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05/05/1976 | CANADA | N°[1977]_2_R.C.S._849

Canada | Montréal c. Vaillancourt, [1977] 2 R.C.S. 849 (5 mai 1976)


Cour suprême du Canada

Montréal c. Vaillancourt, [1977] 2 R.C.S. 849

Date: 1976-05-05

La Ville de Montréal (Défenderesse) Appelante;

et

Donalda Vaillancourt (Demanderesse) Intimée.

1976: le 19 mars; 1976: le 5 mai.

Présents: Les juges Judson, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

Cour suprême du Canada

Montréal c. Vaillancourt, [1977] 2 R.C.S. 849

Date: 1976-05-05

La Ville de Montréal (Défenderesse) Appelante;

et

Donalda Vaillancourt (Demanderesse) Intimée.

1976: le 19 mars; 1976: le 5 mai.

Présents: Les juges Judson, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC


Synthèse
Référence neutre : [1977] 2 R.C.S. 849 ?
Date de la décision : 05/05/1976
Sens de l'arrêt : La décision de cette Cour dans Magann c. Auger (31 R.C.S. 186), portant que le dépôt à la poste de la lettre d’acceptation du demandeur, adressée au défendeur, constituait une communication à celui-ci de la teneur de la lettre, n’est pas applicable à un cas où l’offre est communiquée, comme en l’espèce, non par courrier mais par d’autres moyens. Dans l’affaire Magann, il s’agissait d’un contrat par correspondance; l’offre ayant été envoyée par courrier, on a jugé que l’expéditeur de la lettre s’était ainsi trouvé à constituer la poste son agent pour recevoir l’acceptation qui lui était destinée. Aux termes de la loi, pour qu’il y ait contrat, l’offre et l’acceptation doivent toutes deux être communiquées soit à la personne à laquelle elles sont respectivement destinées soit à son agent autorisé

Analyses

Droit municipal - Action en dommages-intérêts contre une municipalité - Avis mis à la poste dans les quinze jours de l’accident et reçu le dix-septième jour - Samedi jour non férié - Délais ne commençant à courir qu’à la date de la connaissance de l’accident - Loi sur les postes, S.R.C. 1970, c. P-14, art. 41 - Loi d’interprétation S.R.Q. 1964, c. 1, art. 52, 61 - Loi révisant et refondant la Charte de la Ville de Montréal, 1, (Qué.), c. 102, art. 1088, 1170 - Code de procédure civile, art. 6, 8, 165(4).

L’époux de l’intimée a fait une chute sur un trottoir de la Ville de Montréal, le 26 janvier 1973, et il est décédé quelques heures plus tard. Quelque dix jours après l’accident, soit vers le 5 février, l’intimée a appris que la cause du décès de son époux était l’accident, et non pas une maladie de cœur comme elle l’avait cru d’abord. Le quatorzième jour après l’accident, soit le vendredi 9 février, le procureur de l’intimée envoya à l’appelante l’avis prescrit par la Charte de la Ville de Montréal. La lettre n’a été reçue que le lundi 12 février, soit le dix‑septième jour après l’accident. Se fondant sur l’art. 1088 de la Charte l’appelante a présenté une requête en irrecevabilité qui a été accueillie par la Cour supérieure mais infirmée par la Cour d’appel. D’où le pourvoi devant cette Cour.

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

Cette Cour ne peut accepter la proposition de la Cour d’appel qui, s’appuyant sur l’arrêt Magann c. Auger (1901), 31 R.C.S. 186, et sur l’art. 41 de la Loi sur les postes conclut que l’appelante a satisfait aux exigences de l’art. 1088 de la Charte de la Ville de Montréal en mettant à la poste sa lettre recommandée le quatorzième jour après l’accident. L’arrêt Magann ne s’applique que lorsque les parties ont choisi la poste comme agent, expressément ou implicitement.

Cette Cour ne reconnaît pas non plus la prétention que lorsque le délai de quinze jours expire un samedi, il est prolongé jusqu’au jour non férié suivant, qui aurait

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été le lundi. Même si le Code de procédure civile assimile le samedi à un jour non juridique, il faut appliquer la loi générale que l’on retrouve dans la Loi d’interprétation, qui emploie l’expression «jour férié» et non pas «jour juridique» et qui nulle part ne qualifie le samedi de jour férié.

