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23/03/1989 | CANADA | N°[1989]_1_R.C.S._560

Canada | Prassad c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration), [1989] 1 R.C.S. 560 (23 mars 1989)


Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560

Madhur Lata Prassad Appelante

c.

Ministre de l'Emploi et de l'Immigration Intimé

répertorié: prassad c. canada (ministre de l'emploi et de l'immigration)

No du greffe: 19608.

1988: 28 novembre; 1989: 23 mars.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges McIntyre, Lamer, Wilson, La Forest, L'Heureux-Dubé et Sopinka.

en appel de la cour d'appel fédérale

Immigration -- Ajournement d'enquête -- Pouvoirs de l'arbitre -- Demande de permis du minis

tre en vue d'être autorisé à demeurer au Canada -- L'arbitre doit-il ajourner l'enquête d'immigration pour pe...

Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560

Madhur Lata Prassad Appelante

c.

Ministre de l'Emploi et de l'Immigration Intimé

répertorié: prassad c. canada (ministre de l'emploi et de l'immigration)

No du greffe: 19608.

1988: 28 novembre; 1989: 23 mars.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges McIntyre, Lamer, Wilson, La Forest, L'Heureux-Dubé et Sopinka.

en appel de la cour d'appel fédérale

Immigration -- Ajournement d'enquête -- Pouvoirs de l'arbitre -- Demande de permis du ministre en vue d'être autorisé à demeurer au Canada -- L'arbitre doit-il ajourner l'enquête d'immigration pour permettre à l'appelante de poursuivre ses démarches en vertu de l'art. 37(1) de la Loi sur l'immigration de 1976? -- Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 27(3), 37(1), 113e) -- Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 35(1).

L'appelante, expulsée du Canada le 6 juin 1984, est entrée de nouveau au pays sans l'autorisation écrite du ministre de l'Emploi et de l'Immigration, contrairement au par. 57(1) de la Loi sur l'immigration de 1976. Le 2 novembre 1984, l'enquête d'immigration tenue par un arbitre en application du par. 27(3) de la Loi a été ajournée pour permettre à l'avocat de l'appelante de se préparer. Deux semaines après l'ajournement, l'appelante a envoyé une lettre au ministre lui demandant un permis l'autorisant à demeurer au Canada, conformément à l'al. 37(1)b) de la Loi. À la reprise de l'enquête le 21 novembre 1984, l'appelante a demandé un ajournement pour permettre au ministre d'examiner sa demande. L'arbitre a refusé d'accéder à la demande et a poursuivi l'enquête. À la fin de l'enquête, une ordonnance d'expulsion a été rendue contre l'appelante. La Cour d'appel fédérale a rejeté la demande d'examen et d'annulation de la décision de l'arbitre présentée par l'appelante en application de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale. La Cour a conclu que l'arbitre n'avait pas commis d'erreur en refusant d'ajourner l'enquête pour que l'appelante poursuive ses démarches en application du par. 37(1) de la Loi.

Arrêt (Les juges Wilson et L'Heureux-Dubé sont dissidentes): Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Dickson et les juges McIntyre, Lamer, La Forest et Sopinka: L'arbitre qui agit en application du par. 27(3) de la Loi sur l'immigration de 1976 n'est pas obligé d'ajourner une enquête pour permettre à la personne qui en fait l'objet de poursuivre ses démarches en application du par. 37(1) de la Loi. Le paragraphe 35(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 et l'al. 113e) de la Loi confèrent à l'arbitre le pouvoir discrétionnaire de décider si l'ajournement sera accordé ou refusé et l'exercice de ce pouvoir est régi par le principe général de la "tenue régulière d'une enquête approfondie". Dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, l'arbitre peut considérer des facteurs comme le nombre d'ajournements déjà accordés et la durée de l'ajournement demandé. Lorsqu'on sollicite un ajournement en raison d'une demande fondée sur l'art. 37, l'arbitre peut également tenir compte de la possibilité qu'avait la personne qui fait l'objet de l'enquête de s'adresser au ministre avant la présentation d'une demande d'ajournement. En l'espèce, c'est à bon droit que l'arbitre a refusé d'ajourner l'enquête. L'appelante aurait pu s'adresser au ministre à n'importe quel moment entre la date de son renvoi du Canada, le 6 juin 1984, et la date de reprise de l'enquête, le 21 novembre 1984. Elle n'a pas envoyé de lettre au bureau du ministre avant le 16 novembre 1984.

On peut faire un distinction entre l'arrêt Ramawad de cette Cour et le présent pourvoi. L'arrêt Ramawad portait sur des dispositions de l'ancienne Loi sur l'immigration et de son Règlement qui visaient spécifiquement les demandes de visa d'emploi. On ne pouvait résoudre de façon définitive la question de la demande de visa sans obtenir la décision du ministre. En l'espèce, la demande présentée au ministre en vertu du par. 37(1) ne fait pas partie intégrante de la procédure devant l'arbitre selon le par. 27(3) mais constitue une voie de recours tout à fait distincte de cette procédure. Le simple fait que l'appelante dispose d'un autre recours ne transforme pas ce dernier en un droit automatique concomitant à l'ajournement des autres procédures afin de faciliter la demande. Rien dans l'art. 37 ne suggère qu'une demande présentée en vertu de cet article devrait être traitée différemment d'une demande présentée dans le cadre d'autres recours.

Les juges Wilson et L'Heureux-Dubé (dissidentes): L'arbitre a commis une erreur en refusant d'ajourner l'enquête d'immigration. Le raisonnement de cette Cour dans l'arrêt Ramawad s'applique à une demande de permis du ministre présentée en vertu du par. 37(1) de la Loi sur l'immigration de 1976. Bien qu'une personne n'ait pas de droit à l'obtention d'un permis en vertu du par. 37(1), cette personne possède néanmoins un droit en ce sens qu'elle est légitimement fondée à obtenir une décision du ministre pour déterminer si son cas mérite un redressement spécial. Puisque le ministre n'a pas le pouvoir de délivrer un permis à une personne qui a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion (par. 37(2)), même si cette personne peut par ailleurs mériter une considération spéciale, le refus d'ajourner l'enquête d'immigration pour attendre la décision du ministre sur une demande de permis constituera généralement une négation du droit d'obtenir une décision du ministre. Le Parlement n'a pas pu vouloir ce résultat. De plus, la doctrine de l'équité administrative milite clairement en faveur du besoin d'assurer que l'enquête n'est pas tenue d'une manière qui nie au requérant son droit à une décision du ministre. Par conséquent, lorsqu'une demande de permis est faite en vertu du par. 37(1), l'arbitre doit ajourner l'enquête d'immigration jusqu'à ce que le ministre, ou une personne autorisée à exercer le pouvoir du ministre, rende une décision sur la demande du requérant. Ce sera le cas lorsque ce permis n'aura pas été refusé auparavant d'après les circonstances qui existaient au moment où la demande a été faite. Bien qu'en vertu du par. 35(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 l'arbitre ait un pouvoir discrétionnaire général d'ajourner, lorsqu'une demande fondée sur le par. 37(1) de la Loi est présentée avant qu'une décision soit rendue sur le fond de l'enquête d'immigration, l'arbitre ne peut exercer ce pouvoir discrétionnaire et refuser l'ajournement que lorsque cela ne compromettra pas le droit du requérant à un examen de son cas et à une décision du ministre.

Jurisprudence

Citée par le juge Sopinka

Distinction d'avec l'arrêt: Ramawad c. Ministre de la Main-d'{oe}uvre et de l'Immigration, [1978] 2 R.C.S. 375; arrêts appliqués: Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Widmont, [1984] 2 C.F. 274; Louhisdon c. Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F. 589; Oloko c. Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F. 593; Murray c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1979] 1 C.F. 518; Stalony v. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1980), 36 N.R. 609; arrêts examinés: Laneau c. Rivard, [1978] 2 C.F. 319; Nesha c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1982] 1 C.F. 42; arrêts mentionnés: Re Cedarvale Tree Services Ltd. and Labourers' International Union of North America, Local 183 (1971), 22 D.L.R. (3d) 40; Pierre c. Ministre de la Main-d'{oe}uvre et de l'Immigration, [1978] 2 C.F. 849; Tam c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1983] 2 C.F. 31; Ministre de la Main-d'{oe}uvre et de l'Immigration c. Tsakiris, [1977] 2 C.F. 236; Lodge c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1979] 1 C.F. 775; Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Hae Soo Han, [1984] 1 C.F. 976.

Citée par le juge L'Heureux-Dubé (dissidente)

Ramawad c. Ministre de la Main-d'{oe}uvre et de l'Immigration, [1978] 2 R.C.S. 375; Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Widmont, [1984] 2 C.F. 274; Louhisdon c. Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F. 589; Oloko c. Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F. 593; Murray c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1979] 1 C.F. 518; Laneau c. Rivard, [1978] 2 C.F. 319; Nesha c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1982] 1 C.F. 42; Jiminez‑Perez c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1983] 1 C.F. 163 (C.A.), conf. en partie sur un autre point [1984] 2 R.C.S. 565; Beeston v. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1982), 41 N.R. 260.

