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26/02/1976 | CANADA | N°[1977]_2_R.C.S._198

Canada | Doyle c. Doyle, [1977] 2 R.C.S. 198 (26 février 1976)


Cour suprême du Canada

Doyle c. Doyle, [1977] 2 R.C.S. 198

Date: 1976-02-26

John C. Doyle Appelant;

et

Maria G. Doyle Intimée.

1975: le 9 décembre; 1976: le 25 février.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

Cour suprême du Canada

Doyle c. Doyle, [1977] 2 R.C.S. 198

Date: 1976-02-26

John C. Doyle Appelant;

et

Maria G. Doyle Intimée.

1975: le 9 décembre; 1976: le 25 février.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC


Synthèse
Référence neutre : [1977] 2 R.C.S. 198 ?
Date de la décision : 26/02/1976
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Mari et femme - Exception déclinatoire - Résidence et domicile du défendeur - Action en annulation ou en déclaration de nullité du mariage - Code de procédure civile, art. 68, 70 - Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1970, c. C-19, art. 10.

L’intimée a intenté une action en Cour supérieure, district de Montréal, afin de faire déclarer nul son mariage avec l’appelant, célébré à Panama en 1959, et de faire reconnaître les effets civils de ce mariage putatif. L’appelant a, par exception déclinatoire, contesté la juridiction de la Cour supérieure en alléguant qu’au moment de l’institution de l’action il n’avait ni domicile ni résidence dans la province de Québec. La cour de première instance, confirmée par la Cour d’appel, a rejeté cette prétention et déclaré que, puisque l’action visait à obtenir une déclaration de nullité du mariage entre les parties, l’art. 70 du Code de procédure civile s’appliquait et le tribunal de la dernière résidence des époux, soit Montréal, avait juridiction. L’appelant conteste cette décision devant cette Cour et prétend que: (1) l’article 70 C.p.c. n’a pas d’application parce qu’il s’agit d’une action visant à faire déclarer la nullité absolue du mariage et non pas d’une action en annulation; (2) l’article 68 C.p.c. régit la juridiction des parties et il incombait donc à la demanderesse d’établir qu’aux dates pertinentes le défendeur avait au moins sa résidence à Montréal.

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

Même en admettant qu’il s’agit d’une action personnelle et que l’art. 68 C.p.c. s’applique, la preuve et les faits au dossier ne permettent nullement de conclure que l’appelant n’avait pas sa résidence à Montréal. La production d’une exception déclinatoire n’a pas pour effet d’imposer à la partie demanderesse le fardeau de démontrer que la Cour supérieure a de fait juridiction. L’appelant, pour appuyer sa prétention, n’a soumis qu’un affidavit où il affirme simplement que son domicile et sa résidence sont à Panama. Cet affidavit ne peut

[Page 199]

pas peser très lourd devant le fait que l’appelant est un citoyen canadien et que dans d’autres procédures, il a pris des attitudes fort différentes affirmant domicile et résidence à Montréal.

De l’ensemble de la preuve, il faut donc conclure que la résidence principale de l’appelant, à l’époque pertinente, était à Montréal. Il en résulte que même si la matière est régie par l’art. 68 C.p.c., comme le soutient l’appelant, l’action a été intentée devant le tribunal compétent. Devant cette conclusion, il n’est pas nécessaire de décider de l’application de l’art. 70 C.p.c. Toutefois, si cette Cour devait le faire, elle confirmerait les conclusions de la Cour d’appel savoir qu’il s’agit d’une action en déclaration de nullité de mariage et que l’art. 70 s’applique tout aussi bien aux nullités absolues qu’aux nullités relatives.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec[1] qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure rejetant une exception déclinatoire de l’appelant. Pourvoi rejeté.

J. Silcoff, pour l’appelant.

N. Salomon, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE DE GRANDPRE — Par son exception déclinatoire, l’appelant, alléguant que son domicile et sa résidence au moment de l’institution des procédures étaient à Panama, a demandé à la Cour supérieure, district de Montréal, de reconnaître qu’elle n’a aucune juridiction en l’espèce. La cour de première instance, confirmée par la Cour d’appel, a rejeté cette prétention soulignant que l’action vise à obtenir une déclaration de nullité du mariage entre les parties et que l’art. 70 du Code de procédure civile donne juridiction au tribunal de la dernière résidence des époux.

