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16/11/2016 | CJUE | N°C-2/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, DHL Express (Austria) GmbH contre Post-Control-Kommission et Bundesminister für Verkehr, Innovation und Technologie., 16/11/2016, C-2/15


ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 novembre 2016 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Directive 97/67/CE — Article 9 — Services postaux dans l’Union européenne — Obligation de contribuer aux coûts de fonctionnement de l’autorité réglementaire du secteur postal — Étendue»

Dans l’affaire C‑2/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche), par décision du 17 décembre 2014, parvenue à la Cour le 7 janvier 2

015, dans la procédure

DHL Express (Austria) GmbH

contre

Post-Control-Kommission,

Bundesminister...

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 novembre 2016 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Directive 97/67/CE — Article 9 — Services postaux dans l’Union européenne — Obligation de contribuer aux coûts de fonctionnement de l’autorité réglementaire du secteur postal — Étendue»

Dans l’affaire C‑2/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche), par décision du 17 décembre 2014, parvenue à la Cour le 7 janvier 2015, dans la procédure

DHL Express (Austria) GmbH

contre

Post-Control-Kommission,

Bundesminister für Verkehr, Innovation und Technologie,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), président de chambre, Mme M. Berger, MM. A. Borg Barthet, E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

— pour DHL Express (Austria) GmbH, par Me P. Csoklich, Rechtsanwalt,

— pour la Post-Control-Kommission, par Mme E. Solé,

— pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement belge, par Mme J. Van Holm et M. S. Vanrie, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement norvégien, par Mmes I. Thue et J. T. Kaasin, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par M. G. Braun et Mme P. Costa de Oliveira, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 mars 2016,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9 de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14), telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008 (JO 2008, L 52, p. 3) (ci-après la « directive 97/67 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DHL Express (Austria) GmbH (ci-après « DHL ») à la Post-Control-Kommission (commission de contrôle des services postaux, Autriche) au sujet d’une décision de cette dernière imposant à DHL de contribuer financièrement aux coûts de fonctionnement de la Rundfunk und Telekom Regulierungs-GmbH (autorité réglementaire du secteur postal) (ci-après la « RTR »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 27 et 28 de la directive 2008/6 énoncent :

« (27) Les prestataires de services postaux peuvent être tenus de contribuer au financement du service universel lorsqu’un fonds de compensation est prévu. Afin de déterminer quelles entreprises pourraient être appelées à cotiser au fonds de compensation, les États membres devraient examiner si les services qu’elles fournissent peuvent, du point de vue de l’utilisateur, être considérés comme des services relevant du service universel du fait qu’ils présentent un degré suffisant
d’interchangeabilité avec celui-ci, compte tenu de leurs caractéristiques, y compris les aspects sur lesquels ils apportent une valeur ajoutée, ainsi que de l’usage et de la tarification qui leur sont réservés. Ces services ne doivent pas nécessairement réunir toutes les caractéristiques du service universel, comme la distribution quotidienne du courrier ou la couverture de l’ensemble du territoire national.

(28) Afin de se conformer au principe de proportionnalité pour déterminer dans un État membre la contribution aux coûts de la prestation du service universel demandée à ces entreprises, les États membres devraient utiliser des critères transparents et non discriminatoires, tels que la part de ces entreprises dans les activités qui relèvent du service universel dans cet État membre. Les États membres peuvent imposer aux prestataires qui sont tenus de contribuer à un fonds de compensation, de
prévoir une comptabilité séparée appropriée pour assurer le fonctionnement du fonds. »

4 Le considérant 47 de cette directive est ainsi libellé :

« Le rôle des autorités réglementaires nationales devrait rester fondamental, notamment dans les États membres où le passage à la concurrence doit encore être mené à son terme. Conformément au principe de la séparation des fonctions de réglementation et d’exploitation, les États membres devraient garantir l’indépendance de leurs autorités réglementaires nationales afin d’assurer l’impartialité de leurs décisions. Cette exigence d’indépendance est sans préjudice de l’autonomie institutionnelle et
des obligations constitutionnelles des États membres et du principe de neutralité en ce qui concerne le régime de la propriété dans les États membres, établi à l’article 295 du traité. Les autorités réglementaires nationales devraient disposer de toutes les ressources nécessaires, tant en ce qui concerne le personnel que les compétences spécialisées ou les moyens financiers, pour s’acquitter de leurs missions. »

