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18/03/1982 | CANADA | N°[1982]_1_R.C.S._338

Canada | Dairy Producers Co-Operative Ltd. de Prince Albert c. Lyons, [1982] 1 R.C.S. 338 (18 mars 1982)


Cour suprême du Canada

Dairy Producers Co-Operative Ltd. de Prince Albert c. Lyons, [1982] 1 R.C.S. 338

Date: 1982-03-18

Dairy Producers Co-Operative Limited, de la ville de Prince Albert, province de la Saskatchewan (Intimée) Appelante;

et

Clarence Lyons, de la ville de Saskatoon, province de la Saskatchewan, personnellement et au nom de tous les membres de United Food and Commercial Workers (auparavant Canadian Food and Allied Workers) (Appelant) Intimé.

N° du greffe: 16418.

1982: 22 février; 1982: 18 mars.

Présents: Le juge en ch

ef Laskin et les juges Ritchie, Dickson, Estey et Mclntyre.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA SASKAT...

Cour suprême du Canada

Dairy Producers Co-Operative Ltd. de Prince Albert c. Lyons, [1982] 1 R.C.S. 338

Date: 1982-03-18

Dairy Producers Co-Operative Limited, de la ville de Prince Albert, province de la Saskatchewan (Intimée) Appelante;

et

Clarence Lyons, de la ville de Saskatoon, province de la Saskatchewan, personnellement et au nom de tous les membres de United Food and Commercial Workers (auparavant Canadian Food and Allied Workers) (Appelant) Intimé.

N° du greffe: 16418.

1982: 22 février; 1982: 18 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Dickson, Estey et Mclntyre.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan, [1981] 2 W.W.R. 496; (1980), 117 D.L.R. (3d) 212; 5 Sask. R. 277, qui a accueilli l’appel d’une ordonnance du juge Noble rejetant une demande d’annulation d’une partie d’une sentence prononcée par un conseil arbitral. Pourvoi accueilli.

Ronald Barclay, c.r., et L.B. LeBlanc, pour l’appelante.

George Taylor, c.r., pour l’intimé.

Version française du jugement de la Cour prononcé par

LE JUGE EN CHEF — Ce pourvoi, interjeté avec l’autorisation de cette Cour, résulte d’un grief de congédiement qui a été soumis à l’arbitrage conformément à une convention collective entre l’employeur appelant et le syndicat maintenant connu sous le nom de United Food and Commercial Workers. Le congédiement a été contesté d’une part et défendu d’autre part, mais après une audition où on a produit des preuves, interrogé et contre-interrogé des témoins et plaidé, le conseil arbitral a conclu dans de brefs motifs qu’[TRADUCTION] «il ne peut confirmer le congédiement, compte tenu en particulier du témoignage de l’employeur que le plaignant n’a pas été congédié pour vol». Le conseil arbitral a ordonné qu’il soit immédiatement rétabli dans ses fonctions sans perte d’ancienneté [TRADUCTION] «mais compte tenu des circonstances soumises au conseil et examinées par lui, sans paiement de salaire ou de commissions entre la date du congédiement et celle de la réintégration requise aux présentes». En conséquence, le plaignant a subi comme sanction la perte de salaire et de commissions pour une période de quatorze mois.

La raison qu’on a donnée pour le congédiement était que le plaignant, qui était chauffeur et vendeur pour l’employeur, avait [TRADUCTION] «modifié des chiffres sur sa feuille de chargement». La clause 6 de la convention collective énonce la procédure de grief y compris la procédure d’arbitrage. Les articles 4 et 5 de cette clause se lisent:

[Page 340]

[TRADUCTION] 4. Si un employé est congédié pour une raison quelconque et estime qu’il a été traité injustement, il doit, dans les 48 heures (sans compter les samedis, dimanches et les fêtes légales) qui suivent la réception de l’avis de congédiement, en informer le comité des griefs qui doit, dans les 24 heures qui suivent (sans compter les samedis, les dimanches et les fêtes légales) en donner avis écrit à la compagnie. Le congédiement constitue alors un grief et doit être soumis à la procédure de grief, en commençant à la deuxième étape. S’il est décidé par la suite que l’employé a été congédié de façon injuste, il doit être rétabli dans ses fonctions antérieures et doit être payé pour la période durant laquelle il n’a pas travaillé comme s’il n’avait pas été congédié.

5. Si un règlement intervient à un stade quelconque de ces procédures, cette décision est finale et exécutoire. Il est entendu qu’aucune décision ne doit être prise sans la présence d’un représentant du syndicat.

La clause 12(12)a) suivante vise d’autres cas de renvois:

[TRADUCTION] 12. a) Congédiement motivé: L’ivresse, la malhonnêteté, le dommage causé au matériel, l’absence sans motif valable et sans permission lorsqu’il est possible de l’obtenir, sont des motifs de congédiement.

