de finances rectificatives ont un caractère prévisionnel et sont prises en compte sous forme d'évaluations ; que ces évaluations doivent tenir compte des effets économiques et financiers de la politique que le Gouvernement entend mener ; qu'eu égard au programme de privatisations présenté au titre de l'année 1993, l'inscription en recettes prévisionnelles d'une somme de 18 milliards de francs n'a pas méconnu la règle de l'article 16 de l'ordonnance susvisée ;
. En ce qui concerne l'article 21 :
24. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que l'article 21 a méconnu le principe d'égalité ;
25. Considérant que cet article tend à accorder des avantages fiscaux en matière de droits de mutation à l'occasion de transmissions à titre gratuit, ou de cessions à titre onéreux, d'immeubles acquis neufs ou en état d'achèvement futur, entre le 1er juin 1993 et le 1er septembre 1994 ; que ces avantages sont subordonnés à la condition que les immeubles aient été exclusivement affectés, de manière continue, à l'habitation principale pendant une durée minimale de cinq ans à compter de l'acquisition de l'immeuble ou de son achèvement, s'il est postérieur ;
26. Considérant, d'une part, que la circonstance que des avantages fiscaux de même nature soient consentis, quel que soit le mode de transmission ou de cession des immeubles concernés, n'est pas susceptible de porter atteinte au principe d'égalité ;
27. Considérant, d'autre part, que le législateur a pu, sans méconnaître ce principe, eu égard au motif d'intérêt général que constitue le soutien à l'activité du bâtiment, subordonner l'octroi des avantages fiscaux susmentionnés aux conditions de délais ci-dessus évoquées ;
. En ce qui concerne l'article 42 :
28. Considérant que l'article 42 de la loi a pour objet de porter, à compter du 1er juillet 1993, de 1, 1 % à 2, 4 % du revenu global imposable, le taux de la contribution sociale généralisée perçue respectivement sur les revenus d'activité et de remplacement, les revenus du patrimoine, et les produits de placement ; qu'il prévoit en outre, pour la détermination des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu, les conditions dans lesquelles la contribution est admise en déduction du revenu global imposable, à concurrence d'une partie de son montant correspondant à l'augmentation de son taux ; que cette déduction est limitée à un montant annuel de 3 000 francs pour les contribuables, célibataires, veufs ou divorcés, et de 6 000 francs pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune ;
29. Considérant que les auteurs des saisines soutiennent que cette déduction méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques, résultant de l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et porterait atteinte à la règle de progressivité de l'impôt sur le revenu ;
30. Considérant qu'en vertu de l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, la contribution commune aux charges de la Nation "doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés" ; que, conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des contribuables ;
31. Considérant que la fixation à 2, 4 % du taux de la contribution sociale généralisée ne méconnaît pas l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ;
32. Considérant que le principe d'égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que le législateur, dans l'exercice des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, rende déductible un impôt de l'assiette d'un autre impôt, dès lors qu'en allégeant ainsi la charge pesant sur les contribuables, il n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité entre ceux-ci ; qu'en l'espèce, la déduction opérée par la loi, qui est au demeurant partielle et limitée dans son montant par un mécanisme de plafonnement, ne remet pas en cause le caractère progressif du montant de l'imposition globale du revenu des personnes physiques ; qu'elle ne saurait, par suite, être regardée comme contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789 ;

Décide :
Article premier :
Est déclaré contraire à la Constitution l'article 1er de la loi déférée.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 93-320
Date de la décision : 21/06/1993
Loi de finances rectificative pour 1993
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil constitutionnel l'ensemble de la loi de finances rectificative pour 1993, adoptée définivement par le Parlement, et notamment les articles 2, 9, 10, 12, 21 et 42.

Concernant ces articles, il convient de signaler que :

I : La suppression de la règle du décalage d'un mois en matière de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1993 est contraire à l'alinéa 4 de l'article 1er de la loi organique n° 59-2 du 2 janvier 1959.

II. : Les conditions d'utilisation du droit d'amendement par le Gouvernement en ce qui concerne l'introduction par ce moyen de l'émission d'un emprunt d'Etat convertible en actions de sociétés privatisées : devenu article 9 : méconnaissent les articles 39 et 44, alinéa 1, de la Constitution. Cette non-conformité entraîne celle de l'article 12.

III. : Les dispositions de l'article 10 relatif au produit des ventes par l'Etat de titres, de parts ou de droits de sociétés réalisées à l'occasion d'opérations comportant une cession au secteur privé d'une participation au capital social d'une entreprise du secteur public sont contraires à la Constitution.