Toutefois, sans accepter le raisonnement de la Cour d’appel, ni la prétention de l’intimée quant à la prolongation du délai, cette Cour rejette le pourvoi pour un autre motif. Selon l’affirmation contenue dans la déclaration, qu’il faut pour l’instant tenir pour avérée, l’intimée ne sut que vers le 5 février que l’accident avait été la cause réelle du décès de son époux. L’avis imposé par le législateur, aussi bien dans la Charte que dans la Loi des cités et villes, est un fardeau très lourd imposé aux réclamants et il ne faut pas l’interpréter de façon à rendre l’exercice du droit aléatoire. Si en l’espèce le délai doit courir à compter de la date de l’accident et non pas à compter de la date à laquelle l’intimée en eu connaissance, ce délai devient tellement court qu’il est pratiquement une négation du droit d’action: ce serait là une conclusion exorbitante. II faut donc considérer que le délai n’a commencé à courir que vers le 5 février et, par conséquent, la réception de la lettre par l’appelante le 12 du même mois a satisfait aux exigences de l’art. 1088 de la Charte.

Distinction faite avec les arrêts: Magann c. Auger (1901), 31 R.C.S. 186; Ville de Montréal-Nord c. Bougie, [1970] C.A. 148; arrêts suivis: Charlebois c. Baril, [1928] R.C.S. 88; Vaillancourt c. Commission scolaire régionale de l’Estrie, [1974] C.A. 172; arrêts mentionnés: Blair c. Cité de Montréal (1940), 68 B.R. 255; Cité de Québec c. Baribeau, [1934] R.C.S. 622; Rhéaume c. La Cité de Québec, [1959] R.C.S. 609; Méthot c. La Commission de Transport de Montréal, [1972] R.C.S. 387; Cité de Île Perrot c. Goulet-Wiseman, [1977] 1 R.C.S. 175.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec[1] qui a infirmé un jugement de la Cour supérieure accueillant une requête en irrecevabilité. Pourvoi rejeté.

Jean Badeaux, c.r., pour l’appelante.

Allen Feldman, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE DE GRANDPRÉ — Par sa requête en irrecevabilité, la défenderesse-appelante veut faire déclarer la demanderesse-intimée déchue de son

[Page 851]

droit d’action pour le motif que l’avis d’accident n’a pas été reçu par la Ville dans les quinze jours de l’événement, mais seulement le dix-septième jour (art. 1088 de la Charte de la Ville de Montréal). L’action réclame des dommages à la suite de la mort de l’époux de l’intimée dans les heures qui ont suivi la chute du défunt sur un trottoir de la municipalité le vendredi, 26 janvier 1973. Le vendredi, 9 février, fut adressé à la Ville l’avis prescrit par sa Charte, et ce sous pli recommandé, mais cette lettre ne fut reçue que le lundi, 12 février. La requête en irrecevabilité fut accueillie par la Cour supérieure dans un jugement non motivé (17 décembre 1973) qui fut cassé par la Cour d’appel. L’appelante a obtenu permission d’inscrire devant nous.

Il faut citer tout d’abord l’art. 1088:

Nonobstant toute disposition législative inconciliable avec la présente, nul droit d’action n’existe contre la ville pour dommages-intérêts résultant de blessures corporelles infligées par suite d’un accident ou pour dommages à la propriété mobilière ou immobilière, à moins que, dans les trente jours de cet accident ou de ces dommages et, dans les cas d’accident et de dommages résultant d’une chute sur un trottoir ou sur la chaussée, à moins que, dans les quinze jours de cet accident, elle n’ait reçu un avis écrit, mentionnant en détail les dommages soufferts, indiquant les nom, prénoms, occupation et adresse de la personne qui les a subis, donnant la cause de ces dommages et précisant la date et l’endroit où ils se sont produits.

Aucune action en dommages-intérêts ou en indemnité ne peut être intentée contre la ville avant l’expiration des trente jours qui suivent la date de la réception, par la ville, de l’avis prescrit par l’alinéa précédent.

L’absence d’un tel avis ne prive cependant pas la victime d’un accident de son droit d’action, si elle prouve qu’elle a été empêchée de le donner par force majeure ou pour d’autres raisons analogues que le juge ou le tribunal estime valables, mais aucune raison ne peut être déclarée valable si la victime de l’accident a pu communiquer avec quelque parent, ami ou connaissance, au cours des quinze jours mentionnés au premier alinéa ou si, dans ce délai, elle a signé un transport d’une partie de sa réclamation en faveur d’un tiers.

