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21/12/1978 | CANADA | N°[1979]_1_R.C.S._846

Canada | Bradburn c. Wentworth Arms Hotel, [1979] 1 R.C.S. 846 (21 décembre 1978)


Cour suprême du Canada

Bradburn c. Wentworth Arms Hotel, [1979] 1 R.C.S. 846

Date: 1978-12-21

William Bradburn, en son nom et au nom de tous les autres membres de l’Union Internationale des employés d’hôtel, motel et restaurant, section locale 197 (Plaignants) Appelants;

et

Wentworth Arms Hotel Limited, Owen Shime, Donald J. Mckillop, c.r., et Thomas E. Armstrong, c.r. (Défendeurs) Intimés.

1978: 16, 17 mai; 1978: 21 décembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Pra

tte.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel ...

Cour suprême du Canada

Bradburn c. Wentworth Arms Hotel, [1979] 1 R.C.S. 846

Date: 1978-12-21

William Bradburn, en son nom et au nom de tous les autres membres de l’Union Internationale des employés d’hôtel, motel et restaurant, section locale 197 (Plaignants) Appelants;

et

Wentworth Arms Hotel Limited, Owen Shime, Donald J. Mckillop, c.r., et Thomas E. Armstrong, c.r. (Défendeurs) Intimés.

1978: 16, 17 mai; 1978: 21 décembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Pratte.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1], qui a rejeté un appel d’un jugement de la Cour divisionnaire[2] rejetant une demande d’annulation d’une sentence arbitrale. Pourvoi accueilli, sentence arbitrale annulée.

Ian Scott, c.r., et C.G. Paliare, pour les appelants.

Claude Thomson, c.r., et Gavin MacKenzie, pour les intimés.

Le jugement du juge en chef Laskin et des juges Martland et Ritchie a été rendu par

LE JUGE EN CHEF — J’aborde les questions soulevées par ce pourvoi différemment de mon collègue le juge Estey, dont j’ai eu l’avantage de lire les motifs. A mon avis, il s’agit principalement de fixer les limites du pouvoir d’examen de la sentence du conseil d’arbitrage qui a entendu la demande de dommages-intérêts des employeurs pour ce qu’ils prétendent être une grève illégale. Même si, en l’absence de disposition légale l’inter-

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disant, on peut procéder à l’examen de la sentence du conseil d’arbitrage pour erreur de droit apparente au dossier, le concept même d’erreur de droit est difficile à cerner lorsqu’il s’agit d’interpréter les termes d’une convention collective, qui sont soumis à l’arbitrage. C’est pourquoi les tribunaux en général, et certainement cette Cour, préfèrent ne pas modifier la sentence du conseil d’arbitrage si ce dernier a donné aux termes de la convention collective une interprétation acceptable.

Ce principe connaît deux restrictions, lorsqu’une question de compétence est en cause et lorsqu’il incombe au conseil d’arbitrage d’interpréter une loi dans l’examen du grief qui lui est soumis (voir l’arrêt McLeod c. Egan[3]). J’estime qu’un tribunal ne peut faire d’une prétendue erreur de droit une question de compétence pour la seule raison qu’il n’est pas d’accord avec l’interprétation donnée à certains termes de la convention collective par le conseil d’arbitrage. Si l’interprétation de ce dernier va à l’encontre du bon sens, cela signifie nécessairement qu’elle n’est pas acceptable vu les termes en cause et la cour peut la modifier pour erreur de droit sans fausser la question en litige en invoquant l’excès de pouvoir pour justifier son intervention.

A première vue, la présente cause implique les deux restrictions dont j’ai parlé. Le grief soumis à l’arbitrage a été présenté en vertu de la convention collective dont l’applicabilité même pendant la grève était la seule question en litige devant le conseil. En outre, selon le conseil d’arbitrage, la Cour divisionnaire de l’Ontario et la Cour d’appel de l’Ontario, l’application des art. 13.01 et 13.02 de cette convention collective mettait en cause certaines dispositions de The Labour Relations Act, R.S.O. 1970, chap. 232, et notamment son art. 44.

A mon avis, le simple fait que l’on demande au conseil d’arbitrage de décider si, malgré l’avis de négociation signifié par le syndicat conformément à l’art. 13.01 de la convention collective, la conven-

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tion demeure en vigueur au sens de l’art. 13.02, ne signifie pas que sa sentence porte sur une question de compétence. S’il avait jugé que la convention collective n’était plus en vigueur pendant la grève, on aurait pu dire que cette sentence signifiait que le conseil lui‑même n’aurait pas dû être constitué en vertu de la convention; en résumé, pas de convention, pas de conseil constitué selon ses dispositions, à moins d’avoir été spécifiquement constitué par les parties. Celles-ci ont cependant prévu dans leur convention collective que la question de l’arbitrabilité est de la compétence d’un conseil d’arbitrage, comme le prescrit d’ailleurs le par. 37(1) de The Labour Relations Act. A mon avis, la question de la durée ou de l’existence de la convention collective, aux termes des dispositions relatives à son expiration, est subordonnée à celle de l’arbitrabilité, qui est confiée au conseil. Il se peut qu’avant l’adoption du par. 37(1), toute question d’arbitrabilité que le conseil pouvait légalement trancher (sans quoi toute objection aurait suffi à paralyser la procédure) pouvait être examinée à titre de question de compétence. A mon avis, ce n’est plus vrai aux termes du par. 37(1) et des dispositions d’une convention collective qui, comme en l’espèce, accordent expressément au conseil d’arbitrage le pouvoir de déterminer ce qui peut lui être soumis.

