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02/11/1982 | CANADA | N°[1982]_2_R.C.S._583

Canada | Detering c. R., [1982] 2 R.C.S. 583 (2 novembre 1982)


Cour suprême du Canada

Detering c. R., [1982] 2 R.C.S. 583

Date: 1982-11-02

Peter H. Detering, faisant affaire sous la raison sociale Astro Engine and Transmission Rebuilders (Plaignant) Appelant;

et

Sa Majesté La Reine (Défendeur) Intimée.

N° du greffe: 16167.

1982: 14 octobre; 1982: 2 novembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Beetz, Estey, Mclntyre, Chouinard et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

Cour suprême du Canada

Detering c. R., [1982] 2 R.C.S. 583

Date: 1982-11-02

Peter H. Detering, faisant affaire sous la raison sociale Astro Engine and Transmission Rebuilders (Plaignant) Appelant;

et

Sa Majesté La Reine (Défendeur) Intimée.

N° du greffe: 16167.

1982: 14 octobre; 1982: 2 novembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Beetz, Estey, Mclntyre, Chouinard et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.


Synthèse
Référence neutre : [1982] 2 R.C.S. 583 ?
Date de la décision : 02/11/1982
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Tentatives - Fraude - Coïncidence de l’actus reus et de la mens rea - Preuve d’intention - L’accusé a-t-il dépassé la simple préparation? - Code criminel, S.R.C 1970, chap. C-34, art. 24.

La Cour d’appel de l’Ontario a infirmé le verdict de culpabilité de fraude rendu contre l’appelant et y a substitué une déclaration de culpabilité de tentative de fraude, car la victime de la prétendue fraude n’a en réalité pas été trompée. Elle participait au sein du ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario à la surveillance des pratiques des garagistes et savait que la transmission de la voiture qu’elle a conduite au garage de l’appelant avait été trafiquée. La cour a conclu que la preuve apportée est uniquement compatible avec le fait que l’appelant a répété sa déclaration initiale même après s’être rendu compte qu’elle n’était pas exacte.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Il n’y a aucune différence discernable entre l’intention relative à l’infraction matérielle précise et celle relative à une simple tentative. Dans les deux cas, l’actus reus est un élément essentiel de l’accusation portée. L’article 24 du Code criminel exige simplement la preuve d’une intention et de ce que l’accusé a dépassé la simple préparation. En l’espèce, les faits externes qui se dégagent de la preuve indiquent que les actes de l’accusé traduisaient plus qu’une simple intention et constituaient une continuation de son projet objectif. Les éléments constitutifs de la tentative sont donc établis.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario qui a infirmé le verdict de culpabilité de fraude rendu contre l’appelant et y a substitué une déclaration de culpabilité de tentative de fraude. Pourvoi rejeté.

[Page 584]

Alan D. Gold, pour l’appelant.

David H. Doherty, pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE EN CHEF — Ce pourvoi tire son origine d’une accusation de fraude portée contre l’appelant en vertu de l’al. 338(1)b) du Code criminel. La Cour d’appel de l’Ontario a infirmé le verdict de culpabilité rendu au procès et y a substitué une déclaration de culpabilité de tentative de fraude. On a en effet reconnu que la victime de la prétendue fraude, une nommée Sheila Harris, employée du ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario, n’a en réalité pas été trompée. A l’époque en question, elle participait au sein du Ministère à la surveillance des pratiques des garagistes. Elle a conduit une voiture passablement usagée à l’atelier de réparations de l’appelant en sachant que la transmission avait été légèrement trafiquée et qu’il suffisait de quelques minutes pour la réparer. Elle a expliqué à l’appelant qu’elle avait des ennuis de transmission et celui-ci, après avoir essayé la voiture, lui a dit qu’il fallait la refaire à un coût de $189 plus $3.50 de taxe de vente.

C’est la facture que Sheila Harris a acquittée pour le travail effectué quand elle est allée reprendre la voiture. Sans entrer dans les détails, il suffit de dire que, selon la facture qu’elle a reçue, la transmission avait été refaite alors qu’en réalité ce n’était pas le cas. La Cour d’appel de l’Ontario, par l’intermédiaire du juge en chef adjoint MacKinnon, a conclu qu’il y avait eu tentative de commettre l’infraction visée par l’acte d’accusation. Selon le juge en chef adjoint, [TRADUCTION] «la preuve est uniquement compatible avec le fait que l’appelant a répété ou maintenu sa déclaration initiale, savoir qu’il fallait remettre la transmission en état, même après s’être rendu compte que ce n’était pas exact».

