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30/04/2024 | FRANCE | N°22/01069

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 30 avril 2024, 22/01069


ARRÊT N°

BUL/CE/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 30 AVRIL 2024



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 16 mai 2023

N° de rôle : N° RG 22/01069 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EQ37



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de DOLE

en date du 14 septembre 2021

Code affaire : 80J

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail



APPELANTE



S.A.S. DOLDIS (CENTRE E LEC

LERC), sise [Adresse 4]



représentée par Me Caroline LEROUX, Postulante, avocat au barreau de BESANCON, présente et par Me Sébastien BENDER, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG, présent

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ARRÊT N°

BUL/CE/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 30 AVRIL 2024

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 16 mai 2023

N° de rôle : N° RG 22/01069 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EQ37

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de DOLE

en date du 14 septembre 2021

Code affaire : 80J

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

APPELANTE

S.A.S. DOLDIS (CENTRE E LECLERC), sise [Adresse 4]

représentée par Me Caroline LEROUX, Postulante, avocat au barreau de BESANCON, présente et par Me Sébastien BENDER, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG, présent

INTIME

Monsieur [I] [J], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Xavier VALLA, Plaidant, avocat au barreau de BESANCON, présent

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 16 Mai 2023 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats

en présence de Mme Clémence GAILLARD, Greffière stagiaire

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 12 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe. A cette date la mise à disposition de l'arrêt a été prorogé au 26 septembre 2023, au 24 octobre 2023, au 28 novembre 2023, au 19 décembre 2023, au 30 janvier 2024, au 20 février 2024, au 26 mars 2024 et au 7 mai 2024. L'arrêt a finalement été rendu le 30 avril 2024.

**************

FAITS ET PROCEDURE

M. [I] [J] a été engagé par la société Distribution Casino France suivant contrat de travail a durée indéterminée du 13 avril 1987 et a exercé en dernier lieu les fonctions de dirigeant d`Hypermarché Géant Casino à [Localité 2], statut cadre, niveau 9, selon avenant du 29 décembre 2017 avec effet au 1er janvier 2018.

Le 30 juin 2019, le contrat de travail a été transféré à la société Doldis E. Leclerc (ci-après société Doldis).

Par courrier du 8 janvier 2020, M. [I] [J] a été convoqué à un entretien préalable avant licenciement, assorti d'une mise à pied conservatoire.

Suite à cet entretien qui s'est déroulé le 17 janvier 2020, en présence de Mme [P] [D] assistant le salarié, la société Doldis a, par pli recommandé du 24 janvier 2020, notifié à M. [I] [J] son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien fondé de ce congédiement, M. [I] [J] a, par requête du 20 mai 2020, saisi le conseil de prud`hommes de Dole aux fins de voir au principal juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir l'indemnisation de ses préjudices et le paiement de rappels de salaire et contreparties en temps de repos obligatoire.

Suite à un procès-verbal de partage de voix, ce conseil, sur départage et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a par jugement du 14 septembre 2021 :

- rejeté les demandes de M. [I] [J] relatives à l'indemnité compensatrice en repos, à l'indemnité de travail dissimulé et aux heures supplémentaires et congés payés afférents

- condamné la SAS Doldis (E. Leclerc) à verser a M. [I] [J] les sommes suivantes:

* 3 454 euros en paiement de la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents

* 44 899,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents

* 142 411,39 euros au titre de l'indemnité de licenciement

* 118,677,12 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rejeté la demande d'indemnité de procédure de la SAS Doldis (E. Leclerc)

- condamné la SAS Doldis (E. Leclerc) aux dépens

Par déclaration du 24 septembre 2021, la société Doldis a relevé appel de cette décision.

Suivant ordonnance du 10 février 2022, le magistrat en charge de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire au visa de l'article 524 du code de procédure civile, laquelle a été réinscrite au rôle le 30 juin 2022 après exécution du jugement querellé.

Aux termes de ses ultimes écritures du 10 octobre 2022, l'appelante demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

* alloué au salarié une indemnité de licenciement et de préavis, un rappel de salaire au titre de la mise à pied et des dommages-intérêts

- statuant à nouveau de ces chefs, débouter M. [I] [J] de ses entières demandes

- confirmer le jugement déféré pour le surplus et déclarer l'appel incident mal fondé

- en tout état de cause, condamner M. [I] [J] à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens

Suivant dernières conclusions du 24 février 2023, M. [I] [J] demande à la cour de:

A titre principal

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur ses demandes relatives au statut de cadre dirigeant, aux heures supplémentaires, aux contreparties en repos obligatoire et au travail dissimulé

Statuant à nouveau,

- condamner la société Doldis à lui payer les sommes suivantes :

* 61 040,67 euros au titre des heures supplémentaires effectuées du 1er juillet 2019 au 24 janvier 2020, en ce compris les congés payés afférents