5 Aux termes de l’article 2, point 14, de la directive 97/67 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

14) “autorisations” : toute autorisation fixant les droits et les obligations spécifiques du secteur postal et permettant à des entreprises de prester des services postaux et, le cas échéant, d’établir et/ou d’exploiter leurs réseaux pour la prestation de ces services, sous la forme d’une autorisation générale ou d’une licence individuelle telles que définies ci-après :

— par “autorisation générale”, on entend une autorisation qui n’impose pas au prestataire de services postaux concerné d’obtenir une décision explicite de l’autorité réglementaire nationale avant d’exercer les droits qui découlent de l’autorisation, que celle-ci soit régie ou non par une “licence par catégorie” ou par le droit commun et que cette réglementation exige ou non des procédures d’enregistrement ou de déclaration ;

— par “licence individuelle”, on entend une autorisation qui est octroyée par une autorité réglementaire nationale et qui donne au prestataire de services postaux des droits spécifiques ou soumet les activités dudit prestataire à des obligations spécifiques complémentaires de l’autorisation générale le cas échéant, lorsque le prestataire de services postaux n’est pas habilité à exercer les droits concernés avant d’avoir reçu la décision de l’autorité réglementaire nationale ».

6 En vertu de l’article 2, point 19, de cette directive, les « exigences essentielles » sont entendues comme étant « les raisons générales de nature non économique qui peuvent amener un État membre à imposer des conditions pour la prestation de services postaux. Ces raisons sont la confidentialité de la correspondance, la sécurité du réseau en ce qui concerne le transport de matières dangereuses, le respect des conditions de travail et des régimes de sécurité sociale prévus par des dispositions
législatives, réglementaires ou administratives et/ou par les conventions collectives négociées entre partenaires sociaux au niveau national, conformément au droit communautaire et à la législation nationale et, dans les cas justifiés, la protection des données, la protection de l’environnement et l’aménagement du territoire. La protection des données peut comprendre la protection des données à caractère personnel, la confidentialité des informations transmises ou stockées ainsi que la protection
de la vie privée ».

7 L’article 7 de ladite directive prévoit, à ses paragraphes 3 et 4 :

« 3.   Lorsqu’un État membre détermine que les obligations de service universel prévues par la présente directive font supporter un coût net, calculé en tenant compte des dispositions de l’annexe I, et constituent une charge financière inéquitable pour le ou les prestataires du service universel, il peut introduire :

a) un mécanisme de dédommagement des entreprises concernées par des fonds publics ; ou

b) un mécanisme de répartition du coût net des obligations de service universel entre les prestataires de services et/ou les utilisateurs.

4.   Lorsque le coût net est partagé conformément au paragraphe 3, point b), les États membres peuvent mettre en place un fonds de compensation qui peut être financé par une redevance imposée aux prestataires de services et/ou aux utilisateurs et administré à cette fin par un organisme indépendant du ou des bénéficiaires. Les États membres peuvent lier l’octroi des autorisations aux prestataires de services prévues à l’article 9, paragraphe 2, à l’obligation de contribuer financièrement à ce fonds
ou de se conformer aux obligations de service universel. Les obligations de service universel qui incombent au(x) prestataire(s) du service universel visée(s) à l’article 3 peuvent faire l’objet d’un financement de ce type. »

8 L’article 9 de cette même directive dispose :

« 1.   Pour ce qui est des services qui ne relèvent pas du service universel, les États membres peuvent introduire des autorisations générales dans la mesure où cela est nécessaire pour garantir le respect des exigences essentielles.

2.   Pour ce qui est des services qui relèvent du service universel, les États membres peuvent introduire des procédures d’autorisation, y compris des licences individuelles, dans la mesure où cela est nécessaire pour garantir le respect des exigences essentielles et la prestation du service universel.

L’octroi d’autorisations peut :

— être subordonné à des obligations de service universel,

— si cela est nécessaire et justifié, être assorti d’exigences concernant la qualité, la disponibilité et la réalisation des services correspondants,

— le cas échéant, être subordonné à l’obligation de contribuer financièrement aux mécanismes de partage des coûts visés à l’article 7, si la prestation du service universel entraîne un coût net et constitue une charge financière inéquitable pour le ou les prestataires du service universel désignés conformément à l’article 4,

— le cas échéant, être subordonné à l’obligation de contribuer financièrement aux coûts de fonctionnement de l’autorité réglementaire nationale visée à l’article 22,

— le cas échéant, être subordonné à l’obligation de respecter les conditions de travail prévues par la législation nationale ou imposer le respect de ces conditions.