Qu’en est-il alors de l’importance donnée à l’art. 44 de The Labour Relations Act dans la sentence du conseil d’arbitrage et dans les décisions de la Cour divisionnaire et de la Cour d’appel de l’Ontario? Il faut bien sûr trancher d’abord la question de l’interprétation de l’art. 13, avant d’avoir recours aux dispositions légales relatives à l’effet ou à l’application de cet article. En l’espèce, nous devons toutefois nous référer aux principes de The Labour Relations Act, tels qu’ils ressortent de toutes ses dispositions, pour interpréter l’art. 13 parce que, pris littéralement, le texte succinct des art. 13.01 et 13.02 les rend clairement inconciliables. Ils se lisent ainsi:

[TRADUCTION] Article 13 — Durée et expiration de la modification

13.01 La présente convention sera en vigueur du 1er décembre 1968 au 30 novembre 1970 et sera reconduite d’année en année à moins que l’une des parties ne donne

[Page 851]

un avis écrit de son intention de modifier la convention, au plus soixante (60) jours et au moins trente (30) jours avant la date d’expiration.

13.02 La présente convention demeure en vigueur jusqu’à la négociation et signature d’une nouvelle convention, mais elle devient nulle et sans effet à la signature d’une nouvelle convention.

A mon avis, l’art. 13.02 tient compte des prescriptions de The Labour Relations Act relatives aux négociations en vue d’une nouvelle entente et aux procédures de conciliation y afférentes. Il traduit la confiance des parties que ces négociations, avec le concours d’un conciliateur et peut-être d’un conseil de conciliation, aboutiront à la conclusion d’une convention collective. Ce serait uniquement pendant ces procédures que la convention existante continuerait à s’appliquer; une fois ces procédures épuisées, les parties seraient libres de recourir aux pressions économiques, grève ou lock-out. En conséquence, je ne puis conclure comme la majorité du conseil, la majorité en Cour divisionnaire et la majorité en Cour d’appel de l’Ontario que le par. 1 ou le par. 2 de l’art. 44 de la Loi s’appliquent à l’art. 13 de la convention collective.

Les paragraphes 1 et 2 de l’art. 44 se lisent ainsi:

[TRADUCTION] 44. (1) Lorsqu’une convention collective ne contient pas de disposition concernant la durée de son application, ou prévoit qu’elle s’appliquera pour une durée indéterminée, ou pour une durée inférieure à un an, elle est réputée prévoir qu’elle s’appliquera pour une durée d’un an à partir de la date de son entrée en vigueur.

(2) Nonobstant le paragraphe (1), les parties peuvent, avant ou après qu’une convention collective a cessé d’être en vigueur, convenir de continuer son application ou l’application de l’une de ses clauses pour une période inférieure à un an, alors qu’elles négocient en vue de sa reconduction, avec ou sans modifications, ou de la conclusion d’une nouvelle convention; néanmoins, cette convention maintenue ainsi en application n’empêche pas la présentation d’une demande d’accréditation ou tendant à obtenir une déclaration portant que le syndicat ne représente plus les salariés de l’unité de négociation.

[Page 852]

Le paragraphe 44(1) ne s’applique pas en l’espèce, parce que la convention collective prévoit clairement la durée de son application, durée supérieure à un an et qui n’est pas indéterminée. A cet égard, une reconduction d’année en année subordonnée à une procédure de résiliation est aussi certaine et déterminée qu’une reconduction de bail d’année en année qui prend fin sur préavis déterminé. Le paragraphe (2) ne s’applique pas non plus puisque, à l’instar du juge d’appel Lacourcière, je suis d’avis qu’il vise une convention prorogée ou transitoire, conclue après le début de la mise en application d’une convention collective ou après son expiration, mais non pas une clause initiale.

En résumé selon moi, les parties cherchaient par l’art. 13.02 à maintenir en vigueur la convention jusqu’à la fin des négociations et des procédures de conciliation, mais elles se sont mal exprimées. L’article 13.02 est conciliable avec l’art. 13.01 si on le considère comme un complément conforme à l’économie générale de The Labour Relations Act. Ce serait fausser l’intention générale de la loi que de méconnaître le contexte de l’art. 13.02 et lui reconnaître un effet indépendant des dispositions de l’art. 13.01 relatives à l’expiration de la convention. Le fait que le par. 70(1) de The Labour Relations Act prévoit une prorogation légale des conditions de travail, pendant les négociations en vue d’une nouvelle convention et les procédures de conciliation, ne signifie pas, à mon avis, que l’art. 13.02 fait double emploi ou qu’il envisage nécessairement une prorogation perpétuelle de la convention collective jusqu’à la signature d’une nouvelle convention. On peut tout aussi raisonnablement le considérer comme maintenant le statu quo pendant les négociations et les procédures de conciliation en vue d’une nouvelle convention. La majorité du conseil semble vouloir dire que les parties, en adoptant l’art. 13.02, ont renoncé aux dispositions de The Labour Relations Act. Je ne puis admettre ce point de vue.