* 30 066,75 euros au titre des contreparties obligatoires en repos dues sur les heures supplémentaires effectuées au delà du contingent annuel, outre 3 006,67 euros au titre des congés payés afférents

* 91 888,22 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

- confirmer le jugement déféré sur le principe des condamnations relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse mais le réformer s'agissant des quantum alloués au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de l'indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner en conséquence la société Doldis à lui payer les sommes suivantes :

* 102 743 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 245 930,45 euros au titre de l'indemnité de licenciement

* 3 454 euros au titre du rappel de salaire durant la mise à pied

* 341 570,40 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a statué sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société Doldis à lui payer à ce titre la somme de 197 795,20 euros

En toutes hypothèses,

- dire que, conformément à l'article 1231-6 du code civil, les sommes dues produiront intérêts à compter du 27 mai 2020, jour de la saisine et constater qu'il demande la capitalisation des intérêts par voie judiciaire

- condamner la société Doldis à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à supporter les entiers dépens

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la validité de la convention forfait jours

Selon l'article L.3121-63 du code du travail, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

L'article L.3121-65 du même code précise qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, qui porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

M. [I] [J] soutient n'avoir jamais signé de convention individuelle de forfait en jours, en sorte que la convention invoquée à son égard est sans effet à ce titre nonobstant les mentions d'un forfait jours sur ses bulletins de salaire. Il soutient par conséquent qu'il était soumis à une durée légale de travail de 35 heures hebdomadaires et qu'il peut prétendre à la rémunération des heures supplémentaires accomplies au-delà de cette durée.

La société DOLDIS fait valoir que lors du transfert du contrat de M. [I] [J], elle n'a pas eu connaissance de l'existence d'un contrat écrit et expose que la mention 'forfait jours' apparaissant sur ses bulletins de paie à compter de juillet 2019 est le fait d'une erreur de son comptable et n'a en tout état de cause qu'une valeur indicative.

Elle ajoute que le statut de cadre dirigeant de l'appelant était de surcroît incompatible avec l'existence d'une telle convention.

L'avenant au contrat signé entre le salarié et la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE le 29 décembre 2017, stipule en son article 3 : "eu égard aux responsabilités qui vous sont confiées... dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de votre emploi du temps, le fait que vous serez amené à prendre des décisions de façon autonome, et au regard de votre niveau de rémunération, vous serez considéré comme cadre dirigeant pour l'application de la législation sur la durée du travail, de telle sorte que vous ne serez soumis à aucun horaire déterminé et votre rémunération ...constitue un montant forfaitaire sans référence horaire , indépendant du temps effectivement consacré pour la bonne réalisation de la mission.'

Ce contrat de travail a été transféré à la société DOLDIS le 30 juin 2019.

Il résulte des dispositions ci-dessus rappelées que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et il est admis qu'elle requiert l'accord écrit du salarié sous forme de clause contractuelle ou de convention distincte.

Or, la cour relève qu'il n'est justifié d'aucune clause de cette nature insérée au contrat liant les parties pas plus que d'une convention distincte qui instaurerait un tel forfait.

La seule mention, dans la rubrique 'salaire de base'd'un 'forfait 218 jours' sur les bulletins de paie de juillet à octobre 2019 puis d'un 'forfait 211 jours' sur les bulletins de paie de novembre 2019 à janvier 2020, n'a effectivement qu'une valeur indicative et ne saurait se substituer aux exigences précitées. Elle est donc nécessairement erronée en l'absence de tout fondement contractuel.

Il résulte de ce qui précède qu'aucune clause de forfait jours n'a été instaurée entre les parties et que rien ne s'oppose à ce qu'il soit soumis soit à la durée légale de travail soit au statut de cadre dirigeant, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges.

II- Sur l'existence d'un statut de cadre dirigeant

La société DOLDIS fait valoir que les fonctions réellement exercées par M. [I] [J] en tant que directeur de magasin lui conféraient le statut de cadre dirigeant et qu'il ne peut sérieusement dénier un tel statut alors qu'il communique l'avenant du 29 décembre 2017, signé avant transfert avec son précédent employeur, qui contient une clause le définissant comme tel.

Elle estime que dans le périmètre de son établissement, il satisfaisait à tous les critères légaux et jurisprudentiels de ce statut.

Pour voir prospérer sa demande au titre des heures supplémentaires et contreparties obligatoires en repos, M. [I] [J] prétend que le statut de cadre dirigeant qui lui est opposé est totalement inexistant et qu'il n'a été stipulé dans l'avenant précité qu'en raison de la flexibilité horaire qu'il induit, au bénéfice de l'employeur, exclusive de toute rémunération d'heures supplémentaires.

Il précise que ne bénéficiant pas d'un tel statut de façon effective auprès de son employeur, ce statut n'a pu être transféré dans le cadre de la relation contractuelle avec l'intimée, ce d'autant qu'il disposait d'encore moins de pouvoirs au sein de la société DOLDIS.

