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30/04/2024 | FRANCE | N°22/00250

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 30 avril 2024, 22/00250


ARRET N°

FD/CE/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 30 AVRIL 2024



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 9 mai 2023

N° de rôle : N° RG 22/00250 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPHD



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VESOUL

en date du 04 février 2022

Code affaire : 80L

Demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail



APPELANTE



Madame [E] [T] demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Emmanuelle-Marie PERNET, avocat au barreau de BESANCON, présente





INTIMEE



ASSOCIATION HOSPITALIERE DE BOURGOGNE FRANCHE COMT E, sise [Adresse 2]



représentée par Me Christop...

ARRET N°

FD/CE/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 30 AVRIL 2024

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 9 mai 2023

N° de rôle : N° RG 22/00250 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPHD

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VESOUL

en date du 04 février 2022

Code affaire : 80L

Demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail

APPELANTE

Madame [E] [T] demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Emmanuelle-Marie PERNET, avocat au barreau de BESANCON, présente

INTIMEE

ASSOCIATION HOSPITALIERE DE BOURGOGNE FRANCHE COMT E, sise [Adresse 2]

représentée par Me Christophe BERNARD, Postulant, avocat au barreau de BESANCON, absent et par Me François-Xavier BERNARD, Plaidant, avocat au barreau de DIJON, présent

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 9 Mai 2023 :

CONSEILLERS RAPPORTEURS : M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseillère, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Madame MERSON GREDLER

lors du délibéré :

M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseillère, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Mme Florence DOMENEGO, Conseillère.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 11 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe. A cette date la mise à disposition de l'arrêt a été prorogé au 26 septembre 2023, au 24 octobre 2023, au 28 novembre 2023, au 19 décembre 2023, au 30 janvier 2024, au 22 février 2024, au 26 mars 2024 puis au 30 avril 2024.

**************

Statuant sur l'appel interjeté le 10 février 2022 par Mme [E] [T] du jugement du conseil de prud'hommes de Vesoul du 4 février 2022, qui, dans le cadre du litige l'opposant à l'Association hospitaliere de Bourgogne Franche-Comté (AHBFC), a':

- rejeté les demandes de sursis à statuer présentées par l'AHBFC'

- dit que Mme [T] avait démissionné de façon abusive en date du 28 décembre 2020'

- débouté Mme [T] de l'ensemble de ses demandes'

- condamné Mme [T] à verser les sommes suivantes à l'AHBFC':

- 9 950,14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis'

- 17 038,56 euros au titre de remboursement de l'indemnité d'études'

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile'

- débouté l'AHBFC de sa demande de préjudice';

- condamné Mme [E] [T] aux entiers dépens';

Vu les dernières conclusions transmises par RPVA le 12 août 2022, aux termes desquelles Mme [E] [T], appelante, demande à la cour de':

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté de sa demande de préjudice pour démission abusive de 26 018,80 euros

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit qu'elle avait démissionné de façon abusive en date du 28 décembre 2020'

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes'

- l'a condamnée à verser à l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté les sommes de :

- 9 950,14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis'

- 17 038,56 euros au titre du remboursement de l'indemnité d'études'

- 2 000euros au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens'

- dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail est bien fondée en ce qu'elle est consécutive à des faits graves imputables à l'employeur'

- requalifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur intervenue le 28 décembre 2020 en licenciement nul en raison des faits de harcèlement moral qu'elle a subis

- ordonner en conséquence le remboursement de toutes sommes payées par ses soins dans le cadre de l'exécution provisoire de plein droit attachée à la condamnation prud'homale, soit 9 950,14 euros

- condamner l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté à lui payer :

- 2.731,02 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement';

- 12 484,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.248,45€ d'incidence congés payés';

- 15 250 euros de dommages et intérêts pour les souffrances endurées et le suivi psychologique (24 mois X 500 euros + 3.250 euros de frais de suivi psychologique)';

- 49 938 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice lié à la rupture du contrat de travail (12 mois de salaire)';

- 15 000 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité';

- constater que la clause prévoyant le remboursement par ses soins de l'indemnité d'études en cas de rupture anticipée du contrat de travail quel que soit le motif de la rupture est une clause abusive et et qu'elle doit par conséquent être réputée non écrite'

- ordonner en conséquence qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer à l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté la somme de 17038,86 euros au titre du remboursement de l'indemnité d'études perçues en raison de la rupture anticipée du contrat de travail aux torts de l'employeur'