IV. : Les dispositions de l'article 21 relatif à l'exonération des droits de mutation en faveur des constructions nouvelles méconnaissent les principes de valeur constitutionnelle de l'égalité des citoyens devant les charges publiques proclamés par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

V : Enfin, l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 1993 relatif à l'aménagement de la contribution sociale généralisée est également contraire au principe d'égalité du citoyen exprimé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

I : La suppression de la règle du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1993 est contraire à l'alinéa 4 de l'article 1er de la loi organique n° 59-2 du 2 janvier 1959

Toute charge nouvelle ou création de dettes publiques doit résulter d'un passage d'écriture dans le budget de l'Etat dans la mesure où celui-ci ne peut être validé que par un vote du Parlement, conformément à l'article 34 de la Constitution. L'article 34 de la Constitution renvoie à la loi organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 qui prévoit dans l'alinéa 4 de son article 1er : " Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance ".

Or l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1993 prévoit un dispositif de suppression de la règle du décalage d'un mois de la TVA à tous les redevables à compter du 1er juillet 1993. Cette disposition entraîne pour le budget de l'Etat une moins-value supérieure à 100 milliards de francs qui en tant que telle devrait être enregistrée dans le collectif budgétaire pour 1993 soumis à l'examen du Parlement.

Or il apparaît, suite à cet examen, que cette somme d'environ 100 milliards de francs ne figure dans aucun document soumis à la représentation nationale pas plus qu'il ne figure dans les comptes du budget de l'Etat où est retranscrite la dette : budget des charges communes : ni dans un compte spécial du Trésor, si l'on excepte une somme d'un montant de 11 milliards de francs correspondant au remboursement anticipé d'une partie de la TVA aux redevables.

De ce fait on peut légitimement craindre une sous-estimation du déficit budgétaire réel avec les conséquences que l'on peut imaginer pour la bonne marche de l'économie nationale.

En conséquence et compte tenu du manque d'information suffisante, le Parlement n'a pas pu exercer pleinement et efficacement la mission de contrôle dont il est investi par la Constitution.

Pour cette raison les sénateurs soussignés ont l'honneur de vous demander l'annulation de l'article 2 et de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1993.

II. : L'article 9 de la loi de finances rectificative pour 1993 méconnaît plusieurs dispositions constitutionnelles

A : Le Gouvernement a outrepassé le droit d'amendement tel qu'il lui est reconnu par les articles 39 et 44, alinéa 1er.

Les articles 39 et 44, alinéa 1er, de la Constitution, prévoient une distinction entre les projets de loi et les propositions de loi (art 39) et les amendements dont ils peuvent faire l'objet (art 44, alinéa 1er).

L'amendement est soumis à un formalisme moindre que les projets de loi ou propositions de loi. Cela tient à ce que par sa définition même il constitue " une initiative incidente et restreinte " (Barthélémy et Duez) ou mieux encore " une initiative incidente et partielle " (J Lafferrière) qui s'exerce à l'occasion de la discussion d'un texte de portée plus générale sur lequel il vient se greffer.

La dualité des concepts de projets de loi ou de propositions de loi et d'amendements commande une dualité de procédure.

Vous avez déduit de cette dualité de procédure qu'est entachée d'irrégularité l'adoption sous forme d'amendement de dispositions qui excèdent par leur objet (critère quantitatif) et par leur portée (critère qualitatif) les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement.

Vous avez affirmé cette position une première fois dans votre décision n° 86-221 DC du 29 décembre 1986 relative à la loi de finances pour 1987 et avez consacré cette interprétation par décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987 sur la loi portant diverses mesures d'ordre social.

Dans votre décision n° 86-221 du 29 décembre 1986, vous avez considéré " que les adjonctions aux modifications ainsi apportées au texte ne sauraient sans méconnaître les articles 39, alinéa 1er, et 44, alinéa 1er, de la Constitution dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes au droit d'amendement ".

Dans cette décision vous avez décidé alors que ces limites n'avaient pas été dépassées du fait de l'introduction dans la loi, par voie d'amendement, de dispositions dont l'objet était étroitement spécifié et la portée restreinte. Il s'agissait alors d'amendements qui aménageaient des aspects particuliers de la fiscalité agricole et qui créaient une taxe sur les briquets et allumettes et une taxe due par les entreprises de transports publics aériens.

