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13/02/1989 | CANADA | N°[1989]_2_R.C.S._335

Canada | Workers' Compensation Act, 1983 (T.-N.) (Demande d'intervention), [1989] 2 R.C.S. 335 (13 février 1989)


Renvoi: Worker's Compensation Act, 1983 (T.‑N.) (Demande d'intervention), [1989] 2 R.C.S. 335

DANS L'AFFAIRE de l'art. 13 de la partie I de The Judicature Act, 1986, chap. 42, S.N. 1986;

DANS L'AFFAIRE des art. 32 et 34 de The Workers' Compensation Act, 1983, chap. 48, S.N. 1983;

ET DANS L'AFFAIRE d'un renvoi adressé par le lieutenant‑gouverneur en conseil à la Cour d'appel sur la constitutionnalité des art. 32 et 34 de The Workers' Compensation Act, 1983.

Répertorié: Renvoi: Workers' Compensation Act, 1983 (T.‑N.) (Demande d'intervention)

No du gr

effe: 20697.

1988: 7 décembre; 1989: 13 février.

Présent: Le juge Sopinka.

requête en...

Renvoi: Worker's Compensation Act, 1983 (T.‑N.) (Demande d'intervention), [1989] 2 R.C.S. 335

DANS L'AFFAIRE de l'art. 13 de la partie I de The Judicature Act, 1986, chap. 42, S.N. 1986;

DANS L'AFFAIRE des art. 32 et 34 de The Workers' Compensation Act, 1983, chap. 48, S.N. 1983;

ET DANS L'AFFAIRE d'un renvoi adressé par le lieutenant‑gouverneur en conseil à la Cour d'appel sur la constitutionnalité des art. 32 et 34 de The Workers' Compensation Act, 1983.

Répertorié: Renvoi: Workers' Compensation Act, 1983 (T.‑N.) (Demande d'intervention)

No du greffe: 20697.

1988: 7 décembre; 1989: 13 février.

Présent: Le juge Sopinka.

requête en autorisation d'intervention


Synthèse
Référence neutre : [1989] 2 R.C.S. 335 ?
Date de la décision : 13/02/1989
Sens de l'arrêt : La demande d'autorisation d'intervenir est accueillie

Analyses

Pratique - Demande d'intervention - Contestation par le requérant de la constitutionnalité de dispositions semblables dans une autre province - Intervention de plein droit du procureur général de cette province - Facteurs à considérer pour accorder à un individu le droit d'intervenir - Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, chap. S‑19, art. 55(4) - Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/83‑74, art. 18(3)a), c) - Charte canadienne des droits et libertés, art. 15 - Loi constitutionnelle de 1982, art. 52(2) - Workers' Compensation Act, 1983, S.N. 1983, chap. 48, art. 32, 34 - Workers Compensation Act, R.S.B.C. 1979, chap. 437, art. 10, 11.

Le procureur général de Terre‑Neuve a adressé un renvoi à la Cour d'appel de Terre‑Neuve sur la constitutionnalité des art. 32 et 34 de The Workers' Compensation Act, 1983, qui prévoient que le droit à une indemnité pour les blessures subies par un travailleur dans l'exercice de ses fonctions est limité à ce que la Loi prévoit expressément. Une personne qui a subi des blessures et qui conteste des dispositions semblables en Colombie‑Britannique a demandé l'autorisation d'intervenir conformément à l'art. 18 des Règles de la Cour suprême du Canada. La question est de savoir si cette requête satisfait aux exigences des al. 18(3)a) et c) des Règles selon lesquelles l'intervenant doit avoir un intérêt et présenter des allégations utiles et différentes et celles des autres parties.

Arrêt: La demande d'autorisation d'intervenir est accueillie.

Le fait d'être dans une situation semblable peut satisfaire au critère de l'existence d'un intérêt dans le litige. L'expression «tout intérêt» vise un intérêt dans l'issue d'un pourvoi si la réponse donnée à la question de droit soumise doit s'appliquer à un autre litige en cours auquel le requérant est partie. Certains tribunaux ont cependant refusé d'exercer leur pouvoir discrétionnaire d'accorder ce statut sur le seul fondement d'un intérêt semblable. En l'espèce, il faut dissiper l'impression d'injustice que subirait la partie dont le litige comporte des questions semblables et dont l'adversaire a le droit d'intervenir dans ce pourvoi en accueillant la demande d'intervention, en l'absence d'autres critères dictant une conclusion contraire.

