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28/06/1979 | CANADA | N°[1980]_1_R.C.S._321

Canada | McFall c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 321 (28 juin 1979)


Cour suprême du Canada

McFall c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 321

Date: 1979-06-28

Allwyn George McFall Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

1978: 5 et 6 décembre; 1979: 28 juin.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Pratte.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA

Cour suprême du Canada

McFall c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 321

Date: 1979-06-28

Allwyn George McFall Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

1978: 5 et 6 décembre; 1979: 28 juin.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Pratte.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA


Synthèse
Référence neutre : [1980] 1 R.C.S. 321 ?
Date de la décision : 28/06/1979
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Droit criminel - Trois personnes déclarées coupables d’un meurtre - Procès conjoint - Erreurs commises par le juge du procès relativement à l’utilisation de déclarations extra-judiciaires de l’accusé - Preuve écrasante de la participation de l’appelant - Application des dispositions du sous-al. 613(1)b)(iii) du Code criminel.

L’appelant, avec deux autres hommes, a été accusé et déclaré coupable du meurtre non qualifié de David Perry dans la ville de Winnipeg après un procès devant juge et jury; ils ont tous été condamnés à l’emprisonnement à perpétuité. La Cour d’appel du Manitoba, à la majorité, a confirmé la déclaration de culpabilité; le juge O’Sullivan, dissident, aurait ordonné de nouveaux procès séparés. L’appelant a interjeté appel devant cette Cour en vertu de l’al. 618(1)a) du Code criminel en se fondant sur une dissidence sur une question de droit en Cour d’appel.

Le certificat de la Cour d’appel expose les 12 motifs de dissidence. Voici les trois premiers: «1. Le savant juge du procès a commis une erreur en invitant le jury à comparer et à mettre en opposition les aveux de l’appelant et ceux de ses coaccusés, pour vérifier la validité des aveux de l’appelant. 2. Le savant juge du procès a commis une erreur en invitant le jury à examiner, pour évaluer la crédibilité de l’appelant, les déclarations de ses coaccusés qui n’étaient pas recevables en preuve contre lui. 3. Le savant juge du procès a commis une erreur en permettant que l’on demande à l’appelant, en contre-interrogatoire, de faire des commentaires quant à la véracité des aveux de ses coaccusés et quant à la véracité des dépositions d’autres témoins.»

La majorité de la Cour d’appel est arrivée à la même conclusion que le juge dissident quant aux trois premiers motifs de dissidence, mais a appliqué le sous-al. 613(1)b)(iii) du Code et a rejeté l’appel.

Arrêt (le juge en chef Laskin et les juges Spence et Estey étant dissidents): Le pourvoi doit être rejeté.

Les juges Martland, Ritchie, Pigeon, Dickson, Beetz et Pratte: Vu la preuve écrasante de la participation de

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l’appelant au meurtre dont il a été reconnu coupable, la Cour d’appel était persuadée, malgré les erreurs du juge du procès relevées dans les motifs de jugement qu’elle a exprimés, qu’il ne s’était produit «aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave» et que les dispositions du sous-al. 613(1)b)(iii) du Code devaient s’appliquer. Il n’y a eu aucune erreur de droit dans les motifs de l’arrêt de la majorité de la Cour d’appel.

Le juge en chef Laskin et les juges Spence et Estey, dissidents: L’utilisation des aveux des coaccusés contre l’appelant constituait une violation fondamentale de la règle contre la réception de la preuve par ouï-dire et une exception inacceptable ou un élargissement de l’exception à l’interdiction générale, exception que le droit ne reconnaît pas. (Schmidt c. R., [1945] R.C.S. 438.)

Le jury n’a pas été mis en garde, par des directives appropriées, contre la mauvaise utilisation de ces déclarations extrajudiciaires; au contraire, on l’a invité à analyser chaque déclaration à la lumière du contenu des deux autres déclarations comme si chacune d’elles constituait une preuve contre l’appelant. Dans la présente affaire, il est manifeste, avec le recul, qu’on aurait pu éviter la difficulté de la mauvaise utilisation des aveux par la tenue de procès séparés. Cependant, le recul du temps ne constitue pas une réponse. Le dossier n’indique aucune erreur de la part du juge du procès dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire sur la question des procès séparés ou du procès conjoint. Le problème a pris naissance avec l’utilisation irrégulière des déclarations des coaccusés au cours du contre‑interrogatoire de l’appelant, il s’est poursuivi dans le réquisitoire et les plaidoyers et il a atteint son point culminant dans les directives du juge au jury sur la comparaison des différentes déclarations des coaccusés.

Une erreur de droit grave et fondamentale a été commise et on ne peut être sûr que, sans cette erreur répétée, un jury ayant reçu des directives appropriées serait nécessairement arrivé à la même conclusion en ce qui regarde l’appelant. En conséquence, compte tenu de ces circonstances, et à partir de décisions antérieures rendues par cette Cour sur la question de la bonne application des pouvoirs réparateurs accordés par le sous-al. 613(1)b)(iii) du Code criminel (ou une disposition antérieure au même effet), ce sous-alinéa ne peut être invoqué et la déclaration de culpabilité ne peut être maintenue. Une dissidence sur la question de l’application du sous-al. 613(1)b)(iii) devant une cour d’appel équivaut à une dissidence sur une question de droit; elle peut donc être examinée par cette Cour. [Jurisprudence: Bruton v. U.S. (1968), 391 U.S. 123; Brooks c. Le Roi, [1927] R.C.S. 633; Stein c. Le Roi, [1928] R.C.S. 553; Lizotte c. Le Roi, [1951] R.C.S. 115; Brown c. La

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Reine, [1962] R.C.S. 371; Colpitts c. La Reine, [1965] R.C.S. 739; Le Roi c. Décary, [1942] R.C.S. 80; Rozon c. Le Roi, [1951] R.C.S. 248; Pearson c. La Reine, [1959] R.C.S. 369; Dunlop et Sylvester c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 881.]

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba[1] qui a rejeté à la majorité les appels interjetés par l’appelant et deux autres hommes de leur déclaration de culpabilité pour meurtre non qualifié. Pourvoi rejeté, le juge en chef Laskin et les juges Spence et Estey étant dissidents.

D’Arcy McCaffrey, c.r., pour l’appelant.

J.G. Dangerfield, pour l’intimée.

Version française des motifs du juge en chef Laskin et des juges Spence et Estey rendus par

LE JUGE ESTEY (dissident) — L’appelant, avec deux autres hommes, a été accusé et déclaré coupable du meurtre non qualifié de David Perry dans la ville de Winnipeg après un procès devant juge et jury; ils ont tous été condamnés à l’emprisonnement à perpétuité. La Cour d’appel du Manitoba, à la majorité, a confirmé la déclaration de culpabilité. (Motifs de jugement rédigés par le juge en chef Freedman, auxquels ont souscrit les juges Guy, Monnin et Matas; le juge O’Sullivan, dissident, aurait ordonné de nouveaux procès séparés). Les deux autres hommes qui ont été accusés et déclarés coupables, Kizyma et Puffer, n’ont pas appelé de l’arrêt de la Cour d’appel. L’appelant McFall se pourvoit devant cette Cour en vertu de l’al. 618(1)a) en se fondant sur une dissidence sur une question de droit en Cour d’appel.

Le certificat de la Cour d’appel expose les motifs de dissidence:

[TRADUCTION] 1. Le savant juge du procès a commis une erreur en invitant le jury à comparer et à mettre en opposition les aveux de l’appelant et ceux de ses coaccusés, pour vérifier la validité des aveux de l’appelant.