Au contraire, dans votre décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987 relative à la loi portant diverses mesures d'orde social, vous avez considéré qu'avait excédé les limites inhérentes au droit d'amendement l'introduction dans la loi, par un amendement du Gouvernement prenant la forme d'un article additionnel, d'un ensemble de dispositions relatives à l'aménagement du temps de travail que votre décision a jugé " tant qu'en raison de leur ampleur que de leur importance, les dispositions qui sont à l'origine de l'article 39 de la loi portant diverses mesures d'ordre social excédant les limites inhérentes au droit d'amendement ; dès lors, elles ne pouvaient être introduites dans les projets de loi par voie d'amendement sans que soit méconnue la distinction entre les projets de loi et les propositions de loi visées à l'article 39 de la Constitution et les amendements dont ces derniers peuvent faire l'objet en vertu de l'article 44, alinéa 1er ".

Or, dans le cas de l'article 9, le Gouvernement, dans le projet de loi de finances rectificative pour 1993, crée, par voie d'amendement, un emprunt d'un montant estimé à 40 milliards de francs. L'importance de cette mesure pour l'économie du pays dépasse à l'évidence les limites que votre jurisprudence a fixées pour l'exercice du droit d'amendement.

B : En outre, l'importance et les conséquences de cette mesure justifiaient tout un ensemble de formalités que le Gouvernement n'a pas respectés.

En effet, le projet de loi soumis pour avis au Conseil d'Etat, puis adopté en conseil des ministres et enfin déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, se plaçait sous le signe de la rigueur et des économies. Or, par l'introduction de l'emprunt par voie d'amendement, le Gouvernement est entré dans une tout autre logique, logique d'inflation, de déficit budgétaire. Cette mesure s'inscrit en totale contradiction avec les objectifs définis par le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 1993.

Il ne s'agit pas ici de s'opposer juridiquement à la contradiction du Gouvernement dans la fixation de ses objectifs politiques, mais bien de contester la procédure suivie.

Le Gouvernement n'ayant pas respecté les limites inhérentes au droit d'amendement, la procédure utilisée pour cet amendement devient inconstitutionnelle.

La distinction établie par les articles 39 et 44, alinéa 1er, de la Constitution, entraîne des conséquences importantes sur le plan procédural.

Rappelons que l'amendement dit " amendement Séguin ", n'était en fait qu'une ordonnance régulièrement adoptée en conseil des ministres, préparée par le ministre du travail et soumise à ce titre au Conseil d'Etat. Le Président de la République aurait alors refusé de la ratifier.

Elle avait donc suivi une procédure régulière et avait cependant été annulée par votre assemblée, en raison notamment de la portée de ses dispositions.

Aujourd'hui, l'amendement introduisant l'emprunt n'a pas été soumis à la procédure constitutionnelle prévue.

Compte tenu du volume de cet emprunt et de la nouvelle direction qu'il donne au projet de loi de finances rectificative pour 1993, cette mesure nécessitait le respect et l'accomplissement d'une série de formalités qui en l'occurrence ne pouvaient se traduire que par le dépôt d'une lettre rectificative ou d'un autre projet de loi soumis aux prescriptions constitutionnelles.

Par sa décision n° 118-100 du 29 décembre 1978 sur le projet de loi de finances 1979, le Conseil constitutionnel a annulé la lettre rectificative à un projet de loi en exigeant pour celle-ci le respect du deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution, qui impose que les projets de loi soient avant leur dépôt soumis au Conseil d'Etat, puis délibéré en conseil des ministres.

Cette procédure n'a pas été respectée. Le Conseil d'Etat n'a pas été consulté et en outre cette disposition n'a pas été examinée en commission des finances par l'Assemblée nationale et n'a pu faire l'objet d'un report en première lecture devant cette assemblée.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que les sénateurs soussignés ont l'honneur de vous demander l'annulation de l'article 9, qui n'est manifestement pas détachable de l'ensemble du projet de loi soumis à votre examen.

III. : Les dispositions de l'article 10 relatif au produit des ventes par l'Etat de titres, de parts ou de droits de sociétés réalisées à l'occasion d'opérations comportant une cession au secteur privé d'une participation au capital social d'une entreprise du secteur public sont contraires à la Constitution

Ces dispositions sont contraires au deuxième alinéa de l'article 16 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit que " les recettes sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont encaissées par un comptable public ". Or les recettes dont il est question proviennent d'opérations qui, non seulement n'ont pas été réalisées, mais dont le résultat est pour le moins incertain, étant donné les capacités du marché constatées actuellement. Qui plus est, l'ampleur du montant : de 18 milliards de francs pour 1993 : qui a été porté en recettes du budget général ne peut que renforcer le caractère exorbitant de cette disposition.