- à titre subsidiaire, si cette clause n'était pas jugée abusive par la Cour, condamner l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté à lui payer la somme de 17 038,86 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette dernière, du fait de la rupture anticipée de son contrat de travail aux torts de l'employeur et ayant provoqué la mise en jeu de cette clause'

- à titre infiniment subsidiaire, si elle était également déboutée de sa demande de dommages et intérêts, juger que le montant du remboursement dû à l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté est de 15 967,35 euros et non 17 038,86 euros

- débouter l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté de toutes ses demandes

- condamner l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens';

Vu les dernières conclusions transmise par RPVA le 27 juillet 2022, aux termes desquelles l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté, intimée et appelante incidente, demande à la cour de':

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation Mme [T] à lui verser la somme de 26 018,80 euros au titre de réparation du préjudice causé par une démission abusive'

- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes

- requalifier la prise d'acte du 18 décembre 2020 en une démission abusive'

- condamner Mmme [T] à lui payer les sommes de':

- 9 950,14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis'

- 17 038,86 euros au titre de l'indemnité d'études'

- réformer partiellement le jugement et condamner Mme [T] à lui payer la somme de 26 018,80 euros au titre du préjudice causé par sa démission abusive'

- la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- la condamner aux entiers dépens';

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture du 6 avril 2023 ;

SUR CE,

EXPOSE DU LITIGE :

Le 20 avril 2015, Mme [E] [T], étudiante en 3ème cycle de médecine spécialisée en psychiatrie, a conclu avec l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté ( AHBFC) une convention d'indemnité d'études et de projet professionnel, aux termes de laquelle cette étudiante s'engageait à exercer, une fois ses études terminées avec succès, son activité professionnelle au sein du centre hospitalier [4], en contrepartie d' une indemnité mensuelle d'étude versée par l'association.

Selon contrat à durée indéterminée à temps partiel du 14 mai 2018, Mme [E] [T] a été engagée par l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté en qualité de médecin psychiatre.

Mme [T] a été en arrêt-maladie du 31 janvier 2020 au 20 mars 2020.

Le 26 octobre 2020, Mme [T] a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail, qui a été refusée par l'employeur par courrier du 27 octobre 2020. Par courriers des 9 et 19 novembre 2020, l'employeur a maintenu son refus d'une telle rupture et a proposé à Mme [T] de réduire son temps de travail, voire de l'affecter sur un autre site ou sur un autre service à sa convenance, et à défaut, de poser sa démission.

Par courrier recommandé reçu le 28 décembre 2020, Mme [E] [T], estimant être victime d'un harcèlement moral de la part de Mme [Z] et de sa direction, a notifié à l'AHBFC la prise d'acte de rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, prise d'acte qu'a contestée l'employeur le 4 janvier 2021.

Mme [T] a été immatriculée à l'URSSAF en qualité de 'médecin psychiatre' pour un exercice en libéral de sa spécialité à compter du 13 janvier 2021.

Imputant la rupture de son contrat de travail à son employeur, Mme [E] [T] a saisi le 19 mars 2021 le conseil de prud'hommes de Vesoul aux fins de voir dire que la rupture produira les effets d'un licenciement nul et d'obtenir diverses indemnisations, saisine qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur la rupture du contrat de travail :

Le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur lorsque ce dernier n'exécute pas ses obligations contractuelles. Si les faits le justifiaient, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et dans le cas contraire ceux d'une démission. (Cass soc 25 juin 2003 n° 01-42-335)

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne produit cependant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements de l'employeur étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail. (Cass soc 17 septembre 2015 n° 14-10.578)

Il incombe au salarié qui prend acte de la rupture du contrat de travail d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ( Cass soc - 19 décembre 2007 n°06-44.754) ).

En l'espèce, Mme [T] a adressé un courrier à l' AHBFC le 18 décembre 2020 pour prendre acte de la rupture de son contrat de travail, aux termes duquel elle reprochait à son employeur :

- d'avoir été victime de faits de harcèlement moral au sein du centre hospitalier de mai 2018 à septembre 2020, sans que l'employeur, pourtant alerté à de nombreuses reprises, ne prenne les décisions permettant d'y mettre un terme

- d'avoir dégradé ses conditions de travail

- de ne pas avoir respecté son contrat de travail.

A - Sur le harcèlement moral':

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de cet article, toute disposition ou tout acte contraire est nul, en application de l'article L. 1152-3 du code du travail.

Lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 du code du travail, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au cas présent, Mme [T] reproche à son employeur :

- de l'avoir confrontée à 'un contexte harcelant généralisé, à des conditions de travail oppressantes et à un harcèlement moral managérial au sein de l'AHBFC'

- de l'avoir soumise au harcèlement moral perpétré par Mme [Z], cadre de santé, laquelle d'une part, 'remettait en cause de manière constante ses décisions, contestait en permanence son mode de fonctionnement, tenait des propos inadaptés, agressifs et dévalorisants à l'encontre du personnel et de patients' et d'autre part, 'ignorait les décisions qu'elle prenait et désobéissait à ses prescriptions, ce qui décrédibilisait son travail'

- d'être resté inactif face aux faits de harcèlement signalés et ne pas avoir mis en oeuvre de moyens adaptés pour y mettre fin

- d'avoir adopté un comportement de manque de confiance à son égard et de surveillance de ses faits et gestes en suite de la dénonciation de tels faits à sa hiérarchie, par l'intermédiaire de M. [S], directeur général, et de M. [H], son chef de service, lesquels sont devenus suspicieux et dévalorisants de son travail qui avait pourtant toujours été loué par Mme [J], précédent chef de service

- d'avoir ainsi dégradé ses conditions de travail et son état de santé.

- sur le harcèlement managérial généralisé :

Mme [T] produit différentes pièces issues du dossier de M.[D], infirmier présent du 23 mars 2020 au 17 décembre 2020, le compte-rendu de la réunion du CHSCT du 2 juin 2015 et les attestations de Mme [F] et de M. [X] et des échanges de SMS avec des auteurs ou des destinataires non-identifiés, desquels, compte-tenu de leur caractère général ou de leur ancienneté, la cour ne peut aucunement déduire le management nocif et inapproprié dont auraient été victimes les salariés de l'AHBFC de la part de leur encadrement en 2019 et 2020.

Le harcèlement managérial ne s'excipe au surplus ni d'un éventuel turn-over des effectifs, ce dernier ne résultant aucunement de la synthèse du bilan social pour l'année 2020 produite par l'intimée, ni des compte-rendus des réunions des délégués du personnel également communiqués dans la présente instance et qui ne relatent aucun fait précis pouvant caractériser un tel comportement.

Ce fait n'est en conséquence pas établi.

- sur le harcèlement de Mme [Z], cadre de santé :

Si Mme [T] a effectivement travaillé sur l'hôpital de jour et le CMP de [Localité 3] avec cette dernière du 14 mai 2018 au 31 janvier 2020, date à laquelle la salariée a été placée en arrêt de travail, les agissements inappropriés qu'elle lui impute à son encontre ne sauraient résulter en l'état ni des 'attestations', courriers manuscrits et SMS qu'elle produit et qui ne sont accompagnés d'aucune pièce d'identité permettant de s'assurer de l'existence de leur auteur (Mme [W], M. [X], Mme [F], M. [A] ), ni du document récapitulatif des faits établi par ses soins, ni de sa lettre de prise d'acte, l'ensemble de ces documents ne revêtant aucun caractère probatoire.

Quant à Mme [C], M. [K], psychologue et M. [Y], médecin, ces derniers, qui critiquent les compétences professionnelles de Mme [Z], n'ont été témoins personnellement d'aucun fait subi par Mme [T]. Il en est de même pour M. [D], lequel se contente de faire état des injonctions paradoxales dont l'équipe soignante et lui-même étaient destinataires de la part de Mme [Z] durant l'absence de Mme [T], laquelle n'exerçait qu'à hauteur de 30 % de son temps de travail sur le CMP.

Seuls les échanges de courriels de Mme [T] avec M. [U], directeur des soins infirmiers, et M. [S], directeur général, laissent transparaître, à compter du mois d'août 2019, l'existence de difficultés relationnelles entre l'appelante et sa cadre de santé, manifestement en lien avec l'encadrement que faisait cette dernière de son équipe, sans cependant mentionner des attaques ou des comportements dont Mme [T] aurait été personnellement la destinataire.

Ces courriels ne mettent en effet en exergue que les interrogations de Mme [T] sur les 'compétences cliniques de Mme [Z], ses réelles motivations à travailler en psychiatrie' et ' sa personnalité créant de fortes tensions' , éléments ne pouvant en soi, quand bien même ils ont été confirmés par M. [Y] dans son courriel du 9 juin 2020, caractériser des agissements de harcèlement moral et ce d'autant, qu'ils proviennent d'une personne qui n'était pas placée sous leur autorité.

