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01/05/2024 | FRANCE | N°493898

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 01 mai 2024, 493898


Vu la procédure suivante :



L'association Amnesty International France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au Premier ministre et au ministre des armées de suspendre les licences d'exportation de matériels de guerre pour les catégories ML 5 et ML 15 délivrées par le Premier ministre pour des exportations vers l'Etat d'Israël, jusqu'à ce que l'Etat d'Israël se conforme aux obligations internationales et, subsidiairement, de constat

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Vu la procédure suivante :

L'association Amnesty International France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au Premier ministre et au ministre des armées de suspendre les licences d'exportation de matériels de guerre pour les catégories ML 5 et ML 15 délivrées par le Premier ministre pour des exportations vers l'Etat d'Israël, jusqu'à ce que l'Etat d'Israël se conforme aux obligations internationales et, subsidiairement, de constater l'existence d'un risque manifeste de violations graves du droit international par l'Etat d'Israël et d'enjoindre au Premier ministre de réexaminer les licences d'exportations de matériels de guerre pour les catégories ML 5 et ML 15 vers Israël en application des dispositions de l'article L. 2335-4 du code de la défense, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2408368 du 13 avril 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Amnesty International France demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du même code :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt pour agir ;

- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;

- la compétence de la juridiction administrative doit être admise sans qu'y fasse obstacle la théorie des actes de gouvernement compte tenu, d'une part, de l'invocation de la coutume internationale, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la quatrième convention de Genève et de l'obligation, indépendamment de l'effet direct du traité sur le commerce des armes et de la position commune n° 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008, d'interpréter les dispositions de l'article L. 2335-4 du code de la défense conformément aux engagements internationaux et à la coutume internationale et, d'autre part, des violations graves du droit international commises par l'Etat d'Israël et des risques prépondérants ou manifestes que l'exportation de matériels de guerre participe à la commission de ces crimes et, en tout état de cause, eu égard au fait que la demande de suspension, qui ne concerne que deux catégories de matériels de guerre spécifiques, n'est pas de portée générale et n'a pas trait à la politique d'exportation d'armes conduite par la France ;

- il est porté atteinte au droit à la vie, au droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, à l'intérêt supérieur de l'enfant, à la dignité humaine et au droit pour la population civile de ne pas être victime de violations graves du droit international humanitaire ;

- l'atteinte portée est grave et manifestement illégale au regard de l'article L. 2335-4 du code de la défense, des stipulations des articles 6 et 7 du traité sur le commerce des armes, de l'article 2 de la position commune n° 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 et des principes du droit international humanitaire ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il existe un risque majeur que des atteintes aux libertés fondamentales précédemment évoquées aient lieu dans la bande de Gaza et compte tenu de l'annonce d'une offensive sur la ville de Rafah.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les conventions de Genève du 12 août 1949 ;

- la convention portant statut de la Cour pénale internationale, adoptée à Rome le 17 juillet 1998 ;

- le traité sur le commerce des armes signé à New York le 3 juin 2013 ;

- la position commune n° 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 ;

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'association Amnesty International France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au Premier ministre et au ministre des armées de suspendre ou de réexaminer les licences d'exportation de matériels de guerre pour les catégories ML 5 et ML 15 délivrées par le Premier ministre pour des exportations vers l'Etat d'Israël, jusqu'à ce que cet Etat se conforme aux obligations internationales. Elle relève appel de l'ordonnance du 13 avril 2024 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

3. Les injonctions sollicitées par l'association requérante ont pour objet la suspension de l'ensemble des autorisations préalables d'exportation de matériels de guerres relevant des catégories ML 5 et ML 15 à destination d'Israël afin de faire cesser l'exportation de tels matériels de la France vers cet Etat étranger. Contrairement à ce qui est soutenu et alors même qu'elle ne porterait que sur deux catégories de matériels de guerre, une telle demande a une portée générale et n'est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France. Par suite, comme l'a jugé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif de Paris par une ordonnance suffisamment motivée, la juridiction administrative n'est pas compétente pour en connaître.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de l'association Amnesty International France ne peut être accueilli. Par suite, il y a lieu de rejeter sa requête, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'association Amnesty International France est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Amnesty International France.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre des armées.

Fait à Paris, le 1er mai 2024

Signé : Anne Courreges


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 493898
Date de la décision : 01/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 mai. 2024, n° 493898
Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493898.20240501
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