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09/04/1987 | CANADA | N°[1987]_1_R.C.S._424

Canada | AFPC c. Canada, [1987] 1 R.C.S. 424 (9 avril 1987)


AFPC c. Canada, [1987] 1 R.C.S. 424

Alliance de la Fonction publique du Canada Appelante

et

Le procureur général du Manitoba Intervenant pour l'appelante

c.

Sa Majesté La Reine du chef du Canada, représentée par le Conseil du Trésor et le procureur général du Canada Intimée

et

Le procureur général de l'Ontario, le procureur général du Québec, le procureur général de la Colombie‑Britannique, le procureur général de l'Alberta, le procureur général de la Saskatchewan et le procureur général de Terre‑Neuve Intervenants pour

l'intimée

répertorié: afpc c. canada

No du greffe: 18942.

1985: 7, 8 octobre; 1987: 9 avril.

Présents: Le juge...

AFPC c. Canada, [1987] 1 R.C.S. 424

Alliance de la Fonction publique du Canada Appelante

et

Le procureur général du Manitoba Intervenant pour l'appelante

c.

Sa Majesté La Reine du chef du Canada, représentée par le Conseil du Trésor et le procureur général du Canada Intimée

et

Le procureur général de l'Ontario, le procureur général du Québec, le procureur général de la Colombie‑Britannique, le procureur général de l'Alberta, le procureur général de la Saskatchewan et le procureur général de Terre‑Neuve Intervenants pour l'intimée

répertorié: afpc c. canada

No du greffe: 18942.

1985: 7, 8 octobre; 1987: 9 avril.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, McIntyre, Chouinard*, Wilson, Le Dain et La Forest.

*Le juge Chouinard n'a pas pris part au jugement.

en appel de la cour d'appel fédérale

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel fédérale, [1984] 2 C.F. 889, 11 D.L.R. (4th) 387, 11 C.R.R. 97, 55 N.R. 285, 84 CLLC ¶ 14,053, qui a confirmé le jugement de la Division de première instance, [1984] 2 C.F. 562, 11 D.L.R. (4th) 337, 9 C.R.R. 248. Pourvoi rejeté, le juge en chef Dickson est dissident en partie et le juge Wilson est dissidente.

Maurice W. Wright, c.r., et Peter W. Hogg, c.r., pour l'appelante.

Eric Bowie, c.r., et Graham R. Garton, pour l'intimée.

Valerie J. Matthews Lemieux et W. Glenn McFetridge, pour l'intervenant le procureur général du Manitoba.

John Cavarzan, c.r., pour l'intervenant le procureur général de l'Ontario.

Réal A. Forest et Gilles Grenier, pour l'intervenant le procureur général du Québec.

J. J. Arvay, pour l'intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.

Brian R. Burrows, pour l'intervenant le procureur général de l'Alberta.

Robert G. Richards et B. G. Welsh, pour l'intervenant le procureur général de la Saskatchewan.

Deborah E. Fry, pour l'intervenant le procureur général de Terre‑Neuve.

Version française des motifs rendus par

1. Le Juge en chef (dissident en partie)—Le présent pourvoi soulève la question de savoir si la Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, viole la liberté d'association garantie à l'al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés et, dans l'affirmative, celle de savoir si cette violation peut être justifiée en vertu de l'article premier.

2. Les dispositions de la Charte pertinentes en l'espèce sont notamment les suivantes:

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes:

a) liberté de conscience et de religion;

b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

c) liberté de réunion pacifique;

d) liberté d'association. [C'est moi qui souligne.]

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

3. Le pourvoi soulève également une seconde question, celle de savoir si la Loi viole l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits, qui porte:

1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ci‑après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe:

...

b) le droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la protection de la loi;

I

Les faits et la législation

4. L'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) est un syndicat qui représente environ 168 000 salariés du gouvernement fédéral et de ses organismes. Elle a intenté une action en Cour fédérale du Canada, Division de première instance, en vue d'obtenir un jugement déclaratoire portant que la Loi sur les restrictions salariales du secteur public est inopérante pour cause d'incompatibilité avec la Charte et avec la Déclaration canadienne des droits.

5. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public met en oeuvre le programme des "6 et 5" du gouvernement fédéral. Elle a été adoptée le 4 août 1982, mais a été réputée entrer en vigueur le 29 juin 1982 (art. 17). L'article 3 définit le champ d'application de la Loi. Elle s'applique aux salariés du gouvernement fédéral et des sociétés, corporations et organismes fédéraux (énumérés à l'annexe II de la Loi), aux salariés des Forces canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada ainsi que du Sénat et de la Chambre des communes. En vertu du par. 3(4), les salariés du Canadien Pacifique Ltée, de ses filiales et d'un certain nombre d'autres sociétés de chemin de fer privées sont aussi inclus dans le champ d'application de la Loi.

6. La Loi vise à assurer que les régimes de rémunération des salariés du gouvernement se conforment à sa politique de restriction. Au paragraphe 2(1), les termes "régimes de rémunération" et "rémunération" sont définis de manière générale:

"régime de rémunération" Ensemble de dispositions, quel que soit leur mode d'établissement, régissant la détermination et la gestion des rémunérations; constituent notamment des régimes de rémunération les dispositions de cette nature figurant dans les conventions collectives et les décisions arbitrales ou établies soit par accord entre un employeur et un salarié, soit par l'employeur seul, soit conformément à une loi du Parlement.

"rémunération" Toute forme de salaire ou de gratification versée, ou d'avantage accordé, directement ou indirectement, par un employeur ou en son nom à un salarié ou à son profit.

7. En vertu de l'art. 4, un "régime de rémunération" en vigueur le 29 juin 1982 était automatiquement prorogé pour une période de deux ans à compter de la date prévue pour son expiration (al. 4(1)b)) ou de la date où devait survenir une augmentation des salaires (al. 4(1)a)). En vertu de l'art. 9, le régime de rémunération, qui fait partie intégrante d'une convention collective ou d'une décision arbitrale, est haussé de 6 pour 100 la première année et de 5 pour 100 la seconde année. Dans les autres cas, la hausse est "d'un maximum de" 6 pour 100 et de 5 pour 100 pour les deux années respectivement. Si un régime de rémunération prévoit une hausse postérieure au 29 juin 1982, la hausse convenue ne s'applique pas.

8. L'article 5 traite des salariés qui n'étaient pas assujettis à un régime de rémunération le 29 juin 1982, comme par exemple ceux dont la convention collective avait expiré avant le 29 juin 1982 et qui n'en avaient pas conclu une nouvelle au moment de l'entrée en vigueur de la Loi. Pour ces salariés, la convention collective antérieure est automatiquement prorogée d'un an à compter de sa date d'expiration et, en vertu du par. 6(2), le Conseil du Trésor est autorisé à accorder une augmentation salariale de 9 pour 100 tout au plus pour cette année. À la fin de l'année, les deux années de "6 et 5" commencent à courir (par. 4(1)).

9. Le paragraphe 6(1) et l'art. 7 revêtent une importance particulière. Ils sont ainsi conçus:

6. (1) Par dérogation à toute autre loi du Parlement, à l'exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais sous réserve du présent article et de l'article 7, les dispositions d'un régime de rémunération prorogé en vertu des articles 4 ou 5 ou d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte un pareil régime demeurent en vigueur sans modification, sous réserve de la présente partie, pendant la période de prorogation.

...

7. Les parties à une convention collective, ou les personnes visées par une décision arbitrale, qui comporte un régime de rémunération prorogé en vertu de l'article 4 peuvent s'entendre pour modifier les dispositions de la convention ou de la décision, à l'exception des taux de salaire et des autres dispositions du régime.

Pour les fins de l'espèce, il suffit de faire observer que le par. 6(1) de la Loi ("les dispositions d'un régime de rémunération prorogé en vertu des articles 4 ou 5", ci‑après appelé le premier élément) en maintenant en vigueur les dispositions des régimes de rémunération, interdit toute négociation collective sur les conditions de rémunération stipulées dans les conventions collectives. Le paragraphe 6(1) de la Loi ("[les dispositions] d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte un pareil régime", ci‑après appelé le deuxième élément) interdit également toute négociation collective, sur quelque question que ce soit, y compris celles qui ne sont pas relatives à la rémunération, sous réserve de l'art. 7. Si je comprends bien, l'art. 7 autorise les parties à une convention collective à en modifier les conditions autres que celles qui ont trait à la rémunération uniquement si elles s'entendent pour le faire. À mon avis, il n'autorise pas les employés à faire la grève ou à soumettre des projets de modification à l'arbitrage exécutoire.

10. La seule autre disposition que je tiens à mentionner est l'art. 16. En vertu de cet article, le gouverneur en conseil peut mettre fin à l'application de la Loi à l'égard de salariés ou de groupes de salariés qu'elle vise.