Il soutient notamment qu'il était privé d'une large autonomie dans la prise de décisions et qu'il ne participait pas à la direction de l'entreprise.

Aux termes de l'article L.3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III relatives à la durée et l'aménagement du travail et aux repos et jours fériés.

Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Il est admis que si les trois critères ainsi fixés impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l'entreprise, il n'en résulte pas que la participation à la direction de l'entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux (Soc 19 juin 2019, n°17-28.544, Soc 9 février 2022 n°20-18.720).

Il convient donc d'examiner, au cas d'espèce, si les fonctions réellement occupées par M. [I] [J] au sein de la société DOLDIS répondent aux trois critères cumulatifs du statut de cadre dirigeant.

II-1 Le niveau de rémunération

En premier lieu, il n'est pas contestable, ni d'ailleurs contesté, que le critère tenant au niveau de rémunération soit satisfait puisque M. [I] [J] percevait un salaire de niveau 9 (en l'occurrence 6 280 euros bruts mensuels sur 13 mois hors primes), lequel selon la convention collective applicable (commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juin 2001) et l'article 2 de l'avenant n°67 du 31 mai 2018 relatif aux salaires minima conventionnels correspond au niveau le plus élevé des rémunérations.

Toutefois M. [I] [J] fait observer qu'il était soumis en apparence à une convention de forfait en jours, par nature incompatible avec la notion de cadre dirigeant, et en tire prétexte que la cour n'aurait pas même à examiner s'il satisfait aux critères cumulatifs énoncés au texte précité.

Or, l'appelant admet lui-même, dans ses développements relatifs à la validité de la convention forfait jours, qu'il n'a jamais signé une telle convention avec son employeur, ce qui conduit la cour à relever la dichotomie de son raisonnement consistant à se prévaloir à ce stade d'une telle convention, en réalité inexistante comme il l'a été démontré précédemment, après avoir soutenu qu'elle était inopérante pour prétendre aux dispositions relatives à la durée légale de travail.

Il suit de là qu'en l'absence de toute soumission à une quelconque convention de forfait en jours, l'argumentaire développé par l'appelant sur ce point est inopérant.

II-2 L'indépendance dans l'organisation du temps de travail

En deuxième lieu, il n'est pas mis en doute par le salarié que l'importance de ses responsabilités lui octroyait une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, ce que souligne au demeurant expressément l'article 3 de son avenant du 29 décembre 2017.

II-3 Une large autonomie dans la prise de décisions

En dernier lieu, la cour relève que M. [I] [J] bénéficie, selon son contrat de travail et ses bulletins de paie, de la classification de cadre niveau 9 correspondant selon l'article 10 de la convention collective précitée à des 'fonctions de responsabilités majeures, caractérisées par la participation à la définition de la politique de l'entreprise", alors que le niveau 8 correspond à des fonctions "exigeant la responsabilité du choix des moyens et de la réalisation d'objectifs'.

Il est expressément mentionné dans l'avenant du 29 décembre 2017 que le salarié est affecté en qualité de directeur d'hypermarché de [Localité 2] en position de cadre niveau 9 et qu'eu égard aux responsabilités qui lui sont confiées, dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, et au fait qu'il sera amené à prendre des décisions de façon autonome, il est 'considéré comme cadre dirigeant'.

Si le juge doit s'attacher à examiner la nature des fonctions réellement exercées par le salarié et ne pas se limiter aux informations figurant aux écrits, qui peuvent le cas échéant s'avérer divergentes, il ressort néanmoins des éléments du débat que M. [I] [J] était habilité à prendre dans le cadre du magasin à l'enseigne CASINO qu'il dirigeait des décisions de façon largement autonome.

Il doit être rappelé liminairement que la qualité de cadre dirigeant n'est bien évidemment pas exclusive du lien de subordination qui caractérise le contrat de travail qui le lie à son employeur, dès lors qu'en tant que salarié un directeur d'hypermarché est logiquement soumis à l'autorité de celui-ci, auquel il rend compte de son activité. La notion de large autonomie dans la prise de décisions ne doit par conséquent pas se confondre avec celle d'autonomie totale.

A cet égard il est notamment admis que l'assignation d'objectifs budgétaires dans le cadre d'orientations commerciales définies par la direction d'un groupe (Soc 23 novembre 2010 n° 09-41.552) ou l'observation de procédures ou process inhérents à la bonne gestion de l'organisation des services (Soc 19 janvier 2012 n°10-21.969) ne sont pas exclusives de la qualité de cadre dirigeant.

Si M. [I] [J] fait valoir que nombreuses de ses décisions exigeaient une validation de sa hiérarchie pour soutenir qu'il ne disposait pas d'une large autonomie dans la prise de décisions, c'est à l'aune des précisions susvisées que doivent être appréhendés ces process internes au groupe CASINO puis ceux de la société DOLDIS, puisque l'appelant illustre son propos par des sitiations relevées dans chacune de ces sociétés.