2. Le savant juge du procès a commis une erreur en invitant le jury à examiner, pour évaluer la crédibilité de l’appelant, les déclarations

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de ses coaccusés qui n’étaient pas recevables en preuve contre lui.

3. Le savant juge du procès a commis une erreur en permettant que l’on demande à l’appelant, en contre-interrogatoire, de faire des commentaires quant à la véracité des aveux de ses coaccusés et quant à la véracité des dépositions d’autres témoins.

4. Le savant juge du procès a commis une erreur en omettant de dire au jury dans ses directives que si deux ou plusieurs personnes complotent en vue de commettre un vol qualifié et d’avoir recours à la violence pendant la perpétration du vol et s’il y a mort d’homme par suite de l’emploi de la violence par une ou plusieurs des parties au complot, la personne qui a comploté est coupable de meurtre seulement si les lésions corporelles qui ont entraîné la mort étaient d’un genre qui était prévisible en fonction du projet commun.

5. Le savant juge du procès a commis une erreur en rejetant une requête qui demandait la tenue de procès séparés.

6. Le savant juge du procès a commis une erreur en recevant en preuve la déclaration extrajudiciaire de l’accusé McFall.

7. Le savant juge du procès a commis une erreur en refusant que soit exposée au jury la théorie de la défense de l’appelant que la victime était un homosexuel qui avait invité à sa chambre un des coaccusés pour se livrer avec lui à des actes d’homosexualité, moyennant rémunération.

8. Le savant juge du procès a commis une erreur en omettant d’instruire correctement le jury sur le sens du mot «voler» en droit criminel.

9. Le savant juge du procès a commis une erreur en omettant d’instruire correctement le jury sur le sens du mot «volontairement».

10. Le savant juge du procès a commis une erreur en permettant que soit produite une preuve de la mauvaise réputation de l’appelant, savoir une conversation ayant trait aux rapports antérieurs de l’appelant avec des homosexuels.

11. Le savant juge du procès a commis une erreur en omettant de donner au jury la direc-

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tive qu’il pouvait trouver l’accusé coupable de quelque crime autre que le meurtre ou l’homicide involontaire coupable, par exemple celui d’avoir causé des lésions corporelles.

12. Le sous-al. 613(1)b)(iii) du Code criminel ne devrait pas être appliqué pour faire rejeter l’appel.

La majorité de la Cour d’appel est arrivée à la même conclusion que le juge dissident quant aux trois premiers motifs de dissidence, mais a appliqué le sous-al. 613(1)b)(iii) et a rejeté l’appel. Le Juge en chef a exprimé son opinion sur ces erreurs de la façon suivante:

[TRADUCTION] De l’argument que nous venons d’examiner ressort la proposition qu’il y a eu une erreur au cours du procès dans l’utilisation par le substitut du procureur général des déclarations de Puffer et de Kizyma pour contre-interroger McFall. Je suis d’accord que cela constituait une erreur. Si la déclaration de Puffer n’est pas recevable contre McFall, on n’aurait pas dû le confronter avec cette déclaration en contre-interrogatoire. Il en est de même pour la déclaration de Kizyma. A mon avis, c’est là faire indirectement ce que l’on n’a pas le droit de faire directement. Mais quel a été l’effet de cette erreur? Suivant mon interprétation de la preuve, cette façon de procéder n’a causé aucun préjudice à l’accusé. En vérité, elle a permis à McFall de mitiger, ou du moins de tenter de mitiger quelques-unes des affirmations préjudiciables contenues non seulement dans sa déclaration mais aussi dans celle des autres.

On a aussi prétendu que le substitut du procureur général a commis une erreur en invitant le jury à comparer la déclaration des trois accusés, ce qui équivaut à lui demander de comparer une preuve recevable avec une preuve irrecevable. Je suis d’avis que cette façon de procéder était fautive. Cependant le savant juge du procès dans son exposé au jury a bien expliqué que (1) le réquisitoire et les plaidoyers des avocats ne constituaient pas une preuve et ne devaient pas être considérés comme telle; (2) le jury devait se fier exclusivement à l’exposé du droit que lui faisait le juge; (3) la preuve contre chaque accusé devait être étudiée et appréciée séparément; et

[Page 326]

(4) la déclaration de chaque accusé aux policiers ne constituait pas une preuve contre les deux autres accusés et ne devait pas être considérée comme telle. Ces directives, à mon avis, avaient pour effet de diminuer considérablement sinon d’éliminer complètement le préjudice qu’aurait pu entraîner la suggestion du substitut de procureur général.

Je ne conteste pas qu’il y ait eu des erreurs au cours du procès, certaines dont nous avons parlé, d’autres de nature moins grave. Il est rare que le dossier d’un procès criminel soit impeccable. Cependant, le savant juge a mené le procès d’une manière rigoureusement équitable. Les erreurs qui ont pu se glisser au cours du procès n’ont, à mon avis, entraîné «aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave». Appliquant les dispositions du sous‑al. 613(1)b)(iii), je suis d’avis de rejeter l’appel.

Analysant les déclarations extrajudiciaires de chacun des trois coaccusés, introduites en preuve par le ministère public, le juge O’Sullivan a dit:

[TRADUCTION] Ces aveux, bien qu’ils aient en partie incriminé leur auteur, proposaient tous des explications qui, si elles étaient acceptées par le jury, auraient pu réduire la participation de leur auteur à une infraction moins grave que le meurtre. Chaque aveu cherchait à rejeter une grande partie du blâme sur les autres accusés.

…Le substitut du procureur général a adopté au procès une façon de procéder qui, bien qu’elle puisse, à la réflexion, paraître extraordinaire, a été admise et par le juge et par l’avocat de chacun des accusés. Le substitut du procureur général a comparé et mis en opposition les trois aveux. Il l’a fait au moyen d’un contre-interrogatoire de l’accusé McFall qui a témoigné après que son aveu eut été jugé volontaire. Il l’a fait au moment de son réquisitoire au jury. Il a invité le jury à étudier chaque déclaration en regard des autres déclarations et, à partir de leurs ressemblances et différences, ainsi que de leur compatibilité ou incompatibilité avec les

[Page 327]

faits matériels, d’en déduire ce qui s’était passé la nuit en question.

A mon avis, le substitut du procureur général a commis une erreur grave en invitant ainsi le jury à comparer et à mettre en opposition les aveux.

Ayant conclu à l’existence de plusieurs erreurs graves au cours du procès, je suis d’avis que douze personnes ayant reçu des directives appropriées sur le droit ne seraient pas nécessairement arrivées au même verdict.

Il est manifeste que ces déclarations extrajudiciaires des trois accusés ont servi très largement au contre-interrogatoire de l’accusé, ont été mentionnées et dans le réquisitoire du substitut du procureur général et dans les plaidoyers des procureurs des coaccusés et dans l’exposé du juge au jury. Chaque fois, ces trois déclarations ont été comparées et vérifiées par recoupement de manière que les déclarations des coaccusés ont été à plusieurs reprises présentées comme si elles étaient recevables contre l’appelant aux mêmes fins et de la même façon que sa propre déclaration. L’influence de cette façon de procéder sur le jury a été rehaussée du fait que l’appelant a été le seul des trois coaccusés à témoigner et, comme nous le verrons par les extraits cités plus loin, l’avocat du coaccusé Kizyma et le substitut du procureur général ont présenté à l’appelant les déclarations des deux coaccusés et l’ont mis en demeure d’expliquer les différences entre les trois déclarations. Ce qui suit est extrait du contre-interrogatoire de l’appelant par l’avocat d’un des coaccusés:

[TRADUCTION] Q. Lorsque vous êtes entré dans la chambre avec M. Puffer n’avez‑vous pas dit: «Nous sommes de la police spéciale de la G.R.C.»?