Le fait qu'un autre avocat débattrait les questions constitutionnelles en litige ne contribue pas à faire perdre qualité pour agir. Le requérant qui a fait face à la question peut avoir acquis une connaissance approfondie qui puisse lui permettre d'apporter un point de vue nouveau ou de fournir des renseignements supplémentaires à son sujet.


Références :

Jurisprudence
Arrêts mentionnés: Piercey v. General Bakeries Ltd. (1986), 31 D.L.R. (4th) 373
Norcan Ltd. v. Lebrock, [1969] R.C.S. 665
Solosky c. La Reine, [1978] 1 C.F. 609
Re Schofield and Minister of Consumer and Commercial Relations (1980), 28 O.R. (2d) 764
Law Society of Upper Canada c. Skapinker, [1984] 1 R.C.S. 357.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 15.
Loi constitutionnelle de 1982, art. 52(2).
Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, chap. S‑19, art. 55(4).
Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/83‑74, art. 18a), c).
Workers Compensation Act, R.S.B.C. 1979, chap. 437, art. 10, 11.
Workers' Compensation Act, 1983, S.N. 1983, chap. 48, art. 32, 34.
Doctrine citée
Crane, Brian. Practice and Advocacy in the Supreme Court. Vancouver: Continuing Legal Education Society of British Columbia, 1983.
REQUÊTE en autorisation d'intervention dans un pourvoi formé contre une opinion prononcée par la Cour d'appel de Terre‑Neuve[1] (1988), 67 Nfld. & P.E.I.R. 16, 44 D.L.R. 501, dans un renvoi portant sur la validité constitutionnelle des art. 32 et 34 de The Workers' Compensation Act, 1983. Requête accueillie.
D. Geoffrey Cowper, pour la requérante.
W. G. Burke‑Robertson, c.r., pour l'intimé.
Version française des motifs de l'ordonnance rendus par
Le juge Sopinka — Cette demande d'intervention est présentée dans le cadre d'un pourvoi relatif à un renvoi adressé à la Cour d'appel de Terre‑Neuve par le lieutenant‑gouverneur en conseil de Terre‑Neuve (Reference re Validity of Sections 32 and 34 of the Workers' Compensation Act, 1983 (1987), 44 D.L.R. (4th) 501 (C.A.T.‑N.)) Le renvoi tire son origine de la décision Piercey v. General Bakeries Ltd. (1986), 31 D.L.R. (4th) 373 (D.P.I.C.S.T.‑N.) Samuel Piercey était un employé de General Bakeries Ltd. qui, allègue‑t‑on, a été électrocuté dans l'exercice de ses fonctions. Son épouse, Mme Shirley Piercey, a allégué que le décès de son époux était dû à la négligence de son employeur, General Bakeries Ltd.
Devant la Division de première instance de la Cour suprême de Terre‑Neuve, Mme Piercey a fait valoir que l'employeur ne pouvait invoquer les art. 32 et 34 de The Workers' Compensation Act, 1983, S.N. 1983, chap. 48, qui prévoient que le droit à une indemnité pour les blessures subies par un travailleur dans l'exercice de ses fonctions est limité à ce que la Loi prévoit expressément. Madame Piercey soutenait que les art. 32 et 34 de The Workers' Compensation Act, 1983 étaient inopérants en vertu du par. 52(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 parce qu'ils violaient l'art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le juge de première instance, le juge en chef Hickman, a reconnu que les dispositions niaient de manière injustifiable le droit d'accès aux tribunaux qui a été considéré comme une composante des droits à l'égalité garantis par l'art. 15. Cependant, il a également conclu que Mme Piercey ne pouvait invoquer la Charte parce que le décès de son époux était survenu le 22 juillet 1984, soit avant l'entrée en vigueur de l'art. 15, le 17 avril 1985. Il a conclu que l'art. 15 ne pouvait s'appliquer rétroactivement.
Comme l'opinion du juge en chef Hickman sur la constitutionnalité des art. 32 et 34 de The Workers' Compensation Act, 1983 était une opinion incidente, il n'existait aucun moyen sur lequel Sa Majesté pouvait fonder un appel. Madame Piercey n'a pas interjeté appel. En conséquence, la question a fait l'objet d'un renvoi à la Cour d'appel de Terre‑Neuve.