Lois et règlements cités

Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e supp.), chap. 10 [maintenant L.R.C. (1985), chap. F-7], art. 28.

Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52 [maintenant L.R.C. (1985), chap. I-2], art. 27(2)h), (3), 29(1), (5), 30(1), 31(1), 32(6), 37(1), (2), (4), (6), 43(1), 45(1), 57(1) [abr. et rempl., 1984, chap. 40, art. 36(4)], 113, 115(2).

Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 35(1).

Doctrine citée

Wydrzynski, Christopher James. Canadian Immigration Law and Procedure. Aurora, Ont.: Canada Law Book, 1983.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel fédérale, [1985] 1 C.F. F-11, qui a rejeté la demande d'examen et d'annulation de l'ordonnance d'expulsion présentée en application de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Pourvoi rejeté, le juges Wilson et L'Heureux‑Dubé sont dissidentes.

Andrew J. A. McKinley, pour l'appelante.

H. J. Wruck, pour l'intimé.

//Le juge Sopinka//

Version française du jugement du juge en chef Dickson et des juges McIntyre, Lamer, La Forest et Sopinka rendu par

LE JUGE SOPINKA -- La question en l'espèce est de savoir si l'arbitre dans une enquête d'immigration était tenu de l'ajourner pour permettre à l'appelante de poursuivre ses démarches auprès du ministre en vertu du par. 37(1) de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52 (maintenant L.R.C. (1985), chap. I‑2), et modifications. En l'espèce, l'arbitre a refusé d'accéder à la demande d'ajournement de l'appelante. La Cour d'appel fédérale a rejeté la demande d'examen et d'annulation de la décision de l'arbitre, présentée en application de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e supp.), chap. 10 (maintenant L.R.C. (1985), chap. F‑7), et modifications. L'appelante fait appel de ce rejet devant cette Cour.

Les circonstances à l'origine de l'enquête tenue par l'arbitre sont les suivantes. L'appelante, également connue sous le nom de Sandhya Kishun, est citoyenne des îles Fidji. Elle n'est ni résidente permanente ni citoyenne du Canada. Elle est entrée au Canada à titre de visiteur en 1975 et elle a conservé ce statut jusqu'à ce qu'une ordonnance d'expulsion soit rendue contre elle le 15 septembre 1982. Conformément à cette ordonnance, elle a été renvoyée du Canada le 6 juin 1984.

Le ministre avait autorisé le séjour de l'appelante au Canada entre 1975 et 1982 en lui délivrant un permis en application du par. 37(1) de la Loi sur l'immigration de 1976. La durée de validité du permis a été prorogée plusieurs fois. Après une enquête d'immigration, une ordonnance d'expulsion a été rendue le 15 septembre 1982 en vertu du par. 37(6) de la Loi. Au cours de son séjour au Canada, l'appelante a été déclarée coupable d'un certain nombre d'infractions criminelles.

Le 17 août 1984, l'appelante est entrée de nouveau au Canada sans autorisation écrite du ministre, contrairement au par. 57(1) de la Loi. Elle était donc susceptible de faire l'objet d'un rapport en application de l'al. 27(2)h) de la Loi et a été arrêtée.

Le 2 novembre 1984, une enquête fut ouverte en vertu du par. 27(3) de la Loi. À l'audience, on a ordonné la mise en liberté de l'appelante sur inscription d'un cautionnement en espèces et l'enquête a été ajournée au 21 novembre 1984 pour permettre à son avocat de se préparer.

À la reprise de l'enquête, l'avocat de l'appelante a remis à l'arbitre la copie d'une lettre en date du 16 novembre 1984 qui avait été envoyée à l'intimé. Dans la lettre, l'appelante demandait au ministre de l'Emploi et de l'Immigration de lui délivrer, conformément à l'al. 37(1)b) de la Loi, un permis l'autorisant à demeurer au Canada. Elle a également demandé au gouverneur en conseil une dispense d'application des règlements en vertu du par. 115(2) et la permission d'établir sa résidence permanente au Canada. Les fonctionnaires du bureau du ministre ont indiqué qu'ils n'avaient pas reçu la lettre le jour de la reprise de l'enquête.

L'avocat de l'appelante a alors demandé que l'enquête soit ajournée pour permettre l'examen de ses demandes au ministre et au gouverneur en conseil. L'arbitre a refusé d'accéder à la demande et a poursuivi l'enquête. À la fin de l'enquête, une ordonnance d'expulsion a été rendue contre l'appelante en application du par. 32(6) de la Loi.

Le 5 mars 1985, la Cour d'appel fédérale a rejeté la demande d'examen et d'annulation de la décision de l'arbitre présentée par l'appelante en application de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Le juge en chef Thurlow, s'exprimant au nom de la Cour, a décidé que la Cour était liée par ses décisions antérieures constantes, y compris l'arrêt Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Widmont, [1984] 2 C.F. 274 (C.A.) La Cour a conclu que l'arbitre n'avait pas commis d'erreur en refusant d'ajourner l'enquête pour que l'appelante poursuive ses démarches en application des par. 37(1) et 115(2) de la Loi sur l'immigration de 1976. Le 9 juillet 1985, la Cour d'appel fédérale autorisait l'appelante à faire appel de cette décision devant cette Cour, [1985] 2 C.F. 81.

Ce pourvoi exige un examen soigneux des dispositions applicables de la Loi sur l'immigration de 1976 et des procédures pertinentes.

La loi et la procédure

Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration de 1976.

27. . . .

(2) Tout agent d'immigration ou agent de la paix, en possession de renseignements indiquant qu'une personne se trouvant au Canada, autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent,

. . .

h) est entrée au Canada en violation de l'article 57,

. . .

doit adresser à ce sujet un rapport écrit et circonstancié au sous‑ministre, à moins que la personne concernée n'ait été arrêtée sans mandat et détenue en vertu de l'article 104.

(3) Sous réserve des instructions ou directives du Ministre, le sous‑ministre saisi d'un rapport visé aux paragraphes (1) ou (2), doit, au cas où il estime que la tenue d'une enquête s'impose, adresser à un agent d'immigration supérieur une copie de ce rapport et une directive prévoyant la tenue d'une enquête.

31. (1) Après l'enquête, l'arbitre doit rendre sa décision le plus tôt possible, en présence de la personne concernée, si les circonstances le permettent.

32. . . .

(6) L'arbitre, après avoir conclu que la personne faisant l'objet d'une enquête est visée par le paragraphe 27(2), doit, sous réserve des paragraphes 45(1) et 47(3), en prononcer l'expulsion; cependant, dans le cas d'une personne non visée aux alinéas 19(1)c), d), e), f) ou g) ou 27(2)c), h) ou i), l'arbitre doit émettre un avis d'interdiction de séjour fixant à ladite personne un délai pour quitter le Canada, s'il est convaincu

a) qu'une ordonnance d'expulsion ne devrait pas être rendue eu égard aux circonstances de l'espèce; et

b) que ladite personne quittera le Canada dans le délai imparti.

37. (1) Le Ministre peut délivrer un permis écrit autorisant une personne à entrer au Canada ou à y demeurer. Peuvent se voir octroyer un tel permis

a) les personnes faisant partie d'une catégorie non admissible, désireuses d'entrer au Canada, ou

b) les personnes se trouvant au Canada, qui font l'objet ou sont susceptibles de faire l'objet du rapport prévu au paragraphe 27(2).

(2) Par dérogation au paragraphe (1), ne peuvent obtenir le permis

a) les personnes ayant fait l'objet d'une ordonnance de renvoi, qui se trouvent encore au Canada sauf si l'appel interjeté de cette ordonnance a été accueilli;

b) les interdits de séjour qui n'ont pas encore quitté le Canada; ou

c) les personnes se trouvant encore au Canada dont l'appel interjeté en vertu de l'article 79 a été rejeté.

. . .

(4) Le Ministre peut, par écrit et à tout moment, proroger la durée de validité d'un permis ou l'annuler.

57. (1) Sous réserve de l'article 58, la personne qui fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion ne peut plus revenir au Canada sans l'autorisation écrite du Ministre, à moins qu'un appel de ladite ordonnance n'ait été accueilli.

L'article 113 de la Loi précise certains pouvoirs de l'arbitre:

113. Tout arbitre a les pouvoirs et attributions des commissaires nommés en vertu de la Partie I de la Loi sur les enquêtes et, aux fins d'enquête, peut notamment

a) adresser une citation à toute personne l'enjoignant à comparaître aux date et lieu indiqués pour témoigner sur toute question dont elle a connaissance, relative à l'objet de l'enquête, et à produire tout document, livre ou écrit en sa possession ou sous sa responsabilité, qui se rapporte à l'objet de l'enquête;

b) faire prêter serment et interroger sous serment;

c) délivrer des commissions ou requêtes en vue de recueillir des preuves au Canada;

d) retenir les services de conseil, d'interprètes, de techniciens, de commis, de sténographes et du personnel qu'il estime nécessaires à la tenue d'une enquête approfondie;

e) faire tout ce qui est nécessaire à la tenue régulière d'enquêtes approfondies.