R. Non, monsieur.

Q. M. Kizyma déclare que vous avez dit cela.

R. Je n’ai jamais dit ça.

Q. M. Kizyma a déclaré que vous avez dit: «Nous avons entendu dire que vous avez apporté de l’héroïne à Winnipeg.»

R. Je n’ai jamais dit cela.

[Page 328]

Q. David a dit «Non».

R. Je ne l’ai jamais entendu.

Q. Alors, M. Kizyma mentait encore?

R. Uh-huh.

Q. Alors M. Kizyma a déclaré que vous l’aviez giflé et que vous lui aviez dit qu’il l’avait fait.

R. Je ne l’ai jamais touché.

Q. M. Kizyma mentait encore?

R. (Pas de réponse.)

LA COUR: Le témoin ne répond pas à votre question.

Me SCHWARTZWALD: Je crois qu’il a répondu.

LA COUR: Je ne crois pas qu’il ait répondu. Vous lisez des déclarations sous forme de questions et vous n’avez pas de réponse.

Q. Alors, M. Kizyma mentait lorsqu’il a déclaré que vous aviez giflé M. Perry et que vous lui aviez dit qu’il avait apporté des stupéfiants à Winnipeg?

R. Je suppose qu’il mentait.

Q. Dans sa déclaration M. Kizyma dit qu’il a mis l’oreiller sur M. Perry?

R. Oui.

Q. Il ne mentait pas à ce moment-là, n’est-ce pas?

R. Non.

Ce qui suit est extrait du contre-interrogatoire de l’appelant par le substitut du procureur général:

[TRADUCTION] Q. Je vous réfère à la déclaration de M. Puffer. Je vous suggère que ce que M. Puffer a déclaré est exact: «Je suis allé vers Allwyn et j’ai dit «il n’y a pas d’argent».» Vous souvenez-vous que M. Puffer ait dit cela?

R. Non, monsieur.

Q. «A ce moment-là, Mark et Allwyn retenaient David au sol». Est-ce vrai?

R. Non, monsieur.

Q. Alors vous affirmez qu’une partie de la déclaration de M. Puffer n’est pas vraie?

R. Oui, monsieur.

Q. “Mark et Allwyn retenaient David au sol»; ce n’est pas vrai?

R. Non, monsieur.

Q. Très bien, revenons à la déclaration. «Pendant que je faisais cela Kerry fouillait ses complets dans la garde-robe pour trouver de l’argent». Est-ce vrai?

R. Non, monsieur.

[Page 329]

Q. Ce n’est pas vrai?

R. Non, monsieur.

Q. Dans sa déclaration, pièce 67, M. Kizyma a dit «Pendant ce temps-là, Allwyn disait: «Nous sommes de la police spéciale de la G.R.C.»» Vous lui disiez que vous faisiez partie de l’escouade de l’héroïne de la G.R.C. et il a poursuivi en racontant que vous donniez des gifles.

R. Non, monsieur, il n’a pas fait ça.

Q. Plus loin dans la déclaration de Kizyma, on lit: «Alors il a tenté de se lever et je l’ai poussé sur le lit et il est tombé sur le sol de l’autre côté.», est-ce que cette déclaration est vraie?

R. Que je l’ai poussé?

Q. Kizyma dit qu’il l’a poussé.

R. Oui, c’est lorsque nous sommes entrés dans la chambre.

Q. «Alors il a tenté de se lever et je» c’est-à-dire M. Kizyma, «…je l’ai poussé sur le lit et il est tombé sur le sol de l’autre côté». Est-ce vrai?

R. Je ne sais pas où il est tombé.

Q. Il l’a poussé sur le lit?

R. Il l’a poussé, oui.

Q. Vous nous avez déjà dit cela.

R. Oui.

Q. La phrase suivante dans la déclaration de Kizyma: «Alors, Tom», M. Puffer, «est revenu dans la chambre et je» c’est-à-dire Kizyma, «…j’ai commencé à chercher de l’argent. J’ai ouvert la porte de la garde-robe pour voir s’il y avait de l’argent mais je n’ai touché à aucun de ses complets ou vêtements.»; est-ce que c’est la vérité?

R. Cela pourrait être vrai.

Q Lorsque vous dites dans votre déclaration, et pour nous situer c’est tout de suite après que le récepteur du téléphone a été raccroché: «Pendant que je faisais cela Kerry fouillait ses complets dans la garde-robe pour trouver de l’argent.». C’est la vérité n’est‑ce pas?

R. Non.

Q. Vous dites que la déclaration de Kizyma est peut-être vraie, mais que la vôtre ne l’est pas?

R. S’il a dit qu’il l’a fait, alors il l’a fait.

Q. Faux. Dans la lettre de Kizyma, pièce 68, celle qu’il a écrite à ses parent, il dit: «Et j’ai dit que je n’ai pas pu trouver d’argent. Et le type a dit qu’il avait laissé son portefeuille dans le coffre-fort à la

[Page 330]

réception de l’hôtel.» Qu’avez-vous à dire à ce sujet? Est-ce vrai?

R. Je ne sais pas si c’est vrai ou pas.

LA COUR: De quelle pièce s’agit-il?

Me NOZICK: Je me référais à la lettre, pièce 68, celle que M. Kizyma a écrite à ses parents.

PAR Me NOZICK:

Q. Vous avez dit essentiellement la même chose dans votre déclaration n’est-ce pas?

R. Oui.

Q. Vous ne pouvez dire si c’est vrai ou non?

R. Il a lu ma déclaration aussi.

Q. C’est dans la déclaration que vous avez faite à la police n’est-ce pas?

R. Oui.

Q. Je vous réfère à la déclaration de M. Puffer, pièce 50, et je vais vous la lire dans le contexte: «Allwyn et Mark parlaient à David. Je suis allé vers Allwyn et j’ai dit il n’y a pas d’argent…»; vous souvenez-vous de cela?

R. Je me souviens qu’il est venu vers moi et qu’il a dit cela.

Q. «A ce moment-là ils — Mark et Allwyn retenaient David au sol. Allwyn m’a dit de lui attacher les pieds et il m’a donné une ceinture. Je me souviens de lui avoir attaché les pieds. Alors l’un d’entre eux a dit «partons!»» Est-ce exact?

R. Oui.

Q. C’est vous qui avez remis la ceinture à M. Puffer et qui avez dit à M. Puffer de lui attacher les pieds?

R. Non, monsieur.

Q. Alors cette partie de la déclaration de M. Puffer n’est pas vraie?

R. Si je disais à M. Puffer de sauter dans le feu, est-ce qu’il le ferait?

Q. Je ne sais pas. C’est votre ami.

R. Je ne pense pas qu’il le ferait.

LA COUR: Me Nozick, il y a plusieurs commentaires dans cette déclaration qui sont plus importants que celui de savoir s’il ferait ceci ou cela. Je pense que le témoin devrait avoir la possibilité de répondre de façon précise à cette partie de la question que vous posez à partir de la déclaration de Puffer suivant laquelle Allwyn lui a donné la ceinture et lui a dit de lui attacher les pieds.

Me NOZICK: C’est pour être plus précis que j’ai tenté de ne pas sortir la déclaration de son contexte.

[Page 331]

PAR Me NOZICK:

Q. Je me réfère à la déclaration de M. Puffer et je suggère qu’il dit la vérité lorsqu’il déclare: «Allwyn m’a dit de lui attacher les pieds et il m’a donné une ceinture. Je me souviens de lui avoir attaché les pieds.»; qu’avez-vous à dire à ce sujet?