Ainsi, si le salarié fait observer que les recrutements nécessitaient la validation de son supérieur (CASINO), il verse tout d'abord aux débats un tableau intitulé 'liste des demandes d'embauche' et un échange de courriels (pièce n°37), lesquels ne font apparaître aucune demande d'autorisation, ainsi qu'une demande de validation en ligne émanant d'une adresse structurelle [Courriel 3], portant sur le recours ponctuel à deux intérimaires et la réponse de M. [I] [J] à une question du directeur bassin Est, M. [O] [K], portant sur l'affectation de ces deux recrues (pièce n°38).

Outre que ces deux illustrations n'établissent aucunement la nécessité d'une validation préalable, le fonctionnement allégué par l'appelant, à supposer qu'il existe, peut parfaitement s'inscrire dans un process de vérification au niveau du groupe relatif à la politique de 'recrutement' et non au regard de l'opportunité du recrutement ni du choix du candidat, sans pour autant constituer une limitation de l'autonomie du directeur d'hypermarché, étant observé qu'il n'allègue pas qu'un recrutement lui aurait été refusé.

Pareillement, si M. [I] [J] produit plusieurs exemples de consignes transmises par sa hiérarchie pour étayer sa position tendant à exclure toute autonomie dans la prise de décisions en terme de politique commerciale, il n'est cependant pas illogique qu'il ait été destinataire des informations portant sur le déploiement d'opérations menées sur l'ensemble du groupe CASINO (soldes, ventes privées, implantation d'un kiosque à sushis, baisse ponctuelle du prix des carburants, opérations promotionnelles ciblées) (pièces n°39 à 47).

S'agissant des frais généraux et interventions de maintenance, si M. [I] [J] prétend que leurs engagements exigeaient une validation (pièce n°35), il est d'usage qu'un service de frais généraux soit mis en place au niveau d'un groupe afin de centraliser les achats de ses établissements en vue de réduire les coûts et qu'un service de maintenance centralise la maintenance et le renouvellement des matériels des magasins afin d'assurer la sécurité, la qualité et le suivi après vente des matériels.

Dans ces conditions, s'il est avéré que les directeurs d'hypermarchés CASINO étaient incités à recourir à ce mode d'engagements afin de bénéficier de l'économie d'échelle qui en résultait, il ne s'agit pas en réalité d'un process de validation préalable. Pareillement, M. [I] [J] ne prétend pas s'être vu opposer des refus à ses demandes à cet égard.

Il en résulte que M. [I] [J] prenait des décisions de manière autonome et participait pleinement à la direction de son établissement (CASINO) sans que les quelques échanges électroniques produits entre lui et sa hiérarchie ne constituent l'expression d'une autorisation préalable systématique donnée par M. [O] [K] (directeur du bassin Est) à l'ensemble de ses décisions.

Ainsi M. [I] [J] avait bien la qualité de cadre dirigeant au sein de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et c'est à l'évidence par une appréciation exagérée et subjective que M. [Z] [G], directeur d'hypermarché CASINO en région parisienne, considère dans son attestation que les directeurs de magasins étaient de 'simples exécutants de la politique et des décisions du groupe' et que le statut de cadre dirigeant est surfait du fait de la mise en place de validation en amont' (pièce n°48).

M. [I] [J] allègue ensuite avoir perdu toute autonomie au profit de M. [A] [U], président directeur général (PDG) de la société DOLDIS, postérieurement au transfert de son contrat de travail, le 1er juillet 2019, au point de n'être plus du tout associé à la direction du magasin.

Il verse aux débats pour étayer son allégation deux attestations de Mme [E] [C], alors directrice administrative et financière de la société DOLDIS, et une attestation de M. [N] [M], cadre commercial (pièces n°8, 67 et 68).

C'est en premier lieu à tort que les premiers juges ont écarté le témoignage de Mme [E] [C] à raison d'un défaut d'objectivité suite au licenciement pour faute grave dont elle a fait l'objet en avril 2020.

Ce témoignage ne saurait en effet être privé de toute force probante au seul motif que la rupture de son contrat de travail a été conflictuelle, alors que la société DOLDIS n'allègue pas avoir déposé plainte pour faux témoignage à l'encontre de cette dernière et que les faits relatés de façon circonstanciée par ce témoin sont confortés par le témoignage de M. [N] [M].

