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01/12/1981 | CANADA | N°[1981]_2_R.C.S._600

Canada | Nicholson c. La Reine, [1981] 2 R.C.S. 600 (1 décembre 1981)


Cour suprême du Canada

Nicholson c. La Reine, [1981] 2 R.C.S. 600

Date: 1981-12-01

Edward Ralston Nicholson Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

1981: 26 octobre; 1981: 1er décembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Dickson, Estey, McIntyre et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba[1], qui a accueilli un appel de la sentence prononcée au procès et l’a remplacée par une autre. Pourvoi rejeté.

D.E. Bowman, po

ur l’appelant.

J.G.B. Dangerfield, c.r., pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE EN C...

Cour suprême du Canada

Nicholson c. La Reine, [1981] 2 R.C.S. 600

Date: 1981-12-01

Edward Ralston Nicholson Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

1981: 26 octobre; 1981: 1er décembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Dickson, Estey, McIntyre et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba[1], qui a accueilli un appel de la sentence prononcée au procès et l’a remplacée par une autre. Pourvoi rejeté.

D.E. Bowman, pour l’appelant.

J.G.B. Dangerfield, c.r., pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE EN CHEF — Bien que ce pourvoi ait une certaine affinité avec l’affaire McGuigan c. La Reine, entendue immédiatement avant la présente espèce, il est fondé sur un moyen beaucoup plus restreint et même très spécial. L’accusé s’est avoué coupable de vol qualifié par suite d’une accusation portée en vertu de l’al. 302d) du Code criminel (avoir volé alors que muni d’une arme offensive, en l’occurrence un pistolet) et aussi sur une accusation portée en vertu de l’al. 83(1)a) d’avoir utilisé une arme à feu lors de la perpétration d’un acte criminel, savoir un vol qualifié. Il a été condamné à quatre ans d’emprisonnement pour le vol qualifié. On a alors soulevé la question de savoir si la peine consécutive prescrite en vertu du par. 83(2) devait être d’une durée minimum d’un an comme dans le cas d’une première infraction suivant l’al. 83(1)c) ou de trois ans comme dans le cas d’une infraction subséquente à une première infraction, suivant l’al. 83(1)d), ou en raison d’une infraction commise avant l’adoption de l’al. 83(1)d).

Voici l’historique du litige. En 1969, avant l’adoption de l’art. 83 (il est entré en vigueur en 1978), l’accusé avait été déclaré coupable à titre de partie à un vol qualifié au cours duquel une

[Page 602]

autre personne avait braqué sur quelqu’un une arme à feu qu’elle avait en sa possession. Le juge de la Cour provinciale, en prononçant la sentence contre l’accusé pour l’infraction visée à l’al. 83(1)a), a retenu la prétention de la défense que c’est l’al. 83(1)c) qui s’applique et non l’al. 83(1)d) et a donc condamné l’accusé à une peine d’un an d’emprisonnement à purger consécutivement, comme dans le cas d’une première infraction. Le ministère public ayant interjeté appel, la Cour d’appel du Manitoba, parlant par l’intermédiaire du juge Matas, a conclu que l’al. 83(1)d) s’applique et a substitué à la première sentence une peine de trois ans à purger consécutivement à la peine de quatre ans d’emprisonnement pour vol qualifié.

Il convient de citer l’art. 83 intégralement. En voici le texte:

83. (1) Quiconque utilise une arme à feu

a) lors de la perpétration ou de la tentative de perpétration d’un acte criminel, ou

b) lors de sa fuite après avoir commis ou tenté de commettre un acte criminel,

qu’il cause ou non des lésions corporelles en conséquence ou qu’il ait ou non l’intention d’en causer, est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement

c) d’au plus quatorze ans et d’au moins un an, dans le cas d’une première infraction au présent paragraphe, sauf dans les cas où l’alinéa d) s’applique; et

d) d’au plus quatorze ans et d’au moins trois ans, dans le cas d’une infraction au présent paragraphe subséquente à une première infraction ou dans le cas d’une première infraction au présent paragraphe commise par une personne qui, avant l’entrée en vigueur du présent paragraphe, avait déjà été trouvée coupable d’avoir commis un acte criminel, ou d’avoir tenté de le commettre, en employant une arme à feu lors de cette perpétration ou tentative de perpétration ou lors de sa fuite après la perpétration ou tentative de perpétration.