Dès lors, il y a lieu de douter de la sincérité des chiffres contenus dans ce collectif.

Pour l'ensemble de ces raisons, les sénateurs soussignés ont l'honneur de vous demander l'annulation de l'article 10 de la loi de finances rectificative pour 1993.

IV. : Les dispositions de l'article 21 relatif à l'exonération des droits de mutation en faveur des constructions nouvelles méconnaissent le principe de valeur constitutionnelle de l'égalité des citoyens devant l'impôt proclamé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme

Cet article exonère partiellement des droits de mutation les acquéreurs de logements neufs et achevés, acquis entre le 1er juin 1993 et le 31 décembre 1994, et affectés pour une période de cinq années à l'habitation principale.

Cette disposition méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques tel qu'il ressort de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Ainsi, au cours d'une année (située cinq ans après 1993 et 1994), tous les citoyens qui s'acquitteront de droits de mutation ne seront pas égaux devant l'impôt puisque celui-ci sera variable selon la date d'acquisition du bien immobilier, objet de la mutation.

Le fait générateur en matière de droit de mutation à titre gratuit est l'ouverture de la succession. En matière de droits de mutation à titre onéreux, le fait générateur, c'est l'acte de vente. Par conséquent, à l'expiration du délai de cinq ans et pour une année n, les contribuables redevables des droits de mutation à titre onéreux ou des droits de mutation à titre gratuit ne seront pas soumis aux mêmes impositions selon qu'ils bénéficient ou non des dispositions de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 1993.

Pour cette raison les sénateurs soussignés ont l'honneur de vous demander l'annulation de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 1993.

V : Les dispositions de l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 1993 relatif à l'aménagement de la contribution sociale généralisée sont contraires au principe d'égalité du citoyen devant les charges publiques exprimé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Cet article aménage la contribution sociale généralisée, d'une part, en portant son taux de 1,1 p 100 à 2,4 p 100 et, d'autre part, en prévoyant des conditions de déductibilité de l'augmentation de 1,3 p 100 des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu.

Dans votre décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, vous avez relevé, d'une part, que la contribution sociale généralisée d'alors entre dans la catégorie des " impositions de toutes natures " visées à l'article 34 de la Constitution et, d'autre part, que n'étant pas déductible de l'impôt sur le revenu elle se trouve de ce fait soumise à une certaine progressivité, répondant ainsi à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui proclame que " la contribution de chacun aux charges publiques doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ".

La contribution sociale généralisée n'a pas changé de nature par rapport à ce qu'elle était dans votre décision n° 90-285 du 28 décembre 1990, en conséquence ces dispositions sont inconstitutionnelles.

Pour l'ensemble de ces raisons, les sénateurs soussignés vous demandent l'annulation de l'alinéa 2 du paragraphe I et des paragraphes III et IV de l'article 42 en ce qu'il autorise certains contribuables à déduire une fraction de la contribution sociale généralisée, entraînant par la même une rupture du principe d'égalité devant les charges publiques.

C'est pour l'ensemble de ces motifs que les sénateurs soussignés ont l'honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conformes à celle-ci les articles 2, 6, 9, 10, 21, et 42.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, Madame et Messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.

Paris, le 14 juin 1993.

Les députés soussignés à Monsieur le président et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, 2, rue Montpensier, 75001 Paris.

Monsieur le président, Messieurs les conseillers,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 1993 telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.

I : Plusieurs dispositions de la loi déférée ont été adoptées dans des conditions non conformes à la Constitution.

A : Il s'agit d'abord d'un article qui a été ajouté au projet de loi de finances rectificative lors de la discussion de celui-ci par le Sénat en première lecture alors qu'introduisant des mesures financières nouvelles il aurait dû, conformément aux dispositions de l'article 39 in fine de la Constitution, être d'abord soumis à l'Assemblée nationale.

Il s'agit de l'article 19 quater définissant les conditions d'actualisation des valeurs locatives foncières pour les années 1994 et 1995.

Cet article additionnel introduit devant le Sénat ne peut à aucun titre se rattacher à l'une quelconque des dispositions du projet de loi soumis initialement à l'Assemblée nationale. La violation de l'article 39 de la Constitution est caractérisée. L'article 19 quater de la loi déférée devra donc être déclaré non conforme.