Le paragraphe 35(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, et modifications, prévoit:

35.(1) L'arbitre qui préside l'enquête peut l'ajourner à tout moment afin de veiller à ce qu'elle soit complète et régulière.

Selon ces dispositions, la procédure d'enquête est la suivante: si un agent d'immigration possède des renseignements indiquant qu'une personne, autre qu'un citoyen canadien ou résident permanent, relève de l'une des catégories énumérées au par. 27(2), ce qui serait le cas d'une personne qui a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion et qui est entrée de nouveau au Canada sans l'autorisation écrite du ministre, cet agent d'immigration doit transmettre ces renseignements dans un rapport au sous-ministre. Une enquête est tenue si le sous-ministre estime qu'elle s'impose.

L'enquête est tenue devant un arbitre. La personne qui fait l'objet de l'enquête est présente (par. 29(1)) et peut être représentée par un conseiller juridique (par. 30(1)). Après avoir entendu les deux parties, l'arbitre rend une décision. Si l'arbitre décide que la personne qui fait l'objet de l'enquête est visée au par. 27(2), il prononce contre elle une ordonnance d'expulsion.

Les prétentions des avocats

L'avocat de l'appelante prétend que lorsqu'une demande d'ajournement est présentée à l'arbitre, celui-ci est tenu d'ajourner l'enquête pour permettre au requérant de poursuivre ses démarches auprès du ministre en application de l'art. 37 de la Loi. L'appelante s'appuie sur l'arrêt de cette Cour Ramawad c. Ministre de la Main-d'{oe}uvre et de l'Immigration, [1978] 2 R.C.S. 375, et sur le fait qu'une ordonnance d'expulsion la prive de toute possibilité d'obtenir un permis du ministre. Bien que le même argument ait été invoqué au sujet d'une demande présentée au gouverneur en conseil en vertu du par. 115(2) de la Loi en Cour d'appel fédérale, l'appelante l'a expressément abandonné devant cette Cour.

L'avocat de l'intimé soutient qu'en vertu du par. 35(1) du Règlement, l'arbitre était obligé de refuser la demande d'ajournement. Il prétend qu'une demande adressée au ministre en application de l'art. 37 est étrangère à la tenue de l'enquête approfondie prévue au par. 27(3) de la Loi. Subsidiairement, l'avocat de l'intimé soutient que l'arbitre a le pouvoir discrétionnaire de refuser l'ajournement.

Les pouvoirs de l'arbitre

Afin d'interpréter correctement des dispositions législatives susceptibles de sens différents, il faut les examiner en contexte. Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure. En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. Il est donc clair que l'ajournement de leurs procédures relève de leur pouvoir discrétionnaire.

Dans l'arrêt Re Cedarvale Tree Services Ltd. and Labourers' International Union of North America, Local 183 (1971), 22 D.L.R. (3d) 40, on a demandé à la Cour d'appel de l'Ontario de conclure que la Commission des relations de travail était obligée d'ajourner sa procédure lorsque sa compétence était contestée par requête en certiorari devant la Haute Cour. Le juge Arnup, s'exprimant au nom de la Cour d'appel, a insisté sur le fait la Commission était [TRADUCTION] "maîtresse chez elle" (p. 49) et n'était pas tenue d'ajourner sa procédure lorsqu'un avis de requête en certiorari lui était signifié. Elle était libre d'adopter la procédure qui lui semblait juste et appropriée dans les circonstances particulières. Le juge Arnup a conclu, à la p. 50:

[TRADUCTION] . . . il appartient à la Commission elle-même de décider comment procéder. S'il est nécessaire d'établir des directives obligatoires en matière de procédure, c'est à la législature de le faire et non à la Cour.

Le juge en chef Jackett, dans la décision Pierre c. Ministre de la Main‑d'{oe}uvre et de l'Immigration, [1978] 2 C.F. 849, s'exprime ainsi, à la p. 851:

Dans l'examen d'une plainte relative à un refus d'ajournement par un tribunal, il ne faut pas oublier qu'en l'absence de toute règle spécifique régissant le mode d'exercice par le tribunal de son pouvoir discrétionnaire dans l'octroi d'un ajournement, la question d'accorder ou de refuser l'ajournement demandé est de nature discrétionnaire pour le tribunal même, et qu'une cour supérieure ayant droit de surveillance n'a pas compétence pour réviser un refus d'ajournement, à moins qu'à cause de ce refus, la décision rendue par le tribunal à la fin de l'audience ne soit annulable pour violation des règles de justice naturelle.

Le pouvoir d'un arbitre d'ajourner l'enquête est expressément prévu au par. 35(1) du Règlement et, de façon plus générale, à l'al. 113e) de la Loi. L'effet de ces dispositions est de reconnaître à l'arbitre un pouvoir discrétionnaire dont l'exercice est régi par le principe général de la tenue régulière d'une enquête approfondie. Je suis d'accord avec l'affirmation de Wydrzynski dans Canadian Immigration Law and Procedure (1983), à la p. 265:

[TRADUCTION] L'arbitre a le pouvoir discrétionnaire de décider si un ajournement sera accordé mais ce pouvoir discrétionnaire est régi par la notion de tenue régulière d'une enquête "approfondie". En d'autres termes, le pouvoir discrétionnaire doit être exercé en conformité avec les principes de l'équité et de la justice naturelle.

L'appelante ne prétend pas que la procédure d'enquête a violé les principes de justice naturelle. Elle prétend plutôt qu'elle a le droit de s'adresser au ministre en application de l'art. 37 et que l'arbitre est donc tenu de lui accorder l'ajournement pour le lui permettre. On ne peut parvenir à ce résultat que si l'art. 37 ou une autre disposition prive l'arbitre du pouvoir discrétionnaire d'ajourner l'enquête dont bénéficient les tribunaux administratifs et qui est reconnu à l'arbitre par l'al. 113e) de la Loi et l'art. 35 du Règlement. Compte tenu de la pratique habituelle relative au pouvoir d'accorder un ajournement que j'ai exposée auparavant, je m'attendrais à ce que la loi ou le règlement s'exprime en termes explicites si tel était le résultat voulu.

Il ne fait aucun doute que l'arbitre a le pouvoir discrétionnaire d'accorder un ajournement pour permettre la présentation d'une demande en vertu du par. 37(1) (voir Tam c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1983] 2 C.F. 31 (C.A.), et Widmont, précité). À cet égard, je ne peux accepter la prétention de l'intimé selon lequel le par. 35(1) du Règlement oblige l'arbitre à rejeter une demande d'ajournement pour permettre la présentation d'une demande en vertu du par. 37(1). Il nous reste donc à examiner la proposition inverse: l'arbitre est-il obligé d'accorder une demande d'ajournement dans ces circonstances?

L'argument central de l'appelante consiste à dire que, après le prononcé d'une ordonnance de renvoi, le ministre ne peut accorder une demande présentée en vertu de l'art. 37 et que l'arbitre est donc tenu d'accorder cette possibilité à l'appelante. C'est exagérer les conséquences du refus d'accorder un ajournement. Ce n'est que tant que l'ordonnance de renvoi n'est pas exécutée que la demande au ministre est interdite. Nul doute que le renvoi du pays rend la présentation d'une telle demande plus difficile mais le Parlement a-t-il voulu que cette difficulté potentielle ait pour effet que l'enquête devant l'arbitre soit automatiquement suspendue dès la présentation d'une demande au ministre en vertu de l'art. 37?

Le rapport entre une ordonnance de renvoi et un permis du ministre en vertu du par. 37(1) remonte aux premières modifications de la Loi sur l'immigration de 1952 (S.C. 1966-67, chap. 90, art. 26) et a été conservé dans la présente Loi. Le Parlement a modifié plusieurs fois la Loi sur l'immigration de 1952 avant de l'abroger en 1976. Celle qui l'a remplacée, l'actuelle Loi sur l'immigration de 1976, a souvent été modifiée depuis. Cependant le Parlement n'a pas supprimé dans ces modifications l'interdiction législative de délivrer un permis du ministre tant que l'ordonnance de renvoi n'est pas exécutée. Il n'a pas jugé bon non plus d'obliger l'arbitre à ajourner l'enquête dans ce cas, ni de permettre au ministre d'imposer la suspension de la procédure d'enquête sur réception d'une demande visée au par. 37(1).