Tout comme il l’avait fait devant la Cour d’appel, l’appelant devant nous n’a pas contesté que pour les fins de son pourvoi nous pouvons accepter que cette dernière résidence commune des époux était à Montréal. Néanmoins, l’appelant soumet que ces jugements sont erronés. D’après lui,

(1) l’art. 70 C.p.c. n’a pas ici d’application parce que:

[Page 200]

a) l’action a pour seul but la reconnaissance des effets civils d’un mariage putatif;

b) même si l’action peut être lue comme une action attaquant le mariage lui-même, cet article ne vise que les cas de nullité relative et ne peut être invoqué lorsque l’action allègue une nullité absolue comme en l’espèce;

(2) c’est l’art. 68 C.p.c. qui règle le cas et la demanderesse n’a pas établi même prima facie qu’aux dates pertinentes le défendeur avait au moins sa résidence à Montréal.

Au soutien de sa proposition que l’action n’en est pas vraiment une en déclaration de nullité, l’appelant souligne qu’il ne faut pas s’arrêter à la conclusion que le mariage [TRADUCTION] «soit déclaré nul» mais qu’il faut lire celle-ci à la lumière des allégués de la déclaration, allégués qui réfèrent

a) au mariage des parties célébré à Panama, le 12 septembre 1959;

b) à l’apparence d’une ordonnance de divorce par la Cour de Circuit de l’Alabama, le 30 mars 1959, mettant fin à un mariage précédent du défendeur-appelant;

c) à l’annulation le 4 décembre 1968 de ce décret de divorce obtenu grâce à un faux affidavit du défendeur-appelant quant à sa résidence;

d) au jugement par défaut prononcé le 1er octobre 1970 à Panama, annulant le mariage de 1959 entre les parties;

e) aux procédures de divorce entamées à Montréal le 16 mai 1971 par l’intimée;

f) au rejet de cette requête en divorce le 29 décembre 1972 par M. le juge Desaulniers vu l’annulation prononcée à Panama (ce jugement est pendant en appel).

De la présentation ainsi faite des faits par la demanderesse-intimée, l’appelant conclut que l’action ne peut pas être considérée comme une action en déclaration de nullité, celle-ci ayant déjà été prononcée de l’aveu même de la demanderesse.

Laissant de côté pour le moment la première proposition de l’appelant, relative à l’art. 70 C.p.c., je m’arrêterai immédiatement à sa deuxième pro-

[Page 201]

position. Il faut rappeler tout d’abord qu’en matière purement personnelle, la règle de juridiction est posée par l’art. 68 C.p.c.: sauf cas spéciaux y énoncés, c’est le tribunal du domicile du défendeur, et à son défaut celui de sa résidence, qui est compétent.

Sur la foi de la description des parties dans le bref et des allégués de la déclaration, portant tous deux la date du 24 janvier 1973, le défendeur-appelant semble avoir été assigné devant le tribunal compétent. Le bref décrit l’appelant comme suit: [TRADUCTION] «John Christopher Doyle, industriel, de la ville et du district de Montréal, y résidant au 1115 ouest, rue Sherbrooke». De son côté, la déclaration amendée allègue:

[TRADUCTION] QU’au moment de leur mariage, les parties étaient domiciliées dans la ville de Montréal (Québec);

QUE la dernière résidence des parties était la ville et le district de Montréal;

A première vue donc, l’assignation semble régulière.

Mais l’appelant soumet qu’il s’agit là d’apparences qui ont été réduites à néant par la production d’une exception déclinatoire le 6 février 1973 affirmant:

[TRADUCTION] Le défendeur est citoyen canadien; il réside de façon habituelle et il est domicilié dans la ville de Panama (République de Panama).

Le défendeur n’a pas de résidence dans les limites de la juridiction de la Cour supérieure de la province de Québec.

Le tout appuyé de son affidavit.

L’appelant soumet que du moment qu’il nie la juridiction de la Cour supérieure en la matière et qu’il appuie la négation de son serment, le fardeau de démontrer que la Cour supérieure a de fait juridiction pèse sur les épaules de la demanderesse-intimée. Et, ajoute l’appelant, l’intimée n’a pas fait cette démonstration. A mon sens, l’appelant donne à la production d’une exception déclinatoire un effet trop considérable. Affirmer que cette seule production impose à la partie demanderesse le fardeau que suggère l’appelant est un énoncé trop absolu et trop simpliste. Le cas échéant, il faudra déterminer si vraiment la simple dénégation par le

[Page 202]

défendeur de la juridiction du tribunal est suffisante pour imposer au demandeur la démonstration de l’existence de cette juridiction.

En l’espèce, il n’est pas nécessaire d’étudier cette question. L’ensemble de la preuve nous permet facilement d’arriver à la conclusion que la Cour supérieure a vraiment juridiction.