En Cour d'appel, le procureur général de Terre‑Neuve a présenté le renvoi. Agissaient comme intervenants en vertu de l'ordonnance initiale ou par autorisation subséquente: la Workers' Compensation Commission of Newfoundland and Labrador, la Commission de la santé et de la sécurité au travail du Québec, le procureur général de la Nouvelle‑Écosse, la Commission des accidents du travail du Nouveau‑Brunswick, la Commission des accidents du travail du Manitoba, le procureur général de la Colombie‑Britannique, la Workers' Compensation Board of British Columbia, la Workers' Compensation Board of Prince Edward Island, la Worker's Compensation Board of Alberta, la Workers' Compensation Board of Yukon, l'Association des manufacturiers canadiens, le Congrès du travail du Canada, la Newfoundland and Labrador Federation of Labour, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, Marine Atlantic Limited, General Bakeries Limited et Shirley Piercey. Tous, sauf Mme Piercey, appuyaient les dispositions en cause. la Cour d'appel a conclu que les art. 32 et 34 de The Workers' Compensation Act, 1983 n'étaient pas incompatibles avec le par. 15(1) de la Charte. En outre, le juge en chef Goodridge de Terre‑Neuve a conclu que l'art. 15 ne s'appliquait pas aux causes d'action ayant pris naissance avant le 17 avril 1985.
Me Cowper, agissant pour le compte de Suzanne Côté sollicite par la présente requête l'autorisation d'intervenir en l'espèce conformément à l'art. 18 des Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/83‑74. La requérante est une personne qui a subi des blessures et qui conteste des dispositions semblables en Colombie‑Britannique (les art. 10 et 11 de la Workers Compensation Act, R.S.B.C. 1979, chap. 437) en invoquant l'inconstitutionnalité d'une interdiction légale d'obtenir une indemnité autre que celle prévue par la loi. La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a ordonné la suspension de l'action de Mme Côté en attendant l'issue du présent pourvoi. Les services de Me Cowper ont été retenus par plusieurs autres demandeurs qui sont dans une situation semblable à celle de Suzanne Côté et qui souhaitent qu'il plaide dans le cadre du présent pourvoi.
L'article 18 des Règles confère à notre Cour un vaste pouvoir discrétionnaire pour décider s'il y a lieu d'autoriser ou non une personne à intervenir ainsi que le pouvoir discrétionnaire de fixer les modalités de l'intervention. De même, le par. 55(4) de la Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, chap. S‑19, prévoit que des personnes intéressées peuvent être entendues dans un renvoi.
Les critères de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire ont fait l'objet d'un long débat dans la présente requête. Les avocats étaient naturellement désavantagés du fait que, peut‑être à dessein, notre Cour n'a pas commenté ces critères dans des affaires récentes. Les exigences minimales sont énoncées aux al. 18(3)a) et c) des Règles. Ce sont en résumé: (1) un intérêt et (2) des allégations qui seront utiles et différentes de celles des autres parties.
L'opposition à la demande repose principalement sur l'argument que le fait d'être dans une situation semblable ne satisfait pas à l'exigence de l'intérêt. On a également soutenu que la requérante n'a pas démontré que son argumentation serait différente de celle de l'avocat de Mme Piercey.
(1) L'intérêt
Un des rares arrêts que notre Cour a rendus sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire est Norcan Ltd. v. Lebrock, [1969] R.C.S. 665, dans lequel le juge Pigeon a conclu que tout intérêt suffit, sous réserve toujours de l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Il ressort de la jurisprudence citée par le juge Pigeon que le fait d'être dans une situation semblable peut satisfaire à cette exigence. Cependant, le pouvoir discrétionnaire ne sera habituellement pas exercé en faveur d'un requérant seulement parce qu'il est dans une situation semblable. Certains tribunaux ont même conclu que cela ne constitue pas un intérêt suffisant. Voir Solosky c. La Reine, [1978] C.F. 609, et Re Schofield and Minister of Consumer and Commercial Relations (1980), 28 O.R. (2d) 764 (C.A.)