Les obligations et exigences visées au premier tiret ainsi qu’à l’article 3 ne peuvent être imposées qu’aux prestataires du service universel désignés.

Sauf dans les cas des entreprises qui ont été désignées prestataires du service universel conformément à l’article 4, les autorisations ne peuvent :

— être limitées en nombre,

— pour les mêmes éléments du service universel ou parties du territoire national, imposer des obligations de service universel et, dans le même temps, l’obligation de contribuer financièrement à un mécanisme de partage des coûts,

— reprendre les conditions applicables aux entreprises en vertu d’une autre législation nationale non propre au secteur,

— imposer des conditions techniques ou opérationnelles autres que celles nécessaires pour remplir les obligations prévues par la présente directive.

3.   Les procédures, obligations et exigences visées aux paragraphes 1 et 2 sont transparentes, accessibles, non discriminatoires, proportionnées, précises et univoques ; elles sont publiées préalablement et se fondent sur des critères objectifs. Les États membres veillent à ce que les raisons pour lesquelles une autorisation est refusée ou retirée entièrement ou partiellement soient communiquées au demandeur et établissent une procédure de recours. »

9 Aux termes de l’article 22 de la directive 97/67 :

« 1.   Chaque État membre désigne une ou plusieurs autorités réglementaires nationales pour le secteur postal, juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes des opérateurs postaux. Les États membres qui conservent la propriété ou le contrôle des prestataires de services postaux veillent à la séparation structurelle effective de la fonction de réglementation, d’une part, et des activités inhérentes à la propriété ou à la direction de ces entreprises, d’autre part.

Les États membres notifient à la Commission les autorités réglementaires nationales qu’ils ont désignées pour accomplir les tâches découlant de la présente directive. Ils publient les tâches à accomplir par les autorités réglementaires nationales d’une manière aisément accessible, en particulier lorsque ces tâches sont confiées à plusieurs organismes. Les États membres assurent, le cas échéant, la consultation et la coopération entre ces autorités et les autorités nationales chargées de
l’application du droit de la concurrence et de la législation en matière de protection des consommateurs, sur des sujets d’intérêt commun.

2.   Les autorités réglementaires nationales ont en particulier pour tâche d’assurer le respect des obligations découlant de la présente directive, notamment en établissant des procédures de suivi et des procédures réglementaires afin de garantir la prestation du service universel. Elles peuvent également être chargées d’assurer le respect des règles de concurrence dans le secteur postal.

Les autorités réglementaires nationales collaborent étroitement et se prêtent une assistance mutuelle afin de faciliter l’application de la présente directive au sein des organismes existants appropriés.

3.   Les États membres veillent à ce qu’il existe au niveau national des mécanismes efficaces permettant à tout utilisateur ou à tout prestataire de services postaux affecté par une décision prise par une autorité réglementaire nationale d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées. Dans l’attente de l’issue de la procédure, la décision de l’autorité réglementaire nationale est maintenue, sauf si l’organisme de recours en décide autrement. »

Le droit autrichien

10 L’article 34 du Bundesgesetz über die Einrichtung einer Kommunikationsbehörde Austria (« KommAustria ») [loi relative à l’institution d’une autorité fédérale « Austria » chargée des communications (« KommAustria »), ci-après le « KOG »], relatif au financement de l’autorité réglementaire autrichienne prévoit :

« (1)   Le financement des coûts supportés par la [RTR] dans l’exécution des missions visées à l’article 17, paragraphes 2, 4, et 7, relatives à la “branche télécommunications” est assuré, d’une part, par des contributions financières et, d’autre part, par des ressources budgétaires fédérales. La subvention à la charge du budget fédéral, d’un montant annuel de 2 millions d’euros, est versé à la [RTR] en deux tranches égales, respectivement au 30 janvier et au 30 juin. Avant le 30 avril de l’année
suivante, la [RTR] présente au ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et des Technologies, un rapport sur l’utilisation de ces ressources ainsi que la clôture des comptes. Le montant total des autres coûts supportés par la [RTR] que les contributions financières ont à financer ne dépasse pas 6 millions d’euros par an. Les montants en question diminuent ou augmentent à partir de l’année 2007 en fonction des modifications de l’index des prix à la consommation 2005 publié par l’Office
fédéral autrichien de la statistique ou de l’index de l’année précédente qui le remplace.