B : D'autres articles ont fait l'objet d'amendements gouvernementaux dont l'objet et la portée dépassent les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement.

C'est d'abord le cas de l'article 6 relatif à l'équilibre général du budget de 1993, modifié par la loi de finances rectificative, et des articles 7 et 8 portant ouverture de crédits pour 1993 relatifs respectivement aux dépenses ordinaires des services civils et aux dépenses en capital de ces mêmes services.

Si l'on compare le projet de loi de finances rectificative soumis initialement à l'Assemblée nationale et la loi votée, on constate que le montant des crédits ouverts au titre des dépenses ordinaires des services civils est passé de 38,818 milliards de francs à 49,506 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 10,688 milliards de francs (soit + 27,53 p 100), tandis que le montant des crédits ouverts au titre des dépenses en capital de ces services est passé de 2,682 milliards de francs à 18,772 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 16,09 milliards de francs (soit + 599,92 p 100).

Quant au total des dépenses à caractère définitif du budget général et des comptes d'affectation spéciale, il est passé de 35,299 milliards de francs à 62,077 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 26,778 milliards de francs, soit + 75,86 p 100.

Il est manifeste que la loi de finances rectificative finalement votée n'a plus rien de commun, dans son équilibre général : donc dans son impact économique : comme dans ses répercussions sur les grandes masses de dépenses de l'exercice 1993, avec le projet initialement soumis au Parlement. Ce bouleversement s'explique par une évolution rapide et spectaculaire de l'analyse économique et de la stratégie budgétaire du Gouvernement, qui a été relevée par de nombreux parlementaires dans la discussion générale et qui a été reconnue par le Premier ministre lui-même.

Or, c'est par le seul recours à la technique de l'amendement gouvernemental que s'est opéré ce changement de cap radical conduisant à une augmentation de plus de 75 p 100 des dépenses définitives par rapport au projet initial.

Il y a là un véritable détournement de procédure : lorsque le Gouvernement souhaite remodeler profondément un projet en cours de discussion parlementaire, il doit recourir à la procédure de la lettre rectificative, qui est alors examinée comme un nouveau projet de loi, donc renvoyée en commission pour un nouveau rapport (Conseil constitutionnel n° 78-100 DC du 29 décembre 1978). Si le Gouvernement utilise au contraire abusivement le procédé de l'amendement pour modifier radicalement le sens et la portée du texte en cours de discussion, les assemblées ne sont pas véritablement en mesure d'apprécier et de discuter pleinement la portée globale de l'évolution. Tel a été précisément le cas en l'espèce : il suffit de prendre connaissance du rapport fait au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale pour constater le décalage considérable des perspectives économiques et des décisions budgétaires entre la phase d'examen en commission et l'adoption du texte définitif. Le Parlement n'a pas été mis en mesure d'exercer convenablement ses prérogatives budgétaires.

Il importe dans ces conditions de sanctionner une violation aussi caractérisée des " limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement ", c'est-à-dire plus précisément des dispositions des articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution. On sait que ces limites valent non seulement en matière de lois ordinaires (Conseil constitutionnel n° 86-225 DC du 23 janvier 1987), mais aussi en matière de lois de finances (Conseil constitutionnel n° 86-221 DC du 29 décembre 1986). L'énorme augmentation des crédits ouverts par la seule accumulation d'amendements gouvernementaux, en dénaturant la portée d'un projet initialement présenté comme un " collectif budgétaire de redressement économique et financier " et finalement qualifié de " collectif de relance ", entache d'inconstitutionnalité tant l'article 6 (" article d'équilibre ") que les articles 7 et 8 affectés par lesdites augmentations de crédits. A la vérité, le caractère essentiel de ces dispositions les rend inséparables de l'ensemble de la loi votée qui ne saurait dès lors échapper à l'annulation.

La même analyse s'impose à propos de l'article 5 bis de la loi qui autorise le ministre de l'économie à émettre avant le 31 décembre 1993 un emprunt d'Etat dont le Gouvernement a précisé au cours de la discussion parlementaire qu'il attendait un produit de 40 milliards de francs, l'augmentation considérable des crédits déjà relevée ayant été décidée compte tenu de cette prévision.

Non seulement, le recours à cet emprunt constitue, du point de vue de la politique économique et financière définie par le Gouvernement et présentée aux assemblées, un changement de stratégie très important par rapport aux axes définis par le Premier ministre lors de sa présentation du projet initial, mais surtout le montant retenu, qui dépasse celui de l'ensemble des ouvertures de crédits prévues auparavant dans ledit projet, a totalement bouleversé l'économie de la loi de finances rectificative.

