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30/04/1992 | CANADA | N°[1992]_1_R.C.S._986

Canada | Machtinger c. HOJ Industries Ltd., [1992] 1 R.C.S. 986 (30 avril 1992)


Machtinger c. HOJ Industries Ltd., [1992] 1 R.C.S. 986

Gilles Lefebvre Appelant

c.

HOJ Industries Ltd. Intimée

et entre

Marek Machtinger Appelant

c.

HOJ Industries Ltd. Intimée

Répertorié: Machtinger c. HOJ Industries Ltd.

No du greffe: 21586.

1991: 5 novembre.

Nouvelle audience: 1992: 2 mars; 1992: 30 avril.

Présents: Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de

l'Ontario (1988), 66 O.R. (2d) 545, 55 D.L.R. (4th) 401, 31 O.A.C. 1, 23 C.C.E.L. 77, qui a infirmé des décisions du juge Hollingworth acco...

Machtinger c. HOJ Industries Ltd., [1992] 1 R.C.S. 986

Gilles Lefebvre Appelant

c.

HOJ Industries Ltd. Intimée

et entre

Marek Machtinger Appelant

c.

HOJ Industries Ltd. Intimée

Répertorié: Machtinger c. HOJ Industries Ltd.

No du greffe: 21586.

1991: 5 novembre.

Nouvelle audience: 1992: 2 mars; 1992: 30 avril.

Présents: Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1988), 66 O.R. (2d) 545, 55 D.L.R. (4th) 401, 31 O.A.C. 1, 23 C.C.E.L. 77, qui a infirmé des décisions du juge Hollingworth accordant aux appelants des dommages‑intérêts pour licenciement injustifié. Pourvoi accueilli.

Howard A. Levitt, Constance C. Olsheski et Stacey R. Ball, pour les appelants.

John R. Sproat, pour l'intimée.

//Le juge Iacobucci//

Version française du jugement des juges La Forest, L'Heureux-Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory et Iacobucci rendu par

Le juge Iacobucci — Le présent pourvoi concerne les droits contractuels des employés en cas de renvoi non motivé par leur employeur. Plus précisément, la question est de savoir si, dans un cas où un contrat de travail stipule des périodes de préavis moins longues que le minimum prescrit par la législation applicable en matière de normes d'emploi, en l'occurrence la Loi sur les normes d'emploi, L.R.O. 1980, ch. 137 (la "Loi"), et en l'absence de toute allégation d'iniquité ou d'oppression, un employé a droit à un préavis raisonnable de licenciement ou bien au préavis minimal prévu par la loi. La réponse à cette question revêt une importance considérable pour les employés.

En fait, on a souligné que le droit régissant le licenciement influe fortement sur le bien‑être matériel et psychologique des employés. Voir K. Swinton, "Contract Law and the Employment Relationship: The Proper Forum for Reform", dans B. J. Reiter et J. Swan, dir., Studies in Contract Law (1980) 357, aux pp. 360 et 361 (notes en bas de page supprimées):

[traduction] Le droit applicable au licenciement est évidemment d'une grande importance pour un travailleur, car le degré de sécurité de son emploi tient à la facilité avec laquelle il peut légalement être renvoyé par son employeur. Le licenciement a de graves conséquences financières pour le particulier en ce sens qu'il met fin à la rémunération de ce dernier ainsi qu'à d'autres avantages économiques, plus difficilement quantifiables, tels que l'ancienneté acquise. De plus, les effets pécuniaires du licenciement risquent de se prolonger puisque le motif (s'il en est) invoqué pour cette mesure influera peut‑être sur les possibilités d'obtenir de futurs emplois et sur le droit à des allocations gouvernementales telles que les prestations d'assurance‑chômage. Les effets psychologiques du renvoi sont également importants étant donné les perturbations que causent dans la vie d'une personne la recherche d'un nouvel emploi et l'adaptation à un nouveau milieu.