(2)   Les contributions financières émanent de la “branche télécommunications”. La “branche télécommunications” comprend les prestataires qui, conformément à l’article 15 du [Telekommunikationsgesetz 2003 (loi fédérale sur les télécommunications 2003)], sont tenus à une obligation de déclaration, pour autant qu’il ne s’agit pas de la fourniture de réseaux et de services de communication destinés à la diffusion de radiodiffusion et de services supplémentaires de radiodiffusion (redevables de la
contribution).

(3)   Les contributions financières sont déterminées et perçues sur la base du rapport entre le chiffre d’affaires de chaque redevable et le chiffre d’affaires total spécifique à la branche, le calcul étant fondé sur la totalité des chiffres d’affaires réalisés à l’intérieur du pays par la prestation de services de télécommunications.

[...]

(13)   Au cas où une entreprise ne respecte pas ou ne respecte pas correctement son obligation de verser la contribution financière, la Telekom-Control-Kommission prescrit par décision le versement de la contribution financière. De même, les trop-perçus et les rappels au sens du paragraphe 12 sont constatés sur demande par décision. »

11 Aux termes de l’article 34a du KOG :

« (1)   Le financement des coûts supportés par la [RTR] dans l’exécution des tâches prévues à l’article 17, paragraphes 3 et 4, relatives à la “branche poste” est assuré, d’une part, par des contributions financières et, d’autre part, par des ressources budgétaires fédérales. La subvention à la charge du budget fédéral, d’un montant annuel de 200000 euros, est versée à la [RTR] en deux tranches égales, respectivement au 30 janvier et au 30 juin. Avant le 30 avril de l’année suivante, la [RTR]
présente au ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et des Technologies un rapport sur l’utilisation de ces ressources ainsi que la clôture des comptes. Le montant total des autres coûts supportés par la [RTR] que les contributions financières ont à financer ne dépasse pas 550000 euros par an. Les montants en question diminuent ou augmentent à partir de l’année 2012 en fonction des modifications de l’index des prix à la consommation 2005 publié par l’Office fédéral autrichien de la
statistique ou de l’index de l’année précédente qui le remplace.

(2)   Les contributions financières émanent de la “branche poste”. La “branche poste” comprend les prestataires de services postaux qui sont tenus à une obligation de déclaration conformément à l’article 25 de la Postmarktgesetz [(loi fédérale portant réglementation du marché postal)] ou qui sont bénéficiaires d’une concession conformément à l’article 26 de cette même loi.

(3)   L’article 34, paragraphes 3 à 15, s’applique par analogie, les termes “Telekom-Control-Kommission” étant remplacés par les termes “Post-Control-Kommission”. »

Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

12 DHL est une entreprise exerçant une activité dans le secteur de la messagerie et du courrier exprès. À ce titre, elle assure, notamment, la levée, le tri, l’acheminement et la distribution de colis d’un poids allant jusqu’à 31,5 kg ainsi que d’imprimés et de documents. Afin d’accompagner ces services, DHL propose un certain nombre de prestations à valeur ajoutée, telles que le suivi des envois et la garantie du respect des délais de distribution.

13 Par décision du 23 avril 2012, la commission de contrôle des services postaux a imposé à DHL le versement à la RTR de contributions financières pour les périodes allant du 1er juillet au 30 septembre 2011 et du 1er octobre au 31 décembre de la même année.

14 Cette décision a été prise sur le fondement de l’article 34, paragraphes 9 et 13, et de l’article 34a du KOG qui prévoit que le financement de l’activité de la RTR est assuré par les contributions financières versées par les prestataires de services postaux opérant sur le marché national, d’une part, et par les ressources budgétaires fédérales, d’autre part.

15 DHL a attaqué cette décision devant la juridiction de renvoi.

16 À l’appui de son recours, DHL soutient qu’il résulte de l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, quatrième tiret, de la directive 97/67 que seules les entreprises qui prestent des services relevant du service universel peuvent être soumises à l’obligation de contribuer aux coûts de fonctionnement de la RTR. En imposant une telle obligation tant aux entreprises qui offrent des services relevant du service universel qu’à celles qui fournissent des services qui n’en relèvent pas, le KOG
méconnaîtrait cette disposition.

17 C’est dans ce contexte que le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La directive 97/67 [...], notamment son article 9, s’oppose-t-elle à une réglementation nationale selon laquelle les prestataires de services postaux sont tenus de contribuer au financement des coûts de fonctionnement de l’autorité réglementaire nationale indépendamment du point de savoir s’ils fournissent des services faisant partie du service universel ?