Il peut être utile de faire une comparaison avec d'autres dispositions de la Loi qui exigent expressément un ajournement dans des cas précis. L'arbitre doit ajourner l'enquête dans les cas suivants: la personne visée est âgée de moins de dix-huit ans et n'est pas représentée par son père, sa mère ou son tuteur (par. 29(5)); la personne visée, alors qu'elle doit être renvoyée du Canada, revendique la citoyenneté canadienne au cours de l'enquête (par. 43(1)); la personne visée, alors qu'elle doit être renvoyée du Canada, revendique au cours de l'enquête le statut de réfugié au sens de la Convention (par. 45(1)).

En outre, l'arbitre n'est pas tenu d'ajourner une enquête pour attendre le résultat d'autres procédures prises en vertu de la Loi sur l'immigration, comme une demande de parrainage (voir Ministre de la Main‑d'{oe}uvre et de l'Immigration c. Tsakiris, [1977] 2 C.F. 236 (C.A.)) De même, la Cour d'appel fédérale a conclu qu'un arbitre n'est pas tenu d'ajourner l'enquête pour permettre à la personne qui en fait l'objet de poursuivre ses démarches en application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33 (maintenant L.R.C. (1985), chap. H‑6): Lodge c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1979] 1 C.F. 775. De même encore, l'arbitre n'est pas tenu d'ajourner une enquête pour permettre à la personne qui en fait l'objet de demander la citoyenneté canadienne en application de la Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, chap. 108 (maintenant L.R.C. (1985), chap. C‑29): Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Hae Soo Han, [1984] 1 C.F. 976. Dans Han, une ordonnance d'expulsion prononcée à la fin de l'enquête, avant le traitement de la demande de citoyenneté, aurait empêché le demandeur d'obtenir la citoyenneté canadienne (p. 981).

Logiquement, l'argument de l'appelante obligerait donc l'arbitre à ajourner l'enquête chaque fois que le résultat de celle-ci risquerait d'interdire à la personne qui en fait l'objet de poursuivre une autre voie de recours. Cela équivaudrait à voir dans la Loi une suspension automatique. En l'absence de langage législatif clair, il est injustifiable d'entraver le processus décisionnel prévu dans la Loi sur l'immigration de 1976 en posant une règle aussi rigide pour la tenue d'une enquête.

L'argument de l'appelante doit donc être rejeté à moins, comme elle le prétend, qu'une telle conclusion ressorte de l'arrêt de cette Cour, Ramawad c. Ministre de la Main-d'{oe}uvre et de l'Immigration, précité. Je vais maintenant examiner cet arrêt et des décisions dans lesquelles il a été appliqué. L'appelante s'appuie sur l'arrêt Ramawad en invoquant l'interprétation qu'en a retenue la Division de première instance de la Cour fédérale dans les décisions Laneau c. Rivard, [1978] 2 C.F. 319, et Nesha c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1982] 1 C.F. 42, et, par la minorité de la Cour d'appel fédérale, dans Louhisdon c. Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F. 589, Oloko c. Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F. 593, et Widmont, précitée. Par ailleurs, l'intimé s'appuie sur l'interprétation constante de l'arrêt Ramawad retenue par la majorité en Cour d'appel fédérale (voir Louhisdon, précité; Oloko, précité; Widmont, précité; Murray c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1979] 1 C.F. 518, et Stalony v. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1980), 36 N.R. 609). Il faut donc examiner soigneusement ce qui a vraiment été décidé dans l'arrêt Ramawad pour déterminer quelle interprétation retenir.

L'arrêt Ramawad a été rendu en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration, S.C.R. 1970, chap. I-2. L'appelant était entré au Canada à titre de non-immigrant en vertu de l'al. 7(1)h) de cette Loi. À son arrivée, il avait obtenu un visa d'emploi l'autorisant à travailler pendant un an comme bijoutier pour Jolyn Jewellery Products. Une des conditions du visa était que l'appelant obtienne une nouvelle autorisation d'un agent d'immigration s'il modifiait ses conditions d'emploi. L'appelant a été congédié ultérieurement par son employeur et s'est trouvé du travail chez un autre bijoutier. L'appelant a omis d'aviser les fonctionnaires de l'immigration de son changement d'emploi; ils en ont été informés lorsque l'appelant a demandé la prorogation de son visa à l'expiration de l'autorisation d'un an. En apprenant que son visa avait expiré parce qu'il en avait violé les conditions, l'appelant a demandé un nouveau visa d'emploi. À cette étape, l'appelant était réputé demander l'entrée au Canada. Le paragraphe 3C(1) du Règlement sur l'immigration, Partie I, DORS/73-20, prévoyait:

3C. (1) Sous réserve de l'article 3F,

a) nul ne peut entrer au Canada en qualité de non-immigrant pour y exercer un emploi, et

b) nul autre

(i) qu'un citoyen canadien,

(ii) un résident permanent, ou

(iii) une personne autorisée à entrer au Canada en vertu d'un permis écrit délivré par le Ministre en application de l'article 8 de la Loi, et qui énonce expressément que le détenteur est autorisé à exercer un emploi,

ne peut exercer un emploi au Canada sans posséder un visa d'emploi valide.

Un enquêteur spécial a tenu une enquête en application du par. 23(2) de la Loi sur l'immigration. Le paragraphe 3D(2) du Règlement exigeait que le fonctionnaire compétent délivre un visa d'emploi sur demande sauf "b) si le candidat a enfreint les conditions d'un visa d'emploi qui lui a été délivré au cours des deux années précédentes". L'enquêteur spécial a conclu que l'appelant avait violé son visa précédent en changeant d'employeur sans autorisation et qu'il ne pouvait donc plus obtenir de visa d'emploi ni rester au Canada. L'enquêteur a ordonné la détention et l'expulsion de l'appelant.

Juste avant la fin de l'enquête, l'avocat de l'appelant a tenté d'invoquer l'al. 3Gd) du Règlement:

3G. Nonobstant les dispositions du sous-alinéa 3D(2)a)(i) et de l'alinéa 3D(2)b), un visa d'emploi peut être délivré

. . .

d) à une personne à l'égard de laquelle les dispositions du sous‑alinéa 3D(2)a)(i) et de l'alinéa 3D(2)b) ne devraient pas s'appliquer, de l'avis du Ministre, en raison de circonstances particulières.

L'enquêteur spécial a répondu (à la p. 380):

[TRADUCTION] Avec égards envers l'avocat, j'ai examiné attentivement la preuve soumise à l'enquête et il n'y a, à mon avis, aucune circonstance particulière en l'espèce qui justifierait l'application de l'al. 3Gd) du Règlement sur l'immigration comme le demande l'avocat.

Cette Cour a accordé l'autorisation de pourvoi contre le jugement de la Cour d'appel fédérale qui rejetait la demande d'annulation de l'ordonnance d'expulsion. Cette Cour a fondé sa décision sur le premier moyen d'appel de l'appelant qui consistait à dire que l'enquêteur spécial avait excédé ses pouvoirs en prétendant exercer le pouvoir du ministre lorsqu'il a décidé que les "circonstances particulières" envisagées à l'al. 3Gd) n'existaient pas. Le juge Pratte, s'exprimant au nom de la Cour, a conclu que le pouvoir du ministre de prendre en considération les "circonstances particulières" en vertu de l'al. 3Gd) n'avait pas été délégué implicitement à l'enquêteur spécial. La décision de l'enquêteur spécial était invalide parce qu'il avait usurpé ce pouvoir (p. 382).

La principale question ayant été tranchée, le juge Pratte a ensuite conclu que l'invalidité de la décision de l'enquêteur spécial avait vicié l'ordonnance d'expulsion qu'il avait prononcée. En exerçant abusivement le pouvoir du ministre, l'enquêteur spécial avait supprimé le droit de l'appelant, demandeur d'un visa d'emploi, à ce que le ministre considère les "circonstances particulières" en application de l'al. 3Gd) du Règlement. Le juge Pratte a conclu son examen au fond par un dernier paragraphe formulé en termes larges (à la p. 384):

À mon avis, dès que l'on demande au Ministre son avis conformément à l'al. 3Gd), tout pouvoir de l'enquêteur spécial de rendre une ordonnance d'expulsion est alors suspendu et la seule chose que ce dernier peut faire dans ces circonstances est d'ajourner sa décision jusqu'à ce que le Ministre ait tranché la question.