Aucune pièce objective ne vient ainsi illustrer 'la remise en cause de manière constante de ses décisions', ' la contestation en permanence de son mode de fonctionnement', 'l'ignorance de ses décisions' et la 'désobéissance à ses prescriptions', ou la 'décrédibilisation de son travail'.

Les griefs que Mme [T] a au contraire mentionnés dans son courriel du 20 février 2020 adressé à M. [U] et M. [S] ne concernent que des comportements, tels que ' parle des patients la porte ouverte', ' ne sort pas de mon bureau pour me parler d'un patient', 'insiste pour qu'un patient bénéficie d'une prise en charge psychométricienne', 'n'a pas voulu voir un patient alors qu'il avait des tendances suicidaires', 'fait des aller-retours entre HDJ et CMP pour n'importe quel prétexte', 'froideur, ne dit pas bonjour', 'inhibe la parole en réunion', qui, s'ils ont pu heurter à raison la pratique professionnelle de l'appelante, ne relève que du seul champ disciplinaire, dont il appartenait au directeur des services infirmiers de se saisir, sans constituer pour autant un harcèlement pour l'environnement professionnel de la salariée concernée.

Ce fait n'est en conséquence pas établi.

- sur l'absence de réaction de l'employeur :

Les échanges de courriels produits par l'appelante et le questionnaire rempli auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) témoignent que l'employeur a pris en compte 'l'incompatibilité d'humeur' entre la praticienne et son cadre de santé telle qu'elle lui avait été exposée par la salariée en août 2019 ; qu'il a rencontré sur site les protagonistes le 2 septembre 2019 ; qu'en suite du courriel du 20 février 2020, par lequel elle demandait expressément le départ de Mme [Z], il a reçu Mme [Z] le 9 mars 2020 et l'a mutée le 23 mars 2020 sur le Foyer d'accueil de [Localité 3], où Mme [T] exerçait à 0,10 ETP.

Ce faisant, Mme [Z] et Mme [T], qui n'avaient travaillé ensemble que 29 jours en 2019, ne se sont plus côtoyées en 2020, Mme [Z] ayant été en arrêt-maladie à compter du 11 mai 2020, puis en congés jusqu'à sa démission intervenue le 11 décembre 2020, bien avant la prise d'acte de Mme [T].

L'inertie reprochée à l'employeur n'est en conséquence pas établie.

- sur le harcèlement de M. [S] et de M. [H] :

Mme [T] ne produit aucune pièce objective pour étayer ses allégations selon lesquelles M. [S] et M. [H] auraient adopté un comportement de manque de confiance à son égard et de surveillance de ses faits et gestes en suite de la dénonciation de tels faits.

Il ne saurait en effet être déduit de son seul document 'récapitulatif des faits' les propos grossiers qu'elle impute à M. [S], directeur général, tels que ' il fallait être vraiment conne pour se faire harceler par une vieille', ou 'j'ai jamais vu un médecin hospitalier se faire emmerder par un cadre', ni même ' c'est ceux qui ratent médecine qui font médecin du travail - tous ce qu'ils savent faire, c'est de mettre les gens en inaptitude'.

Il en est de même pour les reproches émis à l'encontre de M. [H], nommé chef de service à compter du 23 juin 2020.

La communication des agendas 'professionnels' des psychiatres consultant au CMP dont il avait la charge et l'organisation, telle que sollicitée dans son courriel du 13 août 2020, ne ressort pas en effet en l'état comme pouvant constituer un fait de harcèlement moral.

Quant au refus de formation EDMR allégué par l'appelante, cette dernière ne justifie pas avoir sollicité une telle formation auprès de sa hiérarchie. Par ailleurs, le questionnaire transmis par l'employeur à la CPAM qu'elle produit dans ses pièces témoigne qu'elle a bénéficié de six formations sur la période du 14 mai 2018 au 28 décembre 2020 ( congrès de l'encéphale, formation à l'accompagnement des personnes victimes de traumatismes psychiques, formation management), constat ne permettant pas d'établir qu'elle aurait été sciemment exclue d'une formation nécessaire et impérative à l'exercice de sa spécialité.

En conséquence, quand bien même Mme [T] a développé à compter du 30 janvier 2020 un état dépressif, pour lequel aucune inaptitude à son poste de travail n'a cependant été relevée par le médecin du travail qui a au contraire autorisé sa reprise le 24 mars 2020, l'appelante ne justifie pas d'agissements répétés de la part de l'employeur qui, pris dans leur ensemble, laisseraient supposer une situation de harcèlement moral.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont constaté l'absence de tout harcèlement moral.