La preuve des accusations doit être faite. L’avis de congédiement doit être remis au comité déjà mentionné dans les vingt-quatre (24) heures qui suivent. Un employé suspendu ou congédié pour des motifs qui, après enquête, sont jugés insuffisants, doit être rétabli dans ses fonctions et recevoir son plein salaire pour les heures de travail perdues. Le comité doit remettre par écrit au gérant de succursale la contestation relative au congédiement d’un employé dans les vingt-quatre (24) heures qui suivent la réception de l’avis de congédiement.

L’arbitrage des griefs qui n’ont pas fait l’objet d’un règlement est prévu comme suit à la clause 6(2)d):

[TRADUCTION] 2. La procédure qui suit s’applique par étape au règlement des litiges ou des griefs:

d) Si aucun règlement n’intervient à la troisième étape, la question est immédiatement déférée à l’arbitrage d’un conseil dont la décision est finale et exécutoire. Le conseil est composé d’un membre nommé par le syndicat, d’un membre nommé par la compagnie et d’un troisième choisi par les deux parties. Si on ne peut s’entendre sur le choix du troisième membre en une semaine, il doit être nommé par le ministre du Travail

[Page 341]

de la province de la Saskatchewan. En cas de nomination du troisième membre du conseil arbitral de la façon prévue à la disposition qui précède, la compagnie et le syndicat se partagent les frais qu’occasionne la nomination du troisième membre du conseil. Lorsque les parties l’estiment souhaitable pour un règlement rapide, elles peuvent sauter la troisième étape. Les employés qui logent un grief peuvent être présents aux deux premières étapes, mais n’y sont pas tenus.

A toute étape de la procédure de grief, les griefs peuvent être soumis par écrit si une ou l’autre des parties l’estime souhaitable.

Après la sentence arbitrale, le syndicat a demandé l’annulation de la partie de la sentence qui privait le plaignant de sa rémunération pendant une période de quatorze mois. Le juge Noble a rejeté la demande et a conclu qu’en vertu du par. 25(3) de The Trade Union Act, R.S.S. 1978, chap. T-17, le conseil arbitral avait le pouvoir de substituer une sanction moindre lorsque, comme le prévoit cette disposition législative, la convention collective n’impose pas de sanction précise pour l’infraction dont il s’agit. Il a conclu que c’était le cas en l’espèce.

Le paragraphe 25(3) se lit comme suit:

25. …

[TRADUCTION] (3) Lorsqu’un arbitre ou un conseil arbitral constate qu’un employé a été congédié ou que son employeur lui a infligé une autre sanction et que la convention collective qui s’applique en totalité ou en partie à l’emploi de l’employé ne prévoit aucune sanction précise pour l’infraction soumise à l’arbitrage, l’arbitre ou le conseil arbitral peut substituer au congédiement ou à la sanction toute autre sanction qu’il estime juste et raisonnable dans les circonstances.

La Cour d’appel de la Saskatchewan, saisie de l’appel interjeté par le syndicat de l’ordonnance du juge Noble, a conclu que le par. 25(3) ne s’appliquait pas et a accueilli l’appel suivant les conclusions recherchées par le syndicat. La Cour était d’avis que la seule question soumise au conseil arbitral était de savoir si le plaignant avait été injustement congédié, et elle a interprété la sentence arbitrale en ce sens. Dans cette optique, le seul redressement possible était la réintégration avec rémunération complète, comme le prévoit la

[Page 342]

clause 6(4) de la convention collective. A mon avis, c’est une façon trop étroite d’envisager la question soumise au conseil arbitral.

Je crois qu’il n’y a rien en l’espèce qui justifie d’appliquer à l’égard de l’employeur appelant des règles aussi strictes que celles que cette Cour a appliquées à l’égard d’un syndicat dans l’affaire Port Arthur Shipbuilding Company c. Arthurs, [1969] R.C.S. 85. Si on peut établir un lien, on peut dire que le par. 25(3) de The Trade Union Act de la Saskatchewan a été conçu pour prévenir un retour au principe draconien appliqué dans cette affaire, et d’autres provinces ont pris des mesures législatives semblables, comme l’indique l’annexe du mémoire de l’employeur en l’espèce. Ironie de la situation, le syndicat en l’espèce cherche à obtenir une réponse semblable à celle donnée dans l’arrêt Port Arthur Shipbuilding alors que l’employeur accepte de se soumettre au pouvoir de redressement plus étendu qu’a exercé le conseil arbitral.

A mon avis, la Cour d’appel de la Saskatchewan a commis une erreur en décidant que la question en litige en l’espèce consiste strictement à établir si le plaignant a été injustement congédié, et elle a en outre commis une erreur en disant que le conseil arbitral doit avoir conclu en ce sens lorsqu’il a ordonné la réintégration. La clause 6(4) parle d’un grief de congédiement lorsque le plaignant estime qu’il a été «traité injustement», une expression qui est certainement assez large pour permettre à l’employé de prétendre que le congédiement était une sanction trop sévère pour l’infraction qu’on lui reproche. De plus, si on dit, comme l’a fait la Cour d’appel de la Saskatchewan, qu’en ordonnant la réintégration, le conseil arbitral doit avoir conclu à un congédiement injuste, on divise la sentence arbitrale qui doit être considérée comme un tout.