Pour nier cette juridiction, nous n’avons que l’affidavit du défendeur-appelant qui, sans nous donner de faits, affirme tout simplement que son domicile et sa résidence sont a Panama. Cet affidavit fut signé à Londres et rappelant ne fut pas contre-interrogé à son sujet. Cela est bien court, surtout si l’on se souvient que ce même déposant

(1) en 1959 a fait un faux serment pour tenter de donner juridiction aux tribunaux d’Alabama dans les procédures en divorce intentées à sa première épouse;

(2) a, en 1970, obtenu à Panama le jugement par défaut dont nous avons déjà parlé en affirmant qu’il ne savait pas où se trouvait son épouse, alors qu’il savait pertinemment que celle-ci était encore dans la dernière résidence conjugale au 29e étage du Le Cartier, angle nord-ouest des rues Sherbrooke et Peel à Montréal.

Le moins que l’on puisse dire est que l’affidavit qui nous est soumis par l’appelant ne peut pas peser très lourd.

D’autant plus que ce même appelant, dans des procédures découlant des difficultés entre les parties au présent appel, a affirmé devant la Cour suprême de Terre-Neuve, en janvier 1974, qu’il était alors un résidant de Montréal où il avait son domicile (voir (1974), 6 Nfld. & P.E.I.R. 110 complété par 6 Nfld, & P.E.I.R. 479 et 53 D.L.R. (3d) 315).

D’autres faits nous sont révélés par le dossier. En 1959, lors du mariage dont il est ici question, l’appelant affirmait être un citoyen des États-Unis et se décrivait de Nassau, Bahamas. En 1968, dans les procédures visant à faire mettre de côté le divorce d’Alabama, l’appelant est décrit comme un résidant du Canada et la signification par poste recommandée lui est faite coin Peel et Sherbrooke à Montréal, le dossier de la Cour d’Alabama indi-

[Page 203]

quant la signature d’un accusé de réception alors que la lettre portait la mention [TRADUCTION] «à remettre en mains propres au destinataire». Finalement, dans les procédures à Panama en 1970, l’appelant se décrit comme canadien.

Il ne faut pas oublier non plus que dans les procédures en divorce à Montréal, l’appelant est décrit comme un [TRADUCTION] «industriel de la ville et du district de Montréal». Il n’a pas attaqué cette description mais a contesté d’abord les mesures provisionnelles pour pension alimentaire et ensuite la requête en divorce elle-même.

Comme il l’allègue lui-même dans son exception, l’appelant est un citoyen canadien. Il appert qu’il l’est devenu entre 1959 et 1970. Aux termes de la Loi sur la Citoyenneté canadienne, S.R.C. 1970, c. C-19, il y a là au moins une présomption à l’effet qu’entre ces deux dates, sa principale résidence a été établie au Canada où il avait alors l’intention d’établir son domicile (art. 10).

L’appelant, citoyen canadien, a une résidence principale en un endroit quelconque du globe. De l’ensemble de la preuve, il faut conclure que cette résidence principale est au Canada et à l’époque pertinente était à Montréal. Il faut donc conclure que même si la matière est régie par l’art. 68 C.p.c., comme le soutient l’appelant, l’action a été intentée devant le tribunal compétent.

Devant cette conclusion, il n’est pas nécessaire de s’attarder sur les propositions de l’appelant relatives à l’art. 70 C.p.c. Si j’avais à le faire, je confirmerais purement et simplement les conclusions de la Cour d’appel car, comme elle, je crois que nous sommes ici devant une action en déclaration de nullité de mariage et que l’art. 70 s’applique tout aussi bien aux nullités absolues qu’aux nullités relatives.

Reste un dernier point que les parties n’ont pas discuté devant nous; l’art. 70 C.p.c. énonce‑t‑il une règle de droit international privé ou simplement une règle de procédure interne visant à diviser le travail entre les districts de la Cour supérieure du Québec? Vu la conclusion à laquelle je m’arrête, je ferai comme les parties et n’analyserai pas cet aspect.

[Page 204]

Je renverrais le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelant: Ahern, de Brabant, Nuss & Drymer, Montréal.

Procureurs de l’intimée: Chait, Salomon, Gelber, Reis, Bronstein & Litvack, Montréal.

[1] [1973] C.A. 1113.


Parties
Demandeurs : Doyle
Défendeurs : Doyle
Proposition de citation de la décision: Doyle c. Doyle, [1977] 2 R.C.S. 198 (26 février 1976)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1976-02-26;.1977..2.r.c.s..198 ?
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