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08/03/1977 | CANADA | N°[1978]_1_R.C.S._243

Canada | Bergeron et autres c. Deschamps et autres, [1978] 1 R.C.S. 243 (8 mars 1977)


Cour suprême du Canada

Bergeron et autres c. Deschamps et autres, [1978] 1 R.C.S. 243

Date: 1977-03-08

Robert Bergeron et autres Appelants;

et

Aldéric Deschamps et autres Intimés;

et

Le greffier de la paix et de la Couronne, district de Montréal, et l’honorable ministre de la Justice du Québec Mis en cause.

1977: 8 février 1977; 1977: 8 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

Cour suprême du Canada

Bergeron et autres c. Deschamps et autres, [1978] 1 R.C.S. 243

Date: 1977-03-08

Robert Bergeron et autres Appelants;

et

Aldéric Deschamps et autres Intimés;

et

Le greffier de la paix et de la Couronne, district de Montréal, et l’honorable ministre de la Justice du Québec Mis en cause.

1977: 8 février 1977; 1977: 8 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC


Synthèse
Référence neutre : [1978] 1 R.C.S. 243 ?
Date de la décision : 08/03/1977
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli

Analyses

Droit criminel - Perquisition illégale - Certiorari - Ordonnance de restitution sous réserve des documents requis en preuve - Code criminel, S.R.C 1970, c. C-34, art. 443.

Les appelants ont demandé un bref de certiorari à rencontre d’un mandat de perquisition non conforme à l’art. 443 C. cr., parce que trop général. Le mandat a été annulé en Cour supérieure et le bien-fondé de cette décision n’a pas été contesté. Il est aussi admis que c’est un pouvoir inhérent à la juridiction des tribunaux, relativement à l’annulation sur certiorari d’un mandat de perquisition, que d’ordonner ensuite la restitution des documents illégalement saisis. Le pourvoi en cette Cour porte très précisément sur l’ordonnance du juge de la Cour supérieure confirmée par la Cour d’appel, réservant au ministère public la possibilité de spécifier, dans les cinq jours, les documents requis en preuve à soustraire de l’ordonnance de restitution.

Arrêt: Le pourvoi doit être accueilli.

L’objection des appelants à l’encontre du choix laissé aux policiers, de déterminer les documents à retenir en preuve lors d’une ordonnance de restitution de documents illégalement saisis, est bien fondée. Toutefois, la Cour n’est pas appelée, en l’espèce, à se prononcer sur la possibilité, pour le juge qui annule sur certiorari une perquisition et qui doit rendre une ordonnance de restitution de choisir lui-même certains documents qu’il estime devoir exclure de son ordonnance de restitution parce que requis en preuve.

Distinction faite avec l’arrêt: Black v. The Queen (1973), 13 C.C.C. (2d) 446; arrêt mentionné: Ghani v. Jones, [1969] 3 All E.R. 1700.

[Page 244]

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec[1] confirmant un jugement de la Cour supérieure de juridiction criminelle qui a reconnu la validité d’une ordonnance de restitution de documents illégalement saisis sous réserve de certains documents. Pourvoi accueilli et restitution de tous les documents ordonnée.

Bruno Pateras, c.r., pour les appelants.

Guy Lafrance et Serge Authier, pour les intimés.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE EN CHEF — Ce pourvoi porte sur un point très étroit. Une demande de bref de certiorari a été présentée pour faire annuler un mandat de perquisition au motif qu’il ne répondait pas aux exigences de l’art. 443 du Code criminel. Le mandat, lancé par un juge de paix, autorisait la saisie, dans des locaux désignés, de divers documents décrits uniquement par catégorie (p. ex.: factures, correspondance, livres de comptabilité, chèques, notes manuscrites et une liste de noms) et ayant trait aux opérations financières de l’Association des sourds du Québec. Bien que l’on ait allégué une fraude, ni l’auteur ni la victime ni l’objet de la fraude n’étaient identifiés. Rien n’indiquait si les locaux à perquisitionner étaient ceux de l’Association ou ceux de l’auteur ou de la victime de la fraude alléguée qui, d’ailleurs, n’était aucunement précisée.

Le juge Rothman a annulé le mandat de perquisition, et le bien-fondé de cette décision n’a pas été contesté en appel ni devant cette Cour. Toutefois, la perquisition avait déjà eu lieu et certains documents réclamés par les appelants avaient été saisis en vertu du mandat avant l’institution des procédures en annulation. Bien que l’on ait contesté le pouvoir du tribunal d’ordonner la restitution de documents illégalement saisis, les parties ont reconnu devant les cours d’instance inférieure que ce pouvoir est inhérent à la juridiction des tribunaux relativement à l’annulation sur certiorari d’un mandat de perquisition.