Il résulte de ces deux témoignages particulièrement précis et illustrés d'exemples que:

- M. [A] [U], PDG, gérait en direct et seul le magasin LECLERC de [Localité 2] dont M. [I] [J] était directeur et n'associait pas ce dernier aux réunions diverses (calculs tarifaires, comptes de gestion, organisation du magasin)

- M. [I] [J] a été écarté des réunions du CSE, présidées par M. [A] [U], dès août 2019

- M. [I] [J] était écarté de la gestion des ressources humaines et se voyait opposer des refus d'embauches par le PDG, qui recevait les candidats, décidait seul des recrutements et signait seul les contrats, sans délégation de signature et octroyait seul les congés des personnels, ce que confirme un courriel du 22 octobre 2019 de la responsable RH (pièce n°69)

- les réunions commerciales hebdomadaires étaient préparées et présidées par M. [A] [U], lequel en a écarté M. [I] [J] pour ne plus y convier que les chefs de secteur

- les initiatives et consignes commerciales émanaient du PDG

- la maintenance et l'achat de fournitures étaient gérées par le PDG et M. [I] [J] n'avait aucune autonomie pour la validation des factures

La société DOLDIS, qui certes n'a pas la charge de la preuve en la matière, ne verse néanmoins aux débats aucune pièce de nature à contredire les témoignages qui précèdent.

Il suit de là que l'appelant, qui ne disposait plus de façon effective d'une large autonomie dans la prise de décisions et ne participait plus à la direction du magasin dont il était le directeur ne peut se voir reconnaître le statut de cadre dirigeant au sein de cette société en dépit de la référence à ce statut dans son contrat de travail (Soc. 13 avril 2022 n°20-23217).

C'est donc à tort que les premiers juges ont retenu que M. [I] [J] bénéficiait au sein de la société DOLDIS d'un statut effectif de cadre dirigeant.

III - Sur les heures supplémentaires et les contreparties obligatoires en repos

Dès lors que M. [I] [J] ne bénéficiait pas de façon effective du statut de cadre dirigeant au sein de la société DOLDIS, à défaut de disposer d'une large autonomie dans la prise de décisions et dans la gestion du magasin LECLERC, dont il était le directeur, il peut valablement se prévaloir des dispositions relatives à la durée légale de travail de 35 heures hebdomadaires.

Il fait valoir à ce titre qu'il a effectué entre le 1er juillet 2019 et le 24 janvier 2020 des heures supplémentaires dont il sollicite le paiement à hauteur de 55 491,52 euros, outre 5 549,15 euros au titre des congés payés afférents.

La société DOLDIS s'y oppose fermement eu égard au statut de cadre dirigeant de son salarié, qu'elle estime établi, et fait valoir à titre subsidiaire que le tableau communiqué par l'appelant pour prétendre au paiement d'heures supplémentaires ne répond pas aux exigences de précision requises par une jurisprudence constante. Elle souligne en outre plusieurs incohérences entre ce tableau et les bulletins de paie de l'intéressé ainsi qu'avec les attestations de collègues, dont elle met par ailleurs en cause la crédibilité et soutient que ce tableau a manifestement été établi pour les besoin de la cause alors qu'aucune doléance ou réclamation n'avait antérieurement été formalisée par l'intimé s'agissant du temps de travail.

Selon l'article L.3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Il est de jurisprudence constante que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées et que l'absence de revendications préalables portant sur le paiement d'heures supplémentaires par le salarié ne lui interdit pas d'en revendiquer ultérieurement le paiement dans la limite des délais de la prescription.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures effectuées, l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d'instruction qu'il estime utile.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient donc au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M. [I] [J] produit (pièce n°9) un tableau récapitulant ses horaires journaliers et les heures supplémentaires qu'il allègue avoir accomplis de juillet 2019 à janvier 2020 inclus au sein de la société DOLDIS, lequel constitue un élément suffisamment précis, permettant à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments (Soc. 8 juillet 2020, n°18-26385).

Il incombe dans ces conditions à l'employeur de démontrer que les horaires effectués par son salarié n'étaient pas ceux qu'il allègue sur la période concernée et qu'aucune heure supplémentaire ne doit lui être rémunérée, ainsi qu'il le soutient, étant observé qu'aucune heure supplémentaire n'apparaît sur les bulletins de salaire des mois correspondants, compte tenu du statut présupposé de cadre dirigeant de l'intéressé.

Or, si la société DOLDIS s'abstient de justifier des heures réellement effectuées par celui-ci, c'est avec pertinence qu'elle fait observer que, compte tenu de la grande autonomie dans la gestion de son emploi du temps dont jouissait son directeur, ce dont il ne disconvient à aucun moment en la cause, la similitude des horaires mentionnés dans le tableau, en ce compris les pauses méridiennes toutes identiques, interroge quant à sa fiabilité.

Il est par ailleurs exact que M. [N] [M] indique 'pendant trois mois j'ai pu constater son arrivée en magasin dès 5h du matin afin de répartir les tâches' et 'il quittait le magasin parfois même très tard le soir'. Or, s'il est peu vraisemblable que l'attestant ait pu lui-même en tant que cadre commercial être contraint à être présent dès 5 heures au magasin durant trois mois et pouvoir personnellement attester sur ce point, le tableau dont se prévaut l'appelant ne mentionne aucune heure tardive de fin de service en ce qui le concerne, de sorte que l'incohérence soulignée par l'employeur est pertinente.