La conclusion de la Cour d’appel est fondée sur l’art. 41 de la Loi sur les postes, S.R.C. 1970, c. P-14:

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Sous réserve des dispositions de la présente Soi et des règlements relatifs aux objets non livrables, les objets transmissibles deviennent la propriété de la personne à qui ils sont adressés dès qu’ils sont déposés à un bureau de poste.

S’appuyant sur l’arrêt Magann c. Auger[2], et sur la lecture qui en fut faite dans l’arrêt Ville de Montréal-Nord c. Bougie[3], la Cour d’appel conclut que, la lettre recommandée ayant été confiée à la poste le quatorzième jour après l’accident et étant alors devenue «la propriété» de la Ville aux termes de cet article 41, celle-ci est censée en droit avoir reçu l’avis à ce moment-là, même si effectivement cet avis ne fut reçu que le dix-septième jour après l’accident. Je ne puis accepter cette conclusion.

L’arrêt Magann traite d’une question bien spécifique, savoir le lieu de la formation d’un contrat lorsque les parties ont choisi la poste comme mode de transmission d’une proposition et de son acceptation. Il s’agit là d’un cas bien précis et cette règle étroite ne peut être étendue généralement à tous les domaines ainsi que l’a souligné l’arrêt Charlebois c. Baril[4]. Je ne peux faire mieux que d’en citer le jugé:

[TRADUCTION] Arrêt: La décision de cette Cour dans Magann c. Auger (31 R.C.S. 186), portant que le dépôt à la poste de la lettre d’acceptation du demandeur, adressée au défendeur, constituait une communication à celui-ci de la teneur de la lettre, n’est pas applicable à un cas où l’offre est communiquée, comme en l’espèce, non par courrier mais par d’autres moyens. Dans l’affaire Magann, il s’agissait d’un contrat par correspondance; l’offre ayant été envoyée par courrier, on a jugé que l’expéditeur de la lettre s’était ainsi trouvé à constituer la poste son agent pour recevoir l’acceptation qui lui était destinée. Aux termes de la loi, pour qu’il y ait contrat, l’offre et l’acceptation doivent toutes deux être communiquées soit à la personne à laquelle elles sont respectivement destinées soit à son agent autorisé.

Ce principe que l’art. 41 de la Loi sur les postes ne peut être invoqué que si les parties ont expressément ou implicitement constitué le ministère des Postes comme leur agent pour les fins pertinentes a été réaffirmé à plusieurs reprises dans plusieurs espèces découlant de circonstances diverses. Il

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suffit de mentionner ici l’arrêt Vaillancourt c. Commission scolaire régionale de l’Estrie[5], particulièrement à la p. 173.

L’intimée a soumis que la Charte de la Ville contenant des dispositions lui permettant de transmettre, par exemple, l’état des taxes aux contribuables par voie de la poste constitue le Ministère comme son agent à toutes fins que de droit. Cette prétention doit être écartée parce que, en soi, de telles dispositions législatives ne sauraient constituer le consentement exprès ou implicite requis par la jurisprudence. D’autant plus que la Charte, lorsqu’elle traite des avis municipaux dans son art. 1170, affirme:

Tout avis spécial qui, en vertu de la présente charte, doit être donné à quelque personne peut, sauf prescription contraire, lui être signifié à sa résidence ou à sa place d’affaires dans la ville. Si elle n’y possède ni l’une ni l’autre, elle peut fournir son adresse, par écrit, au greffier de la ville et alors tout avis peut valablement lui être transmis à cette adresse par poste recommandée. Une personne qui n’a ni résidence ni place d’affaires dans la ville et qui n’a pas ainsi fait connaître son adresse au greffier n’a pas droit à cet avis.

La règle est donc qu’en matière d’avis spécial par la Ville, il faut signification. On ne peut par conséquent affirmer qu’en matière d’avis spécial à la Ville, ce qui est le cas ici, la règle est différente au point que le ministère des Postes est constitué l’agent de la Ville.

L’appelante a donc raison de soumettre que la conclusion de la Cour d’appel ne peut s’appuyer sur la Loi sur les postes. Ce disant, je n’exprime aucun avis sur la situation aux termes de l’art. 622 de la Loi des cités et villes, S.R.Q. 1964, c. 193, étudiée dans l’arrêt Ville de Montréal-Nord c. Bougie précité, sauf pour souligner que je vois une différence majeure entre le mot «donner» que l’on retrouve dans la Loi des cités et villes et le mot «recevoir» que l’on retrouve dans la Charte de la Ville de Montréal.