II

Les jugements

(i) La Division de première instance de la Cour fédérale

11. Le juge Reed a commencé par analyser les effets de la Loi: [1984] 2 C.F. 562. Elle a rejeté les prétentions du procureur général du Canada selon lesquelles: i) il était encore possible, en vertu de la Loi, de négocier les questions de rémunération avec l'approbation du gouverneur en conseil, grâce aux dispositions de l'art. 16, et (ii) la négociation des questions autres que la rémunération était encore possible en vertu de l'art. 7. À son avis, ces dispositions ne préservent aucun droit véritable à la négociation collective (à la p. 577):

Ces articles déterminent les manières possibles de modifier les conventions collectives: en vertu de l'article 7, elles peuvent l'être par le conseil du Trésor et, en vertu de l'article 16, avec l'approbation du gouverneur en conseil. Toutefois, le fait de prescrire de quelle manière les conventions collectives peuvent être modifiées n'équivaut pas à préserver le droit à la négociation collective. Je ne vois pas comment la négociation collective peut être maintenue lorsque les salariés perdent la capacité de cesser collectivement de fournir des services, et ce, comme je l'ai fait remarquer plus haut, par l'application de l'article 6 de la Loi sur les restrictions et de l'article 101 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. La Loi sur les restrictions autorise en fait les salariés à présenter des demandes de modifications auxquelles peut consentir le conseil du Trésor, lorsqu'il s'agit d'éléments non relatifs à la rémunération, ou le gouverneur en conseil, lorsqu'il s'agit de modifications relatives à la rémunération. On ne peut parler de négociation dans un tel cas. La négociation comporte la possibilité de faire des concessions sur certaines choses et d'en obtenir d'autres; elle nécessite plus que le simple droit de présenter des demandes. On ne dirait pas qu'une personne est libre de négocier si elle est contrainte à acheter un article, ni qu'elle est libre de négocier si elle est contrainte à vendre un article. De la même façon, je ne crois pas que l'on puisse affirmer que le droit de négocier collectivement est préservé lorsqu'il n'existe pas de droit de cesser collectivement de fournir des services.

12. Toutefois, d'après le juge Reed, la liberté de négocier collectivement n'est pas incluse dans la liberté d'association. L'alinéa 2d) de la Charte garantit aux syndicats le droit de se constituer, de mettre en commun des ressources économiques, de recruter d'autres membres, de choisir leurs propres structures d'organisation interne, de faire valoir leurs points de vue auprès des employés et du public en général et de ne subir aucun préjudice ni aucune contrainte de la part du patronat ou de l'état du fait de telles activités. On n'a pas jugé que le droit de négocier collectivement et le droit de grève constituent des éléments de la liberté d'association. En conséquence, le juge Reed a statué que, même si la Loi sur les restrictions salariales du secteur public suspendait le droit de négocier dont jouissaient par ailleurs les fonctionnaires fédéraux, elle n'enfreignait pas l'al. 2d) de la Charte.

13. Le juge Reed a conclu que si la liberté de négocier collectivement, y compris le droit de grève, étaient constitutionnellement garantis par l'al. 2d), la Loi sur les restrictions salariales du secteur public ne serait pas sauvegardée en vertu de l'article premier. Elle a conclu que, même si l'inflation constituait un problème sérieux qui exigeait une intervention gouvernementale à l'époque de l'introduction de la Loi, alors qu'on soupesait l'avantage économique pour la société et le coût d'une violation de droits fondamentaux, la Loi n'était pas justifiée en vertu de l'article premier. À son avis, l'effet indirect que la Loi pourrait avoir sur l'inflation n'était pas suffisamment important pour justifier une atteinte à une liberté garantie par la Constitution.

14. Pour ce qui est de la Déclaration canadienne des droits, le juge Reed a conclu que la Loi ne violait pas le droit des salariés du secteur public fédéral à l'égalité devant la loi, garanti par l'al. 1b). D'après elle, la Loi n'impose pas de restrictions salariales à un groupe d'employés choisi arbitrairement (à la p. 607):

Je pourrais accepter qu'une loi limitant les hausses de traitement de "toutes les personnes aux yeux bleus" ou de "toutes les infirmières" ou de tout autre groupe de la société choisi de façon arbitraire et dont il est démontré que les salaires ne constituent pas une cause importante de l'inflation, ne satisfait pas au critère d'un objectif fédéral régulier. Toutefois, en l'espèce, le gouvernement légifère réellement à titre d'employeur. La situation n'est pas vraiment différente de celle de l'employeur qui annonce à ses employés que malgré les contrats négociés, la situation économique est telle qu'ils doivent accepter des réductions salariales parce que, sans ces réductions, l'entreprise devra fermer ses portes. évidemment, le gouvernement n'est pas susceptible de faire faillite. C'est pour cela que les fonctionnaires ont une meilleure sécurité d'emploi que l'ensemble de la main‑d'oeuvre et c'est peut‑être aussi ce qui donne aux syndicats de la Fonction publique une base de négociation plus solide. De toute façon, même s'il subsiste des doutes, je décide que la relation employeur‑employé qui existe entre le gouvernement et ceux qui contestent la Loi sur les restrictions en l'espèce, constitue un lien suffisant ou une justification suffisante pour satisfaire au critère de l'objectif fédéral régulier au sens que la jurisprudence donne à cette expression.

(ii) La Cour d'appel fédérale

15. L'appel a été rejeté, [1984] 2 C.F. 889.

16. a) Le juge Mahoney (aux motifs duquel a souscrit le juge Hugessen)

17. D'après le juge Mahoney, le droit à la liberté d'association, garanti par la Charte, est le droit de conclure des ententes, mais il ne protège ni les objectifs de l'association, ni les moyens d'atteindre ces objectifs. Alors que la négociation collective constitue le principal moyen par lequel un mouvement syndical compte atteindre son principal objectif, l'amélioration de la situation économique de ses membres, elle demeure un moyen et n'est donc pas garantie par l'al. 2d) de la Charte.

18. Le juge Mahoney, tout en reconnaissant que ses observations sur le sujet, comme celles du juge de première instance, étaient des opinions incidentes, parle des difficultés auxquelles les tribunaux sont confrontés quand ils ont à examiner des questions de politique macro‑économique en vertu de l'article premier de la Charte. Il laisse entendre que l'expertise macro‑économique, si elle peut servir à expliquer des termes techniques, ne saurait en général constituer un fondement solide "sur lequel un tribunal peut s'appuyer pour déterminer, selon la prépondérance des probabilités, la voie qu'il faut suivre" (p. 896). Il ajoute que la difficulté à laquelle les tribunaux doivent faire face tient à l'absence d'une orthodoxie généralement reconnue qui puisse servir de point de repère pour évaluer les différentes théories sur la politique gouvernementale à suivre.

19. Quant à la Déclaration canadienne des droits, le juge Mahoney conclut que la Loi constitue une mesure de contrôle salarial qui s'applique à un groupe identifiable. Elle a donc un objectif fédéral régulier et ne viole pas l'al. 1b). Le caractère raisonnable des moyens choisis pour atteindre cet objectif ne fait pas partie, selon le juge Mahoney, du critère de l'objectif fédéral régulier.

20. b) Le juge Marceau (motifs concordants quant au résultat)

21. D'après le juge Marceau, l'expression "liberté d'association" n'est pas suffisamment large pour englober le droit de grève. Il maintient que les tribunaux ne doivent pas établir des ensembles de politiques sans avoir égard au sens ordinaire des termes de la Charte.

22. Le juge Marceau souligne qu'il n'est pas prêt à accepter l'interprétation que le juge de première instance donne à l'article premier de la Charte.

23. En outre, la Loi ne viole pas le droit des salariés du secteur public fédéral à l'égalité devant la loi, que garantit l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits. En imposant le contrôle des salaires à un groupe de salariés seulement, le législateur fédéral tentait de réaliser un objectif fédéral régulier, soit juguler l'inflation. Ce faisant, il a eu recours à un moyen suffisamment raisonnable pour qu'on soit obligé de rejeter toute idée de discrimination.

III

Les questions constitutionnelles

24. Voici les questions constitutionnelles qui ont été formulées:

1. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, empiète‑t‑elle sur la liberté d'association garantie à l'al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés?

2. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, est‑elle justifiée en fonction de l'article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?

3. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, empiète‑t‑elle sur le droit à «l'égalité devant la loi» reconnu à l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, app. III?

IV

L'alinéa 2d) de la Charte et la Loi sur les restrictions salariales du secteur public

25. Pour les raisons que j'ai données dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313 (ci‑après le Renvoi relatif aux relations de travail en Alberta), dont les motifs sont prononcés en même temps que le présent arrêt, je crois que la liberté d'association, dans le contexte des relations de travail, comprend la liberté de participer à la détermination des conditions de travail par la négociation collective et le droit de grève. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, en prorogeant automatiquement l'application des modalités des conventions collectives et des décisions arbitrales et en fixant les hausses salariales pour une période de deux ans, porte atteinte à la liberté des salariés du secteur public de négocier collectivement.