L'arrêt Ramawad portait sur des dispositions de la Loi et du Règlement qui visaient spécifiquement les demandes de visa d'emploi. La résolution de ce litige dépendait de l'existence d'une violation d'une condition d'un visa d'emploi antérieur et de la question de savoir si le ministre pouvait passer outre à cette violation en raison de circonstances particulières. On ne pouvait répondre à cette question de façon définitive sans obtenir la décision du ministre. L'appelant avait évidemment le droit d'obtenir la décision du ministre avant que cette question soit tranchée à son encontre. L'enquêteur spécial a omis de se demander si l'ajournement était nécessaire à la tenue régulière d'une enquête approfondie; il a simplement décidé qu'il n'existait aucune circonstance particulière. Ce faisant, il a usurpé le pouvoir du ministre. Dans ces circonstances, la décision relative au droit du requérant d'obtenir un visa d'emploi conférait à ce dernier le droit d'obtenir la décision du ministre parce que cette question devait être résolue en partie par le ministre. Je partage donc l'avis du juge Pratte dans Louhisdon, précité, à la p. 591, selon lequel:

[t]out ce qu'on a décidé dans cette affaire [Ramawad], selon moi, c'est que celui qui sollicite un visa d'emploi en vertu des articles 3B et suivants du Règlement sur l'immigration, Partie I, et qui demande que son cas soit soumis au Ministre pour qu'il exerce le pouvoir que lui confère l'article 3Gd) du Règlement ne peut, aussi longtemps que le Ministre n'a pas été saisi de l'affaire, être expulsé en raison du fait qu'il n'a pas de visa d'emploi.

En l'espèce, la demande présentée au ministre en vertu du par. 37(1) ne fait pas partie intégrante de la procédure devant l'arbitre selon le par. 27(3) mais constitue une voie de recours tout à fait distincte de cette procédure. Le simple fait que l'appelante dispose d'un autre recours ne transforme pas ce dernier en un droit automatique concomitant à l'ajournement des autres procédures afin de faciliter la demande. Rien dans l'art. 37 ne suggère qu'une demande présentée en vertu de cet article devrait être traitée différemment d'une demande présentée dans le cadre d'autres recours qui, selon mon analyse, ne donnent pas lieu à une suspension automatique.

Puisque j'ai conclu que l'arrêt Ramawad, précité, doit être interprété dans le contexte des faits de cette affaire et des dispositions particulières relatives au visa d'emploi en cause, je n'ai pas à examiner en détail les décisions qui l'ont interprété. Je vais cependant faire quelques remarques sur les décisions qui ont interprété l'arrêt Ramawad, précité, comme précédent à l'appui de l'argumentation générale présentée par l'appelante.

Dans Laneau c. Rivard, précité, le juge Decary de la Division de première instance de la Cour fédérale a été le premier à utiliser l'arrêt Ramawad, précité, pour exiger qu'un ajournement soit accordé afin que la personne qui faisait l'objet de l'enquête puisse poursuivre ses démarches en vue d'obtenir un permis du ministre. Dans l'affaire Laneau, la requérante remplissant toutes les conditions exigées par l'ancienne Loi sur l'immigration avant d'être obligée d'arrêter de travailler comme aide ménagère en raison de complications de sa grossesse. Son fiancé, un citoyen canadien, ne s'est pas présenté à leur mariage. La requérante craignait qu'une ordonnance d'expulsion l'empêche de poursuivre son action en déclaration de paternité intentée contre son ancien fiancé. Elle a donc fait au ministre une demande de permis plus de cinq mois avant le début de l'enquête. Pour le juge Decary, il est clair que le moment choisi par la requérante pour présenter sa demande était important (à la p. 320):

. . . cette demande, il est important de le souligner, fut faite avant même que les autorités de l'immigration n'aient convoqué, ou communiqué avec la requérante;

Le bien-fondé de la cause du requérant a lourdement influencé un certain nombre de décisions dans lesquelles l'arrêt Ramawad, précité, a reçu une interprétation large. Dans Nesha c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, précité, la requérante avait travaillé sans interruption comme ménagère pendant cinq ans après son entrée illégale au Canada. Elle avait écrit au ministre en invoquant les circonstances particulières dès qu'elle avait été arrêtée en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976. Dans sa lettre, la requérante soulignait que son conjoint de fait en Guyane lui avait fait des menaces et qu'elle croyait qu'il la tuerait lorsqu'elle retournerait dans son pays. En décidant que l'arbitre était tenu d'ajourner l'enquête, le juge suppléant Smith a fait remarquer, à la p. 51:

En tout cas, il ne semble pas juste que des cas sérieux, dont les faits connus révèlent qu'ils ont une chance raisonnable de succès, se voient fermer à l'avance un recours par la délivrance d'une ordonnance d'expulsion. Je ne saurais admettre que le Parlement a voulu un tel résultat.

Il ne m'appartient pas d'exprimer d'opinion sur le cas de la présente requérante. Je dirai seulement que si les allégations contenues dans la lettre qu'elle a adressée au Ministre le 29 juillet 1980 s'avèrent exactes, il est permis de penser que sa demande sera accueillie.

Le juge MacGuigan, dissident dans l'arrêt Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Widmont, précité, a cité cet extrait et l'a fait suivre de cette remarque, à la p. 298:

Le bien-fondé de la demande d'un permis du Ministre faite par l'intimée en l'espèce semble tout aussi évident.

Dans l'affaire Widmont, l'intimée, qui venait de Pologne, était entrée au Canada légalement et ne connaissait pas la date d'expiration de son visa parce qu'elle ne parlait ni l'anglais ni le français. L'intimée elle-même avait contacté les fonctionnaires de l'immigration pour clarifier son statut compte tenu de son mariage prochain avec un citoyen canadien. Quels que soient les points de comparaison avec la présente espèce, je ne crois pas que la sympathie que l'on éprouve en raison des circonstances auxquelles fait face la personne qui fait l'objet de l'enquête suffise à transformer le pouvoir discrétionnaire de l'arbitre d'ajourner l'enquête en une obligation. Nul doute que de telles circonstances sont pertinentes quant à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre et aboutiront, lorsque ce sera justifié, à un ajournement. Toutefois, elles ne justifient pas en elles‑mêmes une révision par voie d'appel du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre.

Je conclus qu'un arbitre qui agit en application du par. 27(3) de la Loi n'est obligé ni d'accorder ni de rejeter une demande d'ajournement pour permettre qu'une demande soit présentée en application de l'art. 37. L'arbitre dispose plutôt d'un pouvoir discrétionnaire. Dans certains cas, il est fort possible qu'un ajournement soit accordé pour permettre la présentation d'une telle demande; dans d'autres cas, il peut être refusé à bon droit. Si l'arbitre doit être bien conscient que la Loi exige la tenue d'une "enquête approfondie", il doit également voir à ce que soit observée l'obligation prévue par la Loi de tenir une enquête. Comme le souligne Wydrzynski, op. cit., à la p. 266:

[TRADUCTION] Avant tout, il est nécessaire de procéder de façon expéditive, et il ne faudrait pas considérer les ajournements comme un moyen de retarder indéfiniment l'enquête.

L'arbitre peut considérer des facteurs comme le nombre d'ajournements déjà accordés et la durée de l'ajournement demandé dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'ajourner l'enquête. Lorsqu'un ajournement est demandé en raison d'une demande fondée sur l'art. 37, l'arbitre pourrait également tenir compte de la possibilité qu'avait la personne qui fait l'objet de l'enquête de s'adresser au ministre avant la présentation d'une demande d'ajournement. En l'espèce, l'appelante aurait pu s'adresser au ministre à n'importe quel moment entre la date de son renvoi du Canada, le 6 juin 1984, et la date de la reprise de l'enquête, le 21 novembre 1984; elle n'a pas envoyé de lettre au bureau du ministre avant le 16 novembre 1984.

Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

//Le juge L'Heureux-Dubé//

Version française des motifs des juges Wilson et L'Heureux-Dubé rendus par

LE JUGE L'HEUREUX-DUBÉ (dissidente) -- Les faits, exposés dans l'opinion de mon collègue, le juge Sopinka, ne sont pas ici en litige. Il ne nous appartient pas de décider si l'appelante devrait obtenir le statut d'immigrante au Canada. Une seule question de droit se pose dans ce pourvoi: l'arbitre a‑t‑il commis une erreur en refusant d'ajourner l'enquête d'immigration en attendant la décision sur la requête préalable de l'appelante faite en vertu des par. 37(1) et 115(2) de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976‑77, chap. 52?

Ces dispositions donnent au ministre et au gouverneur en conseil des pouvoirs spéciaux d'accorder dans certains cas le droit de demeurer au Canada. Le redressement prévu à l'art. 37 prend la forme d'un permis du ministre, tel qu'il appert des extraits pertinents de cet article:

37. (1) Le Ministre peut délivrer un permis écrit autorisant une personne à entrer au Canada ou à y demeurer. Peuvent se voir octroyer un tel permis

a) les personnes faisant partie d'une catégorie non admissible, désireuses d'entrer au Canada, ou

b) les personnes se trouvant au Canada, qui font l'objet ou sont susceptibles de faire l'objet du rapport prévu au paragraphe 27(2).

(2) Par dérogation au paragraphe (1), ne peuvent obtenir le permis

a) les personnes ayant fait l'objet d'une ordonnance de renvoi, qui se trouvent encore au Canada sauf si l'appel interjeté de cette ordonnance a été accueilli;

b) les interdits de séjour qui n'ont pas encore quitté le Canada; ou

c) les personnes se trouvant encore au Canada dont l'appel interjeté en vertu de l'article 79 a été rejeté.

