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29/06/1973 | CANADA | N°[1974]_R.C.S._826

Canada | Western Construction and Lumber Co. Ltd. c. Jorgensen, [1974] R.C.S. 826 (29 juin 1973)


Cour suprême du Canada

Western Construction and Lumber Co. Ltd. c. Jorgensen, [1974] R.C.S. 826

Date: 1973-06-29

Western Construction and Lumber Co. Ltd. et Freeway Construction Northern Ltd. (Demanderesses) Appelantes;

et

Derek Jorgensen, R. Bonar, A. Medley, H. Mulrooney et International Union of Operating Engineers, local 115 (Défendeurs) Intimés.

1973: les 13, 14 et 15 mars; 1973: le 29 juin.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU TERRITOIRE DU YUKON

Relations du tr

avail — Inciter à une grève illégale ou la causer — Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes...

Cour suprême du Canada

Western Construction and Lumber Co. Ltd. c. Jorgensen, [1974] R.C.S. 826

Date: 1973-06-29

Western Construction and Lumber Co. Ltd. et Freeway Construction Northern Ltd. (Demanderesses) Appelantes;

et

Derek Jorgensen, R. Bonar, A. Medley, H. Mulrooney et International Union of Operating Engineers, local 115 (Défendeurs) Intimés.

1973: les 13, 14 et 15 mars; 1973: le 29 juin.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU TERRITOIRE DU YUKON

Relations du travail — Inciter à une grève illégale ou la causer — Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail, S.R.C. 1952, c. 152.

Les compagnies appelantes construisaient des routes en vertu de contrats. Les quatre particuliers intimés étaient membres d’un comité établi à une réunion mixte du Prince George Building Trades Council et du Allied Hydro Crafts Council, et qui avait été chargé de visiter les chantiers de construction et les camps du nord de la Colombie-Britannique et du Yukon et de faire rapport aux Conseils. Ils ont visité le chantier des appelantes et ont rencontré différents employés avec qui ils se sont alors entretenus d’injustices salariales et de mauvaises conditions de travail. Le syndicat intimé a demandé son accréditation comme agent négociateur pour les ouvriers de ce chantier engagés dans la construction. Il s’ensuivit des débrayages intermittents et les salariés ont participé à une grève illégale. Les appelantes ont intenté une action non pas contre les salariés mais contre les intimés, alléguant que ceux-ci, (1), avaient usé de menaces et (ou) d’intimidation et par là avaient engagé et (ou) contraint et (ou) incité les employés à cesser de travailler, et, (2), avaient, par leurs actes illicites, fait en sorte que les employés fassent une grève et du piquetage illégalement, causant par là des arrêts de travail. Le juge de première instance a conclu d’après les faits que les intimés n’ont pas eu recours aux menaces ou à l’intimidation et que la preuve ne démontre pas que des intimés ont exhorté des employés à débrayer. La Cour d’appel est allée plus loin en absolvant les intimés de tout acte de persuasion, d’incitation, de conseil ou d’encouragement quant à la grève.

[Page 827]

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

Se mêler aux employés et leur faire prendre conscience d’injustices salariales et de mauvaises conditions de travail n’a pas, dans toutes les circonstances de l’espèce, établi une base de responsabilité. On n’a pas établi qu’il y avait eu de la part des intimés une ingérence donnant ouverture à poursuites dans le contrat des appelantes. L’argument des appelantes fondé sur le principe de responsabilité tiré de l’arrêt International Brotherhood of Teamsters c. Thérien, [1960] R.C.S. 265, et selon lequel une infraction à une loi (Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends de travail, S.R.C. 1952, c. 152) constitue un moyen illégal même en l’absence de complot, ne peut être retenu, pour deux motifs: premièrement, seul cet intimé qui était un agent syndical du syndicat intimé pouvait être visé par cette façon de formuler la cause d’action, et, deuxièmement, cette affaire-là est loin de ressembler à la présente sur les faits et sur les rapports des parties entre elles.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du territoire du Yukon rejetant un appel d’un jugement du Juge Morrow. Pourvoi rejeté.

T. Mayson, c.r., pour les demanderesses, appelantes.

R. Martin, pour les défendeurs, intimés.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE LASKIN — Les appelantes en l’instance sont deux compagnies qui construisaient des routes au Yukon en vertu d’un contrat avec le ministère fédéral des Travaux publics. Entre le 13 et le 18 août 1967, les salariés du chantier se sont livrés à des débrayages intermittents mettant en cause des parties de certaines équipes et l’ensemble d’autres équipes durant cette période. Il est admis de part et d’autre que les salariés ont pris part à une grève illégale suivant la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail, S.R.C. 1952, c. 152. Les appelantes cherchent à se

[Page 828]

faire indemniser des dommages subis en raison de la grève, en poursuivant non pas les salariés mais les quatre particuliers intimés et le Local 115 de l’Union internationale des opérateurs de machines lourdes (International Union of Operating Engineers), laquelle avait demandé son accréditation comme agent négociateur pour les ouvriers engagés dans la construction de cette route.