Enfin, l'employeur relève à juste titre des incohérences quant aux périodes de congés par comparaison entre le tableau et les bulletins de paie correspondants, de nature à conforter l'absence de fiabilité du tableau litigieux.

Enfin, M. [I] [J] expose, dans de longs développements, que ses fonctions et responsabilités sur cette période ont été considérablement amoindries au point de se qualifier de simple exécutant des décisions prises par le PDG et il a été retenu qu'il n'était plus convié aux réunions de direction.

A la lumière de l'ensemble de ces faits, la cour dispose des éléments suffisants pour considérer que si l'intéressé a effectivement effectué des heures supplémentaires, il ne peut valablement prétendre au quantum invoqué. Il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 6 000 euros en paiement des heures supplémentaires effectuées de juillet 2019 à janvier 2020 inclus, outre celle de au 600 euros au titre des congés payés afférents.

Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté purement et simplement la demande de M. [I] [J] au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents et le jugement querellé sera donc infirmé de ce chef.

En revanche, il ne résulte pas des productions que les heures supplémentaires effectuées par le salarié ont excédé le contingent d'heures supplémentaires (180 heures annuelles selon la convention collective applicable) ouvrant droit à une contrepartie obligatoire en repos. Sur ce point le jugement querellé sera donc, par substitution de motifs, confirmé en ce qu'il a débouté M. [I] [J].

IV - Sur l'indemnité pour travail dissimulé

M. [I] [J] sollicite au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé prévue à l'article L.8223-1 du code du travail, la somme de 91 888,22 euros et fait valoir au soutien de sa prétention que dès lors qu'il a été soumis au mécanisme du forfait en jours sans avoir signé une convention à ce titre, le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié prévue par ce texte est caractérisé.

Toutefois, l'appelant ne peut valablement se prévaloir de la jurisprudence qu'il cite dans ses écrits, dès lors qu'elle ne lui est pas transposable puisqu'il n'a pas été soumis au mécanisme du forfait en jours mais disposait conventionnellement du statut de cadre dirigeant exclusif de toute référence à un temps de travail.

En application de l'article L. 8221-5 du code du travail, il incombe au salarié qui demande l'application des dispositions de l'article L. 8223-1 du même code, de démontrer que l'employeur s'est intentionnellement soustrait aux obligations rappelées à l'article L. 8221-5.

Or une telle démonstration n'est pas apportée par le salarié. En effet, jusqu'à la mise en cause, dans le cadre du présent litige, par M. [I] [J] de l'effectivité de son statut de cadre dirigeant, la société DOLDIS a pu légitimement et de bonne foi considérer son salarié en cette qualité, de sorte que l'intention de dissimulation n'est pas démontrée. La demande d'indemnité sera rejetée et le jugement entrepris confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a rejeté cette demande.

V- Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave incombe au seul employeur qui s'en prévaut pour fonder le licenciement.

La lettre de licenciement du 24 janvier 2020, qui fixe les limites du présent litige et à laquelle la cour renvoie pour un plus ample exposé de la teneur, impute au salarié les faits suivants :

- des manquements graves et répétés à la sécurité des personnes et aux règles d'hygiène et de sécurité

- la présence de produits périmés en rayons ou vendus à des clients en drive, la présence de produits chimiques à proximité de denrées alimentaires et la conservation de produits en coupure de la chaîne du froid

- des problèmes de stockage de produits

- un non respect de son rôle de manager (absence de prise de sanction suite à la plainte d'une salariée, non affichage des congés)

La société DOLDIS fait grief aux premiers juges d'avoir considéré que les griefs articulés à l'encontre de son salarié, bien qu'établis et non contestés mais simplement minimisés par celui-ci, ne suffisaient pas à fonder valablement non seulement une faute grave mais encore une cause réelle et sérieuse de licenciement.

M. [I] [J] estime que les faits relevés relativement aux règles d'hygiène et de sécurité sont des événements jalonnant la vie courante d'un magasins de 126 salariés et d'une surface de vente de 6 600 m2, qui ne sauraient lui être imputés, à telle enseigne qu'il ont perduré après son départ, comme en atteste l'audit réalisé en septembre 2020.

Il affirme que le dernier grief tenant à son rôle de manager n'est pas établi.

Il prétend que ces griefs ne sont que des prétextes pour se séparer de lui à moindres frais et le remplacer par une nouvelle recrue, jusqu'alors mise à disposition au sein du magasin.

Il convient d'examiner successivement les faits fautifs invoqués au soutien de la mesure de licenciement.