L’intimée nous soumet un deuxième argument au soutien de la conclusion de la Cour d’appel, savoir que le samedi et le dimanche ne doivent pas être comptés dans le calcul des délais, étant consi-

[Page 854]

dérés jours non juridiques. Vu sa conclusion sur le premier moyen, la Cour d’appel ne crut pas nécessaire d’étudier celui-ci. L’intimée invoque le troisième alinéa de l’art. 8 du Code de procédure civile:

Dans la computation de tout délai fixé par ce code, ou imparti en vertu de quelqu’une de ses dispositions, y compris un délai d’appel:

3. le samedi est assimilé à un jour non juridique, de même que le 2 janvier et le 26 décembre.

Elle soumet que, la jurisprudence (voir Blair c. Cité de Montréal[6]; Ville de Montréal c. Choquette, arrêt non publié du 4 juin 1973, n° 14642 C.A., Montréal, dont permission d’appel fut refusée par cette Cour le 2 octobre 1973[7]) étant à l’effet qu’un avis d’accident n’est pas tardif s’il est reçu le seizième jour alors que le quinzième est un dimanche, le même raisonnement s’applique lorsque le quinzième jour est un samedi. Cette équivalence entre le samedi et le dimanche est-elle totale? Je ne le crois pas.

Pour toutes les matières de procédure régies par le Code, l’art. 6 donne la liste des jours non juridiques. Ce n’est que par extension et pour fins du Code de procédure civile seulement que le samedi «est assimilé à un jour non juridique». Le Rapport des commissaires sur les art. 7 et 8 établit nettement la portée restreinte de cette disposition:

Le fait d’assimiler le samedi à un jour non juridique dans la computation d’un délai de procédure permet de tenir compte de l’habitude des avocats qui n’ouvrent pas leur étude le samedi. On a suggéré d’assimiler dans tous les cas, et pour toutes fins, le samedi au dimanche, mais il y a à cela des objections. D’abord, il faut penser à l’intérêt d’une partie dont un droit serait sur le point de se prescrire. Il faut aussi tenir compte de l’avantage qu’en certaines circonstances d’urgence il peut y avoir à ce qu’un acte juridique puisse être fait le samedi. Enfin, ne serait-il pas un peu excessif d’ajouter aux jours non juridiques les cinquante-deux samedis de l’année. Cependant, il y aurait peut-être lieu de faire exception pour ce qui concerne la Cour d’appel; mais alors une disposition indépendante pourrait aisément être adoptée,

[Page 855]

si on le jugeait à propos.

Or l’avis d’accident ne constitue pas une simple mesure de procédure. L’arrêt classique Cité de Québec c. Baribeau[8], l’a établi et l’affirmation a été reprise maintes fois depuis. A titre d’exemples, je mentionnerai Rhéaume c. La Cité de Québec[9] et Méthot c. La Commission de Transport de Montréal[10]. Ce n’est donc pas le Code de procédure qui s’applique en l’espèce mais bien la loi générale que l’on retrouve dans la Loi d’interprétation, S.R.Q. 1964, c. 1, art. 61, qui emploie l’expression «jour férié» et non pas «jour non juridique». Nulle part dans ce texte ne trouve-t-on le samedi qualifié de jour férié. Aux termes de la loi générale, le samedi est donc un jour comme un autre, ce qui n’est évidemment pas le cas du dimanche et des autres jours fériés mentionnés dans la Loi d’interprétation. C’est précisément parce que le dimanche et ces autres jours sont fériés et que l’art. 52 de la Loi d’interprétation affirme:

Si le délai fixé pour une procédure ou pour l’accomplissement d’une chose expire un jour férié, ce délai est prolongé jusqu’au jour non férié suivant (le souligné est de moi)

que la Cour d’appel dans les arrêts Blair et Choquette en est venue à la conclusion que le délai dans ce cas était prolongé au lendemain. Telle n’est pas la situation en l’espèce et il me faut conclure que, lorsque le délai de quinze jours expire un samedi, il n’est pas «prolongé jusqu’au jour non férié suivant».