I. Les faits

Les deux appelants étaient employés de l'intimée HOJ Industries Ltd., une entreprise de vente d'automobiles neuves et d'occasion. L'appelant Marek Machtinger ("Machtinger") a été engagé par l'intimée comme vendeur d'automobiles en 1978. À l'exception d'une période de trois mois en 1980, il a par la suite travaillé pour l'intimée de façon ininterrompue. Le 24 juin 1985, Machtinger a été licencié par l'intimée, qui ne prétend pas que le licenciement était motivé. À ce moment‑là, Machtinger occupait chez l'intimée les postes de directeur du crédit et directeur des ventes de traitements antirouille. Sa rémunération pour sa dernière année complète de travail s'élevait à 85 342,36 $. L'appelant Gilles Lefebvre ("Lefebvre") a lui aussi commencé à travailler pour l'intimée en 1978 et été licencié le 24 juin 1985 L'intimée n'allègue pas dans son cas non plus que le licenciement était motivé. Directeur des ventes de l'intimée au moment de son licenciement, Lefebvre a touché un salaire de 74 220,79 $ pour sa dernière année complète de travail.

Le présent litige porte sur les contrats de travail intervenus entre les appelants et l'intimée. Machtinger a conclu deux contrats avec celle‑ci. Le second, daté du 11 janvier 1985, prévoyait un emploi d'une durée indéterminée. C'est la disposition de licenciement qui est pertinente en l'espèce. Elle est ainsi conçue:

[traduction] Licenciement — L'employeur peut mettre fin à l'emploi à n'importe quel moment, sans préavis, si le renvoi est motivé. Sinon, l'employeur peut mettre fin à l'emploi moyennant un préavis de 0 semaine ou le versement du salaire (prime non comprise) en tenant lieu. La prime, s'il en est, ne se calcule et n'est payée que pour la période allant jusqu'à la date du préavis de licenciement.

Le contrat consiste en un formulaire avec un blanc pour la période de préavis. Ce blanc a été rempli par le chiffre "zéro" inscrit à la main.

Le contrat pertinent entre l'intimée et Lefebvre porte la date du 10 janvier 1985 et vise également une période indéterminée. Sa disposition de licenciement est en tous points identique à celle figurant dans le document signé par Machtinger, à cette seule exception près qu'elle prévoit un préavis de deux semaines dans le cas du licenciement non motivé, c'est‑à‑dire que le mot "deux" a été écrit à la main dans le blanc prévu pour la période de préavis.

Les appelants ont convenu en première instance que, abstraction faite des dispositions de la Loi, les clauses de licenciement étaient valides. Ils ne taxent l'intimée ni d'iniquité ni d'oppression. Après les avoir licenciés, l'intimée a versé à Lefebvre et à Machtinger l'équivalent de quatre semaines de salaire.

II. Les jugements des juridictions inférieures

A. Cour suprême de l'Ontario

Les deux causes ont été entendues par le juge Hollingworth les 9 et 10 avril 1987. Le 9 avril, il a rendu une décision préliminaire sur la norme à appliquer pour déterminer le préavis qu'il convenait de donner dans chaque cas. La question était de savoir si le salaire de quatre semaines tenant lieu de préavis versé à Machtinger et à Lefebvre était suffisant ou s'ils avaient droit à ce qui serait considéré comme un préavis raisonnable en common law.

Le juge Hollingworth a conclu que Lefebvre et Machtinger avaient droit à un préavis raisonnable de licenciement. S'appuyant sur Collins c. Kappele (1983), 3 C.C.E.L. 228, et Pickup c. Litton Business Equipment Ltd. (1983), 3 C.C.E.L. 266, deux décisions de la Cour de comté de l'Ontario, le savant juge de première instance a conclu à l'invalidité des clauses de licenciement contenues dans les deux contrats parce qu'elles ne respectaient pas l'exigence minimale d'un préavis de quatre semaines établie dans la Loi. Pour statuer que les appelants avaient droit à un préavis raisonnable, le juge Hollingworth s'est fondé en outre sur l'art. 6 de la Loi suivant lequel celle‑ci ne porte pas atteinte aux recours civils dont dispose un employé.

Le juge Hollingworth a rendu son jugement oralement le 10 avril 1987. Il a rejeté au départ l'argument selon lequel la période de préavis raisonnable devrait être réduite du fait que les appelants en l'espèce avaient signé des contrats dans lesquels ils acceptaient des périodes de préavis très courtes. Invoquant la décision Pickup, précitée, l'intimée avait fait valoir qu'il convenait de réduire de 25 pour 100 la période de préavis vu que Machtinger et Lefebvre avaient donné leur acquiescement à de très courtes périodes de préavis. Le juge Hollingworth a conclu qu'une distinction pouvait être faite avec la décision Pickup en raison du caractère [traduction] "inique" des clauses de licenciement dont il s'agit en l'espèce.