26. Cette conclusion n'est pas modifiée par l'art. 7 de la Loi qui, comme je l'ai noté précédemment, autorise les parties à une convention collective à s'entendre pour "modifier les dispositions de la convention ou de la décision, à l'exception des taux de salaire et des autres dispositions du régime". Elle ne l'est pas non plus par l'art. 16 qui autorise le gouverneur en conseil à mettre fin à l'application de la Loi à l'égard d'un salarié ou d'un groupe de salariés. Un syndicat n'a aucun pouvoir réel de négociation en vertu de l'une ou de l'autre de ces dispositions, puisqu'il n'a pas la capacité légale de cesser collectivement de fournir des services, ni même de soumettre un différend à l'arbitrage exécutoire. Comme je l'ai affirmé dans le Renvoi relatif aux relations de travail en Alberta, la liberté de faire grève est nécessairement accessoire à la négociation collective. Sans la capacité de faire grève ou de soumettre un différend à l'arbitrage exécutoire, les salariés qui souhaitent apporter des modifications non liées à la rémunération en vertu de l'art. 7, ou ceux qui demandent au gouverneur en conseil de suspendre l'application de la Loi, ne sont pas vraiment en mesure de négocier. Comme le juge Reed l'a dit: "La négociation comporte la possibilité de faire des concessions sur certaines choses et d'en obtenir d'autres; elle nécessite plus que le simple droit de présenter des demandes" (p. 577).

27. Je conclus que la Loi sur les restrictions salariales du secteur public porte atteinte à la liberté de négocier collectivement, tant en matière de rémunération qu'en d'autres matières, et limite donc la liberté d'association garantie par l'al. 2d) de la Charte.

V

L'article premier

28. L'intimée fait valoir que, même si la Loi sur les restrictions salariales du secteur public viole la liberté d'association garantie par l'al. 2d) de la Charte, elle peut être maintenue en vertu de l'article premier. La question de savoir si les limites à la liberté d'association qu'impose la Loi sur les restrictions salariales du secteur public sont prescrites "par une règle de droit" ne se pose pas puisqu'il s'agit d'une loi dûment adoptée par un corps législatif régulièrement constitué.

29. Les principes généraux qui doivent régir une analyse en vertu de l'article premier se retrouvent dans les arrêts Law Society of Upper Canada c. Skapinker, [1984] 1 R.C.S. 357; Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; Singh c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, et plus récemment, dans l'arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103. En bref, l'analyse comporte deux étapes: 1) l'évaluation de l'importance de l'objet sous‑jacent à la loi contestée, et 2) l'évaluation de la proportionnalité des moyens employés pour atteindre le but recherché. C'est à la partie qui cherche à justifier la restriction qu'il incombe de faire la preuve des éléments constitutifs d'une analyse en vertu de l'article premier.

(i) L'objectif législatif: réduire l'inflation

30. L'objectif législatif poursuivi en imposant des mesures qui limitent un droit ou une liberté garantis par la Charte doit être suffisamment important pour justifier la suppression de ce droit ou de cette liberté: R. c. Big M Drug Mart Ltd. Il doit se rapporter à une préoccupation urgente et réelle dans une société libre et démocratique: R. c. Oakes, à la p. 139. En l'espèce, bien qu'il n'y ait pas d'indication explicite de l'objectif du législateur fédéral dans la Loi, il est évident que le but général et premier de l'adoption de la Loi sur les restrictions salariales du secteur public était de réduire l'inflation. C'est là à mon avis un objectif d'une importance suffisante pour les fins de l'article premier. L'inflation à l'époque de l'adoption de la Loi constituait un problème grave. La preuve a été faite que l'inflation des salaires et des prix avait atteint des niveaux records, que le taux d'inflation au Canada était supérieur à celui des états‑Unis et que les politiques monétaires et financières de restriction de 1979 n'avaient pas d'effet important.

31. Le juge de première instance a fait observer que trois des quatre économistes cités à témoigner au procès ont convenu que l'inflation était en 1982 un problème grave qui requérait une intervention gouvernementale. Il faut se rappeler à cet égard que, dans le Renvoi: Loi anti‑inflation, [1976] 2 R.C.S. 373, cette Cour à la majorité n'était pas disposée à conclure que le législateur fédéral avait tort de considérer la poussée inflationniste du début des années 70 comme un état de crise économique qui mettait en péril le bien‑être de l'ensemble de la population canadienne et qui exigeait une intervention vigoureuse de sa part: voir, à la p. 425, le juge en chef Laskin et, à la p. 439, le juge Ritchie. C'est pourquoi la Loi anti‑inflation, S.C. 1974‑75‑76, chap. 75, a été jugée valide en raison de la compétence que possède le gouvernement fédéral en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement. La gravité de l'inflation, soulignée par la Cour dans le Renvoi: Loi anti‑inflation, justifie la qualification de l'objectif du législateur fédéral en l'espèce comme se rapportant à une "préoccupation urgente et réelle". Je suis donc d'avis que l'objectif de réduire l'inflation était, à l'époque de l'adoption de la Loi, un objectif d'une importance suffisante pour les fins de l'article premier de la Charte.

32. J'ajouterais qu'il n'est pas nécessaire en l'espèce de déterminer si l'inflation qui a entraîné l'adoption de la loi en cause a engendré un état de crise économique ou une situation d'urgence telle que le législateur fédéral aurait pu, par application du Renvoi: Loi anti‑inflation, imposer aux salariés des contrôles se situant en dehors de sa compétence traditionnelle en matière de relations de travail, et aussi m'abstiendrai‑je de le faire. Une "préoccupation urgente et réelle" n'a pas à équivaloir à un état d'urgence.

(ii) Les restrictions imposées par la Loi sur les restrictions salariales du secteur public constituent‑elles un moyen proportionné de réaliser l'objectif du législateur?

33. Dans l'arrêt R. c. Oakes, précité, trois critères ont été avancés qui paraissent fort utiles lorsqu'on évalue la proportionnalité en vertu de l'article premier: 1) il doit y avoir un lien rationnel entre la mesure et l'objectif poursuivi; 2) la mesure doit porter atteinte le moins possible au droit ou à la liberté en question, et 3) les effets préjudiciables de la mesure doivent être justifiables, compte tenu de l'objectif poursuivi. En l'espèce, nous devons décider s'il était raisonnable et justifié, d'une manière démontrable, pour le législateur de tenter d'atteindre son objectif de juguler l'inflation en suspendant pratiquement toute négociation collective pour deux ans et en imposant certaines hausses salariales non inflationnistes aux salariés du secteur public fédéral.

34. Tant en première instance qu'au cours du débat devant cette Cour, on a prêté une attention considérable à la question de savoir si l'imposition des contrôles de la rémunération des salariés du secteur public constitue une stratégie efficace de lutte contre l'inflation. L'appelante soutient que ces contrôles ne sont qu'un moyen secondaire ou complémentaire de contrôler l'inflation. De plus, comme les contrôles ne visaient que 5 pour 100 de la main‑d'oeuvre canadienne, on a fait valoir qu'ils ne pouvaient influer directement et sensiblement sur le niveau de l'inflation. Tout autre effet plus considérable sur l'inflation sur le plan de l'économie en général était, a‑t‑on dit, purement indirect et hypothétique et était fonction de l'effet psychologique des contrôles sur les attentes des salariés non visés par la Loi.

35. L'intimée n'a pas contesté que le programme de contrôles était une mesure secondaire plutôt qu'une mesure primaire de lutte contre l'inflation. Le gouvernement a également reconnu que le rôle du contrôle des salaires dans la lutte contre l'inflation en général était indirect plutôt que direct. Néanmoins, l'intimée soutient dans son mémoire que la Loi [TRADUCTION] "constituait une mesure raisonnable et appropriée qui venait compléter et seconder les politiques monétaires gouvernementales dans le but de réduire l'inflation, pour le plus grand profit de l'ensemble de la société". (C'est moi qui souligne.)

36. À mon avis, les tribunaux doivent faire preuve de prudence considérable lorsqu'ils sont confrontés à des questions difficiles de politique économique. Il n'appartient pas à la magistrature d'évaluer l'efficacité ou la sagesse des diverses stratégies gouvernementales adoptées pour résoudre des problèmes économiques urgents. La question de la meilleure forme de lutte contre l'inflation embarrasse les économistes depuis plusieurs générations. Il ne serait guère souhaitable que les tribunaux tentent de se prononcer sur l'importance relative de ce qui, croit‑on, cause l'inflation, comme l'expansion de la masse monétaire, les déficits fiscaux, l'inflation étrangère ou les perspectives inflationnistes inhérentes de divers acteurs économiques individuels. C'est à bon droit qu'une grande déférence doit être manifestée envers le choix par le gouvernement d'une stratégie pour combattre ce problème complexe. Il faut aussi dûment respecter le rôle symbolique de chef de file que joue le gouvernement. Bien des initiatives gouvernementales, spécialement dans le domaine économique, comportent nécessairement une importante composante psychologique ou incitative qu'on ne saurait sous‑évaluer. Le rôle du pouvoir judiciaire dans de telles situations consiste premièrement à assurer que la stratégie législative choisie est équitablement mise en oeuvre et qu'elle porte atteinte aussi peu que raisonnablement possible aux droits et libertés garantis par la Charte. Ainsi, en l'espèce, je suis prêt à accepter l'argument de l'intimée portant qu'on aurait pu raisonnablement s'attendre à ce que le contrôle de la rémunération, même limité à une catégorie choisie de salariés, ait un effet positif, quoique partiel et indirect, sur la lutte contre l'inflation dans l'économie en général. Je suis également disposé à reconnaître que la suspension provisoire de la négociation collective en matière de rémunération constitue une entorse justifiable à la liberté d'association, compte tenu du troisième volet du critère de la proportionnalité.