Là encore, l'utilisation de la technique de l'amendement gouvernemental (ou plus exactement de l'article additionnel) pour un tel changement d'échelle et de cap constitue une violation caractérisée des articles 39 et 44 de la Constitution tels que les interprète la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel.

II. : La loi votée comporte en outre deux articles contraires aux dispositions de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, lequel limite le domaine de celles-ci à la détermination des ressources et des charges de l'Etat, à l'organisation de l'information et du contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques et à la fixation des règles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature.

En premier lieu, l'article 1er-A de la loi votée crée un groupement d'intérêt public chargé de l'informatisation du livre foncier des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

C'est vainement que l'on chercherait un lien, même indirect, entre cette création et l'information et le contrôle des finances publiques par le Parlement : en admettant que la tenue dudit livre foncier permette l'évaluation de l'assiette de certains impôts locaux, il ne s'agit ici que de son informatisation et même seulement de la création d'une institution chargée d'y procéder. La violation de l'article 1er de l'ordonnance organique est manifeste.

En second lieu, l'article 5 bis déjà évoqué, qui autorise le ministre de l'économie à émettre un emprunt, sort tout aussi manifestement du domaine assigné aux lois de finances en tant qu'il prévoit que les titres dudit emprunt seront admis en paiement des actions vendues par l'Etat dans le cadre d'éventuelles privatisations et que les demandes d'achat de ces actions qui feront l'objet de règlement au moyen des titres d'emprunt en cause seront servies prioritairement. Ces dispositions ne pouvaient trouver leur place que dans une loi décidant de telles privatisations ; leur insertion dans une loi de finances viole incontestablement l'article 1er de l'ordonnance organique.

Par ailleurs, il y a une inégalité de traitement des personnes physiques et morales face au titre des sociétés qui seront privatisées. Seront servies en priorité celles qui peuvent aujourd'hui souscrire à l'emprunt.

Les articles 1er-A et 5 bis ne pourront dès lors qu'être considérés comme non conformes à la Constitution.

III. : Enfin, deux articles de la loi votée ont été adoptés en violation de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'il dispose que la charge fiscale " doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ", et plus généralement du principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.

A : En premier lieu, l'article 3 modifie le régime de l'impôt sur les opérations de Bourse (dont le tarif est de 0,3 p 100 du montant des opérations inférieures ou égales à un million de francs et de 0,15 p 100 de la fraction d'opération dépassant éventuellement cette somme) en instituant, d'une part, un abattement forfaitaire de 150 F par opération et en plafonnant, d'autre part, les droits perçus à 4 000 F par opération.

La seconde de ces dispositions, introduite lors de la discussion devant le Sénat, avait été repoussée devant la commission des finances de l'Assemblée nationale après que le rapporteur général du budget eut fait observer qu'elle revenait à " supprimer purement et simplement l'impôt de bourse ". En réalité, elle introduit une variation extraordinairement forte du taux réel de l'impôt selon l'ampleur de l'opération. Alors que l'institution (initiale) de l'abattement de 150 F avait pour seule conséquence d'exonérer de toute imposition les transactions d'un montant inférieur ou égal à 50 000 F, celle du plafonnement des droits à 4 000 F par opération a pour conséquence que le taux réel d'imposition varie entre 0,226 p 100 (pour une opération d'un montant de 1 766 000 F, une fois pris en compte l'abattement) et, par exemple, 0,028 p 100 pour une opération de 13 833 000 F ou même seulement 0,008 p 100 pour une opération de 50 millions de francs. Dans le troisième exemple précité, le taux de l'impôt est ainsi plus de vingt-huit fois inférieur à ce qu'il est dans le premier exemple.

Si le principe même du plafonnement d'une imposition n'est pas nécessairement radicalement contraire au principe d'égalité fiscale, il n'est pas sérieusement contestable qu'en l'espèce la différence de traitement entre moyens et gros opérateurs n'a pas de commune mesure avec leur différence de situation. La prime donnée aux investisseurs les plus influents sur le marché est manifestement discriminatoire.

B : En second lieu, l'article 21 de la loi votée bouleverse le régime de la contribution sociale généralisée dans des conditions là encore incompatibles avec le respect du principe d'égalité devant l'impôt.