R. Ce n’est pas vrai.

Q. Revenons à votre déclaration, que vous niez: «Jason était en train de lui attacher les pieds avec sa ceinture et Kerry le frappait à la figure et il lui a attaché les mains derrière le dos avec quelque chose.»; qu’avez-vous à dire au sujet de cette déclaration?

R. Je ne lui ai jamais dit de lui attacher les mains derrière le dos. J’ai demandé à la police comment ses mains étaient attachées et ils me l’ont dit.

Q. Je vous suggère, M. McFall, que c’est vous qui pilotiez toute cette affaire. C’est vous qui disiez à chacun quoi faire?

R. Non, monsieur.

Q. Je vais vous lire une partie de la déclaration de M. Kizyma, pièce 67, et je veux que vous me disiez si vous êtes d’accord ou non avec ce que M. Kizyma a raconté à la police dans cette déclaration, pièce 67. Vous vous souvenez, je vous ai lu la partie: «J’ai ouvert la porte de la garde-robe pour voir s’il y avait de l’argent mais je n’ai touché à aucun de ses complets ou vêtements.». Vous souvenez-vous lorsque je vous ai posé cette question auparavant?

R. Oui.

Q. Vous m’avez dit que cela pouvait être vrai, est-ce que c’était votre réponse?

R. Oui.

Q. La phrase suivante est: «Lorsque je suis revenu dans la chambre Tom tenait David contre le mur et Tom l’a projeté par terre et lui a donné des coups.»; vous souvenez‑vous de cela?

R. Non, monsieur.

Q. Il poursuit: «Il est tombé par terre et Allwyn le retenait…»; vous souvenez-vous de cela?

R. Non, monsieur.

Q. «Et il» c’est-à-dire vous, «…il m’a dit de lui saisir les bras, et alors Allwyn a remis la ceinture à Tom et Allwyn a dit «attache-lui les pieds»»; vous souvenez-vous de cela?

R. Non, monsieur.

[Page 332]

Q. Vous le niez?

R. Oui, monsieur.

Q. «David était par terre et il disait: «Oh mon Dieu!»»; vous souvenez-vous de cela?

R. Non, monsieur.

Q. Vous ne vous souvenez pas que M. Perry disait, «Oh mon Dieu!»?

R. Non, monsieur.

Q. Vous ne vous souvenez pas de cela?

R. Non, monsieur.

Q. «Alors Allwyn m’a passé le» c’est la déclaration de M. Kizyma, «le fil de la cafetière électrique et il m’a dit de lui attacher les mains.»; est-ce exact?

R. Non, monsieur.

Q. «Nous allions quitter la chambre et Allwyn a dit «Bâillonnez-le!»»; est-ce exact?

R. Non, monsieur.

Q. Vous n’avez pas dit: «Bâillonnez-le!»?

R. Non, monsieur.

Q. Ce n’est pas vous qui avez eu l’idée de faire attacher les pieds de David Perry par M. Puffer avec une ceinture?

R. Non, monsieur.

Q. Ce n’est pas vous qui avez eu l’idée de faire attacher les mains de M. Perry derrière son dos avec le fil de la cafetière électrique par M. Kizyma?

R. Non, monsieur.

Q. Ce n’est pas vous qui avez eu l’idée de bâillonner M. Perry?

R. Non, monsieur.

Q. Vous n’avez joué aucun rôle là-dedans?

R. Non, monsieur.

Q. Revenons à la déclaration de M. Kizyma, pièce 67: «Je ne trouvais rien pour le bâillonner, alors j’ai utilisé un oreiller et quelqu’un m’a lancé son chandail.»; vous souvenez-vous de cela?

R. Est-ce que je me souviens d’avoir entendu ou d’avoir vu?

Q. Vous souvenez-vous d’avoir entendu et vu? M. Kizyma a dit cela et vous me direz si c’est vrai: «Je ne trouvais rien pour le bâillonner, alors j’ai utilisé un oreiller et quelqu’un m’a lancé son chandail. Pendant ce temps-là Tom et Allwyn regardaient…»; est-ce vrai?

R. J’étais sorti de la chambre à ce moment-là.

Q. Alors vous n’avez pas vu M. Kizyma attacher l’oreiller sur le visage de David Perry?

[Page 333]

R. Non, monsieur.

Q. Avec le chandail?

R. Non, monsieur.

Q. Je vous suggère que c’est vous qui avez lancé à M. Kizyma le chandail dont on s’est servi pour attacher l’oreiller?

R. Non, monsieur.

Q. Votre déclaration dit: «J’ai dit «partons!» et Kerry a dit: «Attendez une minute!» et il a attaché un oreiller à son visage.»; qu’est-ce que vous dites de cela?

R. Je ne m’en souviens pas.

Q. Après que tout cela s’est produit au 2701 Northstar Inn, vous êtes parti?

R. Oui, monsieur.

Q. M. McFall, vous vous souvenez qu’hier je vous demandais si certains passages de la déclaration de M. Kizyma ou de celle de M. Puffer étaient vrais?

R. Oui.

Q. Vous vous souvenez, c’est là où nous en étions hier. Je vous réfère maintenant à la déclaration de M. Kizyma, la pièce 67, page 3. M. Kizyma déclare: «Allwyn a dit à Tom: «Cherche de l’argent!». Tom a parcouru la chambre en cherchant de l’argent mais il n’a pu en trouver.» Vous souvenez-vous de cela? Est-ce exact?

R. Je me souviens que vous l’avez dit hier, oui.

Q. Vous souvenez-vous que cela se soit passé dans la chambre?

R. Non, monsieur.

Q. Vous souvenez-vous d’avoir dit à Puffer: «Cherche de l’argent!»?

R. Non, monsieur.

Q. Vous souvenez-vous que Puffer ait parcouru la chambre pour chercher de l’argent?

R. Non, monsieur.

Q. Je vous réfère à la déclaration de M. Puffer, pièce 50, où il dit à la page 3: «Nous sommes entrés et Allwyn ou Mark a dit: «Trouve de l’argent!». Alors je me suis mis à chercher dans les tiroirs et partout.» Vous souvenez-vous que cela soit arrivé?

R. Non, monsieur.

Q. Avez-vous dit: «Cherche de l’argent!»?

R. Non, monsieur.

Q. Ou: «Trouve de l’argent!»?

R. Non, monsieur.

Q. Kizyma a-t-il dit: «Trouve de l’argent!»?

R. Non, monsieur.

[Page 334]

Q. Vous souvenez-vous que M. Puffer ait cherché dans les tiroirs?

R. Non, monsieur.

Q. Avez-vous jeté le matelas sur M. Perry?

R. Non, monsieur.

Q. Je vous réfère de nouveau à la pièce 67, la déclaration de M. Kizyma.

LA COUR: Pourriez-vous aller un peu plus lentement lorsque vous référez à ces diverses déclarations, s’il vous plaît, Me Nozick? J’ai de la difficulté avec tous ces documents, d’abord à trouver la pièce et ensuite l’endroit auquel vous référez.

Me NOZICK: Oui, je pourrais peut-être citer le numéro de la page. Ça pourrait aider.

PAR Me NOZICK:

Q. A la page 4 de la déclaration de M. Kizyma, M. Kizyma a dit: «Alors Allwyn a jeté le matelas sur lui et nous avons tous quitté la chambre.”. Vous souvenez-vous que cela soit arrivé?

R. Non, monsieur.

Q. Et dans la lettre qu’il vous a adressée il écrit: «D’accord, nous avons tous convenu de le voler.». Vous souvenez-vous de cette déclaration dans la lettre?