Lors de l’argumentation devant nous, l’intimée a soulevé pour la première fois le moyen suivant:

— la requête en irrecevabilité présuppose que les faits allégués sont vrais (art. 165(4) C.p.c.);

— or, l’art. 8 de la déclaration attachée au bref allègue:

[TRADUCTION] QUE ce n’est qu’environ dix (10) jours après l’accident qu’on a informé la demanderesse de la cause véritable du décès d’Arthur Thomas

[Page 856]

Lovett, alors qu’on avait cru jusque-là — c’est d’ailleurs ce qui figurait au rapport de police — que ledit Arthur Thomas Lovett était décédé d’une maladie de cœur, et que la demanderesse n’a donc pas pu communiquer avec un avocat avant l’après-midi du 8 février 1973;

— donc le point de départ du délai d’avis ne pouvait être qu’aux environs du 5 février de sorte que la lettre reçue par la Ville le 12 février l’a été dans les délais légaux.

Il ne fait pas de doute que les deux prémisses de ce syllogisme sont exactes. La conclusion l’est-elle? Je le crois.

Il est indubitable que le législateur a imposé un fardeau très lourd aux réclamants dans les cas couverts par l’art. 1088 de la Charte. Ce fardeau est une dérogation à la loi commune en matière de responsabilité délictuelle et comme telle doit recevoir une interprétation qui ne rende pas l’exercice du droit aléatoire.

Par ailleurs, il faut se souvenir que la prescription de la loi imposant un avis d’accident souffre des exceptions; en d’autres termes, l’obligation de donner l’avis n’est pas absolue. Des cas peuvent se présenter qui permettent au réclamant de procéder quand même avec son action en l’absence d’un avis. C’est ce que décide entre autres notre arrêt Cité de Ile Perrot c. Goulet-Wiseman[11], qui, bien que rendu sous l’empire de la Loi des cités et villes, exprime la règle qui doit nous guider dans l’étude de la Charte de l’appelante. J’en extrais la phrase suivante:

… s’il y a absence d’avis et que cette absence a eu pour cause des raisons suffisantes, la victime est relevée de son obligation et peut entamer des procédures sans autre condition préalable.

La présente affaire est à mi-chemin entre le cas ordinaire où la victime dès le moment de l’accident est en mesure de donner l’avis prescrit et le cas étudié dans l’arrêt Cité de Ile Perrot où la victime fut relevée de son obligation parce que dans le délai prescrit elle n’était pas en mesure de faire le nécessaire. En l’espèce, les faits étant venus à la connaissance de la réclamante une dizaine de jours après l’événement, (telle est l’affirmation de la

[Page 857]

déclaration que, pour l’instant, il faut tenir pour avérée), celle-ci n’était évidemment pas relevée de l’obligation créée par l’art. 1088 de la Charte. Par ailleurs, si cette obligation a pour point de départ non pas la date de la connaissance mais la date de l’accident, nous en venons à la situation où le délai d’agir accordé au réclamant devient tellement court qu’il est pratiquement une négation du droit d’action. Ce serait là une conclusion exorbitante à laquelle je ne saurais me rallier.

Je vois mal d’ailleurs pourquoi en matière de prescription la loi reconnaîtrait l’existence de causes qui en suspendent le cours alors qu’en matière d’avis, telle ne serait pas la situation. Même si l’avis d’accident n’est pas une procédure, il m’est impossible de le considérer de façon plus stricte que la prescription. Il suit qu’à mes yeux le délai n’ayant commencé à courir que vers le 5 février, la réception de la lettre par la Ville le 12 a satisfait aux exigences de l’art. 1088 de la Charte.

Pour ces motifs, je rejetterais le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Côté, Péloquin & Bouchard, Montréal.

Procureurs de l’intimée: Frumkin, Feldman & Glazman, Montréal.

[1] [1975] C.A. 399.

[2] (1901), 31 R.C.S. 186.

[3] [1970] C.A. 148.

[4] [1928] R.C.S. 88.

[5] [1974] C.A. 172.

[6] (1940), 68 B.R. 255.

[7] [1973] R.C.S. xii.

[8] [1934] R.C.S. 622.

[9] [1959] R.C.S. 609.

[10] [1972] R.C.S. 387.

[11] [1977] 1 R.C.S. 175.


Parties
Demandeurs : Montréal
Défendeurs : Vaillancourt
Proposition de citation de la décision: Montréal c. Vaillancourt, [1977] 2 R.C.S. 849 (5 mai 1976)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1976-05-05;.1977..2.r.c.s..849 ?
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