Vu mon opinion sur l’interprétation et l’effet de l’art. 13, il me reste à décider si je dois m’abstenir de modifier la sentence du conseil d’arbitrage simplement parce que ma décision aurait été différente, ou s’il s’agit d’un cas où la sentence du

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conseil implique une interprétation de l’art. 13 que ses termes ne peuvent raisonnablement étayer ou d’un cas où les dispositions de la loi prévalent (comme dans l’affaire McLeod c. Egan, précitée), de sorte que la Cour n’a pas à s’incliner devant l’opinion du conseil. A mon avis, ces deux considérations jouent en l’espèce et, bien que trois tribunaux aient conclu (pour des motifs différents cependant) que la convention collective était en vigueur pendant la grève, je suis d’avis qu’après l’échec des négociations en vue de la reconduction de la convention, l’échec du conciliateur et la décision du Ministre de ne pas constituer un conseil de conciliation, le syndicat était libre de faire la grève lorsqu’il l’a faite, car il n’était plus lié par une convention collective.

En conséquence, je suis d’avis d’accueillir le présent pourvoi et d’adjuger les dépens comme mon collègue le juge Estey. Les dépens sont évidemment à la charge des employeurs intimés et non des membres du conseil d’arbitrage.

Le jugement des juges Spence, Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Pratte a été rendu par

LE JUGE ESTEY — Le présent litige résulte d’une grève dans un groupe d’hôtels du sud de l’Ontario, du 1er février au 8 mars 1971. Conformément à la procédure de règlement des griefs prévue à la convention collective du 15 février 1969, les propriétaires de ces hôtels ont soumis à l’arbitrage une demande de dommages-intérêts contre l’Union internationale des employés d’hôtel, motel et restaurant, section locale 197, qui représentait les employés en grève, au motif que la grève était illégale. Cette question est subordonnée à l’interprétation d’un article de la convention collective qui, à son tour, met en cause l’interprétation de certaines dispositions de The Labour Relations Act de l’Ontario (R.S.O. 1970, chap. 232). L’article de la convention collective se lit ainsi:

[TRADUCTION] 13.01 La présente convention sera en vigueur du 1er décembre 1968 au 30 novembre 1970 et sera reconduite d’année en année à moins que l’une des parties ne donne un avis écrit de son intention de modifier la convention, au plus soixante (60) jours et au

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moins trente (30) jours avant la date d’expiration.

13.02 La présente convention demeure en vigueur jusqu’à la négociation et signature d’une nouvelle convention, mais elle devient nulle et sans effet à la signature d’une nouvelle convention.

Les arguments avancés devant cette Cour et les cours d’instance inférieure relativement à la durée réelle de la convention reposent principalement sur les dispositions suivantes de The Labour Relations Act de l’Ontario:

[TRADUCTION] 44. (1) Lorsqu’une convention collective ne contient pas de disposition concernant la durée de son application, ou prévoit qu’elle s’appliquera pour une durée indéterminée, ou pour une durée inférieure à un an, elle est réputée prévoir qu’elle s’appliquera pour une durée d’un an à partir de la date de son entrée en vigueur.

(2) Nonobstant le paragraphe (1), les parties peuvent, avant ou après qu’une convention collective a cessé d’être en vigueur, convenir de continuer son application ou l’application de l’une de ses clauses pour une période inférieure à un an, alors qu’elles négocient en vue de sa reconduction, avec ou sans modifications, ou de la conclusion d’une nouvelle convention; néanmoins, cette convention maintenue ainsi en application n’empêche pas la présentation d’une demande d’accréditation ou tendant à obtenir une déclaration portant que le syndicat ne représente plus les salariés de l’unité de négociation.

Les procédures en l’espèce ont été longues et diverses et les dispositions litigieuses, qui se superposent, sont assez complexes. Il suffit simplement de noter que la majorité du conseil d’arbitrage, ainsi que la majorité en Cour divisionnaire et en Cour d’appel ont jugé, pour diverses raisons, que la convention collective entre les parties était encore en vigueur pendant l’arrêt de travail et qu’en conséquence, ce dernier constituait une grève illégale. La question des dommages-intérêts a été renvoyée jusqu’à ce que la décision finale sur la question de savoir si la convention collective était en vigueur pendant l’arrêt de travail, soit prise.

Le principal problème qui a surgi à chaque étape est de savoir si un conseil d’arbitrage peut à bon droit interpréter une convention collective pour déterminer si elle est en vigueur au moment de l’arbitrage; en d’autres termes, si le conseil lui-même est validement constitué et agit dans les

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limites de la compétence conférée par la convention. En réalité, il faut dire que l’avocat de l’appelant n’a fait que présenter sa thèse à laquelle répond, selon moi, le par. 37(1) de The Labour Relations Act qui permet de soumettre à l’arbitrage toute question, y compris [TRADUCTION] «toute question relative au point de savoir si un sujet peut être soumis à l’arbitrage». Il n’existe aucune autre solution pratique, car si le conseil ne peut déterminer si la convention est encore en vigueur et, de là, s’il est légalement constitué, il est difficile de déterminer où se situe cette compétence. Si le conseil erre en droit quant à l’applicabilité de la convention collective, sa décision est nulle et relève alors de la compétence d’une cour de justice.