Le présent pourvoi porte sur l’ordonnance du juge Rothman, confirmée par la Cour d’appel, qui

[Page 245]

donne au ministère public la possibilité de spécifier «de manière précise», dans un délai de cinq jours, les documents qui «sont requis comme preuve». Pour rendre cette ordonnance, le juge de première instance s’est fondé sur l’arrêt du juge Berger de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Black v. The Queen[2]. Sans juger du bien-fondé de cet arrêt, il ne fait aucun doute qu’il est inapplicable en l’espèce. Dans l’affaire Black, le mandat de perquisition avait été annulé parce que le signataire n’avait pas inscrit sous son paragraphe son titre de juge de paix ni indiqué, d’aucune autre façon, qu’il était autorisé à lancer ce mandat. On n’a relevé, dans l’affaire Black, aucune des faiblesses fatales qui vicient le contenu du mandat de perquisition en cause. Dans cette affaire-là, le juge Berger a ordonné la restitution des articles illégalement saisis, sous la réserve que le ministère public dépose une lettre indiquant, le cas échéant, que ces articles étaient requis en preuve dans une poursuite.

En l’espèce, on ne peut prétendre qu’il existe une infraction à laquelle les documents saisis pourraient se rattacher. Par conséquent, sur quoi le juge de première instance peut-il s’être fondé pour laisser aux policiers le soin de déterminer les documents à retenir en preuve? Il est vrai que dans la demande de redressement et dans l’argumentation que l’avocat des appelants a soumis à cette Cour, ce dernier a indiqué qu’il n’avait aucune objection à ce que le juge de première instance exerce lui-même le pouvoir d’ordonner la restitution des documents illégalement saisis, dans la mesure où on ne lui avait pas démontré que ces documents étaient requis comme preuve d’une infraction. Son objection porte plutôt sur le fait que le juge Rothman a laissé aux policiers le choix des documents à retenir. J’estime cette objection fondée.

En l’espèce, je n’ai pas à trancher la question de savoir si, dans des circonstances analogues, un juge pourrait ordonner dans le cas d’un mandat de perquisition invalide qui a été exécuté, la retenue des documents saisis, sous réserve d’adjudication ultérieure et de leur remise éventuelle à la police sur son ordre. L’ordonnance en cause n’est pas de

[Page 246]

cette nature.

En l’espèce, l’affaire Ghani v. Jones[3] n’est d’aucun secours au ministère public. Mis à part le fait qu’il n’existe pas en Angleterre, contrairement à ici, de pouvoir statutaire général permettant de lancer des mandats de perquisition, et qu’il faut donc s’en remettre, dans la majorité des cas, aux règles de la common law pour déterminer si les documents saisis par la police au cours de son enquête sur une infraction peuvent être retenus en preuve, il ressort des motifs de jugement de lord Denning qu’il appartient aux tribunaux et non à la police de déterminer s’il existe des motifs valables pour retenir les documents saisis. Ces motifs, énumérés par lord Denning, correspondent pour la plupart à ce qu’exigent la régularité et la validité d’un mandat de perquisition lancé en vertu de l’art. 443. Puisqu’on ne peut trouver en l’espèce de motifs semblables, comme c’était d’ailleurs le cas dans Ghani v. Jones, il n’y a aucune raison pour que la Cour fasse le tri des documents saisis.

Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’ordonnance en faisant l’objet et d’ordonner la restitution aux appelants de tous les documents saisis en vertu du mandat illégal ainsi que les extraits et copies de ces documents.

Pourvoi accueilli.

Procureurs des appelants: Pateras, Macerola & Galileo, Montréal.

Procureur des intimés: Guy Lafrance, Montréal.

Procureur des mis en cause: Serge Authier, Montréal.

[1] [1976] C.A. 344.

[2] (1973), 13 C.C.C. (2d) 446.

[3] [1969] 3 All. E.R. 1700.


Parties
Demandeurs : Bergeron et autres
Défendeurs : Deschamps et autres
Proposition de citation de la décision: Bergeron et autres c. Deschamps et autres, [1978] 1 R.C.S. 243 (8 mars 1977)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1977-03-08;.1978..1.r.c.s..243 ?
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