37. Conclure que les contrôles sélectifs auraient pu raisonnablement être considérés comme une stratégie efficace ne met pas fin cependant à l'analyse à laquelle il faut procéder en vertu de l'article premier. Il est encore nécessaire d'étudier les dispositions de la Loi sur les restrictions salariales du secteur public pour déterminer si les libertés garanties par la Constitution s'en trouvent diminuées arbitrairement ou sans raison. Comme il a été dit dans l'arrêt R. c. Oakes, précité, les mesures adoptées ne doivent être "ni arbitraires, ni inéquitables, ni fondées sur des considérations irrationnelles" et être de nature à "porter le moins possible atteinte" au droit ou à la liberté en question.

38. Il y a, je pense, trois éléments du programme de contrôles qui méritent une attention particulière compte tenu de ces exigences. En premier lieu, la Loi vise les salariés du secteur public fédéral et des chemins de fer et les soumet à un traitement plus dur que les autres membres de la population active relevant de la compétence fédérale. En deuxième lieu, la Loi interdit toute négociation collective non seulement en matière de rémunération mais aussi en ce qui concerne toutes les matières englobées par la définition de l'expression "régime de rémunération" du par. 2(1). Enfin, la Loi sur les restrictions salariales du secteur public interdit en fait toute négociation collective sur des questions autres que la rémunération en vertu du deuxième élément du par. 6(1). Ces aspects de la loi des "6 et 5" soulèvent la possibilité qu'elle ait une portée trop large ou qu'elle soit arbitraire quant à ceux qu'elle vise.

39. Quant à la première préoccupation, il s'agit en l'espèce de savoir si la Loi, en ne visant que les salariés du secteur public, a un lien rationnel avec son objectif. Comme je l'ai déjà dit, le par. 3(4) de la Loi rend le programme de contrôles applicable aux salariés de certaines compagnies ferroviaires. En l'espèce, il n'est pas nécessaire d'examiner le par. 3(4). Le syndicat appelant ne représente pas les cheminots. De plus, aucun argument n'a porté sur l'inclusion de ce groupe. Il se peut qu'il y ait eu un fondement rationnel quelconque justifiant l'inclusion apparemment anormale des cheminots; aussi je n'exprimerai aucune opinion sur la validité du par. 3(4) dans une instance plaidée au nom et au sujet d'un groupe de salariés tout à fait différent.

40. Suivant la thèse de l'appelante, la concentration des mesures de restriction sur la rémunération des salariés du secteur public tient de l'arbitraire et de l'irrationnel. En fait, cela constitue la substance même de l'argument de l'appelante fondé sur de l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits. On laisse entendre que le gouvernement, à titre d'employeur, devrait être traité comme tout autre employeur; ou les contrôles de rémunération doivent être appliqués universellement à tous les salariés relevant de la compétence fédérale en matière de relations de travail, ou il ne doit pas y en avoir du tout.

41. Je ne saurais accepter cependant que le législateur fédéral doive considérer le gouvernement comme un simple employeur parmi d'autres. J'ai déjà parlé de l'important rôle de chef de file que joue le gouvernement et de la composante psychologique de ce rôle en matière économique. À tort ou à raison, le secteur public est perçu comme jouant un rôle capital dans la détermination des paramètres des négociations entre employeurs et employés. En adoptant son programme des "6 et 5", le législateur fédéral entendait signaler sans ambigu" ité sa détermination à combattre l'inflation. Il voulait démontrer sans équivoque à la population canadienne qu'il était prêt à prendre des mesures draconiennes dans son propre domaine des relations employeur‑employés. Au cours du débat à la Chambre des communes, le Vice‑premier ministre et ministre des Finances a insisté sur le rôle de chef de file du gouvernement:

On ne peut attendre du secteur privé et des provinces qu'ils acceptent de restreindre les revenus si le gouvernement du Canada ne montre pas l'exemple dans ses propres affaires. Le gouvernement a donc décidé de montrer la voie en appliquant la stratégie proposée dans le secteur public fédéral pendant deux ans. [C'est moi qui souligne.]

(Débats de la Chambre des communes, le 28 juin 1982, à la p. 18878.)

Le président du Conseil du Trésor a expliqué que le programme de contrôles dans le secteur public fédéral avait été conçu pour donner aux Canadiens un "exemple frappant" qu'ils se devraient de suivre:

Tous se sont rendu compte du besoin impérieux pour le gouvernement fédéral d'accentuer la portée anti‑inflationniste de sa politique économique en prenant plus vigoureusement l'initiative en matière salariale. Le Programme des restrictions salariales au sein de la Fonction publique fédérale ne peut pas à lui seul résoudre tous les problèmes économiques qui accablent les Canadiens. Il constitue plutôt un exemple national sérieux et frappant que tous les Canadiens, employeurs et employés, pris individuellement ou collectivement, doivent imiter s'ils tiennent le moindrement à maintenir leur position concurrentielle à l'étranger et par le fait même leur niveau de vie au pays. [C'est moi qui souligne.]

(Débats de la Chambre des communes, le 9 juillet 1982, à la p. 19182.)

42. À mon avis, le rôle de chef de file joué par le gouvernement justifie que sa loi soit axée sur le secteur public. Il était, dans les circonstances, loisible au législateur fédéral de refuser d'imposer un programme universel de contrôles à court terme à une population active hétérogène et de limiter plutôt son ingérence dans les négociations collectives à un groupe de salariés distinct et relativement homogène. Les salariés en question avaient en commun le même employeur qui était perçu comme jouant le rôle de chef de file et d'initiateur de tendances en matière d'économie nationale, et ils jouissaient, d'après la preuve soumise, d'une plus grande sécurité d'emploi que les autres salariés, ce qui pouvait les rendre moins vulnérables aux effets préjudiciables à long terme qui résulteraient des contrôles temporaires. De même, il était loisible au législateur d'exercer un leadership gouvernemental en matière de restriction salariale en ayant recours à des moyens législatifs plutôt qu'en se contentant d'adopter une position ferme dans les négociations avec ses salariés. Il ressort de la preuve que le gouvernement avait déjà eu recours à une méthode non législative et que, durant la période comprise entre 1978 et 1982, il avait réussi à maintenir les accords salariaux conclus par le gouvernement fédéral en deçà des taux correspondants du secteur privé et du secteur public provincial. Toutefois, il est évident que ce n'était pas là un moyen suffisamment spectaculaire de diminuer les attentes des citoyens. Je ne saurais critiquer après coup l'insatisfaction du législateur devant cet exercice marginal, guère spectaculaire, de son rôle de chef de file au cours de la période qui a précédé la loi des "6 et 5".

43. Me renforcent dans mes conclusions à ce sujet les opinions des juges de la Cour divisionnaire de l'Ontario dans l'affaire Broadway Manor: Re Service Employees' International Union, Local 204 and Broadway Manor Nursing Home (1983), 44 O.R. (2d) 392. Les juges formant la majorité (les juges O'Leary et Smith) ont conclu que la loi sur les restrictions salariales du secteur public de l'Ontario, qui s'inspire de la loi en cause en l'espèce, enfreignait la liberté d'association garantie à l'al. 2d) de la Charte. Toutefois, l'atteinte portée à la négociation collective et la suppression du droit de grève en ce qui a trait aux questions de rémunération dans le secteur public a été considérée comme une limite raisonnable au sens de l'article premier. Le juge Smith dit, à la p. 468: [TRADUCTION] "Je ne vois rien à priori de capricieux ou d'arbitraire dans un programme de restriction qui se limite au secteur public."

44. Je ferai observer aussi que, même si la validité constitutionnelle des initiatives macro‑économiques ne doit pas dépendre de leur succès ou de leur échec ultime, il importe, pour vérifier la sincérité des objectifs législatifs, d'examiner si ces objectifs ont effectivement été atteints. Dans ce contexte, il est tout à fait clair que le rôle de chef de file que joue le gouvernement fédéral a, à tout le moins, permis de promouvoir des programmes provisoires de restriction pour d'autres salariés du secteur public. Le professeur D. D. Carter fait observer que [TRADUCTION] "Six provinces ont, à peu près à la même époque, adopté elles aussi des programmes de restrictions salariales dans le secteur public similaires quant à leur portée à la Loi sur les restrictions salariales du secteur public adoptée par le gouvernement fédéral": "Collective Bargaining and Income Restraint Programs: The Legal Issues", dans Recent Public Sector Restraint Programs: Two Views (Reprint Series No. 53, Industrial Relations Centre, Queen's University, 1984) à la p. 1.