Dans l’arrêt General Truck Drivers Union Local 938 et autres c. Hoar Transport Company Limited[4], cette Cour a confirmé un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (publié sous l’intitulé R. v. Weiler et al., Ex Parte Hoar Transport Co. Ltd.[5] Le juge Judson (avec l’accord du juge en chef Cartwright et des juges Martland et Ritchie) a déclaré expressément qu’il souscrivait entièrement aux motifs de la majorité en Cour d’appel, dans lesquels le juge Aylesworth a déclaré (à la p. 489):

[TRADUCTION] Quel est alors l’effet de la décision rendue par la majorité du conseil? La réponse est très claire; le conseil cherche, par sa décision, à aller au-delà de la convention et, en contradiction flagrante avec les termes de la convention, à s’investir d’une compétence qu’il n’a pas. Aux termes de la convention et d’après ce qui est arrivé, le grief «est censé avoir été retiré» et, en conséquence, aucun grief n’est soumis au conseil pour adjudication… Le conseil ne peut donc pas se conférer à lui-même la compétence pour examiner le grief en méconnaissant ou en modifiant les dispositions de fond de la convention qui constituent des conditions préalables à l’examen judiciaire ou quasi judiciaire en arbitrage.

En ce qui concerne plus particulièrement les organismes créés par la loi, nos cours se sont toujours réservé le pouvoir de restreindre les tribunaux inférieurs, dont la compétence est limitée, à l’exercice de cette compétence. Il y aura souvent, et dans ce cas-ci il y a, déni de justice s’ils excèdent cette compétence.

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Passons maintenant à l’art. 13 de la convention collective. Il existe manifestement une contradiction flagrante entre ses deux paragraphes. Le paragraphe 01 prévoit un mode de modification de la convention qui comprend implicitement une méthode de résiliation. Le paragraphe 02 prévoit que la convention reste en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par une autre. On peut cependant sortir de cette impasse par la voie de l’interprétation. Chaque paragraphe prévoit le maintien des rapports entre les parties, sous forme d’une convention collective, après le 30 novembre 1970, date d’expiration de la durée initiale de la convention. Le paragraphe 01 prévoit deux cas. Premièrement, il dit expressément que les parties conviennent que la convention entre en vigueur le 1er décembre 1968 et reste en vigueur jusqu’au 30 novembre 1970. Deuxièmement, il montre clairement l’intention des parties de reconduire la convention «à moins que l’une des parties ne donne un avis écrit de son intention de modifier la convention». Les conséquences de l’avis ne sont pas expressément indiquées, mais les mots «sera reconduite… à moins que…» conduisent inexorablement à la conclusion que pareil avis a pour effet de mettre fin à la convention.

Le paragraphe 02 prévoit que la convention demeure en vigueur à l’expiration de la durée prévue initialement jusqu’à ce qu’une nouvelle convention soit négociée et signée. Le reste du paragraphe n’ajoute rien. Le but du par. 02 est de prévoir que l’ancienne convention demeurera en vigueur, sans interruption, si aucun avis n’est donné en vertu du par. 01. Interpréter cette clause autrement reviendrait à ne lui reconnaître aucune signification distincte du par. 01 ou, subsidiairement, à la rendre incompatible avec ce dernier et avec toute l’économie de la Loi, qui prévoit la négociation périodique de nouvelles conventions par la négociation collective, y compris la médiation et la conciliation, processus décrits en détail dans The Labour Relations Act. Je reviendrai bientôt sur cette question.

Ceci nous amène à l’art. 44 de la Loi. Il est préférable, encore une fois, de traiter d’abord des deux paragraphes séparément. Aux termes du par. (1), lorsqu’une convention ne prévoit aucune date

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d’expiration ou fixe une durée inférieure à un an, elle est «réputée» avoir une durée d’un an. La première question qui se pose au sujet de ce paragraphe est de savoir s’il s’applique à l’art. 13.01, pour permettre de l’interpréter de manière à conclure que la convention a une durée indéterminée et est donc réputée prendre fin après un an, soit le 30 novembre 1969. Les parties ont clairement prévu le contraire à l’art. 13.01 et ont convenu que la convention prendrait fin le 30 novembre 1970. A mon avis, le texte du par. 44(1) n’étaye pas cette interprétation.

Le paragraphe 44(2) se présente clairement comme une exception au par. (1) et ne s’applique pas à l’art. 13.01. La question est donc de savoir s’il s’applique à l’art. 13.02 comme une clause indépendante de reconduction ou de remplacement. Le paragraphe 44(2) n’a aucune application immédiate en l’espèce parce que, si l’art. 13.02 prévoit quelque chose, il ne peut s’agir d’une convention de moins d’un an, alors que le par. 44(2) s’applique à une convention reconduite pour une durée de moins d’un an. A la différence du par. (1), le par. (2) ne contient aucune disposition qui soit «réputée» faire partie de la convention collective de sorte que les termes de ce paragraphe n’en font pas automatiquement partie. Les parties ont pu tenter, en adoptant la clause 13.02, de «faire le pont» entre l’expiration de la durée initiale et la signature d’une nouvelle convention. S’il en est ainsi, la clause enfreint le par. 44(2), qui exige qu’une telle convention soit «pour une période inférieure à un an…». Selon cette interprétation, la loi rendrait l’art. 13.02 inopérant. Comme je l’ai déjà dit, le par. 44(2) ne contient aucune disposition qui soit «réputée» faire partie de la convention collective comme c’est le cas pour le par. (1) et il ne peut donc étayer l’art. 13.02.