Le gouverneur en conseil peut également accorder des dispenses en se fondant sur le par. 115(2) de la Loi sur l'immigration de 1976, qui dispose:

115. . . .

(2) Lorsqu'il est convaincu qu'une personne devrait être dispensée de tout règlement établi en vertu du paragraphe (1) ou que son admission devrait être facilitée pour des motifs de politique générale ou des considérations d'ordre humanitaire, le gouverneur en conseil peut, par règlement, dispenser cette personne du règlement en question ou autrement faciliter son admission.

L'arbitre peut accorder des ajournements en vertu du par. 35(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78‑172:

35.(1) L'arbitre qui préside l'enquête peut l'ajourner à tout moment afin de veiller à ce qu'elle soit complète et régulière.

Le point de départ de l'analyse de ces dispositions législatives est l'arrêt de cette Cour Ramawad c. Ministre de la Main d'{oe}uvre et de l'Immigration, [1978] 2 R.C.S. 375. L'appelant dans cette affaire est entré au Canada à titre de non‑immigrant en vertu de l'al. 7(1)h) de l'ancienne Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, chap. I‑2. À son arrivée, il a obtenu un visa d'emploi l'autorisant à exercer la profession de bijoutier chez Jolyn Jewellery Products. Une des conditions de son visa était qu'il obtienne une nouvelle autorisation des fonctionnaires de l'immigration avant de changer d'emploi. Peu de temps après avoir commencé à travailler, l'appelant a été remercié de ses services par son employeur et s'est par la suite trouvé un emploi chez un autre bijoutier. Les fonctionnaires de l'immigration n'ont cependant été avisés de ce changement dans ses conditions d'emploi que lorsque l'appelant a demandé la prorogation de son visa.

Cet oubli de l'appelant est à l'origine de la tenue d'une enquête par l'enquêteur spécial en vertu du par. 23(2) de la Loi sur l'immigration. En vertu de l'al. 3D(2)b) de l'ancien Règlement sur l'immigration, Partie I, le fonctionnaire était tenu de renouveler un visa d'emploi sauf si le candidat avait "enfreint les conditions d'un visa d'emploi qui lui a été délivré au cours des deux années précédentes". L'alinéa 3Gd) du Règlement sur l'immigration, Partie I, conférait également un pouvoir discrétionnaire de délivrer un visa d'emploi nonobstant l'al. 3D(2)b):

3G. Nonobstant [. . .] l'alinéa 3D(2)b), un visa d'emploi peut être délivré

. . .

d) à une personne à l'égard de laquelle les dispositions [. . .] de l'alinéa 3D(2)b) ne devraient pas s'appliquer, de l'avis du Ministre, en raison de circonstances particulières.

Vers la fin de l'enquête, l'avocat de l'appelant a invoqué l'al. 3Gd). L'enquêteur spécial a répondu qu'il n'existait alors aucune circonstance particulière qui permettait d'appliquer l'al. 3Gd) comme le demandait l'avocat. L'enquêteur a alors ordonné la détention et l'expulsion de l'appelant.

Cette Cour a accueilli le pourvoi contre le jugement de la Cour d'appel fédérale qui avait rejeté, en vertu de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale, une demande d'annulation de l'ordonnance d'expulsion. Rédigeant les motifs unanimes de la Cour, le juge Pratte a conclu que, pour ce qui était de l'interprétation législative, le ministre n'avait pas implicitement délégué à l'enquêteur spécial le pouvoir d'accorder le redressement visé à l'al. 3Gd). Par conséquent, la décision de l'enquêteur selon laquelle il n'existait aucune circonstance particulière lui permettant d'accorder le redressement était "invalide" (p. 382).

La Cour a également jugé que l'invalidité de la décision de l'enquêteur viciait l'ordonnance d'expulsion. Le juge Pratte a estimé que l'al. 3Gd) conférait à l'appelant un "droit" que l'enquêteur spécial n'avait aucun pouvoir d'abroger. En vertu de l'art. 8 de l'ancienne Loi sur l'immigration, le ministre n'avait aucun pouvoir de délivrer un permis une fois prononcée l'ordonnance d'expulsion. Par conséquent, lorsqu'il a rejeté la demande d'ajournement et rendu une ordonnance d'expulsion, l'enquêteur "a en réalité privé l'appelant de son droit de faire trancher par le Ministre la question de l'existence de circonstances particulières au sens de l'al. 3Gd)" (p. 383). (Je souligne.) Le juge Pratte a conclu (à la p. 384):

À mon avis, dès que l'on demande au Ministre son avis conformément à l'al. 3Gd), tout pouvoir de l'enquêteur spécial de rendre une ordonnance d'expulsion est alors suspendu et la seule chose que ce dernier peut faire dans ces circonstances est d'ajourner sa décision jusqu'à ce que le Ministre ait tranché la question. [Je souligne.]

Rien dans l'arrêt Ramawad n'indique qu'on entendait restreindre son application aux faits de l'espèce ou à des dispositions précises de l'ancien Règlement sur l'immigration, Partie I. Au contraire, le raisonnement de Ramawad est fondé sur une appréciation globale de l'économie de la loi et sur une interprétation des pouvoirs du ministre d'accorder un redressement qui tient compte du but de la loi. Certains ont vu là la possibilité que ces considérations puissent s'appliquer à d'autres cas; en fait, un auteur a fait ce commentaire: [TRADUCTION] "L'application de l'arrêt Ramawad au droit de demander un permis du ministre semblerait évidente" (Wydrzynski, Canadian Immigration Law and Procedure (1983), à la p. 352). Dans Laneau c. Rivard, [1978] 2 C.F. 319, la Division de première instance de la Cour fédérale a appliqué le raisonnement de l'arrêt Ramawad pour empêcher l'enquêteur spécial de procéder à une enquête en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration, parce que la demande de permis du ministre avait été présentée avant le début de l'enquête. De même, la Division de première instance de la Cour fédérale a appliqué l'arrêt Ramawad à une enquête instituée en application de la nouvelle Loi sur l'immigration de 1976. Dans la décision Nesha c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1982] 1 C.F. 42, la Division de première instance a rendu une ordonnance interdisant la poursuite d'une enquête spéciale commencée par un rapport fait en vertu du par. 27(2) de la Loi sur l'immigration de 1976, jusqu'à ce que soit rendue la décision du ministre sur une demande de permis en vertu de l'art. 37 de la Loi, présentée également avant le début de l'enquête.

Pour d'autres cependant, le raisonnement de l'arrêt Ramawad ne saurait s'appliquer qu'aux faits de cette affaire ou aux dispositions législatives spécifiques en cause. Dans l'arrêt Louhisdon c. Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F. 589, la Cour d'appel fédérale à la majorité (les juges Pratte et Ryan) a décidé qu'un enquêteur spécial agissant en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration n'avait pas commis d'erreur en refusant d'accorder l'ajournement du prononcé de l'ordonnance d'expulsion et de renvoyer l'affaire au ministre pour qu'il décide s'il y avait lieu de délivrer un permis spécial en vertu de l'art. 8 de la Loi. Le juge Pratte, au nom de la majorité, a conclu que "[l]'article 8 de la Loi sur l'immigration n'accorde au Ministre que le pouvoir de décerner un permis; il ne crée aucun droit en faveur de ceux qui pourraient bénéficier de l'exercice de ce pouvoir" (p. 591). Par conséquent, le juge Pratte a conclu que l'appelant ne pouvait se plaindre que le prononcé de l'ordonnance d'expulsion le privait de "la possibilité que le Ministre lui délivre un permis".

Pour ce qui est de l'arrêt Ramawad de cette Cour, le juge Pratte conclut:

À mon avis, la décision de la Cour suprême dans l'affaire Ramawad ne peut aider le requérant. Tout ce qu'on a décidé dans cette affaire, selon moi, c'est que celui qui sollicite un visa d'emploi en vertu des articles 3B et suivants du Règlement sur l'immigration, Partie I, et qui demande que son cas soit soumis au Ministre pour qu'il exerce le pouvoir que lui confère l'article 3Gd) du Règlement ne peut, aussi longtemps que le Ministre n'a pas été saisi de l'affaire, être expulsé en raison du fait qu'il n'a pas de visa d'emploi.

Le juge Ryan a souscrit aux motifs du juge Pratte. Le juge Le Dain (plus tard juge de cette Cour) était dissident pour les motifs donnés dans une affaire connexe, Oloko c. Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F. 593.