La contribution sociale généralisée ou, plus exactement, les trois contributions instituées respectivement sur les revenus d'activité et de remplacement, sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement par les articles 127 à 135 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 portant loi de finances pour 1991 sont des taxes proportionnelles dont le taux avait été alors fixé à 1,1 p 100 et dont le produit est affecté à la Caisse nationale des allocations familiales.

Leur institution a été considérée par le Conseil constitutionnel (décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990) comme conforme à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen aux motifs qu'il appartenait au législateur " de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des redevables " ; que le produit de la contribution sociale généralisée était destiné " à l'allégement à due concurrence des prélèvements affectés à la sécurité sociale ", lesquels n'étaient pas soumis à une règle de progressivité ; qu'enfin, à la différence des cotisations sociales auxquelles elle se substituait partiellement, la contribution sociale généralisée n'était pas déductible de l'impôt sur les revenus dont les taux sont progressifs. C'est " dans ces conditions " que le Conseil constitutionnel a considéré comme non contraire à la Constitution le choix d'un taux unique appliqué par le législateur de 1990 aux contributions sociales généralisées qu'il instituait.

Même si la saisine de 1990 n'a pas fourni l'occasion de préciser plus explicitement les critères déterminant de la constitutionnalité de la contribution sociale généralisée, on peut légitimement penser que sa substitution à des montants équivalents de cotisations sociales et sa non-déductibilité de l'impôt sur le revenu ont joué sur ce plan un rôle décisif.

Or, l'article 21 de la loi votée porte le taux des trois taxes composant la " contribution sociale généralisée " de 1,1 p 100 à 2,4 p 100 et prévoit que le supplément de taxe dû au titre de cette majoration sera déductible du revenu imposable sous réserve d'un plafonnement de cette déductibilité qui varie selon la situation de famille du contribuable et selon l'exercice considéré (le plafond fixé pour 1993 étant inférieur à celui qui s'appliquera par la suite).

On constate aussitôt l'extrême complexité du mécanisme : chaque redevable devra désormais distinguer une tranche non déductible et une tranche déductible dans la contribution qu'il acquitte, voire une troisième tranche à nouveau non déductible si ses revenus dépassent le plafond qui correspond à sa situation de famille pour l'exercice considéré. L'impôt simple et aisément " lisible " par le contribuable qui avait été institué en 1990 devient une machine fiscale complexe et imprévisible tant pour le citoyen que pour les personnes publiques dont il affecte les ressources.

Mais il y a plus. La complexité tente ici de masquer une rupture radicale avec les principes constitutionnels de progressivité de l'imposition du revenu des ménages et d'égalité devant l'impôt.

Le principe même de la progressivité de l'impôt sur le revenu implique en effet nécessairement l'absence de toute déductibilité des autres impositions acquittées par le redevable du revenu imposable de ce dernier. En effet, l'incidence de déductions dont les montants sont indépendants du niveau des revenus serait inévitablement " antiprogressive ". C'est la raison pour laquelle ni la taxe d'habitation, ni l'impôt de solidarité sur la fortune, ni même la taxe à la valeur ajoutée ne sauraient être déduits par les personnes physiques de leur revenu imposable. Tout au plus, s'agissant de l'ISF, un plafonnement a-t-il été institué qui vise seulement à éviter que l'impôt sur le capital n'absorbe la totalité du revenu imposable, mais ce mécanisme ne saurait être assimilé à une déduction.

Les seules exceptions au principe de non-déductibilité par les personnes physiques concernent l'imposition de revenus professionnels tels que la taxe professionnelle payée par les entrepreneurs ou membres de professions libérales exerçant individuellement. Mais la déductibilité n'a alors pour fonction que d'asseoir l'impôt sur le revenu sur un bénéfice (professionnel) net. C'est sur une logique comparable mutatis mutandis que repose le mécanisme de déductibilité de la TVA Une fois établi le résultat net de l'activité professionnelle, aucune déductibilité ne s'applique à la personne physique prise non plus comme " entreprise ", mais comme " ménage ".

Or, ce principe de non-déductibilité par les personnes physiques, dans la mesure où il découle nécessairement du principe de progressivité de l'impôt sur le revenu, participe tout aussi nécessairement de la valeur constitutionnelle qui doit être reconnue à ce dernier quant à l'imposition du revenu des ménages : la progressivité devant en cette matière être considérée comme un objectif constitutionnel, le principe de non-déductibilité par les personnes physiques n'en est que la conséquence logiquement impérative et s'impose dès lors au législateur.