V-1 le manquement au rôle de manager

Si la société DOLDIS fait enfin grief à son directeur de n'avoir donné aucune suite disciplinaire, après la plainte d'une salariée au sujet d'agissements d'un collègue à son endroit fin octobre 2019 constitutifs de risques psychosociaux, sauf à recevoir la personne mise en cause, et contraignant son PDG à intervenir lui-même en janvier 2020, il n'est communiqué aucune pièce au soutien de ce grief pas plus qu'il n'est précisé la nature des agissements ou l'identité des protagonistes, de sorte que la cour n'est pas en mesure d'en apprécier la matérialité et le caractère fautif.

C'est par conséquent à juste titre que les premiers juges ont retenu que ce grief n'était pas établi.

V-2 le manquement aux règles d'hygiène et de qualité des produits

Pour caractériser ce grief, la société DOLDIS produit :

- un commentaire de client drive posté le 26 novembre 2019 sur le site du magasin informant de la présence de certains produits périmés depuis le 24 novembre parmi les produits retirés, soulignant la gravité de ce constat et invitant le magasin à davantage de vigilance ainsi qu'un courriel du même jour adressé par le PDG à l'intimé l'invitant à contrôler le rayon et à recevoir en entretien les collaborateurs du rayon

- un courriel du 4 décembre 2019 accompagné de deux illustrations photographiques par lequel le PDG s'adresse à l'intimé en déplorant qu'en dépit d'une alerte avant l'ouverture à ce sujet le matin même il aie, à 15 heures 30, trouvé en rayon des produits récemment périmés alors que la vitrine 'zero gâchis' est quasiment vide, et déplorant que des produits soient jetés alors que la consigne est précisément de les mettre en zéro gâchis

- un courriel du 10 décembre 2019 du PDG invitant M. [I] [J] à être vigilant en matière de sécurité alimentaire sur la tenue des laboratoires notamment, au nettoyage et au respect des règles d'hygiène ('couteau plein de sang qui traîne sur une table en boucherie ls à 19h') et lui enjoignant d''appuyer sur [H] sur ces sujets qui doit vous faire des retours hebdomadaires sur le suivi qualité'

- un courriel du PDG du 11 décembre 2019 accompagné de plusieurs clichés photographiques, déplorant une 'tenue des couloirs juste inadmissible et pas en adéquation avec (nos) obligations... complètement hors cadre légal', rappelant que les locaux doivent être irréprochables et relevant des 'gants sales qui traînent sur une table de travail, des produits dates courtes dans des caddies et chariots hors chaîne du froid, des déchets alimentaires au sol, une bouteille de white spirit sur une palette d'oeufs. Le PDG précise revenir le vendredi suivant et attendre des résultats et du suivi et invitation son directeur à impliquer [H] dans ces sujets, qui doit être 'vos yeux et vos oreilles sur les sujets liés à la qualité'

- un audit réalisé les 4, 5 et 6 février 2020 faisant apparaître un nombre important d'anomalies tenant à une rupture de la chaîne du froid, un manque d'hygiène et de propreté dans les chambres froides, sur les équipements et étals et en magasin et diverses erreurs d'étiquetage et concluant ses constatations par l'attribution d'une note de 417,11/1000 alors que la note de 700/1000 est jugée satisfactoire et que l'audit effectué en septembre 2020 donne à voir que l'établissement a obtenu une note de 855,27/1000

V-3 le manquement aux règles de sécurité et de propreté

La société DOLDIS verse aux débats :

- un courriel du 10 novembre 2019 émanant du PDG à M. [I] [J] l'invitant à faire régulièrement le tour de la cour et à procéder au 'nettoyage des quais qui sont infectes (bennes pleines, quais encombrés, balayage des feuilles, déchets liés aux travaux') et insistant sur deux points en ces termes : 'stockage interdit le long du bâtiment ! Piles, bonbonnes de gaz ! Urgent urgent. Problème de déchets fleg toujours pas résolu'

- des clichés photographiques illustrant cet état d'encombrement et de saleté des quais et des abords du bâtiment

- un courriel du 10 décembre 2019 rappelant en caractères gras à M. [I] [J] l'urgence à faire procéder à l'enlèvement des piles et bonbonnes de gaz le long du bâtiment et indiquant 'nous ne respectons pas les règles de sécurité incendie sur les extérieurs'

* * *

Si les premiers juges ont pertinemment relevé que l'enlèvement des piles et bonbonnes, pourtant qualifié de particulièrement urgent au regard de l'obligation de sécurité, avait fait l'objet d'un rappel à l'attention de M. [I] [J], c'est à tort qu'ils ont retenu que les anomalies constatées, en particulier liées à l'hygiène ne pouvaient constituer des faits répétés au prétexte qu'ils concerneraient des parties différentes du magasin, alors que M. [I] [J], en sa qualité de directeur, était tenu à une obligation d'encadrement et de contrôle de l'ensemble des rayons de l'établissement et aurait dû s'assurer du respect par ses équipes des consignes d'hygiène et de sécurité.