45. J'en viens maintenant au second facteur déjà mentionné, savoir que cette loi contrôle la "rémunération" définie à son par. 2(1), plutôt que les salaires seulement. C'est sans difficulté que je conclus que cet aspect de la Loi qui prescrit des restrictions peut être justifié. Le titre même de la Loi et sa persistance à régler une vaste gamme de questions relatives à la rémunération montrent clairement que le législateur ne se préoccupait pas uniquement de la pression inflationniste qui pourrait résulter du versement aux salariés de sommes d'argent toujours croissantes. Il se préoccupait aussi des effets inflationnistes des coûts de production croissants d'une quantité donnée de biens ou de services pour les employeurs. C'est ce qu'indique clairement la définition du terme "rémunération" au par. 2(1), qui est suffisamment large pour inclure tout ce qui pourrait obliger l'employeur à allouer des ressources au profit direct ou indirect des salariés. Si cette loi était perçue comme contenant des "échappatoires" permettant de convertir simplement les demandes salariales inflationnistes en une série d'avantages non pécuniaires, qui augmenteraient néanmoins les coûts de production, la Loi serait considérée comme un simple trompe‑l'oeil, un geste symbolique vide de sens. Cela ne serait pas conforme à l'objectif de signifier clairement et sans équivoque aux autres employeurs qu'ils doivent imposer des restrictions.

46. Le troisième élément de la loi des "6 et 5" qu'il faut examiner d'une manière particulière, c'est son effet sur les négociations collectives portant sur des questions autres que la rémunération. Je pense tout au moins que le deuxième élément du par. 6(1) de la Loi supprime le droit de faire grève au sujet des questions autres que la rémunération ainsi que le droit de soumettre ces différends à l'arbitrage exécutoire, et l'art. 7 ne rétablit pas ces droits. Dans l'arrêt Broadway Manor, la Cour d'appel de l'Ontario n'a pas partagé l'avis de la Cour divisionnaire à la majorité en jugeant que des dispositions essentiellement équivalentes au deuxième élément du par. 6(1) et à l'art. 7 maintiennent l'obligation légale de l'employeur de négocier de bonne foi les questions qui ne se rapportent pas à la rémunération, mais elle a reconnu ce qui suit:

[TRADUCTION] ...les changements ne peuvent se faire que d'un commun accord. Il se peut donc que les sanctions économiques que constituent la grève et le lock‑out en vertu de la Loi sur les relations de travail et la procédure d'arbitrage en vertu de la Loi sur l'arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux [...] ne soient plus à la disposition des salariés du secteur public en raison de la [Loi sur le contrôle de l'inflation].

((1984), 48 O.R. (2d) 225, à la p. 248)

La différence d'interprétation qui sépare les juges formant la majorité de la Cour divisionnaire de ceux de la Cour d'appel de l'Ontario était particulièrement importante dans le cadre du différend Broadway Manor puisque, selon l'interprétation de la Cour d'appel, il n'était plus alors nécessaire qu'elle examine les points litigieux qui se rapportent à la Charte. Dans le contexte actuel cependant, cette différence se résume simplement à se demander si les négociations collectives portant sur des questions autres que la rémunération étaient totalement interdites ou, subsidiairement, s'il leur était porté gravement atteinte.

47. Dans les deux cas, je ne pense pas que l'intimée soit parvenue à justifier le deuxième élément du par. 6(1) de la Loi, comme elle en avait la charge en vertu de l'article premier de la Charte. L'intimée, dans son mémoire, n'avance aucune raison qui la justifierait d'avoir tendu un filet large au point de porter atteinte à la négociation collective sur des questions autres que la rémunération dans une loi conçue pour diminuer les attentes inflationnistes. En outre, il n'y a manifestement aucune raison qui ressorte du texte de la Loi. Au contraire, on se serait attendu à ce que, de par sa portée générale, la définition du terme "rémunération" supprime toute possibilité que certains avantages coûteux des salariés puissent suppléer au salaire au cours de négociations collectives portant sur des questions autres que la rémunération. Aucun argument n'a été avancé pour justifier l'atteinte portée à la liberté, garantie par la Constitution, de négocier collectivement sur des sujets aussi importants que la sécurité au travail, les droits de la direction, la procédure de griefs, l'ancienneté et les droits des salariés (ou l'interdiction qui leur est faite) de s'adonner à des activités politiques.

48. Dans l'affaire Broadway Manor, les trois juges de la Cour divisionnaire de l'Ontario ont conclu que l'al. 13b) de la loi ontarienne qui correspond essentiellement au deuxième élément du par. 6(1) de la loi fédérale, est impossible à justifier. Le juge O'Leary, aux pp. 446 et 447, adopte les conclusions de la Commission des relations de travail de l'Ontario:

[TRADUCTION] Ce tribunal, spécialiste en matière de relations ouvrières, reconnaît l'importance des conditions d'emploi autres que la rémunération, telles l'ancienneté, les licenciements et les rappels au travail (surtout en période de récession), la santé et la sécurité, la procédure de griefs et les droits de la direction. Malgré la réglementation de la rémunération, il est néanmoins possible d'avoir des négociations collectives substantielles et significatives.

(Service Employees Union, Local 204 v. Broadway Manor Nursing Home, [1983] O.L.R.B. Rep. Jan. 26, à la p. 36.)

Le juge O'Leary ajoute, à la p. 447:

[TRADUCTION] Je conviens qu'il n'est guère utile d'autoriser la négociation collective et les grèves au sujet des enveloppes salariales si leur hausse est de toute façon fixée à 5 pour 100. Mais il ne s'ensuit pas que les employés devraient aussi se voir interdire de négocier et de faire grève sur des questions autres que la rémunération.

Le juge Smith a exprimé un point de vue similaire aux pp. 470 et 471. Le juge Galligan, dont la façon d'interpréter la Loi l'a amené à exprimer une dissidence quant au résultat, examine néanmoins, dans des opinions incidentes, les questions litigieuses qui se rapportent à la Charte. Il exprime l'opinion suivante (à la p. 413):

[TRADUCTION] Dans la mesure donc où la Loi enfreint la liberté d'association, en rendant futile la liberté syndicale et la liberté de négocier sur des matières autres que la rémunération, je suis d'avis de la juger inconstitutionnelle et inopérante.

49. Je suis d'accord avec les juges de la Cour divisionnaire pour dire que la suppression effective de la capacité des salariés de négocier collectivement sur des points autres que la rémunération représente une grave ingérence dans la liberté d'association des travailleurs, une ingérence qui n'a aucun lien apparent avec les objectifs d'un programme visant à freiner l'inflation. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public a interdit aux salariés fédéraux presque toute la gamme d'activités entourant la négociation collective sans se demander, semble‑t‑il, si des mesures aussi draconiennes étaient nécessaires. Cet aspect de la loi de 1982 est clairement décrit par le professeur Carter à la première page de son article:

[TRADUCTION] Les programmes de restriction des revenus de 1982 s'écartaient de façon marquée de leur prédécesseur de 1975. Alors qu'auparavant la Loi anti‑inflation régissait tant les secteurs public que privé, il ne s'agissait pas d'un instrument aussi draconien que la loi sur les restrictions salariales du secteur public de 1982, car elle tentait à tout le moins de composer avec les structures existantes de négociation collective en autorisant la poursuite des négociations collectives dans un cadre de contrôles. Des indicateurs ont été publiés et, même si l'on s'attendait à ce que les ententes conclues respectent ces indicateurs, des exceptions étaient aussi possibles. Certes, la structure canadienne de négociation collective n'a pas coexisté en harmonie complète à l'intérieur de ce système de restrictions salariales, mais, à tout le moins, elle a continué de fonctionner au cours de cette première période de limitation des revenus.

Comme je l'ai déjà fait observer dans le Renvoi relatif aux relations de travail en Alberta, le processus de négociation collective a d'importantes fonctions éducatives et démocratiques. La participation des salariés à la détermination de leurs droits et obligations en milieu de travail ne saurait être minée sans de bonnes raisons. Il s'ensuit que la Loi sur les restrictions salariales du secteur public, en raison du deuxième élément du par. 6(1), va bien au‑delà de la justification, par ailleurs acceptable, avancée pour l'atteinte portée par la Loi à la liberté d'association des travailleurs du secteur public.

50. Les juges de la Cour divisionnaire ont conclu que le redressement approprié était un jugement déclaratoire portant que l'al. 13b) de la loi ontarienne était inopérant. Cette loi a néanmoins été reconnue valide pour ce qui est de l'imposition des modalités de la rémunération des salariés. Je suis d'accord avec ce point de vue et je propose de l'appliquer à la loi en cause. À mon avis, le deuxième élément du par. 6(1) est inopérant. Le reste de la Loi, à l'exception du par. 3(4), sur lequel je n'exprime aucune opinion, peut être justifié en vertu de l'article premier. En abordant les autres réparations qui peuvent s'imposer en vertu de la Charte, tout comme en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, les tribunaux doivent prendre garde de ne pas réduire à néant des initiatives législatives légitimes pour le motif qu'une disposition particulière a une portée trop large, si celle‑ci peut être dissociée de l'ensemble. Le vicomte Simon énonce ainsi le critère applicable en cas de dissociation, dans l'arrêt Alberta Bill of Rights (Attorney‑General for Alberta v. Attorney‑General for Canada, [1947] A.C. 503), à la p. 518:

[TRADUCTION] La véritable question qui se pose est de savoir si le reste n'est pas si inextricablement lié à la partie déclarée invalide qu'il ne saurait subsister indépendamment ou, comme on l'a dit parfois, si, après un examen impartial de toute la question, on peut présumer que le législateur n'aurait jamais adopté ce qui subsiste sans adopter la partie qui est ultra vires.