B - Sur la dégradation des condition de travail et sur le non-respect du contrat de travail:

Si ces motifs ont certes été évoqués par la salariée dans son courrier du 28 décembre 2020 pour justifier sa prise d'acte, elle n'y consacre cependant aucun développement dans ses conclusions et concentrent l'ensemble des griefs sur les faits de harcèlement moral dont elle s'estime avoir été victime.

Aucun reproche, indépendamment de l'ensemble de faits ci-dessus examinés, n'est en conséquence formulé au titre de ses conditions de travail ou de l'exécution même de son contrat de travail.

Mme [T] ne justifie en conséquence d'aucun manquement de l'employeur suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation de travail, de telle sorte que la prise d'acte du 28 décembre 2020 ne peut produire que les effets d'une démission.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [T] de ses demandes présentées au titre de l'indemnité de préavis, outre congés payés, de l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement nul et des dommages et intérêts pour les souffrances endurées et le suivi psychologique.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ces chefs.

II - Sur l'obligation de sécurité :

Aux termes de l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en organisant des actions de prévention des risques professionnels, en prévoyant des actions d'information et de formation et en s'assurant de la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'obligation de sécurité est une obligation de moyens. (Cass soc 14 novembre 2018 n° 17-18 890)

Au cas présent, Mme [T] reproche à l'employeur de ne pas avoir pris les mesures suffisantes pour faire cesser les agissements de harcèlement moral dont elle a été victime de la part d'une salariée et de sa hiérarchie.

Les éléments ci-avant examinés n'ont cependant permis d'établir ni les faits de harcèlement dont cette salariée invoquait avoir été victime, ni l'absence de réaction adaptée de la direction face aux difficultés que Mme [T] rencontrait dans l'un des services où elle intervenait à 30 %.

L'employeur justifie au contraire avoir été à l'écoute de Mme [T] et avoir procédé à la mutation de Mme [Z], dès révélation de l'ampleur de la mésentente, en conformité avec la demande que Mme [T] lui avait expressément faite dans son courriel du 20 février 2020.

Les manquements de l'AHBFC à son obligation de sécurité ne sont en conséquence pas démontrés.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

III - Sur les demandes reconventionnelles de l'AHBFC :

- sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Lorsque la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est pas justifiée et produit les effets d'une démission, le salarié doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'application de l'article L 1237-1 du code du travail. (Cass soc 15 avril 2015 n° 13-25.815)

Au cas présent, Mme [T] fait grief aux premiers juges de l'avoir condamnée à payer à l'AHBFC la somme de 9 950,14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Les développements ci-dessus confirmant l'imputabilité de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail à la salariée et cette dernière ne justifiant pas s'être trouvée dans l'impossibilité d'exécuter son préavis, Mme [T] est tenue au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis.

Le montant du salaire mensuel brut de référence fixé à 3 316,98 euros n'étant pas contesté, le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné Mme [T] à payer à l'AHBFC la somme de 9 950,14 euros sur ce fondement.

- sur la demande de dommages et intérêts pour démission abusive :

Aux termes de l'article L 1237-2 du code du travail, la rupture du contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative du salarié ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages et intérêts pour l'employeur.

La démission ne peut être qualifiée d'abusive que lorsqu'il ressort des motifs ayant conduit le salarié à résilier son contrat de travail ou dans les circonstances dans lesquelles cette résiliation est intervenue, que ce salarié a agi, soit dans l'intention de nuire à son employeur ( Cass soc- 16 mars 1993 - n° 88-45.268), soit avec légèreté blâmable. ( Cass soc- 14 octobre 1987 n° 86-40.069)

Au cas présent, l'employeur fait grief aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à sa demande de dommages et intérêts alors que Mme [T] a quitté son poste le 22 décembre 2020 sans respecter aucun préavis, qu'elle n'a de ce fait pas honoré les rendez-vous qu'elle avait fixés pour la fin de décembre ou janvier au sein de l'hôpital de jour avec les patients et qu'elle lui a ainsi occasionné un manque à gagner de 18 360 euros sur l'hôpital de jour de [Localité 3] et de 7 658,80 euros sur le centre médico-psychologique de [Localité 3].

Si le premiers juges ont reconnu le caractère abusif de la démission, sans cependant faire droit à la demande de dommages et intérêts présentée par l'employeur, l'AHBFC ne démontre cependant pas, alors même qu'une telle charge de la preuve lui incombe, l'intention de nuire ou la légèreté blâmable qu'aurait commise Mme [T] lors de sa prise d'acte.