Suivant la décision Bardal c. Globe & Mail Ltd. (1960), 24 D.L.R. (2d) 140 (H.C. Ont.), le juge Hollingworth a dit que les périodes de préavis raisonnable étaient de 7 mois dans le cas de Machtinger et de 7 mois ½ dans celui de Lefebvre. Il a laissé aux parties le soin de s'entendre sur le montant des dommages‑intérêts.

B. Cour d'appel de l'Ontario, (1988), 66 O.R. (2d) 545

La décision unanime de la Cour d'appel de l'Ontario accueillant l'appel de l'intimée a été rendue par le juge en chef Howland (avec l'appui des juges Goodman et Robins). La Cour d'appel a conclu que, bien que la tentative des parties de stipuler une période de préavis moins longue que le minimum prescrit par la Loi est nécessairement nulle et sans effet, les relations entre les parties et les conditions du contrat constituaient des éléments de preuve dont il est possible de déduire l'intention des parties. Le juge en chef Howland a donc décidé que ces dernières n'ont jamais envisagé un préavis de 7 mois ou de 7 mois ½ (aux pp. 549 et 550):

[traduction] À mon avis, il ne faut pas conclure à l'existence d'une condition implicite selon laquelle un contrat de travail ne peut être résilié que sur préavis raisonnable dans un cas où les parties, au cours d'une certaine période, se sont entendues sur une stipulation portant expressément qu'aucun préavis ne serait donné ou que le préavis serait de deux semaines. Les clauses de licenciement expresses sont nulles et sans effet aux termes de la Loi sur les normes d'emploi, mais la cour dispose d'éléments de preuve touchant les rapports antérieurs entre les parties et établissant l'existence de contrats de travail dont les conditions traduisaient l'accord des volontés des parties. Il n'y a pas lieu dans ces circonstances de conclure à l'existence d'une condition implicite exigeant un préavis raisonnable. Les parties n'ont jamais envisagé un préavis de 7 mois ou de 7 mois ½.

Le juge en chef Howland a dit que la décision Pickup, précitée, était entachée d'erreur et il a fait une distinction d'avec la décision Collins, précitée, puisque dans cette dernière affaire la situation avait tellement changé au cours de la durée de l'emploi du demandeur que [traduction] "le fondement du contrat avait complètement disparu" (à la p. 551).

En l'absence dans les deux contrats d'une condition implicite stipulant un préavis raisonnable, le juge en chef Howland a dit que Machtinger et Lefebvre ne pouvaient bénéficier que des avantages conférés par la Loi. Il a conclu que, comme l'al. 40(1)c) prescrit un préavis minimal de quatre semaines, l'intimée s'est conformée à la Loi en versant à Machtinger et à Lefebvre quatre semaines de salaire tenant lieu de préavis.

III. Les dispositions législatives

Loi sur le normes d'emploi, L.R.O. 1980, ch. 137

1 Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

. . .

"norme d'emploi" Exigence que la présente loi ou les règlements imposent à un employeur dans l'intérêt d'un employé.

2 . . .

(2) La présente loi s'applique à tout contrat de travail, verbal ou écrit, exprès ou implicite:

a)lorsque l'emploi consiste à exécuter un travail ou à rendre des services en Ontario;

b)lorsque l'emploi consiste à exécuter un travail ou à rendre des services en Ontario ainsi qu'à l'extérieur de la province et que le travail exécuté ou les services rendus à l'extérieur de la province sont une prolongation de l'emploi en Ontario.

3 Sous réserve de l'article 4, l'employeur, l'employé ou l'association d'employeurs ou d'employés ne doit pas se soustraire à une norme d'emploi au moyen d'un contrat ou d'une renonciation. Tout acte de ce genre est nul et sans effet.

4 (1) La norme d'emploi est réputée n'être qu'une exigence minimale.

(2) Un droit accordé, un avantage consenti ou une condition d'emploi prévue par un contrat, verbal ou écrit, exprès ou implicite, ou en application d'une autre loi ou en vertu d'une annexe établie, d'une ordonnance rendue ou d'un règlement pris sous l'autorité d'une autre loi, qui prévoit, dans l'intérêt d'un employé, une rémunération en espèces, un droit ou un avantage supérieurs à l'exigence imposée par une norme d'emploi ou un nombre d'heures de travail inférieur à cette exigence, prévaut sur une norme d'emploi.