R. Oui.

Q. C’était exact, n’est-ce pas?

R. Pardon?

Q. C’était exact, n’est-ce-pas?

R. Non, monsieur.

Q. Non. Et il vous a déclaré dans sa lettre: «Je suis prêt à dire que tu n’as rien fait mais Tom doit se débrouiller tout seul.». Vous souvenez-vous de cela dans la lettre?

R. Oui.

Q. Il semble donc d’après la lettre qui vous a été écrite ou la lettre qui vous a été envoyée, que M. Kizyma allait tenter de vous couvrir?

R. Je ne dirais pas qu’il tentait de me couvrir.

Q. Non?

R. Je ne lui ai jamais demandé de me couvrir.

Q. Eh bien, il écrit dans sa lettre: «D’accord c’est moi qui ferai le temps. Tom lui, il devrait faire un peu de temps. Quant à toi, je vais tenter de te couvrir. En d’autres mots, je vais dire que tu n’as rien fait du tout.». Vous souvenez-vous de cela?

R. C’est dans la lettre. La lettre dit aussi ce que je n’ai pas fait.

Q. Pardon?

[Page 335]

R. Ça dit aussi ce que je n’ai pas fait.

Q. Pièce 67, s’il vous plaît. Page 4, votre Seigneurie, de la pièce 67. Kizyma a fait cette déclaration et je veux que vous me disiez si vous êtes d’accord: «Avant que nous ne quittions la chambre, Allwyn a pris le cendrier et a fracassé ses lunettes.». Êtes-vous d’accord avec cette déclaration?

R. Pardon?

Q. «Avant que nous ne quittions la chambre, Allwyn a pris le cendrier et a fracassé ses lunettes.»

R. Je ne me souviens pas vraiment d’avoir pris un cendrier et d’avoir fracassé les lunettes de qui que ce soit.

Q. Ensuite il déclare: «Tom lui a donné un coup de poing assez fort à la tête.». Vous souvenez-vous de cela?

R. Il l’a peut-être fait.

Q. Alors n’était-ce pas au moment où vous avez parlé d’avoir fait un geste de la main: «Tu sais que tu l’as frappé. Pourquoi ne l’admets-tu pas?». Et il a dit: «D’accord. Je l’ai frappé mais seulement une fois.».

R. La première fois que j’ai su que Tom l’avait frappé c’est lorsqu’il a parlé au palais de justice de Fort Garry.

Q. Je remarque que dans la pièce 70 M. Kizyma commence sa lettre comme suit: «Allwyn, je vais écrire cette lettre à tes parents, mais je veux d’abord clarifier un certain nombre de choses.». Cela semblerait indiquer que vous aviez eu une conversation ensemble?

R. Oui, j’en ai eu une, oui.

Q. Une conversation où il a été question de vous couvrir?

R. Non.

Dans son réquisitoire au jury, le substitut du procureur général a lu les déclarations des trois accusés et il a invité le jury à les comparer l’une à l’autre de façon à découvrir la vérité. Le mauvais pli ainsi formé a également eu des répercussions sur l’exposé au jury. Le savant juge du procès a inclus dans son exposé le résumé suivant du témoignage de l’appelant:

[TRADUCTION] Il dit que Perry n’était pas inconscient; il parlait. Il nie avoir dit qu’ils appartenaient à la G.R.C. ou avoir laissé entendre que Perry avait acheté de l’héroïne; il dit que, quand ces affirmations figurent dans la

[Page 336]

déclaration de Kizyma, Kizyma ment. Il dit qu’il n’a pas giflé M. Perry et que si Kizyma l’affirme, Kizyma ment. Il dit que Kizyma ne ment pas toutefois quand il parle de l’oreiller. Il a admis que sa déclaration à la police, c’est-à-dire la déclaration de McFall à la police, était exacte dans une certaine mesure.

Il a dit non, ce n’est pas vrai que Kerry ait dit qu’ils allaient au Mardi Gras.

Il a dit que la déclaration de Puffer que «Mark et lui, Allwyn, retenaient David au sol» n’était pas vraie. Il a dit que oui, il a fracassé les lunettes. Il ne savait pas pourquoi; oui, il a utilisé le cendrier pour fracasser les lunettes. Il a bien raccroché le récepteur du téléphone. Il a dit qu’il ne se souvient pas d’avoir vu Puffer faire quoi que ce soit; qu’il ne se souvient pas d’avoir dit à la police que Jason s’est jeté sur l’homme et le tenait à la gorge. Il dit que ce n’est pas vrai que Kerry a fouillé les complets pour chercher de l’argent; il nie la déclaration de Kizyma qu’il a giflé la victime. En ce qui regarde sa propre déclaration, il a dit que ce n’était pas vrai. Il n’a pas dit cela.

En ce qui regarde la déclaration de Puffer, il a dit: «Non, je ne lui ai pas dit de lui attacher les pieds et je ne lui ai pas tendu la ceinture.». Il nie ce que Kizyma affirme dans sa déclaration, c’est-à-dire qu’il donnait des ordres aux autres. Il nie avoir passé le fil pour attacher les bras. Il nie avoir dit: «Bâillonnez-le!». Il dit que ce n’est pas lui qui a eu l’idée de le faire attacher et bâillonner par Kerry. Il nie avoir regardé Kizyma lui attacher l’oreiller au visage. Il dit qu’il n’a pas lancé le chandail à Kizyma.

Dans la dernière partie de son contre-interrogatoire, on l’a référé à une partie de la déclaration de Kizyma. Il a dit: «Je ne me souviens pas vraiment d’avoir pris un cendrier et d’avoir fracassé les lunettes de qui que ce soit.».

[Page 337]

Dans son exposé au jury, le savant juge du procès a commenté comme suit les trois déclarations des coaccusés:

[TRADUCTION] Vous vous souvenez qu’à l’origine je voulais supprimer des déclarations les noms des autres accusés qui y étaient mentionnés. Cependant, comme on a souvent référé à ces noms dans l’interrogatoire et le contre-interrogatoire de McFall, il devient nécessaire de laisser les noms dans les déclarations de façon que vous puissiez faire une comparaison entre les dénégations de McFall et les affirmations contenues dans ces autres déclarations. Si l’on n’avait pas mentionné les noms ou si aucun des accusés n’avait témoigné, la suppression des noms vous aurait facilité la tâche d’exclure de votre esprit toute la preuve non recevable. Tout ce que je peux faire maintenant, c’est vous exhorter encore une fois à vous souvenir, lorsque vous lirez les aveux que, par exemple, si Kizyma dit que Puffer a fait quelque chose, vous pouvez tenir compte de cet élément de preuve en rapport avec Kizyma parce qu’il peut servir à démontrer qu’il savait ce qui se passait, mais que vous ne pouvez pas utiliser cet élément de preuve contre Puffer. Ce n’est qu’un exemple pour vous indiquer et vous avertir, encore une fois, que les preuves que contiennent les déclarations sont recevables seulement contre la personne qui les a faites et non contre les autres accusés.

La seule exception à cette règle générale est que vous pouvez regarder les noms dans les autres déclarations en rapport avec ce que McFall a dit dans son témoignage, pour en juger la véracité ou apprécier sa crédibilité.

La Cour a alors invité le jury à examiner ces déclarations conformément à ses directives:

[TRADUCTION] Je vais maintenant revoir la déclaration de chaque accusé, autant pour illustrer la manière dont il faut les considérer que pour n’importe quelle autre raison.

Prenez la déclaration de McFall pour voir ce qu’il a dit avoir fait et pour aucune autre raison.