La circonstance que ces faits n'aient fait l'objet d'aucun avertissement préalable et aient été observés sur une courte période (deux mois néanmoins) importe peu quant à l'appréciation de leur caractère fautif du comportement du salarié, il n'en demeure pas moins qu'ils sont avérés et non formellement contestés par le salarié qui en limite simplement la portée quant à sa responsabilité personnelle.

A la différence des premiers juges, la cour considère que, sans toutefois caractériser une faute grave comme l'a retenu l'employeur, ces faits sont constitutifs d'une cause réelle et sérieuse justifiant la mesure de licenciement prononcée à l'égard de M. [I] [J].

Le jugement entrepris mérite par conséquent réformation en ce qu'il a jugé le licenciement de celui-ci dépourvu d'une telle cause.

VI- Sur les conséquences pécuniaires

La cour, par arrêt infirmatif sur ce point, retenant que le licenciement de l'appelant repose sur une cause réelle et sérieuse, ne peut qu'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts à M. [I] [J] pour licenciement abusif.

Si l'appelante qui conclut à l'existence d'une faute grave et au rejet des demandes pécuniaires adverses liées au licenciement, l'intimé a formé un appel incident s'agissant des quantum alloués par les premiers juges au titre de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis, et il doit être tenu compte, dans les limites retenues ci-après, des heures supplémentaires partiellement admises à hauteur de cour.

VI-1 l'indemnité conventionnelle de licenciement

Si le jugement déféré a alloué au salarié la somme de 142 411,39 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'intimé sollicite, selon le même calcul, en y ajoutant cependant les heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies de janvier à décembre 2019, la somme de 245 930,45 euros, majoration incluse.

En vertu des dispositions conventionnelles applicables, les cadres justifiant de 20 ans d'ancienneté au moins peuvent prétendre à une indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à 12 fois le salaire de référence mensuel et la somme correspondante est majorée de 20% lorsque le salarié est âgé de 45 ans ou plus à la date du licenciement, ce qui est le cas de M. [I] [J], âgé de 57 ans à cette date.

M. [I] [J] est mal fondé à se prévaloir d'heures supplémentaires sur la période de janvier à juin 2019 alors qu'il a été retenu qu'il bénéficiait alors du statut effectif de cadre dirigeant.

Reprenant en partie le calcul opéré par les premiers juges sur la base des douze derniers salaires bruts portant sur un mois de travail complet (janvier à décembre 2019), incluant les primes, auxquels il convient cependant d'ajouter les heures supplémentaires dans la limite retenue précédemment par la cour, il y a lieu d'allouer au salarié à ce titre la somme de (10 389,68 X 12) X 20% = 149 611,39 euros.

Le jugement déféré sera par conséquent réformé sur le quantum alloué.

VI-2 l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

En vertu des dispositions collectives applicables au contrat, les salariés ayant un coefficient d'au moins 400, comme c'est le cas de M. [I] [J] ($gt;546) bénéficient d'un préavis de 6 mois (article 1.6.1).

Sur la base d'un salaire brut mensuel de 6 280 euros, d'une prime annuelle proratisée de 523 euros et compte tenu qu'il n'apparaît pas au vu des faits de la cause que l'intéressé effectuait de façon habituelle et constante des heures supplémentaires, la cour considère que c'est à bon droit que les premiers juges ont alloué à M. [I] [J] la somme de 40 818 euros à ce titre, outre celle de 4 081,80 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

VI-3 le rappel de salaire au titre de la mise à pied

L'intimé conclut à confirmation en ce que le jugement déféré lui a alloué la somme de 3 140 euros brut au titre de la période de mise à pied conservatoire, outre celle de 314 euros au titre des congés payés afférents, laquelle est parfaitement justifiée.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

VII- Sur les demandes accessoires

Les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2020 et les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sollicitée par le salarié étant de droit, elle sera accordée.

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.

Dès lors que l'issue du litige donne gain de cause au salarié pour une large partie de ses prétentions, il lui sera alloué la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, la demande de l'intimée formée sur ce fondement étant rejetée.

La société DOLDIS sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux heures supplémentaires, au quantum de l'indemnité de licenciement allouée et en ce qu'il alloue des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement prononcé à l'égard de M. [I] [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Condamne la SAS DOLDIS (E. LECLERC) à payer à M. [I] [J] les sommes suivantes :

- 6 000 euros au titre des heures supplémentaires effectuées du 1er juillet 2019 au 24 janvier 2020 inclus, outre celle de au 600 euros au titre des congés payés afférents

- 149 611,39 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2020 et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt.

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts au taux légal.

Déboute M. [I] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et du surplus de ses demandes indemnitaires.

Déboute la SAS DOLDIS (E. LECLERC) de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel.

Condamne la SAS DOLDIS (E. LECLERC) à payer à M. [I] [J] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS DOLDIS (E. LECLERC) aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trente avril deux mille vingt quatre et signé par Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller, pour le Président de chambre empêché, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01069
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;22.01069 ?
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