Appliquant les principes de la dissociation à la Loi sur les restrictions salariales du secteur public, il importe de garder à l'esprit que la Loi a pour visée principale de proroger les régimes de rémunération, puis d'y ajouter les majorations de "6 et 5". Je n'hésite guère à conclure que cet aspect de la Loi peut survivre indépendamment du deuxième élément du par. 6(1). À mon avis, le premier élément du par. 6(1) est suffisant pour interdire le recours aux grèves ou à l'arbitrage pour le règlement des différends portant sur les modalités des régimes de rémunération.

VI

La Déclaration canadienne des droits

51. Je suis d'accord avec le juge de première instance et les juges de la Cour d'appel fédérale pour dire que l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits n'est d'aucun secours pour l'appelante. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public a été adoptée dans le but de réduire les attentes inflationnistes. Cet objectif législatif peut être qualifié "d'objectif fédéral régulier" conformément à la jurisprudence qui a interprété l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits, à tout le moins dans le cas d'une loi visant un marché du travail qui relève sans conteste de la compétence fédérale en matière de réglementation. Présumant que l'al. 1b) requiert une explication rationnelle quelconque, du fait que la Loi ne vise que les salariés du gouvernement, je suis convaincu, pour les raisons que j'ai déjà données quand j'ai abordé ce point en rapport avec l'article premier de la Charte, que l'intimée a fourni une explication satisfaisante. Il s'ensuit que je suis d'avis de répondre à la troisième question constitutionnelle par la négative, en prenant soin de mentionner que je m'abstiens de me prononcer sur le par. 3(4) de la Loi.

VII

Conclusions

52. Les questions constitutionnelles reçoivent les réponses suivantes:

1. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, empiète‑t‑elle sur la liberté d'association garantie à l'al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés?

Réponse: Oui.

2. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, est‑elle justifiée en fonction de l'article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?

Réponse: Le deuxième élément du par. 6(1) ("[les dispositions] d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte pareil régime") n'est pas justifié en vertu de l'article premier de la Charte. Je n'exprime aucune opinion au sujet du par. 3(4). Le reste de la Loi est justifié en vertu de l'article premier de la Charte.

3. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, empiète‑t‑elle sur le droit à "l'égalité devant la loi" reconnu à l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, app. III?

Réponse: Je n'exprime aucune opinion au sujet du par. 3(4). Le reste de la Loi n'enfreint pas l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits.

53. Vu ces réponses, je suis d'avis de déclarer que le deuxième élément du par. 6(1) de la Loi sur les restrictions salariales du secteur public est inopérant. J'accueillerais donc le pourvoi en partie. étant donné que je suis d'avis de déclarer valide le reste de la Loi, je n'accorderais toutefois pas de dépens.

Version française du jugement des juges Beetz, Le Dain et La Forest rendu par

54. Le juge Le Dain—Pour les motifs que j'ai exprimés dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, je suis d'avis que la liberté d'association garantie par l'al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés n'inclut aucune garantie des droits de négocier collectivement et de faire la grève. Je suis d'accord avec le Juge en chef et le juge McIntyre pour dire que la Loi sur les restrictions salariales du secteur public ne porte pas atteinte au droit à l'égalité reconnu par l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits. Par conséquent, je suis d'avis de rejeter le pourvoi et de répondre aux questions constitutionnelles de la manière proposée par le juge McIntyre.

Version française des motifs rendus par

55. Le juge McIntyre—J'ai lu les motifs de jugement rédigés en l'espèce par le Juge en chef et le juge Wilson, respectivement, et je fais mien l'énoncé des faits du Juge en chef et sa description des questions en litige et des procédures. Cependant, malgré tout le respect que j'ai pour le point de vue de mes collègues, je suis arrivé à une conclusion différente et je suis d'avis de donner une réponse différente aux questions constitutionnelles.

56. Le Juge en chef fonde ses motifs, relativement à la première question, savoir celle de la liberté d'association que garantit l'al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés, sur la proposition selon laquelle la liberté d'association dans le contexte des relations de travail comprend la liberté de négocier collectivement et le droit de faire la grève. Pour les motifs que j'ai exprimés dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313 (dont les motifs sont prononcés en même temps que le présent arrêt), je suis d'avis que l'al. 2d) de la Charte n'inclut pas une garantie constitutionnelle du droit de faire la grève. Toutefois, ma conclusion dans cet arrêt n'écarte pas la possibilité que d'autres aspects de la négociation collective puissent bénéficier de la protection de la Charte en vertu de la garantie de la liberté d'association.

57. À mon avis, la Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, ne porte pas atteinte à la négociation collective au point de violer la liberté d'association garantie par la Charte. La Loi ne limite pas le rôle du syndicat à titre de mandataire exclusif des employés. Elle exige que l'employeur continue à négocier et à traiter avec les employés syndiqués par l'entremise du syndicat. Elle permet également la poursuite de négociations entre les parties en ce qui a trait aux modifications des conditions d'emploi qui n'ont rien à voir avec la rémunération. La Loi a simplement pour effet d'interdire pour une période de deux ans le recours aux armes économiques que constituent les grèves et les lock‑out. Un tel effet peut limiter le pouvoir de négociation du syndicat, mais à mon avis il ne viole pas la liberté d'association.

58. L'appelante a également soutenu que la Loi sur les restrictions salariales du secteur public viole l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits qui reconnaît le "droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la protection de la loi". D'une manière générale, je suis d'accord avec le Juge en chef pour rejeter cet argument. J'ajouterais que l'intimée en l'espèce a traité également tous ses employés et n'a pas procédé à une sélection de certains individus ou sous‑groupes parmi ses employés. Je suis d'avis de rejeter le pourvoi et de répondre ainsi aux questions constitutionnelles:

1. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, empiète‑t‑elle sur la liberté d'association garantie à l'al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés?

Réponse: Non.

2. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, est‑elle justifiée en fonction de l'article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?

Réponse: Compte tenu de ma réponse à la première question, je n'ai pas à répondre à cette question.

3. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, empiète‑t‑elle sur le droit à "l'égalité devant la loi" reconnu à l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, app. III?

Réponse: Je suis d'accord avec le Juge en chef. Je n'exprime aucune opinion au sujet du par. 3(4). Le reste de la Loi n'enfreint pas l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits.

Version française des motifs rendus par

59. Le juge Wilson (dissidente)—Je conviens avec le Juge en chef, pour les raisons qu'il a données, que la Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, viole l'al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Je ne partage pas son opinion qu'elle est sauvegardée en vertu de l'article premier.

60. J'admets que le contrôle de l'inflation revêtait, au moment de l'adoption de la Loi, une importance suffisante pour justifier une limitation de la liberté des salariés, en général, de négocier collectivement et de faire la grève. Je ne crois pas cependant que l'imposition de cette limitation uniquement aux salariés du secteur public fédéral soit conforme au critère énoncé par cette Cour dans l'arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, à la p. 139:

...les mesures adoptées doivent être soigneusement conçues pour atteindre l'objectif en question. Elles ne doivent être ni arbitraires, ni inéquitables, ni fondées sur des considérations irrationnelles. Bref, elles doivent avoir un lien rationnel avec l'objectif en question.

61. Le gouvernement a reconnu qu'il ne s'attendait pas à ce que les contrôles aient un effet direct sur l'inflation. Ils s'appliquaient non pas de manière générale, mais à seulement 5 pour 100 de l'ensemble des salariés. Ils étaient imposés à un secteur dont les ententes salariales n'avaient pas de lien causal direct avec l'inflation. Et même, au cours du débat à la Chambre des communes, le Vice‑ premier ministre et ministre des Finances a déclaré:

J'aimerais souligner qu'aux yeux du gouvernement, les employés du secteur public fédéral ne sont pas plus responsables de l'inflation qu'un autre groupe de la société. Ils se sont efforcés eux aussi de rattraper la hausse des prix, mais leur revenu n'a pas augmenté davantage—et il a souvent augmenté plutôt moins—que celui des employés des autres secteurs. Il ne s'agit pas d'un programme punitif.

(Débats de la Chambre des communes, le 28 juin 1982, à la p. 18879.)

62. Le gouvernement a décidé de tenter de juguler l'inflation par des moyens indirects. Son objectif était de persuader le grand public de conclure volontairement des contrats de travail qui prévoiraient une hausse salariale d'au plus 6 pour 100 la première année et 5 pour 100 la seconde. Il espérait susciter des contrôles volontaires grâce à l'exemple du sacrifice imposé au secteur public. Le gouvernement fait donc valoir, pour justifier sa loi en vertu de l'article premier de la Charte, qu'il s'agissait là d'une démonstration de son rôle de chef de file.