Dans l'affaire Oloko, l'enquêteur spécial a d'abord accordé un ajournement pour permettre au requérant de demander un permis du ministre en vertu de l'art. 8 de la Loi sur l'immigration. Le permis a été refusé. À la reprise de l'enquête, l'épouse du requérant venait de donner naissance à un enfant prématuré et le requérant a encore une fois demandé un ajournement pour que le ministre tienne compte de leur nouvelle situation. La demande a été refusée pour le motif que les circonstances qui pouvaient justifier un examen pour des motifs humanitaires avaient déjà été examinées, et une ordonnance d'expulsion a été rendue.

La Cour d'appel fédérale à la majorité (les juges Pratte et Ryan) a rejeté la demande subséquente d'annulation de cette ordonnance d'expulsion. Le juge Pratte, qui a rédigé les motifs de la majorité, a simplement renvoyé à ses motifs dans l'arrêt Louhisdon.

Le juge Le Dain a rédigé une forte dissidence. Contrairement à la majorité, il a estimé que le raisonnement de l'arrêt Ramawad s'appliquait. Selon lui, il existait tout autant "un droit" d'obtenir une décision en vertu de l'art. 8 de la Loi sur l'immigration qu'en vertu de l'al. 3Gd) de l'ancien Règlement sur l'immigration, Partie I. En outre, comme dans l'arrêt Ramawad, le juge Le Dain a exprimé l'opinion qu'il n'était pas loisible à un fonctionnaire de l'immigration non autorisé à exercer le pouvoir du ministre d'empêcher l'examen de la demande de permis d'un requérant. Considérant les circonstances dont il était saisi, le juge Le Dain a conclu qu'en rejetant la demande d'ajournement pour le motif que tous les faits avaient déjà été pleinement pris en considération dans la première demande, l'enquêteur spécial avait usurpé le pouvoir discrétionnaire du ministre d'accorder un permis. Le juge Le Dain ajoute (aux pp. 601 et 602):

À mon humble avis, la décision dans l'affaire Ramawad implique clairement que lorsqu'une demande est faite, au cours d'une enquête, pour qu'un cas examiné sur un aspect humanitaire, en d'autres termes, pour obtenir un permis du Ministre, et que ce permis n'a pas été refusé auparavant, d'après les circonstances qui existaient au moment où la demande a été faite, le pouvoir de l'enquêteur spécial de procéder à l'enquête est suspendu jusqu'à ce que la demande ait été étudiée.

Les arrêts Louhisdon et Oloko rendus à la majorité ont été approuvés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Murray c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1979] 1 C.F. 518 (autorisation de pourvoi à cette Cour refusée, le 24 janvier 1979, [1979] 1 R.C.S. x) mais, dans cette dernière affaire, aucune demande formelle de permis du ministre n'avait été présentée avant l'enquête.

Dans l'arrêt Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Widmont, [1984] 2 C.F. 274, la Cour d'appel fédérale a réexaminé les arrêts Louhisdon, Oloko et Murray. Dans l'affaire Widmont, la requérante a requis une ordonnance interdisant à l'arbitre qui présidait une enquête d'immigration de rendre une décision avant que le ministre ait fait connaître sa décision sur une demande de permis présentée au cours de l'enquête. La Cour d'appel fédérale à la majorité (les juges Urie et Mahoney) a accueilli l'appel de la décision de la Division de première instance qui avait accordé l'ordonnance demandée. La Cour d'appel a décidé néanmoins de surseoir à l'exécution du jugement jusqu'à l'expiration du délai fixé pour demander une autorisation de pourvoi en cette Cour, ce que la requérante n'a jamais fait.

Dans ses motifs, le juge Mahoney a noté que la Loi sur l'immigration de 1976 ne contenait "aucune disposition explicite sur l'ajournement des enquêtes en vue de permettre au Ministre de statuer sur une demande de permis présentée en vertu du paragraphe 37(1)" (p. 285). Par contre, il a signalé la présence de dispositions qui exigeaient un ajournement dans plusieurs autres circonstances (par. 29(5), 43(1), 45(1) de la Loi, et le par. 27(3) du Règlement sur l'immigration de 1978). Commentant le par. 35(1) du Règlement qui donne le pouvoir discrétionnaire d'ajourner "afin de veiller à ce qu'elle [l'enquête] soit complète et régulière", le juge Mahoney a dit (à la p. 285):

Je crois qu'on peut à bon droit affirmer que tous s'entendent pour dire que la décision du Ministre d'octroyer un permis en vertu du paragraphe 37(1) n'a rien à voir avec l'obligation de veiller à ce que l'enquête soit complète et régulière et que, par conséquent, l'arbitre n'est pas tenu d'ajourner une enquête à cette fin.

Il a alors examiné l'arrêt Ramawad et son interprétation ultérieure dans les arrêts Louhisdon, Oloko et Murray, et a conclu que "la Cour fédérale a statué de façon constante que le refus de l'arbitre d'ajourner une enquête afin de permettre à la personne en cause de demander un redressement en vertu des articles 37 ou 115 ne vicie pas l'ordonnance d'expulsion ou l'avis d'interdiction de séjour prononcé par la suite" (p. 289). Le juge Mahoney n'a vu aucune raison de renverser ces arrêts ou de les distinguer (à la p. 292):

Je suis persuadé, à la lecture des jugements de la majorité et du juge dissident dans l'affaire Louhisdon, que la Cour a examiné la question à fond. La Cour a choisi de restreindre l'application de l'arrêt Ramawad à ses propres faits, au lieu de donner une application plus générale aux principes qui y étaient dégagés. La Cour a peut‑être eu tort. Dans ce cas, il s'agit manifestement d'une situation que le Parlement, et, bien sûr, le gouverneur en conseil, sont libres de modifier et que la Cour suprême peut corriger. Qu'on qualifie le problème de question de courtoisie judiciaire ou d'application du principe du stare decisis, je me considère obligé d'appliquer l'arrêt Louhisdon. [Je souligne.]

Le juge Urie a été d'accord avec ces motifs. Il a rédigé des motifs supplémentaires au même effet, disant que les arrêts Louhisdon et Oloko comportaient de légères différences mais qu'elles n'étaient pas "suffisamment importantes" pour établir une distinction. Il s'est dit incapable d'affirmer que ces arrêts étaient erronés parce qu'il n'était pas "convaincu que les tribunaux n'ont pas établi les distinctions appropriées entre l'arrêt Ramawad et les décisions Louhisdon, Oloko, Murray et les appels qui les ont suivis" (p. 282).

Le juge MacGuigan a rédigé une forte dissidence. Contrairement à la majorité, il ne s'est pas estimé tenu d'appliquer les arrêts Louhisdon et Oloko car il a été d'avis que son "obligation première [était] certainement d'appliquer la loi selon l'interprétation qu'en a faite la Cour suprême du Canada" (p. 296). Il n'a pu accepter l'interprétation restrictive de l'arrêt Ramawad adoptée dans ces arrêts. Il a souligné qu'un requérant avait le droit de voir sa demande fondée sur l'art. 37 de la Loi sur l'immigration de 1976 examinée par le ministre et que le requérant devrait avoir une possibilité réelle d'exercer ce droit "avant que cette occasion ne lui soit enlevée à jamais par un ordre d'expulsion délivré par un fonctionnaire d'un niveau inférieur" (p. 297). Selon le juge MacGuigan, il n'importait pas de savoir si une demande paraissait ou ne paraissait pas mériter l'intervention du ministre. Le jugement à exercer en application de l'art. 37 de la Loi implique non seulement des considérations à caractère humanitaire, mais aussi à caractère politique, et, de l'avis du juge MacGuigan, ces pouvoirs d'appréciation ne peuvent relever de la compétence de l'arbitre dans le cadre d'une enquête. Par conséquent, il a conclu "qu'un arbitre doit accorder un ajournement dans tous les cas où il est confronté à une demande de permis du Ministre en vertu du paragraphe 37(1)" (p. 300). (Je souligne.)

On prie maintenant cette Cour de mettre fin à cette controverse dans la jurisprudence. Il n'est pas sans importance de signaler que ce pourvoi nous vient par suite d'une autorisation spéciale de la Cour d'appel fédérale, [1985] 2 C.F. 81.

Dans sa plaidoirie, l'appelante a abandonné son moyen d'appel fondé sur la demande faite en application du par. 115(2) de la Loi sur l'immigration de 1976. Je limiterai donc mes motifs à la demande d'ajournement dans le contexte d'une demande fondée sur le par. 37(1) de la Loi.

De manière générale, le régime institué par la Loi sur l'immigration de 1976 est très rigide. Les personnes qui n'ont pas la citoyenneté canadienne doivent se conformer aux conditions et exigences strictes de la loi. Lorsque des renseignements indiquent qu'un non‑citoyen n'a pas agi conformément à la loi ou a violé les conditions de son droit de demeurer au Canada, les fonctionnaires de l'immigration ont le pouvoir de présenter un rapport au sous‑ministre. À sa discrétion, ce dernier peut faire tenir une enquête d'immigration en vue de déterminer le bien‑fondé des allégations du rapport. Si elles sont bien fondées, l'arbitre qui préside l'enquête est sous l'obligation légale de rendre une ordonnance d'expulsion contre la personne visée. Les visiteurs et les immigrants se trouvent ainsi dans une situation plus vulnérable en vertu de la loi que les citoyens canadiens. En plus des sanctions pénales applicables à tous, les non‑citoyens coupables de conduite répréhensible sont passibles d'expulsion.