2) Dans l’affirmative :

a) Suffit-il, pour donner naissance à une obligation de financement, que le prestataire concerné fournisse des services postaux qui doivent être qualifiés de services faisant partie du service universel selon la réglementation nationale, [...] mais qui vont au-delà de l’ensemble minimal de tels services imposé par [cette] directive ?

b) Y a-t-il lieu, pour la détermination de la participation d’une entreprise donnée aux contributions financières, de procéder de la même façon que pour la détermination des contributions financières au fonds de compensation prévu à l’article 7, paragraphe 4, de [ladite] directive ?

c) L’impératif du respect des principes de non-discrimination et de proportionnalité visés à l’article 7, paragraphe 5, de [la même] directive et la prise en compte de l’“interchangeabilité avec [le service universel]” visée au considérant 27 de la directive 2008/6 [...] exigent-ils alors que les parts de chiffre d’affaires afférentes à des prestations à valeur ajoutée, c’est-à-dire à des services postaux ne relevant pas du service universel mais présentant un lien avec celui-ci, soient
décomptées et ne soient pas prises en considération pour la détermination de cette participation ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, quatrième tiret, de la directive 97/67 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui fait peser sur l’ensemble des prestataires du secteur postal, y compris sur ceux qui ne fournissent pas de services relevant du service universel, l’obligation de contribuer au financement de l’autorité réglementaire en
charge de ce secteur.

19 À titre liminaire, il y a lieu d’indiquer que, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, doivent être pris en considération non seulement les termes de celle-ci, mais aussi son contexte et les objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie. La genèse d’une disposition du droit de l’Union peut également présenter des éléments pertinents pour son interprétation (voir arrêt du 2 septembre 2015, Surmačs, C‑127/14, EU:C:2015:522, point 28).

20 À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’article 9, paragraphe 1, de la directive 97/67 permet aux États membres de soumettre les entreprises du secteur postal à des autorisations générales pour ce qui est des services ne relevant pas du service universel, tandis que le paragraphe 2, premier alinéa, de cet article, prévoit la faculté pour les États membres d’introduire des procédures d’autorisation pour ce qui est des services relevant du service universel.

21 L’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, de cette directive énumère les obligations auxquelles l’octroi d’autorisations peut être subordonné, sans qu’il soit précisé à quelle catégorie d’autorisations – celles ne concernant que les services qui relèvent du service universel ou celles relatives à l’ensemble des services postaux – cet alinéa se réfère.

22 Le libellé de l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 97/67, dans la mesure où le terme « autorisations » qu’il emploie ne renvoie pas expressément au régime visé au paragraphe 1 de cet article, ni à celui visé au paragraphe 2, premier alinéa, de celui-ci, ne permet pas, en tant que tel, de déterminer si les obligations énumérées aux différents tirets de l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, de cette directive concernent l’ensemble des services postaux ou seuls les
services relevant du service universel.

23 Il résulte, en deuxième lieu, de l’analyse de la structure d’ensemble de l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 97/67 que les obligations prévues à cette disposition peuvent être imposées, selon l’obligation concernée, soit aux seuls prestataires fournissant un service universel ou un service considéré comme tel, soit à l’ensemble des prestataires de services postaux.

24 En effet, d’une part, l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, de cette directive prévoit expressément que les obligations et les exigences visées audit article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, premier tiret, ne peuvent être imposées qu’aux prestataires du service universel désignés au sens de l’article 4 de cette même directive.

25 En outre, l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, troisième tiret, de la directive 97/67 permet aux États membres de subordonner l’octroi d’autorisations à l’obligation de contribuer au fonds de compensation prévu à l’article 7, paragraphe 4, de cette directive. Telle qu’elle est rédigée, cette disposition ne vise certes pas expressément les prestataires du service universel. Toutefois, il résulte de l’article 7, paragraphe 3, de ladite directive que la faculté pour les États membres de
mettre en place un tel fonds est liée à la faculté dont ils disposent d’introduire un mécanisme de répartition du coût net des obligations de service universel, lorsque ces dernières constituent une charge inéquitable pour les prestataires. Surtout, il ressort clairement du considérant 27 de la directive 2008/6, relatif à l’obligation pesant sur les prestataires de services postaux de contribuer au financement du service universel lorsqu’un fonds de compensation est prévu, que, afin de déterminer
quelles entreprises pourraient être appelées à cotiser à ce fonds, les États membres devraient examiner si les services qu’elles fournissent peuvent, du point de vue de l’utilisateur, être considérés comme des services relevant du service universel.