[Page 338]

Pareille utilisation des déclarations des coaccusés contre l’appelant constituait évidemment une erreur de droit, une violation fondamentale de la règle contre la réception de la preuve par ouï-dire et une exception inacceptable ou un élargissement de l’exception à l’interdiction générale, exception que le droit ne reconnaît pas. (Schmidt c. Le Roi)[2]. Dans Bruton v. U.S.[3], à la p. 135, le juge Brennan a condamné en termes succincts une telle utilisation des déclarations extrajudiciaires des coaccusés:

[TRADUCTION] C’est le contexte dans la présente affaire où des déclarations extrajudiciaires fortement incriminantes de la part d’un coaccusé appelé à répondre à la même accusation, sont délibérément présentées au jury dans un procès conjoint. Non seulement les déclarations incriminantes sont-elles extrêmement préjudiciables à l’accusé mais leur véracité est inévitablement suspecte, ce qui est reconnu lorsque des complices témoignent et que le jury reçoit comme directive de peser soigneusement leur témoignage vu l’intérêt qu’on leur reconnaît à jeter le blâme sur d’autres. On ne peut jamais se fier à pareille preuve; à plus forte raison ici, lorsque le prétendu complice ne témoigne pas et ne peut être soumis à l’épreuve du contre-interrogatoire.

Dans la présente affaire, le jury n’a pas été mis en garde, par des directives appropriées, contre la mauvaise utilisation de ces déclarations; au contraire, on l’a invité à analyser chaque déclaration à la lumière du contenu des deux autres déclarations comme si chacune d’elles constituait une preuve contre l’appelant. Ceci nous amène naturellement à mettre en question l’à-propos de tenir des procès conjoints lorsqu’on sait d’avance qu’il existe de telles déclarations faites par tous les coaccusés. L’efficacité des procès conjoints et les économies qu’ils réalisent, ainsi que l’avantage qu’ils représentent de diminuer le nombre de verdicts incompatibles et insatisfaisants qui exposent le droit et les tribunaux à la critique du public, incitent les tribunaux à entreprendre des procès conjoints dans des situations de ce genre. Ce faisant, le tribunal doit assumer le lourd fardeau supplémentaire de donner des directives complètes et justes au jury quant aux limites précises de la preuve recevable contre chacun des accusés et, partant, quant à l’utilisation restreinte qu’on peut faire de ces

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déclarations. La cour s’acquitte de ce devoir seulement en donnant au jury la directive la plus claire que seule la déclaration de l’accusé lui-même est recevable contre lui et, réciproquement, que sa déclaration n’est pas recevable contre son coaccusé. Il existe un risque constant dans ces circonstances parce que toute directive insuffisante peut compromettre et même écarter complètement toute possibilité d’un procès juste et régulier. Le professeur Glanville Williams a fait les observations suivantes sur la pratique des procès conjoints:

[TRADUCTION] On peut se demander si les juges ne voient pas avec satisfaction que les procès conjoints permettent une entorse à la rigidité des règles de preuve. (Glanville Williams, Proof of Guilt, (3e éd.) 1968, p. 249)

Le relâchement dont il parle s’adresse bien sûr à la recevabilité de toutes les déclarations de tous les accusés dans un procès conjoint. La règle de preuve qualifiée de «rigide» dans la citation qui précède est l’interdiction d’utiliser une déclaration extrajudiciaire contre des personnes autres que son auteur. Les procès conjoints, bien sûr, ne changent en rien l’application de cette règle. Le savant auteur poursuit:

[TRADUCTION] La théorie du procès conjoint est que, même si au cours du procès on présente des éléments de preuve qui, en droit, ne sont recevables qu’à l’encontre d’un des accusés, justice est faite si le juge donne comme directive aux jurés d’effacer de leur esprit ces éléments de preuve à l’encontre des autres accusés. La simple croyance que les jurés sont en mesure de respecter cette directive en créant une case mentale à l’égard de chaque accusé est étrangement incompatible avec les efforts qu’on trouve dans les autres règles de droit pour empêcher que ne soient portées à la connaissance du jury des preuves qui peuvent induire en erreur. Si une partie du droit de la preuve se justifie parce qu’on ne peut faire confiance au jury par rapport à certaines catégories de preuve, ces catégories ne deviennent pas moins dangereuses pour le seul motif qu’il y a un autre accusé au banc. (p. 249)

Vu les dangers qu’entraîne la pratique des procès conjoints, le droit donne au juge du procès le pouvoir discrétionnaire de décider s’il est possible d’entreprendre un procès conjoint dans les circonstances de chaque affaire. A moins d’indication claire que ce pouvoir discrétionnaire a été exercé à partir de quelque conception fautive ou dans des

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circonstances qui rendent peu probable la tenue d’un procès juste, une cour d’appel refusera d’intervenir. Dans la présente affaire, il est manifeste, avec le recul, qu’on aurait pu éviter la difficulté de la mauvaise utilisation des aveux par la tenue de procès séparés. Cependant, le recul du temps ne constitue pas une réponse. Le droit permet un procès conjoint dans ces circonstances et prescrit la façon dont il faut instruire le jury conformément au droit de la preuve applicable. Quelles qu’aient pu être les erreurs au procès, le dossier n’en indique aucune de la part du savant juge du procès dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire sur la question des procès séparés ou du procès conjoint. En fait le juge du procès a bien dit au jury à un certain moment qu’une déclaration faite par un accusé à une personne en autorité ne devait pas être prise en considération contre un accusé qui n’était pas l’auteur de la déclaration en question. Le problème a pris naissance avec l’utilisation irrégulière des déclarations des coaccusés au cours du contre-interrogatoire de l’appelant, il s’est poursuivi dans le réquisitoire et les plaidoyers et il a atteint son point culminant dans les directives du juge au jury sur la comparaison des différentes déclarations des coaccusés. Le Juge en chef, dans les motifs qu’il a rédigés pour la majorité de la Cour d’appel, a dit au sujet de la décision du juge Hamilton de ne pas accorder de procès séparés: [TRADUCTION] «A mon avis il n’y a pas de motifs suffisants pour ainsi intervenir dans la présente affaire,» et, avec égards, j’exprime mon accord avec cette conclusion.

Il nous reste donc la divergence d’opinions en Cour d’appel quant à l’application des pouvoirs réparateurs du sous-al. 613(1)b)(iii). La Cour suprême a déjà eu l’occasion dans le passé de prendre position dans un pourvoi à l’encontre d’un arrêt d’une cour d’appel sur la question de la bonne application des pouvoirs accordés par le sous-al. 613(1)b)(iii) du Code criminel (ou une disposition antérieure au même effet). Dans Brooks c. Le Roi[4], cette Cour a refusé d’appliquer les pouvoirs réparateurs qu’accordait ce qui est maintenant le sous-al. 613(1)b)(iii) et elle a

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infirmé le rejet de l’appel par la Cour d’appel de l’Ontario qui avait appliqué le sous-alinéa pour rejeter l’appel de la déclaration de culpabilité. Voir également Stein c. Le Roi[5], où cette Cour a de nouveau confirmé le pouvoir d’examiner le bien-fondé de l’application par la Cour d’appel du sous-al. 613(1)b)(iii) (alors le par. 1014(2)) du Code criminel.

La question s’est présentée ensuite devant cette Cour dans Lizotte c. Le Roi[6], où, à l’unanimité, elle a accueilli le pourvoi, rejeté l’application du sous-al. 613(1)b)(iii) et ordonné un nouveau procès. Le juge Cartwright, alors juge puîné, a dit au nom de la Cour à la p. 137:

[TRADUCTION] L’opinion que cette Cour exerce son propre jugement sur la question de savoir s’il s’est produit un tort important ou une erreur judiciaire grave est fondée non seulement sur les deux arrêts que nous venons de citer, mais aussi sur les arrêts Boulianne c. Le Roi, [1931] R.C.S. 621, et Schmidt c. Le Roi, [1945] R.C.S. 438, où cette Cour a accepté l’argument qu’il ne s’était produit aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave et a rejeté les pourvois, ainsi que sur l’arrêt Chapdelaine c. Le Roi, [1934] R.C.S. 53, où cette Cour a accueilli le pourvoi en refusant de donner effet à l’argument qu’il ne s’était produit aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave.