(2) La sentence imposée à une personne pour une infraction prévue au paragraphe (1) doit être purgée consécutivement à toute autre peine imposée pour une autre infraction basée sur les mêmes faits et à toute autre sentence qu’elle purge à ce moment-là.

[Page 603]

L’avocat de l’accusé ne soulève pas le moyen de défense de déclarations de culpabilité multiples pour la même chose ou pour le même délit, invoqué dans l’affaire Kienapple c. La Reine[2], et soulevé dans l’affaire McGuigan. Il ne prétend pas non plus que l’on ne peut à bon droit, pour quelque autre motif (et d’autres moyens ont été soulevés dans l’affaire McGuigan), déclarer l’accusé coupable en vertu de l’al. 83(1)a). Il fait simplement valoir que l’al. 83(1)d) ne peut pas justifier la peine plus sévère que la Cour d’appel du Manitoba a imposée, parce que cela comporterait l’imposition rétroactive d’une peine (par analogie avec le principe nulla poena sine lege) et que, même si l’al. 83(1)d) peut s’appliquer à une infraction relativement à une arme à feu commise avant l’adoption de l’art. 83, son application se limite au cas où l’accusé a lui-même utilisé une arme à feu ou l’avait en sa possession et non au cas où il a antérieurement été déclaré coupable simplement à titre de partie à l’infraction.

L’avocat de l’accusé ne conteste pas la proposition que si aujourd’hui on déclarait un accusé coupable, en vertu de l’art. 21 du Code criminel, à titre de partie à l’infraction, d’un vol qualifié où il y avait eu emploi d’une arme à feu et si par la suite il était de nouveau reconnu coupable d’utilisation d’une arme à feu lors de la perpétration d’un vol qualifié ou déclaré coupable de l’infraction subséquente à titre de partie, il serait passible de la peine d’emprisonnement consécutive prolongée que prescrit l’al. 83(1)d). Il ne concède cependant pas le point parce que le cas ne se présente pas en l’espèce. De même, il ne s’agit pas d’un accusé qui, en 1969, a lui-même utilisé une arme à feu ou l’avait en sa possession alors qu’il commettait un vol qualifié.

Selon l’avocat, l’application de l’al. 83(1)d) à l’accusé aurait pour effet de le punir pour complicité à un vol qualifié avec une arme à feu commis en 1969 alors qu’il ne pouvait ni n’aurait dû savoir que sa participation comme partie de la façon visée au par. 21(2) l’exposerait des années après à une peine plus sévère relativement à une infraction pour laquelle il avait déjà été puni ou à une peine

[Page 604]

additionnelle en vertu d’une disposition pénale établie par la suite.

La question, comme le font ressortir le substitut du procureur général et l’avocat de l’accusé, est de savoir à quoi s’applique l’al. 83(1)d). Il est évident à mon avis que l’al. 83(1)d) vise le type d’affaire dont nous sommes présentement saisis. Je cite les mots suivants de cette disposition:

… dans le cas d’une première infraction au présent paragraphe commise par une personne qui, avant l’entrée en vigueur du présent paragraphe, avait déjà été trouvée coupable d’avoir commis un acte criminel … en employant une arme à feu lors de cette perpétration…

Appliqués à l’espèce, ces mots résolvent toute question d’effet rétroactif soulevée par l’appelant, à supposer même que cette question aurait d’autre part été déterminante. De plus, je suis d’avis que les mots «en employant une arme à feu lors de cette perpétration» ne peuvent recevoir une interprétation à ce point restrictive qu’elle exclut l’application de l’art. 21 qui précise, à son par, (1), qui est partie à une infraction et, à son par. (2), qui sont parties du fait d’avoir poursuivi ensemble une fin illégale, comme le prévoit cette disposition.

Le Code en général définit les infractions en disant qui les commet et, sauf lorsqu’elle est clairement limitée à ceux qui les commettent, on n’a jamais appliqué une définition pour exclure la culpabilité d’une personne à titre de partie en vertu de l’art. 21. Je n’estime pas que les al. 83(1)a) ou d) aient cet effet restreint.