26 D’autre part, l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, deuxième tiret, de la directive 97/67 permet aux États membres d’assortir l’octroi d’autorisations du respect d’exigences relatives à la qualité, à la disponibilité et à la réalisation des services correspondants. En l’absence de précision quant aux services concernés par cette obligation, il convient de souligner, à l’instar de M. l’avocat général au point 42 de ses conclusions, qu’il ressort des travaux préparatoires relatifs à la
directive 2008/6 que le législateur de l’Union a entendu supprimer non seulement les derniers obstacles à l’ouverture complète du marché pour certains prestataires du service universel, mais également tous les autres obstacles à la prestation des services postaux. En l’absence d’indication contraire et compte tenu de la nature de l’obligation en cause, il appert ainsi que l’ensemble des prestataires de services postaux peuvent être soumis à l’obligation visée à l’article 9, paragraphe 2, deuxième
alinéa, deuxième tiret, de la directive 97/67.

27 De même, l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, cinquième tiret, de la directive 97/67 permet aux États membres de subordonner l’octroi d’autorisations au respect des conditions de travail prévues par le droit national. Or, comme le fait valoir à juste titre le gouvernement autrichien, une interprétation restrictive de cette disposition – comme ne concernant que les prestataires du service universel – ne peut être retenue dès lors que l’article 9, paragraphe 1, de cette directive subordonne
l’octroi d’autorisations générales – qui concernent les services ne relevant pas du service universel – au respect des exigences essentielles visées à l’article 2, point 19, de ladite directive, lesquelles incluent le respect des conditions de travail prévues par le droit national.

28 Ainsi, il résulte de l’analyse de la structure d’ensemble de l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 97/67 que le terme « autorisations », employé à cette disposition, désigne tant les autorisations visées au paragraphe 2, premier alinéa, de cet article que celles visées au paragraphe 1 dudit article.

29 En troisième lieu, concernant l’obligation spécifique de contribuer au financement de l’autorité réglementaire en charge du secteur postal, visée à l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, quatrième tiret, de la directive 97/67, et faisant l’objet de la première question préjudicielle, il convient de relever que les activités incombant aux autorités nationales réglementaires concernent l’ensemble du secteur postal et non les seules prestations de services relevant du service universel.

30 En effet, l’article 22, paragraphe 1, de cette directive prévoit que les États membres désignent une ou plusieurs autorités réglementaires nationales pour le secteur postal. Le paragraphe 2 de cet article dispose certes que ces autorités ont pour tâche d’assurer le respect des obligations découlant de ladite directive, notamment en établissant des procédures de suivi et des procédures réglementaires afin de garantir la prestation du service universel. Toutefois, cette disposition prévoit
également que ces mêmes autorités peuvent être chargées d’assurer le respect des règles de concurrence pour l’ensemble du secteur postal.

31 Dès lors, comme le souligne M. l’avocat général au point 46 de ses conclusions, dans la mesure où le rôle et les missions dévolus aux autorités réglementaires nationales ont été conçus par le législateur de l’Union comme devant bénéficier à tous les acteurs du secteur postal, l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, quatrième tiret, de la directive 97/67 doit être interprété en ce sens que l’ensemble des prestataires de services postaux peuvent, en contrepartie, être soumis à l’obligation de
contribuer au financement des activités de ces autorités.

32 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, quatrième tiret, directive 97/67 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui fait peser sur l’ensemble des prestataires du secteur postal, y compris sur ceux qui ne fournissent pas de services postaux relevant du service universel, l’obligation de contribuer au financement de l’autorité
réglementaire en charge de ce secteur.

Sur la seconde question

33 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

Sur les dépens

34 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  L’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, quatrième tiret, de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service, telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale, telle que celle
en cause au principal, qui fait peser sur l’ensemble des prestataires du secteur postal, y compris sur ceux qui ne fournissent pas de services postaux relevant du service universel, l’obligation de contribuer au financement de l’autorité réglementaire en charge de ce secteur.

  Signatures

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( * )   Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-2/15
Date de la décision : 16/11/2016
Type de recours : Recours préjudiciel - non-lieu à statuer, Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Directive 97/67/CE – Article 9 – Services postaux dans l’Union européenne – Obligation de contribuer aux coûts de fonctionnement de l’autorité réglementaire du secteur postal – Étendue.

Droit d'établissement

Libre prestation des services

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : DHL Express (Austria) GmbH
Défendeurs : Post-Control-Kommission et Bundesminister für Verkehr, Innovation und Technologie.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: da Cruz Vilaça

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:880

Source

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