Dans ses motifs, Sa Seigneurie s’est penchée sur la question de la compétence de cette Cour en rapport avec cet article:

[TRADUCTION] Il reste à étudier un dernier argument. En terminant son habile plaidoirie, Me Dorion a soutenu que vu qu’en matière criminelle cette Cour n’a compétence que sur des questions de droit et que la Cour d’appel avait décidé que malgré certaines erreurs de droit au procès il ne s’était produit aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave de sorte qu’on devait rejeter l’appel en vertu des dispositions du par. 1014(2) du Code criminel, cette Cour ne pouvait réviser cette décision. On prétend que pour arriver à la décision d’appliquer le par. 1014(2), la Cour d’appel a nécessairement dû étudier et peser la preuve et que, par conséquent, il s’agit d’une décision sur une question de fait ou sur une question mixte de fait et de droit et elle ne fait donc pas l’objet des pouvoirs de révision de cette Cour. On fait valoir que le pourvoi doit être rejeté même si cette Cour est d’avis qu’un des points de droit plaidés devant elle est bien fondé ou qu’ils le sont tous.

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Je ne crois pas que cet argument doit être retenu. Dans la présente affaire on pourrait peut-être le rejeter en soulignant qu’à mon avis il y a eu au procès des erreurs graves sur des questions de droit que la Cour d’appel n’a pas considérées comme des erreurs; mais même si la Cour d’appel avait constaté l’existence de toutes les erreurs de droit qui, à mon avis, se sont produites et avait néanmoins rejeté l’appel en vertu du par. 1014(2), je ne crois pas que cette Cour serait incapable d’intervenir.

Les avocats n’ont pu nous citer aucun arrêt qui ait examiné l’argument présenté par Me Dorion. Son importance est manifeste. Si on l’admet, il aurait pour conséquence que chaque fois qu’une Cour d’appel rejette un appel parce que selon elle, malgré une erreur de droit au procès, il ne s’est produit aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave, cette Cour ne pourrait entendre ou en tout cas ne pourrait accueillir un pourvoi à l’encontre d’un tel jugement quelque grave qu’elle puisse estimer être l’erreur alléguée. (pp. 133 et 134)

Dans Brown c. La Reine[7], le juge Cartwright, qui a prononcé le jugement majoritaire pour lui‑même et pour les juges Locke et Martland, a refusé de suivre la Cour d’appel de l’Alberta et d’appliquer le sous-al. 613(1)b)(iii) pour accueillir le pourvoi et ordonner un nouveau procès. Le juge Fauteux, alors juge puîné, a conclu dans sa dissidence: [TRADUCTION], «Il ne s’est produit aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave.» Le juge Taschereau, alors juge puîné, a également exprimé un avis dissident pour le motif qu’il ne pouvait relever aucun conflit entre le jugement de la majorité et celui de la minorité de la Cour d’appel [TRADUCTION] «sur des questions de droit». On ne sait pas trop si sa dissidence se fonde sur un désaccord avec le juge Cartwright lorsqu’il dit:

[TRADUCTION] Avec égards pour ceux qui partagent une opinion contraire, il me paraît que lorsqu’un juge estime qu’un passage de l’exposé au jury est important et est de nature à entraîner une erreur fatale, et qu’un autre juge estime que le même passage n’est pas pertinent, ils sont en désaccord sur une question de droit. (p. 378);

ou s’il s’agit d’une référence à une divergence d’opinions en Cour d’appel sur l’application de ce qui est maintenant le sous-al. 613(1)b)(iii). Quoi

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qu’il en soit, il est clair que la majorité a infirmé l’arrêt de la Cour d’appel sur la question de l’application du sous-al. 613(1)b)(iii).

Dans Colpitts c. La Reine[8], le pourvoi était à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick où la majorité avait maintenu une déclaration de culpabilité en appliquant le sous-al. 613(1)b)(iii) même si le juge du procès n’avait pas exposé convenablement au jury la théorie de la défense. Infirmant l’arrêt de la Cour d’appel, cette Cour a refusé d’appliquer le sous-alinéa. Le juge Spence, dont l’opinion a été partagée par le reste de la majorité, a dit en rapport avec l’arrêt Lizotte c. Le Roi, précité:

[TRADUCTION] Dans l’arrêt Lizotte c. Le Roi, précité, le juge Cartwright qui a rédigé les motifs de jugement de la Cour a conclu que cette Cour avait compétence pour accueillir un pourvoi et refuser d’appliquer les dispositions de l’actuel sous-al. 592(1)b)(iii) même si la Cour d’appel de la province avait rejeté l’appel de la déclaration de culpabilité en application de ce sous-alinéa, (p. 755)

Les juges dissidents auraient appliqué ce qui est maintenant le sous-al. 613(1)b)(iii) pour les motifs donnés par la majorité de la Cour d’appel. Il ne peut donc y avoir de doute que tous les juges de la Cour ont estimé que la question de l’application du sous-al. 613(1)b)(iii) était une question de droit.

On pourrait soutenir que ces arrêts sont incompatibles avec la conclusion tirée dans l’arrêt Le Roi c. Décary[9]. La question devant la Cour avait trait à ce qui est maintenant le sous-al. 613(1)a)(iii). La Cour a conclu que la dissidence en Cour d’appel sur la question de savoir si le verdict était déraisonnable n’était pas une question de droit mais plutôt une question mixte de fait et de droit. Les points que soulèvent les deux sous-alinéas de l’art. 613 sont évidemment très différents et, à mon avis, l’arrêt Décary, précité, ne nous est d’aucune utilité dans le présent pourvoi pour établir la nature de la question que soulève la dissidence en rapport avec le sous-al. 613(1)b)(iii). De même, l’arrêt Rozon c. Le Roi[10], traitait des points que

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soulève la substitution d’un verdict par une cour à celui qu’a rendu un jury, et la dissidence en Cour d’appel avait trait à l’application d’un article qui n’a aucun lien avec l’actuel art. 613.

Enfin, dans Pearson c. La Reine[11], la majorité de la Cour d’appel avait rejeté l’appel d’une déclaration de culpabilité nonobstant la conclusion qu’une déclaration de l’accusé avait été irrégulièrement admise. La dissidence portait sur l’application de l’actuel art. 613 dans ces circonstances. Cette Cour a confirmé la déclaration de culpabilité pour le motif que la dissidence en Cour d’appel était fondée sur la question de savoir si la suffisance de la preuve justifiant la condamnation était une question de fait. Le juge en chef Kerwin a écrit à la p. 372:

[TRADUCTION] Il n’y a eu aucune dissidence sur une question de droit exposée par le juge dissident et sur laquelle il y avait désaccord en Division d’appel et, par conséquent, cette Cour n’a pas compétence: Le Roi c. Décary [précité]; Rozon c. Le Roi [précité].