Je suis d'accord avec le juge Pigeon que «tout intérêt» vise un intérêt dans l'issue d'un pourvoi si la réponse donnée à la question de droit soumise doit s'appliquer à un autre litige en cours auquel le requérant est partie. Cela est ordinairement considéré comme une justification assez faible d'une demande d'intervention, mais la cliente de Me Cowper en l'espèce se trouve dans la situation peu enviable d'avoir comme adversaire dans son litige en Colombie‑Britannique le procureur général de la Colombie‑Britannique qui, lui, a le droit d'intervenir en l'espèce. Cette situation dégage une impression d'injustice qui devrait être dissipée en accueillant la présente demande, à moins que les autres critères ne dictent une conclusion contraire. Cette injustice serait accentuée par la surabondance de représentation des tenants de la constitutionnalité des dispositions en cause si on refusait à la requérante le droit d'intervenir.
(2) Des allégations utiles et différentes
Ce critère est largement respecté lorsque le requérant a fait face à la question et en a acquis une connaissance approfondie qui peut donc lui permettre d'apporter un point de vue nouveau ou de fournir des renseignements supplémentaires à son sujet. Comme l'a affirmé Brian Crane dans Practice and Advocacy in the Supreme Court, (British Columbia Continuing Legal Education Seminar, 1983), à la p. 1.1.05: [traduction] «une intervention est bienvenue lorsque l'intervenant peut fournir à la Cour des renseignements nouveaux et un point de vue nouveau sur une importante question constitutionnelle ou publique». Il est plus difficile pour un particulier de démontrer que ses allégations seront différentes. On répond habituellement à cet argument que l'avocat compétent et expérimenté déjà inscrit au dossier traitera de toutes les aspects de la question.
À mon avis, cela ne contribue pas à faire perdre qualité pour agir en l'espèce. La seule partie qui soutient la même thèse que la requérante est Mme Piercey. Son intérêt dans l'issue du pourvoi est quelque peu négligeable étant donné la conclusion, formulée en première instance, que l'art. 15 ne peut s'appliquer rétroactivement à une cause d'action ayant pris naissance avant le 17 avril 1985. Contrairement à Mme Piercey, la requérante a un enjeu précis dans le résultat. À mon avis, la requérante peut contribuer à l'efficacité du processus de décision dans ce litige en assurant que toutes les questions litigieuses sont présentées dans un contexte pleinement contradictoire. Cette nécessité d'un rapport contradictoire est un des facteurs dont cette Cour a tenu compte quand elle a accordé au requérant le statut d'intervenant dans les affaires Norcan, précitée, et Law Society of Upper Canada c. Skapinker, [1984] 1 R.C.S. 357.
Dans les circonstances de la présente affaire, j'accorde donc à la requérante et aux autres personnes qui se trouvent dans une situation semblable et qui sont représentées par Me Cowper, l'autorisation d'intervenir dans ce pourvoi. Conformément à l'art. 18 des Règles, la requérante peut produire un mémoire et plaider pendant une durée maximale de quinze minutes. Il n'y aura pas d'adjudication de dépens relativement à la requête.
Requête accueillie.
Procureurs de la requérante: Russell & DuMoulin, Vancouver.
Procureur de l'intimé: Le procureur général de Terre‑Neuve, St. John's.
[1] Un pourvoi formé contre le jugement de la Cour d'appel de Terre-Neuve a été rejeté: voir [1989] 1 R.C.S. 922.

Proposition de citation de la décision: Workers' Compensation Act, 1983 (T.-N.) (Demande d'intervention), [1989] 2 R.C.S. 335 (13 février 1989)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1989-02-13;.1989..2.r.c.s..335 ?
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