On prétend en outre que l’art. 13.02 ne peut servir à couvrir la période suivant le 30 novembre 1970 parce que le texte du par. 44(2) exigerait que la convention transitoire soit conclue après la convention initiale, séparément et indépendamment de celle-ci. Vu ma conclusion sur le sens de l’art. 13 de la convention et de l’art. 44 de la Loi, et leur

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interdépendance, il n’est pas nécessaire de trancher cette question.

La majorité en Cour d’appel était d’avis que l’art. 13.02 de la convention crée une convention collective indépendante de la première (dont la durée était de deux ans) et que le par. 44(1) limite la durée de cette convention à un an, donc au 30 novembre 1971. La convention collective était donc en vigueur au moment de la grève et, en conséquence, la grève était illégale. La Cour divisionnaire était d’avis que le par. 44(2) vient à la rescousse de l’art. 13.02 et que, même si le par. 44(2) ne contient aucune disposition qui le rende applicable lorsqu’une convention collective est conclue contrairement à l’intention exprimée au par. (2), l’article a néanmoins eu pour effet de prolonger l’existence de la convention, née de l’art. 3.02, pendant un an moins un jour ou jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention, si elle survenait plus tôt. La grève était donc illégale, puisqu’une convention collective était en vigueur le 1er février 1971. La majorité du conseil d’arbitrage a jugé que l’art. 13.02 l’emportait sur l’art. 13.01 et créait une suite de conventions successives sans autre formalité, jusqu’à ce que la convention collective soit remplacée par une nouvelle convention. Plus précisément, la majorité a conclu que l’art. 13.02 ne créait pas de nouvelle convention, mais prolongeait indéfiniment la durée de la convention initiale et lui reconnaissait un caractère permanent, sous réserve de la conclusion d’une nouvelle convention. La majorité du conseil a exprimé l’avis qu’aucun des paragraphes de l’art. 44 ne portait atteinte à l’art. 13 de la convention collective et que la structure de The Labour Relations Act n’exigeait pas une interprétation contraire de la convention ou de l’art. 44.

Les conséquences seront lourdes en matière de relations de travail si, dans des circonstances semblables à celles-ci, l’interprétation des dispositions de The Labour Relations Act et de la convention collective par les tribunaux a pour effet d’instaurer une convention collective perpétuelle qui ne prendra fin qu’à la signature, par les parties, d’une nouvelle convention collective. Si la loi ne s’y oppose pas, rien n’empêche les parties de prévoir, en langage clair, des résultats que d’autres peuvent

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juger déraisonnables. Dans de tels cas, les tribunaux n’ont pas le droit d’intervenir. La loi onta-rienne prévoit un cadre où les relations de travail sont fondées sur des négociations collectives conduisant à une convention collective, et ensuite à des conventions de remplacement. La négociation collective est un exercice auquel les parties participent après avoir évalué leur situation et force économique respective, sous réserve uniquement des restrictions et limites imposées par The Labour Relations Act. En conséquence, les conventions collectives, qui sont des créations de la loi et qui y trouvent leur origine et leur justification, sont le reflet de ces réalités. Un tribunal ne doit donc pas être trop prompt à donner à une clause de convention collective un sens qui la mette en conflit avec les principes des relations de travail consacrés par la loi applicable. Il n’en sera ainsi que lorsque l’intention et le texte de la convention dictent clairement pareille solution. Je suis d’avis que ce n’est pas le cas en l’espèce.

L’article 13 fixe la période initiale d’application de la convention collective et prévoit qu’elle prendra fin sur signification d’un avis ou sera reconduite si aucun avis n’est donné. Comme c’est souvent le cas pour les conventions collectives qui, par définition, sont le résultat d’un compromis atteint après d’intenses négociations, la terminologie n’est pas celle d’un contrat privé rédigé avec soin ou d’une loi conçue dans la tranquillité du bureau d’un rédacteur. En ce qui concerne le mode de résiliation de la convention, les art. 13.01 et 13.02 sont inconciliables; toutefois, le passage qui traite spécifiquement de ce sujet est rédigé en termes suffisamment clairs pour permettre une interprétation qui rende possible l’application de l’article dans son ensemble. Il n’est pas rare de trouver des dispositions semblables à l’art. 13.01 qui laissent entendre que le droit de résilier une convention découle de la signification d’un avis de modification. Il n’est pas rare non plus de trouver dans des conventions collectives des dispositions par lesquelles les parties envisagent sa prolongation au-delà de la durée initiale. Dans le cadre de la convention collective qui nous est soumise, la «convention 13.02», si on peut l’appeler ainsi, même si le par. 44(2) ne la rend pas inopérante, ne s’est jamais

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appliquée parce que l’avis donné en octobre en vertu de l’art. 13.01 a prévenu cette éventualité.