Le Juge en chef est arrivé à cette conclusion dans des motifs de jugement très courts qui ne font aucune mention d’un argument que l’application du sous-al. 613(1)b)(iii) n’est pas une question de droit et on n’a pas examiné les arrêts antérieurs Brook et Stein, précités. Pour étayer sa conclusion, il a cité l’extrait suivant de la dissidence en Cour d’appel:

[TRADUCTION] Je ne crois pas que le reste de la preuve démontre de façon concluante la culpabilité de l’accusé. Je suis donc d’avis d’annuler la déclaration de culpabilité et d’ordonner un nouveau procès. (p. 371)

Le jugement majoritaire de la Cour d’appel a dit, en ce qui concerne la preuve qui restait après l’exclusion de la déclaration contestée:

[TRADUCTION] A notre avis, indépendamment de cette déclaration, il y a suffisamment de preuves de ventes de grain par l’accusé pour prouver l’infraction de vol dont on l’accuse et le verdict de culpabilité n’est pas injuste à l’endroit de l’accusé. Par conséquent, sans nous prononcer sur la recevabilité de la déclaration, nous sommes d’avis de rejeter l’appel et de maintenir la déclaration de culpabilité. (p. 31)

A mon avis donc, l’arrêt Pearson c. La Reine, précité, ne porte pas directement sur la question de

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compétence qui nous occupe présentement. D’après les arrêts rendus par cette Cour depuis 1927, je conclus que la Cour suprême a toujours été d’avis qu’elle avait compétence pour examiner la question de l’application du sous-al. 613(1)b)(iii) à titre de question de droit et que dans pareil pourvoi la Cour peut infirmer l’application ou le refus d’application de cette disposition du Code par la Cour d’appel.

Cette revue des arrêts de cette Cour m’amène à l’arrêt Dunlop et Sylvester c. La Reine (rendu le 31 mai 1979 et encore inédit[12]). La Cour d’appel du Manitoba avait confirmé la déclaration de culpabilité de l’accusé en appliquant le sous-al. 613(1)b)(iii) du Code. Les dissidents en Cour d’appel auraient ordonné un nouveau procès à cause d’une directive erronée du juge du procès au sujet des par. 21(1) et 21(2) du Code et n’auraient pas appliqué le sous-al. 613(1)b)(iii) à l’une ou l’autre des erreurs de droit ayant trait à ces paragraphes.

L’arrêt de cette Cour dans Dunlop et Sylvester, précité, n’est pas fondé sur l’application de l’art. 613 mais plutôt sur l’opinion que c’est l’erreur dans l’exposé au jury relativement au par. 21(1) qui, suivant l’opinion du juge Dickson, constituait une erreur de droit. En ce qui a trait à cette question, le juge Dickson a refusé d’appliquer le sous-al. 613(1)b)(iii) pour confirmer la déclaration de la culpabilité. La dissidence en cette Cour a porté principalement sur la manière dont le juge du procès avait présenté le par. 21(1) dans ses directives au jury.

Le premier motif de dissidence du juge Martland, avec qui deux juges sont d’accord, est que la preuve justifiait l’exposé sur le par. 21(1). Sur le troisième moyen d’appel qui était que «le sous-al. 613(1)b)(iii) du Code criminel ne devrait pas être appliqué pour rejeter le présent appel», le juge Martland a dit:

Je ne crois pas que le troisième motif constitue une dissidence sur une question de droit. Le sous-al. (iii) de l’al. 613(1)b) donne à une cour d’appel le pouvoir discrétionnaire de rejeter un appel d’une déclaration de culpabilité même

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lorsqu’un juge de première instance a rendu une décision erronée sur une question de droit s’il ne résulte de cette erreur aucun tort important ou erreur judiciaire grave. Le désaccord qu’exprime un juge dissident quant à l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne constitue pas une dissidence sur une question de droit.

Le juge Pratte (avec qui le juge Beetz est d’accord) a fait sienne la solution proposée par le juge Dickson pour le motif que le savant juge du procès n’avait pas répondu à une question posée par le jury sur le sens d’une disposition du Code criminel. Cependant, en ce qui concerne la question de l’art. 613, le juge Pratte a dit:

La divergence d’opinions en Cour d’appel portait seulement sur l’application du sous al. 613(1)b)(iii) à cette erreur et je suis d’accord avec mon collègue le juge Martland que cela ne constitue pas une dissidence sur une question de droit.

A cause de ces facteurs, le rôle et l’interprétation de l’art. 613 étaient secondaires et la qualification juridique de cet article ne faisait pas partie de la ratio decidendi de la majorité. Par conséquent, pour disposer du présent pourvoi, je ne me sens pas lié par les commentaires faits dans l’arrêt Dunlop et Sylvester, précité, au sujet de l’art. 613. Mon opinion sur cette question est renforcée du fait que dans aucun des jugements mentionnés qui traitent de l’art. 613 on n’a cité ou analysé les arrêts auxquels j’ai référé.

Pour les motifs qui précèdent quant à la mauvaise utilisation des déclarations extrajudiciaires des coaccusés durant tout le procès, d’abord pendant le contre-interrogatoire de l’appelant, ensuite dans le réquisitoire au jury et enfin dans les directives du savant juge du procès au jury, je conclus qu’on a commis une erreur de droit grave et fondamentale et que l’on ne peut être sûr que, sans cette erreur répétée, un jury ayant reçu des directives appropriées serait nécessairement arrivé à la même conclusion en ce qui regarde l’appelant. Le sous-alinéa 613(1)b)(iii) ne peut donc être invoqué dans ces circonstances et la déclaration de culpabilité ne peut être maintenue.

Vu mon opinion qu’il doit y avoir un nouveau procès, je ne traiterai pas des autres questions de

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preuve soulevées au procès et dans la dissidence du juge O’Sullivan de la Cour d’appel. Je suis d’accord avec l’interprétation que la majorité de la Cour d’appel a donnée à l’arrêt R. c. Trinneer[13].

Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel, d’annuler la déclaration de culpabilité de l’appelant McFall et d’ordonner un nouveau procès.

Version française du jugement des juges Martland, Ritchie, Pigeon, Dickson, Beetz et Pratte rendu par

LE JUGE RITCHIE — J’ai eu l’avantage de lire les motifs de jugement rédigés par mon collègue le juge Estey, mais je ne suis pas convaincu que le présent pourvoi devrait être accueilli. Vu la preuve écrasante de la participation de l’appelant au meurtre dont il a été reconnu coupable, la Cour d’appel était persuadée, malgré les erreurs du juge du procès relevées dans les motifs de jugement qu’elle a exprimés, qu’il ne s’était produit «aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave» et que les dispositions du sous-al. 613(1)b)(iii) du Code criminel devaient s’appliquer. A mon avis, il n’y a eu aucune erreur de droit dans les motifs de l’arrêt que le juge en chef Freedman a rédigés pour la Cour d’appel du Manitoba et auxquels ont souscrit les juges Guy, Monnin et Matas.

Je suis donc d’avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté, le juge en chef LASKIN et les juges SPENCE et ESTEY étant dissidents.

Procureurs de l’appelant: McCaffrey, Akman, Carr, Starr & Prober, Winnipeg.

Procureurs de l’intimée: Le ministère du Procureur général, Winnipeg.

[1] [1976] 6 W.W.R. 239, 31 C.C.C. (2d) 81.

[2] [1945] R.C.S. 438.

[3] (1968), 391 U.S. 123.

[4] [1927] R.C.S. 633.

[5] [1928] R.C.S. 533.

[6] [1951] R.C.S. 115.

[7] [1962] R.C.S. 371.

[8] [1965] R.C.S. 739.

[9] [1942] R.C.S. 80.

[10] [1951] R.C.S. 248.

[11] [1959] R.C.S. 369.

[12] Depuis publié [1979] 2 R.C.S. 881.

[13] [1970] R.C.S. 638.


Parties
Demandeurs : McFall
Défendeurs : Sa Majesté la Reine
Proposition de citation de la décision: McFall c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 321 (28 juin 1979)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1979-06-28;.1980..1.r.c.s..321 ?
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