En cette Cour, l’avocat de l’appelant a fait valoir trois arguments; selon le troisième, il doit y avoir coïncidence de l’actus reus (la déclaration) et de la mens rea, qu’il n’y avait pas de mens rea au moment où la déclaration a été faite au témoin à charge et que, s’il y a eu mens rea par la suite,

[Page 585]

l’actus reus avait alors été accompli depuis longtemps. Pour ce qui est de cet argument, il me suffit de dire que la conclusion précitée du juge en chef adjoint MacKinnon s’y applique. Il y a donc eu coïncidence.

Les deux autres arguments que Me Gold a mis de l’avant pour le compte de l’appelant ne sont pas mentionnés comme tels dans les motifs de la Cour d’appel. L’avocat a insisté sur deux points. Il a prétendu d’abord que le par. 24(1) du Code criminel, qui traite des tentatives, renferme une contradiction inhérente puisqu’il exige la preuve d’une intention de commettre l’infraction matérielle précise. Il nécessite en outre, suivant cet argument, la preuve de l’existence de tous les éléments constitutifs de l’infraction complète, et s’il n’y a pas eu perpétration d’un crime, comme c’est le cas lorsque le plaignant n’a pas été trompé, on ne peut imputer à l’accusé l’intention requise. De plus, selon l’avocat, une tentative suppose l’échec plutôt que la réussite, et le succès de la supercherie projetée exclut la culpabilité d’une tentative de commettre l’infraction.

L’avocat a prétendu en second lieu que l’imminence est une exigence essentielle en ce sens, si l’on veut, que les actes de l’accusé doivent dépasser la simple préparation pour se rapprocher (une question de degré) de la réalisation de son projet. En d’autres termes, si les actes de l’accusé dépassent la simple préparation, ils peuvent constituer une tentative; toutefois si l’accusé donne suite à son projet et qu’il réussisse et si, comme en l’espèce, cela ne constitue pas un crime, on ne peut le déclarer coupable de tentative. L’avocat de l’accusé soutient que la définition du mot «tentative» au par. 24(1) du Code criminel n’affaiblit nullement ses arguments.

Les paragraphes 24(1) et (2) du Code criminel sont ainsi rédigés:

24. (1) Quiconque, ayant l’intention de commettre une infraction, fait ou omet de faire quelque chose pour arriver à son but, est coupable d’une tentative de commettre l’infraction, qu’il fût possible ou non, dans les circonstances, de la commettre.

(2) Est une question de droit la question de savoir si un acte ou une omission par une personne qui a l’intention de commettre une infraction est ou n’est pas une

[Page 586]

simple préparation à la perpétration de l’infraction, et trop lointaine pour constituer une tentative de commettre l’infraction.

Ce texte de loi offre des réponses à ces arguments. En premier lieu, il n’y a aucune différence discernable entre l’intention relative à l’infraction matérielle précise et celle relative à une simple tentative. Dans les deux cas, l’actus reus est un élément essentiel de l’accusation portée. En l’espèce, la réponse à la question de savoir si l’intention de l’accusé est demeurée purement subjective se trouve dans les motifs de la Cour d’appel de l’Ontario. Les faits externes qui se dégagent de la preuve indiquent que les actes de l’accusé traduisaient plus qu’une simple intention et constituaient une confirmation ou une continuation de son projet objectif. Les éléments constitutifs de la tentative sont donc établis.

Reste à examiner ce qu’on appelle le principe de l’imminence. Il se peut bien que c’est ce que vise la mention du caractère lointain au par. 24(2), mais je ne crois pas que cela touche la question essentielle dans le cas d’une tentative, soit celle de savoir s’il y a eu plus qu’une simple préparation. De plus, l’appelant ne me convainc pas lorsqu’il plaide que, s’il y a impossibilité, l’accusé ne peut par ses actes se rapprocher de la réalisation du projet de manière qu’il y ait imminence. Suivant mon interprétation, le par. 24(1) fait une toute autre distinction qui exige simplement la preuve d’une intention et de ce que l’accusé a dépassé la simple préparation en faisant, comme en l’espèce, une fausse déclaration, même si cela n’a pas entraîné la réalisation intégrale de son projet.

Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureur de l’appelant: Alan D. Gold, Toronto.

Procureur de l’intimée: Le procureur général de l’Ontario, Toronto.


Parties
Demandeurs : Detering
Défendeurs : Sa Majesté la Reine
Proposition de citation de la décision: Detering c. R., [1982] 2 R.C.S. 583 (2 novembre 1982)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1982-11-02;.1982..2.r.c.s..583 ?
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