63. Dans l'analyse du raisonnement avancé par le gouvernement pour justifier la Loi, savoir son rôle de chef de file, il est important de garder à l'esprit qu'il exerce deux fonctions: celle de législateur et celle d'employeur. Dans l'exercice de ces deux fonctions, il se peut, en effet, que le gouvernement ait la responsabilité de donner l'exemple au pays. Toutefois, le gouvernement à titre d'employeur ne jouit pas d'un pouvoir plus grand à l'égard de ses employés qu'un employeur du secteur privé. Comme le Juge en chef le rappelle dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313 (dont les motifs sont prononcés en même temps que le présent arrêt), le régime politique canadien a rejeté la notion que la négociation collective et la grève dans le secteur public constituent une menace pour la souveraineté du gouvernement élu. Au contraire, nous avons laissé la négociation collective et les grèves jouer un rôle important dans les relations de travail du secteur public. La raison en est claire; dans la plupart des cas, il est parfaitement raisonnable que le gouvernement négocie avec celui dont il veut retenir les services. Comme le fait remarquer Paul Weiler, dans Reconcilable Differences: New Directions in Canadian Labour Law (1980), à la p. 216:

[TRADUCTION] Le fait que le gouvernement soit élu, qu'il jouisse de l'appui de la majorité de la population, ne l'autorise pas normalement à réquisitionner les biens ou les services de personnes physiques ou morales, que le public jugerait utiles. Au contraire, il doit négocier une entente volontaire dont les modalités dépendront en fin de compte de sa capacité relative de négociation.

64. Avant l'adoption de la loi en cause, le gouvernement, à titre d'employeur, avait déjà fait montre de son rôle de chef de file. Il ressort clairement de la preuve que, par le biais du processus normal de la négociation collective, le gouvernement fédéral était parvenu à maintenir les ententes salariales en deçà des taux correspondants du secteur privé et des secteurs publics provinciaux. Toutefois, le gouvernement n'était pas satisfait. Il voulait recourir à sa fonction de législateur pour démontrer, par un geste spectaculaire, sa détermination à combattre l'inflation. Il était en mesure de le faire à titre d'employeur. En abandonnant le processus de négociation collective et en imposant des restrictions législatives à ses salariés, il a posé un tel geste. Bref, le gouvernement voulait non seulement jouer un rôle de chef de file (ce qu'il avait déjà fait au moyen du processus de négociation collective), mais encore voulait‑il aussi être perçu comme tel par le public. Pour y parvenir, les restrictions de fait ont fait place à des restrictions de droit qui, en réalité, constituaient une mesure spectaculaire et draconienne. Cela montrait clairement, comme on l'avait voulu, que le gouvernement était bien déterminé à s'attaquer à l'inflation et qu'il ne plaisantait pas. Mais ce faisant, il violait les droits fondamentaux garantis à ses salariés par la Charte.

65. Il me semble que si les salariés tant du secteur public que du secteur privé sont libres de négocier collectivement, comme c'est en général le cas, les salariés du secteur public ne devraient pas être privés de cette liberté pour permettre au gouvernement de bien se faire comprendre, quel que soit l'intérêt de ce qu'il a à dire. L'intention avouée du gouvernement était de juguler l'inflation par le respect volontaire des indicateurs de 6 et 5. Et pourtant, en adoptant la Loi sur les restrictions salariales du secteur public, le gouvernement a retiré à ses salariés la possibilité de se conformer volontairement à ces indicateurs. Il semble quelque peu paradoxal que le gouvernement ait cherché à susciter le respect volontaire en imposant un programme de respect obligatoire. On pourrait bien se demander comment cela peut être considéré comme un exemple de respect volontaire de la part du gouvernement ou de ses salariés.

66. Le Juge en chef voit dans les restrictions imposées aux salariés du secteur public provincial une indication que l'exemple du gouvernement fédéral a été suivi. Je conviens que l'exemple du gouvernement fédéral a été suivi, mais c'était là un exemple de contrôles obligatoires imposés au secteur public. Il n'a pas été démontré que l'objectif déclaré, qui était de susciter le respect volontaire par le secteur privé, a été atteint ni même, comme je l'ai déjà dit, que les mesures prises sont un exemple de respect volontaire.

67. Je conclus donc que les mesures adoptées n'ont pas été "soigneusement conçues pour atteindre l'objectif en question" comme l'exige l'arrêt Oakes. Je crois qu'elles étaient "arbitraires" et "inéquitables" en ce sens qu'elles ont été imposées à une main‑d'oeuvre captive, qu'on ne s'attendait pas, de l'aveu même du gouvernement, à ce qu'elles aient un effet direct sur l'inflation et qu'elles ne pouvaient absolument pas, pour les raisons que j'ai données, constituer un exemple de respect volontaire que d'autres pourraient suivre.

68. Je conclus aussi que le choix des salariés du secteur public fédéral comme cible des contrôles obligatoires est contraire à l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits. Le traitement discriminatoire infligé à ces salariés n'avait pas de lien rationnel avec l'objectif gouvernemental allégué de restriction volontaire comme moyen de contrôler l'inflation et il s'écartait donc, de manière injustifiée, du principe de l'égalité et de l'application universelle de la loi, consacré par cet alinéa.

69. Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et d'accorder à l'appelante ses dépens en cette Cour et dans les cours d'instance inférieure. Je suis d'avis également de répondre ainsi aux questions constitutionnelles:

1. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, empiète‑t‑elle sur la liberté d'association garantie à l'al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés?

Réponse: Oui.

2. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, est‑elle justifiée en fonction de l'article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?

Réponse: Non.

3. La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, empiète‑t‑elle sur le droit à "l'égalité devant la loi" reconnu à l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, app. III?

Réponse: Oui.

Pourvoi rejeté, le juge en chef Dickson dissident en partie et le juge Wilson dissidente.

Procureurs de l'appelante: Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa.

Procureur de l'intimée: Roger Tassé, Ottawa.

Procureur de l'intervenant le procureur général du Manitoba: Tanner Elton, Winnipeg.

Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Ontario: Archie Campbell, Toronto.

Procureurs de l'intervenant le procureur général du Québec: Réal A. Forest et Gilles Grenier, Ste‑Foy.

Procureur de l'intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique: Le ministère du Procureur général, Victoria.

Procureurs de l'intervenant le procureur général de l'Alberta: McLennan Ross, Edmonton.

Procureur de l'intervenant le procureur général de la Saskatchewan: Serge Kujawa, Regina.

Procureur de l'intervenant le procureur général de Terre‑Neuve: Ronald G. Penney, St. John's.


Synthèse
Référence neutre : [1987] 1 R.C.S. 424 ?
Date de la décision : 09/04/1987
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit constitutionnel - Charte des droits - Liberté d'association - Loi fédérale prorogeant les conventions collectives des salariés du secteur public et fixant pour deux ans leurs hausses salariales - Atteinte au droit des salariés de négocier collectivement - Cette loi fédérale viole‑t‑elle l'art. 2d) de la Charte? - Dans l'affirmative, cette violation est‑elle justifiable en vertu de l'article premier de la Charte? - Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122.

Libertés publiques - égalité devant la loi - Loi fédérale prorogeant les conventions collectives des salariés du secteur public et fixant pour deux ans leurs hausses salariales - Cette loi fédérale viole‑t‑elle l'art. 1b) de la Déclaration canadienne des droits? - Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122.

L'appelante représente les salariés du gouvernement fédéral et de ses organismes. Elle a intenté une action en Cour fédérale, Division de première instance, en vue d'obtenir un jugement déclaratoire portant que la Loi sur les restrictions salariales du secteur public est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration canadienne des droits. La Loi ne s'applique qu'aux salariés du secteur public fédéral (art. 3) et aux employés de certaines compagnies ferroviaires (par. 3(4))—ces derniers toutefois ne sont pas représentés en l'espèce. La Loi proroge automatiquement pour une période de deux ans les régimes de rémunération en vigueur le 29 juin 1982 et fixe les hausses salariales à 6 pour 100 pour la première année et à 5 pour 100 pour la seconde. Quant aux groupes qui n'étaient pas assujettis à un régime de rémunération le 29 juin 1982, la Loi proroge la convention collective antérieure pour un an, avec une hausse de 9 pour 100. Au terme de cette période, ces régimes sont en outre prorogés de deux ans, avec des hausses de "6 et 5" pour 100. Pendant la durée de cette prorogation, les régimes de rémunération visés par la Loi (le premier élément du par. 6(1)) et les conventions collectives ou décisions arbitrales comportant un pareil régime (le deuxième élément du par. 6(1)) demeurent en vigueur, inchangés, ce qui interdit toute négociation collective des conditions relatives à la rémunération et autres des conventions collectives. L'article 6 est applicable sous réserve de l'art. 7 qui autorise les parties à une convention collective à en modifier les conditions autres que celles qui ont trait à la rémunération uniquement si elles s'entendent pour le faire, mais l'art. 7 n'autorise pas les salariés à faire la grève ou à soumettre des projets de modification à l'arbitrage exécutoire. En vertu de l'art. 16, le gouverneur en conseil peut mettre fin à l'application de la Loi à l'égard de salariés ou de groupes de salariés qu'elle vise. La Cour fédérale, tant en première instance qu'en appel, a conclu que la Loi ne violait ni la liberté d'association garantie par l'al. 2d) de la Charte ni le droit à l'égalité devant la loi proclamée à l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits. Le pourvoi vise à déterminer (1) si la Loi viole l'al. 2d) de la Charte et, dans l'affirmative, si cette violation peut être justifiée en vertu de l'article premier; et (2) si la Loi viole l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits.