Le paragraphe 37(1) de la Loi sur l'immigration de 1976 a pour but d'apporter une certaine souplesse à la rigueur des peines prévues par le régime établi par la Loi. Cette disposition réparatrice permet au ministre ou à une personne qu'il désigne de passer outre aux autres dispositions de la Loi et de façonner des solutions particulières qui répondent aux besoins de cas particuliers. Il indique aux personnes qui font l'objet d'une enquête qu'elles ont une possibilité de demeurer au Canada, même si l'application formaliste de la loi pouvait aboutir à leur expulsion. Comme le signale Wydrzynski, op. cit., à la p. 350, [TRADUCTION] "les demandes de permis sont normalement prévues pour les cas où une situation difficile fait entrer en jeu des considérations d'ordre humanitaire". Dans ce contexte, s'il est clair, à mon avis, qu'une personne se trouvant dans une situation difficile de ce genre n'a pas de droit, comme tel, à l'obtention d'un permis en vertu du par. 37(1) de la Loi sur l'immigration de 1976, il est tout aussi clair que cette personne possède néanmoins un droit, en ce sens qu'elle est légitimement fondée à obtenir une décision du ministre pour déterminer si son cas mérite un redressement spécial. Selon le par. 37(2) de la Loi sur l'immigration de 1976, le ministre n'a pas le pouvoir de délivrer un permis à une personne qui a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion, même si cette personne peut par ailleurs mériter une considération spéciale. Par conséquent, le refus d'ajourner l'enquête d'immigration pour attendre la décision du ministre sur une demande de permis constituera généralement une négation du droit d'obtenir une décision du ministre. À mon avis, le Parlement n'a pas pu vouloir ce résultat. À cause du genre de personnes et de situations qu'envisage l'art. 37 de la Loi, il est plus probable qu'il ait voulu qu'on accorde une certaine priorité à l'étude d'une demande de permis du ministre. Le juge Le Dain, dans ses motifs dissidents de l'arrêt Oloko, traite clairement de ce point. Parlant avec une persuasion caractéristique, il explique (aux pp. 600 et 601):

En toute déférence, je ne peux voir pourquoi ce raisonnement [dans Ramawad] ne pourrait s'appliquer lorsqu'une demande est présentée, au cours d'une enquête, pour que le cas soit étudié en vue d'obtenir un permis du Ministre. À mon avis, on peut parler d'un "droit" lorsqu'il s'agit d'obtenir une décision sur la question de savoir si un permis du Ministre sera accordé dans un cas particulier autant que lorsqu'il est question d'obtenir la décision du Ministre sur la question de savoir si l'on devrait passer outre au défaut de se conformer aux conditions d'un visa d'emploi, à cause de circonstances particulières. Les deux décisions sont de nature discrétionnaire et, si elles sont favorables, elles peuvent être considérées comme un "privilège", mais, dans chaque cas, il existe un droit de voir sa demande étudiée quel qu'en soit le résultat. Il me semblerait que le pouvoir de délivrer un permis du Ministre a été conféré, au moins en partie, à l'avantage des personnes qui désirent entrer ou demeurer au pays et ce pouvoir peut être exercé autrement que de la propre initiative du Ministre. Je pense qu'on a voulu qu'il soit possible, pour une personne qui désire entrer ou demeurer au pays, de faire une demande en vue d'obtenir un permis du Ministre et de recevoir une décision de la part de ce dernier ou d'une personne autorisée à exercer son pouvoir. Selon moi, une personne ne devrait pas être empêchée en réalité, par le fait des autorités de l'immigration, de faire examiner sa demande d'obtention d'un permis du Ministre avant qu'il ne soit trop tard, c'est‑à‑dire avant qu'une ordonnance d'expulsion soit prononcée contre elle. Il est vrai que cette demande peut être faite à l'extérieur du pays, avant que l'intéressé demande son admission. La même demande peut aussi être faite par une personne qui se trouve au pays et qui désire y demeurer, avant que des procédures d'expulsion soient entreprises contre elle. Mais il existe de nombreuses circonstances dans lesquelles une personne n'a eu aucune raison de se douter qu'elle aurait besoin d'un permis du Ministre et pour qui la première occasion de demander ce permis se présente au cours d'une enquête. Il peut arriver que la personne concernée ne se rende compte qu'à la fin de l'enquête qu'elle a besoin de demander un permis du Ministre. Il se peut qu'elle ne se rende compte que son cas peut donner lieu à une considération pour des motifs humanitaires permise par l'article 8 de la Loi qu'après avoir constaté la nature de la preuve fournie et entendu le résumé de l'enquêteur spécial. [Je souligne.]

De plus, la doctrine de l'équité administrative milite clairement en faveur du besoin d'assurer que l'enquête n'est pas tenue d'une manière qui nie au requérant son droit à une décision du ministre (voir, dans le contexte d'un décret en vertu du par. 115(2) de la Loi sur l'immigration de 1976, l'arrêt Jeminez‑Perez c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1983] 1 C.F. 163 (C.A.), à la p. 171, confirmé en partie sur un autre point, [1984] 2 R.C.S. 565).

Le libellé du par. 35(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 doit donc être interprété en fonction de la priorité à donner aux demandes de permis du ministre. En règle générale, lorsqu'une demande de permis est faite en vertu du par. 37(1) de la Loi sur l'immigration de 1976, l'arbitre doit ajourner l'enquête d'immigration jusqu'à ce que le ministre, ou une personne autorisée à exercer le pouvoir du ministre, rende une décision sur la demande du requérant. Ce sera le cas lorsque "ce permis n'a pas été refusé auparavant, d'après les circonstances qui existaient au moment où la demande a été faite" (Oloko, précité, à la p. 601, opinion dissidente du juge Le Dain). Bien qu'en vertu du par. 35(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, l'arbitre ait le pouvoir discrétionnaire d'ajourner, lorsqu'une demande fondée sur le par. 37(1) de la Loi est présentée avant qu'une décision soit rendue sur le fond de l'enquête d'immigration, l'arbitre peut exercer ce pouvoir discrétionnaire et refuser l'ajournement dans les cas où cela ne compromettra pas le droit du requérant à un examen de son cas et à une décision du ministre.

L'intimé allègue que la reconnaissance d'une telle priorité aux demandes de permis du ministre [TRADUCTION] "aurait comme résultat des délais considérables et inutiles" et en définitive [TRADUCTION] "interromprait et paralyserait la tenue d'enquêtes d'immigration". À mon avis, cette prétention n'est pas fondée. Il y a déjà un grand nombre de demandes de permis du ministre faites à différents stades du processus d'immigration. On a mis en place une structure administrative pour examiner ces demandes de la façon la plus efficace possible. Il appert que le ministre a délégué son pouvoir d'émettre des permis à des directeurs de Centres d'Immigration Canada, ce qui accélère la procédure (voir Beeston c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1982), 41 N.R. 260 (C.A.F.)) Dans l'arrêt Widmont, précité, le juge Mahoney a dit à ce sujet à la p. 293: "Rien n'est plus facile ni économique pour le Ministre que d'ordonner à ses fonctionnaires de s'occuper au jour le jour des demandes présentées en vertu de l'article 37 avec diligence et sans que le processus de prise de décision de l'arbitre en souffre, notamment en raison de retards injustifiés". Je partage cette confiance dans la souplesse du système d'immigration et j'ajouterais seulement qu'aucune dépense supplémentaire qui pourrait être requise pour que les structures administratives existantes se conforment à l'intention du Parlement et aux exigences de l'équité administrative ne serait une dépense extravagante étant donné le besoin de dispositions réparatrices, comme l'art. 37, dans un service public conscient des inquiétudes des individus, et en particulier de ceux qui sont dans une situation plus vulnérable.

Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi, d'annuler l'ordonnance d'expulsion rendue contre l'appelante et de renvoyer l'affaire à l'arbitre pour qu'il réexamine la demande d'ajournement.

Pourvoi rejeté, les juges WILSON et L'HEUREUX-DUBÉ sont dissidentes.

Procureurs de l'appelante: Rothe & Co., Vancouver.

Procureur de l'intimé: Le ministère de la Justice, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : [1989] 1 R.C.S. 560 ?
Date de la décision : 23/03/1989

Parties
Demandeurs : Prassad
Défendeurs : Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration)
Proposition de citation de la décision: Prassad c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration), [1989] 1 R.C.S. 560 (23 mars 1989)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1989-03-23;.1989..1.r.c.s..560 ?
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