Quant au principe d'égalité devant l'impôt, force est de constater que les deux conditions majeures posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1990 ont l'une et l'autre disparu. D'une part, la contribution sociale généralisée, qui devait de substituer progressivement aux cotisations sociales, augmente fortement sans allégement compensatoire desdites cotisations, qui vont au contraire augmenter elles aussi de l'aveu même du Gouvernement. D'autre part, l'élément de progressivité que constituait la non-déductibilité de l'impôt (progressif) sur le revenu est lui aussi écarté pour la majoration décidée par la loi déférée.

Dans ces conditions, la contribution sociale généralisée devient un impôt non plus proportionnel avec un correctif progressif, mais véritablement " dégressif " et fortement discriminatoire, puisque la déductibilité de la part majorée ne profite par hypothèse en rien aux redevables non imposables et bénéficie en revanche d'autant plus aux contribuables à l'impôt sur le revenu que leur cotisation à celui-ci est élevée, sous la seule réserve du plafonnement de la déductibilité qui est en réalité fixé à un seuil si élevé que, de l'aveu même du rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, il ne touchera qu'une faible minorité de contribuables (environ un million de personnes).

Or, il résulte de la décision précitée rendue en 1990 par le Conseil constitutionnel que l'institution de la contribution sociale généralisée n'était conforme à la Constitution que dans la mesure où elle constituait un progrès dans le sens de la progressivité des prélèvements obligatoires finançant les régimes de protection sociale. En d'autres termes, le législateur avait alors rapproché le droit positif de l'objectif constitutionnel que constitue la progressivité en matière de prélèvement obligatoire frappant le revenu des ménages.

Au contraire, l'article 21 de la loi déférée constitue à l'évidence une " régression de progressivité " par rapport au droit existant. Le Gouvernement a cru pouvoir justifier cette régression en faisant observer que l'autre voie qui s'offrait à lui pour augmenter les ressources affectées à la protection sociale était constituée par des cotisations sociales elles aussi non progressives. Mais, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée de 1990, c'est " compte tenu des caractéristiques de chaque impôt " que doit être apprécié le respect de la règle de l'égalité fiscale : dès lors que les pouvoirs publics ont choisi d'augmenter la part de la contribution sociale généralisée dans le financement de la protection sociale, ils ne sauraient faire régresser la part de progressivité que son institution avait introduite dans ce financement.

La déductibilité partielle de la contribution sociale généralisée du revenu imposable au titre de l'impôt sur le revenu est donc incontestablement contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'au principe d'égalité devant l'impôt en tant qu'il implique que la loi fiscale n'éloigne pas le droit existant de l'objectif de progressivité des impositions frappant le revenu des ménages.

Or, cette disposition est politiquement et juridiquement inséparable du reste de l'article 21 de la loi déférée, non seulement d'un point de vue formel que révèle l'interdépendance rédactionnelle entre fixation des taux et régime de déductibilité partielle prévus l'un et l'autre aux I et III dudit article 21, mais surtout parce que le choix d'une majoration plus forte du taux (dont il était initialement envisagé qu'il passe de 1,1 p 100 à 2,1 p 100 seulement et non à 2,4 p 100) n'a été retenu par le Gouvernement que dans la mesure où l'instauration de la déductibilité de la majoration atténuait la pression fiscale supplémentaire d'autant plus fortement que le contribuable redevable considéré jouissait de revenus élevés (sous réserve du plafonnement qui, comme on l'a vu, ne touche que très peu de foyers fiscaux).

Ainsi, alors même que l'augmentation du taux de la contribution bénéficie non à l'Etat, mais à la Caisse nationale d'allocations familiales (tandis que la déductibilité constitue une moins-value pour l'Etat et non pour cette caisse), les deux mesures ont été inséparablement liées dans l'esprit des auteurs du projet de loi de finances rectificative du point de vue du choix d'un niveau de pression fiscale jugé politiquement et techniquement admissible.

C'est dès lors l'ensemble de l'article 21 de la loi déférée qui devra être considéré comme non conforme à la Constitution.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l'honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conformes à celle-ci l'ensemble de la loi qui vous est déférée et tout particulièrement ses articles 1er A, 3, 5 bis, 6, 7, 8, 19 quater et 21.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, Messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.


Références :

DC du 21 juin 1993 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 21 juin 1993 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi de finances rectificative pour 1993 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°93-320 DC du 21 juin 1993
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1993:93.320.DC
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