Pour trancher la question soulevée par le présent pourvoi, il suffit donc de répondre à une seule question: quel est l’effet juridique de l’avis donné par l’appelant en octobre 1970? Bien que l’avis ne fasse pas partie du dossier présenté à cette Cour (ni probablement aux tribunaux d’instance inférieure), l’appelant et l’intimée ont dit qu’il s’agissait d’un «avis de négociation». A mon sens, la signification de l’avis de négociation en vertu de l’art. 13.01 a pour effet de mettre fin à la convention à l’expiration de la durée prévue, soit le 30 novembre 1970, et de mettre en marche le processus de négociation collective prescrit par The Labour Relations Act. Ce processus a pris fin lorsque le Ministre, sur réception du rapport du conciliateur, a décidé de ne pas nommer de bureau de conciliation. Le sous-alinéa 70(1)a)(ii) de la Loi prévoit que les parties ont droit de grève ou de lock-out, selon le cas, 14 jours plus tard. Dans l’intervalle, l’art. 70 s’applique et limite les droits des parties en matière de salaires et de conditions de travail; le droit de grève et de lock-out est suspendu pendant cette période. Le litige ne porte aucunement sur cette période légale.

Cette période de 14 jours s’est terminée le 29 janvier 1971 et la grève a été déclenchée le 1er février 1971, date à laquelle, à mon avis, ni la convention collective, ni les dispositions de la loi ne s’appliquaient aux parties.

Il suffit simplement d’ajouter que cette conclusion est compatible avec l’intention des parties exprimée dans la convention collective et le cadre imposé aux relations de travail par le législateur dans The Labour Relations Act. Si l’on se souvient que les art. 13 à 33, 45 et 46 de The Labour Relations Act de l’Ontario établissent des mécanismes de négociation applicables à la fois aux négociations qui précèdent la première convention collective et à celles qui conduisent à de nouvelles conventions, la terminologie utilisée par les parties dans les dispositions de la convention collective en cause prend tout son sens. Ces mécanismes ne peuvent jouer que pendant les 90 jours précédant l’expiration de la convention collective. L’exercice

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du droit de grève est suspendu ou retardé jusqu’à ce que les procédures imposées par la loi aient été suivies et menées à terme. Compte tenu de ce cadre imposé aux relations de travail, il est difficile d’interpréter une convention collective conclue entre deux parties en vertu de cette loi comme une tentative de se soustraire à ces dispositions. Lorsqu’on donne aux termes utilisés par les parties leur sens courant, on ne parvient pas à ce résultat.

L’article 13.01 est un bon exemple. Les délais prévus par cette clause de la convention pour la négociation des modifications proposées sont compatibles avec ceux de l’art. 45 de The Labour Relations Act. L’article fixe clairement un délai de deux ans et prévoit que la convention sera reconduite d’année en année si aucun avis de modification n’est donné. On ne peut interpréter l’art. 13.02 sans se rapporter à l’intention générale des parties exprimée par l’ensemble de la convention. Si l’on interprétait l’art. 13.02 de façon à exiger une entente sur la nouvelle convention avant de remplacer la convention initiale, il n’y aurait aucun intérêt à prévoir la signification d’un avis de modification au par. 01 puisque dans ce cas les parties ne seraient pas libres de négocier, au sens ordinaire de ce terme. Lorsque la seule possibilité à défaut d’un accord sur les nouvelles propositions est l’application perpétuelle de la convention existante, la négociation collective, au sens où on l’entend en relations de travail, ne peut fonctionner. A mon avis, pour amener un tribunal à adopter une interprétation voulant que les parties aient volontairement renoncé à la possibilité d’invoquer les dispositions de la Loi en vue de la modification d’une convention collective, et pour substituer aux procédures maintenant courantes dans les relations de travail de notre société, une convention permanente reconduite jusqu’à ce que les deux parties s’entendent sur une nouvelle convention, il faudrait le langage le plus limpide.

Par l’art. 13.01, les parties ont expressément stipulé leur droit respectif de mettre fin à la convention et la procédure à employer dans ce but. L’article 13.02 prévoit la reconduction de la convention tant qu’aucune mesure n’est prise en vertu du par. 01, en l’occurrence la signification d’un

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avis de modification. Toute autre interprétation des deux dispositions crée un conflit entre l’art. 13.02 et le par. 44(2) de la Loi. On peut clairement conclure des dispositions de l’art. 13.01 que les parties avaient nettement à l’esprit certaines dispositions de The Labour Relations Act lorsqu’elles ont rédigé la convention et, à moins qu’on ne puisse vraiment faire autrement, c’est, je crois, une erreur de conclure que la convention est incompatible avec les dispositions de la Loi ou constitue un abandon des droits accordés par la Loi.