De fait, il est évident, lorsqu’on lit les clauses 6(4) et 12(12)a), qu’il peut y avoir des renvois relevant de la clause 6(4) qui sont fondés sur d’autres motifs que ceux énoncés à la clause 12(12)a). En conséquence, un conseil arbitral peut estimer que si le motif invoqué n’est pas prévu à la clause 12(12)a), il peut entraîner une sanction moins sévère que le congédiement, et le conseil peut en conséquence y substituer cette sanction en

[Page 343]

vertu du par. 25(3) de la Loi. Si le motif de renvoi invoqué, qu’il soit prévu à la clause 6(4) ou à la clause 12(12)a), n’est aucunement établi, et qu’on n’établit aucun motif qui entraîne une mesure disciplinaire, le plaignant a le droit d’être rétabli dans ses fonctions sans perte de rémunération. Si on établit que le motif invoqué est l’un de ceux prévus à la clause 12(12)a), alors le conseil arbitral doit confirmer le renvoi. Si le motif invoqué relève de la clause 6(4), le conseil peut conclure que le renvoi s’impose si on en fait la preuve, ou il peut imposer une sanction moindre parce que le renvoi est trop sévère en regard de l’infraction. Dans ce dernier cas, il peut agir en vertu du par. 25(3) de la Loi.

Dans les cas de renvoi, le motif et la sanction sont intimement liés, et à moins que l’infraction n’entraîne une sanction précise qui peut être le renvoi, je ne vois pas comment on peut échapper à l’application du par. 25(3) qui permet au conseil arbitral de substituer une sanction moindre lorsqu’il conclut, comme en l’espèce, qu’il n’y a pas lieu de confirmer la sanction de congédiement.

Puisque la Cour d’appel de la Saskatchewan a souscrit à l’opinion du juge Noble que le congédiement n’a pas été imposé pour un des motifs énoncés à la clause 12(12)a), il me paraît évident que, compte tenu de la décision du conseil arbitral, ce dernier pouvait imposer une sanction moindre comme le permet le par. 25(3) de la Loi.

Je suis par conséquent d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan et de rétablir l’ordonnance du juge Noble. L’appelante a droit à ses dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l’appelante: MacPherson, Leslie & Tyerman, Regina.

Procureurs de l’intimé: Goldenberg, Taylor, Randall, Buckwold & Halstead, Saskatoon.


Synthèse
Référence neutre : [1982] 1 R.C.S. 338 ?
Date de la décision : 18/03/1982
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Relations de travail - Arbitrage - Congédiement - La convention collective permet la réintégration avec rémunération dans les cas de congédiement injuste - Sévérité de la sanction par rapport à l’infraction - Pouvoir du conseil d’ordonner la réintégration mais sans rémunération - The Trade Union Act, R.S.S. 1978, chap. T-17, art. 25(3).

Ce pourvoi résulte d’un grief de congédiement qui a été soumis à l’arbitrage conformément à une convention collective. Le conseil arbitral n’a pas confirmé le congédiement et a ordonné la réintégration mais sans paiement de salaire ou de commissions pour la période entre le congédiement et la réintégration. La Cour d’appel a accueilli l’appel formé à l’encontre d’une ordonnance rejetant la demande du syndicat d’annuler la partie de la sentence du conseil arbitral qui privait le plaignant de sa rémunération. Contrairement à la cour d’instance inférieure, la Cour d’appel a conclu que le par. 25(3) de The Trade Union Act, qui permet, la substitution d’une sanction moindre, ne s’applique pas si la convention collective n’impose pas une sanction précise pour une infraction déterminée

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Dans les cas de renvoi, le motif et la sanction sont intimement liés, et à moins que l’infraction n’entraîne une sanction précise qui peut être imposée, on ne peut échapper à l’application du par. 25(3) qui permet au conseil arbitral de substituer une sanction moindre lorsqu’il conclut qu’il n’y a pas lieu de confirmer la sanction de congédiement. Compte tenu de la décision du conseil arbitral, ce dernier pouvait imposer une sanction moindre comme le permet le par. 25(3).

[Page 339]


Parties
Demandeurs : Dairy Producers Co-Operative Ltd. de Prince Albert
Défendeurs : Lyons

Références :

Jurisprudence: distinction faite avec l’arrêt Port Arthur Shipbuilding Company c. Arthurs, [1969] R.C.S. 85.

Proposition de citation de la décision: Dairy Producers Co-Operative Ltd. de Prince Albert c. Lyons, [1982] 1 R.C.S. 338 (18 mars 1982)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1982-03-18;.1982..1.r.c.s..338 ?
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