L’affaire Paquette c. La Reine[3], où il est question de la défense fondée sur la contrainte prévue à l’art. 17 du Code criminel, est différente de la présente espèce. Suivant l’interprétation que la Cour a donnée dans l’arrêt Paquette, l’art. 17 ne fournit une excuse protégeant contre une déclaration de culpabilité qu’à la personne qui commet elle-même une infraction par suite de la contrainte prévue à l’art. 17. La Cour a interprété l’art. 17 de façon restrictive afin d’éviter qu’il soit invoqué par une personne qui est partie à une infraction au sens de l’art. 21. D’autre part, même un accusé qui

[Page 605]

a commis une infraction ne peut se prévaloir de ce moyen de défense s’il s’agit d’un vol qualifié ou d’un meurtre, comme dans l’affaire Paquette. En définitive, l’accusé dans cette affaire a dû s’appuyer sur le par. 7(3) du Code criminel qui prévoit un moyen de défense de common law distinct de l’art. 17, et il a réussi parce que la Cour a conclu que le par. 21(2) ne pouvait s’appliquer à lui puisque la contrainte exercée sur lui l’a rendu incapable de former une véritable intention de poursuivre une fin illégale de concert avec la personne qui avait exercé cette contrainte. Je ne vois pas de rapport entre une disposition disculpante de portée limitée comme l’art. 17 et la disculpation réclamée relativement aux al. 83(1)a) et d) afin d’exonérer une personne de toute responsabilité, indépendamment de toute excuse de contrainte, lorsqu’elle est partie à une infraction au sens des par. 21(1) ou (2).

Je suis donc d’avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l’appelant: Bowman & Bowman, Winnipeg.

Procureur de l’intimée: Le procureur général du Manitoba, Winnipeg.

[1] [1980] 5 W.W.R. 115; (1980), 2 Man. R. (2d) 367, 52 C.C.C. (2d) 157.

[2] [1975] 1 R.C.S. 729.

[3] [1977] 2 R.C.S. 189.


Synthèse
Référence neutre : [1981] 2 R.C.S. 600 ?
Date de la décision : 01/12/1981
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Infraction relative à une arme - Sentence - Utilisation d’une arme á feu lors de la perpétration d’un acte criminel - Peine minimum pour une première infraction d’une moindre durée que celle applicable à une infraction subséquente - Perpétration, avant la création de l’infraction en cause, d’une infraction au cours de laquelle l’accusé n’avait pas été lui-même en possession d’une arme - Peine appropriée - Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 83(1)a),d), (2), et modifications.

La question soulevée par le présent pourvoi est de savoir si la peine consécutive infligée à l’appelant pour l’utilisation d’une arme à feu lors de la perpétration d’un acte criminel doit être d’une durée minimum d’un an pour une première infraction suivant l’al. 83(1)c) du Code criminel ou de trois ans pour une infraction subséquente à une première infraction, suivant l’al. 83(1)d). La déclaration de culpabilité antérieure de l’accusé pour avoir été partie à un vol qualifié au cours duquel une autre personne avait braqué sur quelqu’un une arme à feu qu’elle avait en sa possession, est intervenue avant que l’art. 83 ne soit adopté. L’appelant a fait appel de la substitution par la Cour d’appel du Manitoba d’une peine d’une durée minimum de trois ans à celle d’une durée minimum d’un an qu’on lui avait infligée au procès.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

L’alinéa 83(1)d) s’applique en l’espèce. Les mots de l’alinéa résolvent toute question d’effet rétroactif, à supposer même que cette question aurait d’autre part été déterminante. De plus, les mots «en employant une arme à feu lors de cette perpétration» ne peuvent recevoir une interprétation à ce point restrictive qu’ils excluent l’application de l’art. 21 qui précise, à son par. (1), qui est partie à une infraction et, à son par. (2), qui sont parties du fait d’avoir poursuivi ensemble une fin illégale, comme le prévoit cette disposition. Le Code en général définit les infractions en disant qui les commet et on n’a jamais exclu la culpabilité d’une personne, par exemple

[Page 601]

une partie visée par l’art. 21, sauf lorsque la définition se limite clairement aux personnes qui commettent l’infraction. Ni l’al. 83(1)a) ni l’al. 83(1)d) ne crée pareille restriction.


Parties
Demandeurs : Nicholson
Défendeurs : Sa Majesté la Reine

Références :

Jurisprudence: distinction faite avec l’arrêt Paquette c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 189

arrêt mentionné: Kienapple c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729.

Proposition de citation de la décision: Nicholson c. La Reine, [1981] 2 R.C.S. 600 (1 décembre 1981)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1981-12-01;.1981..2.r.c.s..600 ?
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