Certes, Mme [T] a certes organisé son départ à compter de septembre 2020, en envisageant successivement plusieurs solutions pour rompre son contrat de travail, comme le rappelle à raison l'AHBFC.

Pour autant, aucun élément ne vient démontrer qu'un tel départ aurait eu pour but de porter préjudice à son employeur. Une telle preuve ne peut en effet se déduire du seul fait que Mme [T] se soit installée en activité libérale à compter du 13 janvier 2021, cette dernière n'étant au surplus pas tenu à une clause de non-concurrence.

L'AHBFC ne justifie pas plus de la légèreté blâmable qu'aurait commise la salariée. Cette dernière ne peut en effet s'entendre que comme 'une négligence grave susceptible de causer un préjudice à l'employeur', indépendamment de la non-exécution du délai de préavis qui est insuffisante pour établir le caractère abusif de la démission. (Cass soc 14 octobre 1987 n° 86-40.049)

L'AHBFC ne peut en conséquence se prévaloir de l'absence d'exécution par l'appelante de son préavis et des rendez-vous ainsi non honorés pour justifier sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré la démission abusive, mais confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts.

- sur le remboursement de la convention de financement :

Au cas présent, Mme [T] fait grief aux premiers juges de l'avoir condamnée au remboursement de la somme de 17 038,56 euros au titre de la convention d'indemnité d'études et de projet professionnel du 20 avril 2015, alors que la clause de remboursement incluse dans cette dernière est abusive et que subsidiairement, le montant restant dû n'est que de 15 967,35 euros.

Comme le rappelle cependant à raison l'employeur, la convention signée entre les parties le 20 avril 2015 est parfaitement régulière pour avoir été conclue conformément aux dispositions de l'article 1108 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Cette convention prévoyait ainsi dans son article 3, 'le bénéficiaire s'engage, une fois ses études terminées avec succès et dans les trois mois qui suivent l'obtention de son diplôme, à exercer son activité professionnelle au sein du centre hospitalier de [4] pour une durée qui sera égale à une année de travail effectif à temps complet par semestre pris en charge'.

L'article 7-3 de la même convention stipule qu' 'en cas de non-respect de l'article 3 alinéa 1, le bénéficiaire s'engage à rembourser l'intégralité des sommes qui lui ont été versées et ce au prorata du temps restant à couvrir pour honorer l'engagement et ce, dans un délai de trois mois'.

Si Mme [T] soutient qu'une telle clause est abusive, la cour relève cependant d'une part, que la convention litigieuse ne constitue aucunement un contrat d'adhésion ou un contrat entre consommateur et professionnel, mais seulement une convention entre deux parties qui ont pu discuter les clauses de ce dernier conformément à l'article 1134 du code civil et d'autre part, que les obligations ainsi négociées sont réciproques et sans aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La clause litigieuse doit en conséquence s'appliquer entre les parties et ce d'autant, que Mme [T] est seule à l'initiative de la rupture du contrat de travail.

Si Mme [T] conteste subsidiairement le montant sollicité, le décompte cependant effectué par l'employeur dans son tableau (pièce 6) ne présente aucune erreur. Mme [T] revendique en effet à tort un remboursement sur 6 ans compte-tenu de son temps partiel et non de 6,25 ans comme le retient à raison l'intimée.

La somme restant due s'élève donc à :

28 307,09 euros (somme percue à titre d'indemnités durant les études) : 2 281 jours ( nombre de jours à travailler pour le compte de l'employeur : 6,25 années x 365 jours) x 1373 jours ( nombre de jours restant après déduction des 908 jours effectués à temps partiel) = 17 038,86 euros

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné Mme [T] au paiement de cette somme et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée pour un même montant, en l'absence de tout comportement fautif imputable à l'employeur dans la mise en oeuvre de cette clause.

IV- Sur les autres chefs de demandes :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, Mme [T] sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [T] sera condamnée à payer à l'AHBFC la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi, :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Vesoul du 4 février 2022 sauf en ce qu'il a dit abusive la démission de Mme [E] [T]

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [E] [T] du 28 décembre 2020 produit les effets d'une démission, laquelle ne présente pas de caractère abusif

Condamne Mme [E] [T] au paiement des dépens d'appel

Et vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [E] [T] à payer à l'Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté la somme de 2 000 euros et la déboute de sa demande présentée sur le même fondement.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trente avril deux mille vingt quatre et signé par Mme Florence DOMENEGO, Conseiller, pour le Président de chambre empêché, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00250
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;22.00250 ?
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