Arrêt (le juge en chef Dickson est dissident en partie et le juge Wilson est dissidente): Le pourvoi est rejeté.

(1) La Charte canadienne des droits et libertés

Les juges Beetz, Le Dain et La Forest: Pour les motifs exprimés par le juge Le Dain dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, la liberté d'association garantie par l'al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés n'inclut aucune garantie des droits de négocier collectivement et de faire la grève. Par conséquent, la Loi sur les restrictions salariales du secteur public ne viole pas l'al. 2d) de la Charte.

Le juge McIntyre: Pour les motifs que j'ai exprimés dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, la Loi sur les restrictions salariales du secteur public ne porte pas atteinte à la négociation collective au point de violer la liberté d'association garantie par la Charte. La Loi ne limite pas le rôle du syndicat à titre de mandataire exclusif des employés. Elle exige que l'employeur continue à négocier et à traiter avec les employés syndiqués par l'entremise du syndicat. Elle permet également la poursuite de négociations entre les parties en ce qui a trait aux modifications des conditions d'emploi qui n'ont rien à voir avec la rémunération. La Loi a simplement pour effet d'interdire pour une période de deux ans le recours aux armes économiques que constituent la grève et le lock‑out. Un tel effet peut limiter le pouvoir de négociation du syndicat, mais il ne viole pas l'al. 2d) de la Charte qui n'inclut aucune garantie constitutionnelle du droit de grève.

Le juge en chef Dickson (dissident en partie): La liberté d'association, dans le contexte des relations de travail, comprend la liberté de participer à la détermination des conditions de travail par la négociation collective et le droit de grève. En prorogeant automatiquement l'application des modalités des conventions collectives et des décisions arbitrales et en fixant les hausses salariales pour une période de deux ans, la Loi sur les restrictions salariales du secteur public porte atteinte à la liberté des salariés du secteur public de négocier collectivement. Cette conclusion n'est modifiée ni par l'art. 7 ni par l'art. 16 de la Loi. Un syndicat n'a aucun pouvoir réel de négociation en vertu de l'une ou de l'autre de ces dispositions, puisqu'il n'a pas la capacité légale de cesser collectivement de fournir des services, ni même de soumettre un différend à l'arbitrage exécutoire. Ainsi, la Loi porte atteinte à la liberté de négocier collectivement, tant en matière de rémunération qu'en d'autres matières, et limite la liberté d'association garantie par l'al. 2d) de la Charte.

L'objectif de réduire l'inflation était, à l'époque de l'adoption de la Loi, d'une importance suffisante pour les fins de l'article premier de la Charte, mais les mesures choisies pour atteindre cet objectif n'étaient pas toutes des mesures "raisonnables et dont la justification puisse se démontrer". L'important rôle de chef de file joué par le gouvernement en matière économique et son souci d'exercer un contrôle sur les revendications salariales et les coûts de production dans sa lutte contre l'inflation justifiait, en vertu de l'article premier, l'imposition de contrôles aux salariés du secteur public fédéral et la suspension de la négociation collective en matière de rémunération, y compris en matière d'avantages autres que pécuniaires. Mais la suppression du droit de faire la grève au sujet des questions autres que la rémunération ainsi que du droit de soumettre ces différends à l'arbitrage exécutoire n'était pas une atteinte justifiable à la liberté d'association. La suppression effective de la capacité des salariés de négocier collectivement sur des points autres que la rémunération représente une grave ingérence dans les libertés d'association des travailleurs, une ingérence qui n'a aucun lien apparent avec les objectifs d'un programme visant à freiner l'inflation. La Loi a interdit aux salariés fédéraux presque toute la gamme d'activités entourant la négociation collective sans se demander, semble‑t‑il, si des mesures aussi draconiennes étaient nécessaires. Il s'ensuit que la Loi, en raison du deuxième élément du par. 6(1), va bien au‑delà de la justification, par ailleurs acceptable, avancée pour l'atteinte qu'elle porte à la liberté d'association des travailleurs du secteur public. Par conséquent, le deuxième élément du par. 6(1) est inopérant. Le reste de la Loi, à l'exception du par. 3(4) sur lequel aucune opinion n'est exprimée, peut être justifié en vertu de l'article premier de la Charte.

Le juge Wilson (dissidente): La Loi sur les restrictions salariales du secteur public ne saurait être sauvegardée en vertu de l'article premier de la Charte. Le gouvernement a tenté de justifier sa loi en faisant valoir qu'il s'agissait là d'une démonstration de son rôle de chef de file dans la lutte menée contre l'inflation. L'objectif du gouvernement était de persuader le grand public de conclure volontairement des contrats de travail conformes aux directives gouvernementales en matière de rémunération. Même si l'objectif de contrôler l'inflation revêtait, au moment de l'adoption de la Loi, une importance suffisante pour justifier une limitation de la liberté d'association, l'imposition de cette limitation uniquement aux salariés du secteur public fédéral n'était pas une mesure soigneusement conçue pour atteindre l'objectif en question et n'était pas conforme au critère énoncé par cette Cour dans l'arrêt Oakes. Les mesures adoptées étaient arbitraires et inéquitables. Elles ont été imposées à une main‑d'oeuvre captive, on ne s'attendait pas, de l'aveu même du gouvernement, à ce qu'elles aient un effet direct sur l'inflation et elles ne pouvaient absolument pas constituer un exemple de respect volontaire que d'autres pourraient suivre. En réalité, en adoptant la Loi, le gouvernement a retiré à ses salariés la possibilité de se conformer volontairement aux indicateurs et a imposé un programme de respect obligatoire. Cela ne saurait être considéré comme un exemple de respect volontaire de la part du gouvernement ou de ses salariés.

(2) La Déclaration canadienne des droits

Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, McIntyre, Le Dain et La Forest: La Loi sur les restrictions salariales du secteur public ne viole pas l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits. La Loi a été adoptée dans le but de réduire les attentes inflationnistes. Cet objectif législatif peut être qualifié "d'objectif fédéral régulier" conformément à la jurisprudence qui a interprété l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits, à tout le moins dans le cas d'une loi visant un marché du travail qui relève sans conteste de la compétence fédérale en matière de réglementation. En outre, l'important rôle de chef de file que joue le gouvernement en matière économique, justifie que la Loi soit axée sur le secteur public. Aucune opinion n'est exprimée sur le par. 3(4) de la Loi.

Le juge Wilson (dissidente): Le choix des salariés du secteur public fédéral comme cible des contrôles obligatoires est contraire à l'al. 1b) de la Déclaration canadienne des droits. Le traitement discriminatoire infligé à ces salariés n'avait pas de lien rationnel avec l'objectif gouvernemental allégué de restriction volontaire comme moyen de contrôler l'inflation et il s'écartait donc, de manière injustifiée, du principe de l'égalité et de l'application universelle de la loi, consacré par cet alinéa.


Parties
Demandeurs : AFPC
Défendeurs : Canada

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Le Dain
Arrêt appliqué: Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313.
Citée par le juge McIntyre
Arrêt appliqué: Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313.
Citée par le juge en chef Dickson (dissident en partie)
Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313
R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103
Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145
Singh c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177
R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295
Renvoi: Loi anti‑ inflation, [1976] 2 R.C.S. 373
Law Society of Upper Canada c. Skapinker, [1984] 1 R.C.S. 357
Re Service Employees' International Union, Local 204 and Broadway Manor Nursing Home (1983), 44 O.R. (2d) 392 (C. div.), inf. (1984), 48 O.R. (2d) 225 (C.A.)
Attorney‑General for Alberta v. Attorney‑General for Canada, [1947] A.C. 503.
Citée par le juge Wilson (dissidente)
R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103
Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 2d).
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, app. III, art. 1b).
Loi constitutionnelle de 1867.
Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980‑81‑82‑83, chap. 122, art. 2(1) "régime de rémunération", "rémunération", 3, 4, 5, 6, 7, 9, 16, 17.
Doctrine citée
Carter, D. D. "Collective Bargaining and Income Re­straint Programs: The Legal Issues". In Recent Public Sector Restraint Programs: Two Views. Reprint Series No. 53. Kingston: Queen's University, Industrial Relations Centre, 1984.
Débats de la Chambre des communes, 1re Sess., 32e Légis., 31 Eliz. II, 1982, pp. 18878, 18879 et 19182.
Weiler, Paul. Reconcilable Differences: New Directions in Canadian Labour Law. Toronto: Carswells, 1980.

Proposition de citation de la décision: AFPC c. Canada, [1987] 1 R.C.S. 424 (9 avril 1987)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1987-04-09;.1987..1.r.c.s..424 ?
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