La majorité en Cour d’appel a interprété l’art. 13.02 à la lumière du par. 44(1), après avoir jugé que le par. 44(2) ne s’appliquait pas. De cette façon, elle a conclu qu’aux termes de l’art. 13.02, la convention reconduite, qui contient les dispositions mêmes de la convention initiale de deux ans, était en vigueur du 1er décembre 1970 au 30 novembre 1971. Cette approche a ses avantages, mais rien dans la Loi, ni surtout dans les termes employés par le législateur aux par. 44(1) et (2), n’autorise l’application successive de ces dispositions.

Mise à part la mention «nonobstant le par. (1)» au par. 44(2), j’estime qu’il n’y a aucun lien entre les par. (1) et (2). La mention du par. (1) au par. (2) vient de ce que ce dernier permet l’application d’une convention transitoire d’une durée inférieure à celle prévue au par. (1). En outre, le par. (1) vise le cas où la convention collective ne contient pas de disposition sur sa durée ou celui où le législateur juge que sa durée est trop brève. Par contre, le par. (2) vise le cas où les parties peuvent, par contrat, dans le cadre des négociations précédant le renouvellement de la convention, conclure une entente pour prolonger l’application de la convention collective périmée ou sur le point de l’être «pendant qu’elles négocient en vue de sa reconduction». Cela semble être le pendant consensuel de la convention minimum imposée par la Loi, ou plutôt du maintien du statu quo minimum prévu à l’art. 70 de la Loi. Comme il n’y a entre les deux paragraphes que le lien mentionné et que le par. (2) ne s’applique pas dans les circonstances, je ne puis admettre que le par. 44(1) s’applique à l’art. 13.02, comme

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s’il s’agissait d’une convention indépendante dont la durée doit être fixée.

Ce pourvoi met en jeu toutes les ressources auxquelles un tribunal doit faire appel pour interpréter un contrat et une loi. Les conclusions tirées par les diverses majorités dans les cours d’instance inférieure dépendent de leur façon d’interpréter le contrat et la loi ainsi que le lien qui existe entre eux. En minorité au conseil d’arbitrage, T.E. Armstrong a conclu:

[TRADUCTION] Je ne crois pas qu’il était dans l’intention du législateur de permettre qu’une convention collective soit conçue de façon à exclure à perpétuité le droit de grève et de lock-out. En conséquence, j’estime qu’il faut préférer à une interprétation qui le nie, toute interprétation acceptable qui préserve le droit de faire la grève pendant la période qui suit la conciliation.

En dissidence à la Cour d’appel, le juge Lacour-cière a déclaré:

[TRADUCTION] Pour établir le sens de l’art. 13.02, on ne doit pas simplement suivre les règles ordinaires d’interprétation, mais tenir compte aussi du cadre général de The Labour Relations Act ainsi que du droit du travail moderne. Les intérêts opposés doivent être évalués de façon réaliste et juste, en fonction de la politique sociale qui est à l’origine de The Labour Relations Act, appliquée de façon progressive par le Labour Relations Board et interprétée par les tribunaux. Dans le domaine des conflits du travail, il est couramment admis qu’un syndicat a le droit de grève et qu’une compagnie peut recourir au lock-out lorsque les procédures de conciliation ont été épuisées et les restrictions légales respectées. L’article sur lequel se fondent les employeurs doit être interprété dans ce contexte. A cet égard, je préfère l’opinion émise par T.E. Armstrong, c.r., dans sa dissidence.

Avec égards, je souscris à ces points de vue.

En conséquence, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et le jugement de la Cour divisionnaire et de le remplacer par un ordre qui infirme la sentence du conseil d’arbitrage. L’appelant a droit à ses dépens devant cette Cour et les cours d’instance inférieure.

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Pourvoi accueilli avec dépens, sentence arbitrale infirmée.

Procureurs des appelants: Cameron, Brewin & Scott, Toronto.

Procureurs des intimés: Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto.

[1] (1976), 13 O.R. (2d) 56.

[2] (1975), 7 O.R. (2d) 592.

[3] [1975] 1 R.C.S. 517.

[4] [1969] R.C.S. 635.

[5] (1968), 67 D.L.R. (2d) 484.


Synthèse
Référence neutre : [1979] 1 R.C.S. 846 ?
Date de la décision : 21/12/1978
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli

Analyses

Relations de travail - Arbitrage - Convention collective avec clause transitoire - Négociation collective - Grève après l’échec de la conciliation - La convention collective est-elle encore en vigueur? - Compétence du conseil d’arbitrage - Justification pour modifier une sentence arbitrale - The Labour Relations Act, R.S.O. 1970, chap. 232, art. 37(1), 44.

Le présent litige résulte d’une grève dans un groupe d’hôtels du sud de l’Ontario, du 1er février au 8 mars 1971. Les propriétaires des hôtels ont allégué que la grève était illégale et ont soumis à l’arbitrage une demande de dommages-intérêts contre l’Union. La légalité de la grève est subordonnée à l’interprétation de l’art. 13 de la convention qui, en plus de prévoir la durée de la convention et sa cessation, contient une disposition transitoire portant que la convention reste en vigueur jusqu’à ce qu’une nouvelle convention soit négociée et conclue. Il existait manifestement une contradiction flagrante à l’art. 13 dont le par. 01 prévoyant un avis de négocier qui comprendrait implicitement une méthode de résiliation et le par. 02 prévoit le maintien en vigueur de la convention jusqu’à la conclusion d’une nouvelle. Avant l’expiration de la convention, après un avis de négocier signifié par l’Union, il y eut des négociations et malgré l’intervention d’un conciliateur, les parties n’ont pas réussi à s’entendre. Quatorze jours après un rapport opposé à la nomination d’un bureau de conciliation, la grève a débuté. Il s’agissait alors de savoir si une convention collective était en vigueur durant l’arrêt de travail et si un conseil d’arbitrage pouvait à bon droit interpréter une convention pour déterminer si elle était en vigueur, c.-à-d. si le conseil était lui-même bien constitué et avait compétence. La majorité du conseil d’arbitrage a jugé que l’art. 13.02 l’emportait sur l’art. 13.01 et qu’une convention était en vigueur. La Cour divisionnaire était d’avis que le par. 44(2) de la Loi s’applique