Les quatre particuliers intimés faisaient partie d’un comité de sept membres qui avait été établi à une réunion mixte du Prince George Building Trades Council et du Allied Hydro Crafts Council au début du mois d’août 1967, et qui avait été chargé de visiter les chantiers de construction et camps du nord de la Colombie-Britannique et du Yukon et de faire rapport sur les conditions à ces endroits, de façon à permettre aux Conseils et à leurs syndicats affiliés de déterminer quel genre d’organisation syndicale serait réalisable dans ces régions. Au cours de leurs voyages, ils ont entendu parler du chantier des appelantes et l’ont visité; ils s’y sont entretenus avec divers salariés au sujet de leurs salaires et de leurs conditions de travail. Il semble que là où les conditions syndicales avaient cours sur les chantiers de construction du Yukon, les taux de salaire étaient considérablement plus élevés que ceux payés aux salariés des appelantes, et que certains de ceux-ci avaient exprimé leur mécontentement à l’égard de leurs taux de salaire et de certaines autres conditions avant que les intimés n’arrivent inopinément sur le chantier des appelantes.

Deux causes d’action ont été avancées comme engageant la responsabilité des intimés. Ils ont été accusés: (1) d’avoir injustement menacé et (ou) intimidé les préposés et les ouvriers des appelantes de violence et perte d’emploi et par là de les avoir engagés et (ou) contraints et (ou) incités à laisser leur travail chez les appelantes et à cesser de travailler sur le chantier routier; et (2) par leurs actes illicites, d’avoir fait en sorte que lesdits préposés et ouvriers fassent une grève et du piquetage illégalement, causant par là un arrêt des travaux en voie d’exécution par les appelantes. Il y a des

[Page 829]

conclusions concordantes sur les faits que les intimés n’ont pas eu recours aux menaces ou à l’intimidation comme il est allégué dans la première cause d’action, et il y a aussi des conclusions concordantes sur les faits que la preuve n’a pas démontré que des intimés ont exhorté des employés à faire la grève ou à débrayer. En fait, la Cour d’appel est allée plus loin que le juge de première instance en absolvant les intimés de toute complicité par persuasion, incitation, conseil ou encouragement quant à la grève. Sur ce point, les juges de la Cour d’appel n’ont pas été d’accord avec le juge de première instance que trois des intimés (pour reprendre les termes de ce dernier) [TRADUCTION] «ont certainement contribué par leurs actes à ce qui est devenu un débrayage» et qu’ils ont donc encouru une responsabilité. (Le juge de première instance avait rejeté l’action contre l’intimé Bonar et contre le Local 115). Comme l’a dit M. le Juge d’appel Robertson, [TRADUCTION] «on ne peut convenablement déduire de la preuve que… les intimés ‘ont contribué par leurs actes à ce qui est certainement devenu un débrayage’ si, au moyen des mots utilisés, on veut dire que des actes qui ont été posés l’ont été avec l’intention d’amener un débrayage». En deux mots, se mêler aux employés et leur faire prendre conscience d’injustices salariales et de mauvaises conditions de travail n’a pas, dans toutes les circonstances de l’espèce, établi une base de responsabilité.

Je suis d’accord avec les conclusions sur les faits tirées par la Cour d’appel et je pense aussi comme elle qu’on n’a pas établi qu’il y a avait eu de la part des défendeurs une ingérence donnant ouverture à poursuites dans le contrat de construction passé entre les appelantes et le ministère fédéral des Travaux publics. En cette Cour, l’avocat des appelantes n’a pas fondé leur recours simplement sur l’allégation d’ingérence dans le contrat ou d’incitation à le rompre (c’est la question de droit que la Cour d’appel a principalement considérée) mais aussi et surtout sur ce que, pour plus de commodité, je puis appeler

[Page 830]

une cause d’action de l’affaire «Thérien», fondée sur le principe de responsabilité énoncé par cette Cour dans l’arrêt International Brotherhood of Teamsters c. Therien[1]. On a soutenu qu’il y a eu infraction à la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail, que cela constituait des moyens illégaux, au sens de l’arrêt Thérien, par lesquels les intimés se sont ingérés dans le contrat de construction des appelantes, et qu’une responsabilité s’est ensuivie même s’il n’y avait pas d’allégation de complot. Seul l’intimé Jorgensen, qui était un agent syndical à Prince George du syndicat intimé, pouvait, à mon sens, être visé par cette façon de formuler la cause d’action des appelantes.

Dans l’affaire Thérien, un syndicat avait menacé de violer la convention collective qui le liait à une compagnie de construction en se proposant de faire le piquetage de la compagnie si le demandeur, un entrepreneur indépendant qui fournissait un service de camionnage à la compagnie, ne devenait pas membre du syndicat. Vu qu’il était lui-même un employeur, le demandeur n’était pas libre, en vertu de la loi applicable, de devenir membre d’un syndicat. A cause de la menace illégale du syndicat, la compagnie a renoncé aux services du demandeur. Cette cause-là est loin de ressembler à la présente sur les faits et sur les rapports des parties entre elles. Les conclusions concordantes sur les faits en la présente affaire, selon lesquelles il n’y a pas eu de menace illégale de grève et le Local 115 n’était mêlé aux agissements d’aucun des intimés au chantier des appelantes,

Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Appel rejeté avec dépens.

[Page 831]

Procureurs des demanderesses, appelantes: Tom Mayson, Edmonton.

Procureur des défendeurs, intimés: W. Robert Martin, Vancouver.

[1] [1960] R.C.S.265.


Synthèse
Référence neutre : [1974] R.C.S. 826 ?
Date de la décision : 29/06/1973

Parties
Demandeurs : Western Construction and Lumber Co. Ltd.
Défendeurs : Jorgensen
Proposition de citation de la décision: Western Construction and Lumber Co. Ltd. c. Jorgensen, [1974] R.C.S. 826 (29 juin 1973)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1973-06-29;.1974..r.c.s..826 ?
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