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pour prolonger l’effet de l’art. 13.02 pendant un an moins un jour ou jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention et a rejeté la demande d’annulation présentée par l’Union. La Cour d’appel a aussi jugé la grève illégale.

Arrêt: Le pourvoi doit être accueilli.

Le juge en chef Laskin et les juges Martland et Ritchie: Il s’agit principalement de fixer les limites du pouvoir d’examen de la sentence du conseil. Même si, en l’absence de disposition légale l’interdisant, on peut procéder à l’examen de la sentence pour erreur de droit, le concept est difficile à cerner lorsqu’il s’agit d’interpréter les termes d’une convention collective, qui sont soumis à l’arbitrage. Si le conseil a donné aux termes pertinents une interprétation acceptable, les tribunaux en général préfèrent ne pas la modifier. Ce principe connaît deux restrictions, lorsqu’une question de compétence est en cause et lorsqu’il incombe au conseil d’interpréter une loi. A première vue, la présente cause contient ces deux restrictions, mais le simple fait que l’on demande au conseil de décider si la convention était en vigueur, au sens de l’art. 13.02, ne signifie pas que sa sentence porte sur une question de compétence vu le par. 37(1) de The Labour Relations Act et la convention des parties qui soumet l’arbitrabilité à la compétence d’un conseil d’arbitrage. En outre, ni le par. (1) ni le par. (2) de l’art. 44 ne s’appliquent. Une reconduction d’année en année assujettie à une procédure de résiliation est certaine et non indéterminée comme le prévoit le par. (1), et le par. (2) ne s’applique pas puisqu’il traite de conventions prorogées conclues après le début de la mise en application d’une convention collective ou après son expiration, mais non pas une clause initiale. Par l’art. 13.02, les parties ont cherché à maintenir leur convention en vigueur pendant la négociation et la conciliation et cet article est conciliable avec l’art. 13.01 si on le considère comme un complément conforme à l’économie générale de The Labour Relations Act. Dans les circonstances tout doute quant à savoir si la sentence doit être modifiée devrait être résolu en faveur des appelants. Après l’échec des négociations en vue de la reconduction de la convention, suivi de la conciliation et de la décision de ne pas constituer un conseil de conciliation, l’Union était libre de faire la grève lorsqu’elle l’a faite car elle n’était plus liée par une convention collective.

Les juges Spence, Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Pratte: Le paragraphe 37(1) de The Labour Relations Act résoud la question de compétence. Il permet de soumettre à l’arbitrage toute question, y compris «toute question relative au point de savoir si un sujet peut être soumis à l’arbitrage». Il n’existe aucune autre solution pratique, car si le conseil ne peut déterminer si la

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convention est encore en vigueur et, de là, s’il est légalement constitué, il est difficile de déterminer où se situe cette compétence. Si le conseil erre en droit quant à l’applicabilité de la convention, sa décision est nulle et relève alors de la compétence d’une cour de justice. Pour trancher ce pourvoi, il suffit donc de répondre à une simple question: quel est l’effet juridique de l’avis donné par l’appelant? La signification de l’avis de négociation en vertu de l’art. 13.01 a pour effet de mettre fin à la convention, le 30 novembre 1970, à l’expiration de la durée prévue, et de mettre en marche le processus de négociation prescrit par The Labour Relations Act. Ce processus a pris fin lorsque le Ministre, sur réception du rapport du conciliateur, a décidé de ne pas nommer de bureau de conciliation. Le sous-alinéa 70(1)a)(ii) de la Loi prévoit que 14 jours plus tard, les parties ont droit de grève ou de lock-out et dans l’intervalle l’art. 70 s’applique. Cette conclusion est compatible avec l’intention des parties exprimée dans la convention et avec le cadre législatif.


Parties
Demandeurs : Bradburn
Défendeurs : Wentworth Arms Hotel

Références :

Jurisprudence: General Truck Drivers Union Local 938 et autres c. Hoar Transport Company Limited, [1969] R.C.S. 635, confirmant (1968) 67 D.L.R. (2d) 484, sub nom. R. v. Weiler et al., Ex Parte Hoar Transport Co. Ltd.

McLeod c. Egan, [1975] 1 R.C.S. 517.

Proposition de citation de la décision: Bradburn c. Wentworth Arms Hotel, [1979] 1 R.C.S. 846 (21 décembre 1978)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1978-12-21;.1979..1.r.c.s..846 ?
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