6 (1) La présente loi ne suspend pas les recours civils dont dispose un employé contre son employeur ni n'y porte atteinte.

40 (1) Aucun employeur ne doit licencier un employé qui travaille pour lui depuis trois mois ou plus à moins de lui donner:

c) un préavis écrit de quatre semaines si sa période d'emploi est de cinq ans ou plus mais de moins de dix ans;

. . .

et avant le terme de la période de ce préavis.

(7) Si un employé est licencié contrairement au présent article:

a)l'employeur lui verse une indemnité de licenciement égale au salaire que l'employé aurait eu le droit de recevoir à son taux normal pour une semaine normale de travail sans heures supplémentaires pendant la période de préavis fixée par le paragraphe (1) [. . .], de même que tout salaire auquel il a droit;

IV. La question en litige

L'unique question qui se pose dans le présent pourvoi est la suivante:

Si un contrat de travail stipule une période de préavis plus courte que celle prescrite par la Loi sur les normes d'emploi, L.R.O. 1980, ch. 137, un employé licencié sans motif a‑t‑il droit à un préavis raisonnable de licenciement ou bien au préavis minimal exigé par la Loi?

V. Analyse

A. Introduction

À première vue du moins, les deux contrats en cause en l'espèce représentent des tentatives de se soustraire aux périodes minimales de préavis prescrites dans la Loi. Dans ces circonstances, la question soulevée par le présent pourvoi est d'une simplicité trompeuse: quelle est l'importance d'une tentative de se soustraire, au moyen d'un contrat, aux exigences minimales quant au préavis posées dans la Loi?

D'après le juge en chef Howland, bien que les conditions du contrat contreviennent à la Loi, elles sont néanmoins pertinentes pour déterminer l'intention des parties quant à la période de préavis. Il a dit en particulier que les conditions des contrats intervenus entre les parties faisaient qu'il n'était ni nécessaire ni convenable que la cour conclue à l'existence d'une condition implicite stipulant un préavis raisonnable. Il s'en est donc tenu à l'intention des parties manifestée par les conditions des contrats intervenus entre elles et a statué que les appelants n'avaient droit qu'au préavis minimal prescrit dans la Loi.

Avec égards, je ne puis souscrire au raisonnement du juge en chef de l'Ontario et j'en suis venu à la conclusion que le pourvoi doit être accueilli. Mon analyse se divise en trois parties. Dans la première, je traite de la présomption de common law selon laquelle un préavis raisonnable est nécessaire pour mettre fin à un contrat de travail pour une durée indéterminée. Dans la deuxième, j'étudie les répercussions de la Loi sur les deux contrats en cause. En dernier lieu, j'examine la question en litige sous l'aspect des considérations de principe.

B. Le préavis raisonnable en common law

Le principe de common law voulant qu'un contrat de travail pour une durée indéterminée ne soit susceptible de résiliation que sur préavis raisonnable a connu une évolution longue et intéressante. En effet, il remonte au moins à 1562, année de l'adoption de la Statute of Artificers, 5 Eliz. 1, ch. 4, qui n'autorisait les employeurs à renvoyer leurs employés que s'ils avaient établi l'existence d'un motif suffisant devant deux juges de paix: voir S. M. Jacoby, "The Duration of Indefinite Employment Contracts in the United States and England: An Historical Analysis" (1982), 5 Comp. Lab. L.J. 85, à la p. 88. Dès le milieu du XIXe siècle, toutefois, les tribunaux anglais commençaient à introduire dans les contrats de travail une condition implicite permettant la résiliation non motivée pourvu que soit donné un préavis raisonnable. Bien qu'il ait été nécessaire au début de prouver dans chaque cas l'incorporation dans le contrat d'une coutume de résiliation sur préavis raisonnable, les tribunaux anglais en sont graduellement venus à accepter l'exigence d'un préavis raisonnable comme faisant implicitement partie du contrat en l'absence d'une preuve contraire: M. R. Freedland, The Contract of Employment (1976), aux pp. 151 à 154. Au Canada, il est constant depuis au moins 1936 qu'un contrat de travail pour une période indéterminée impose à l'employeur, à moins que le contrat ne stipule expressément le contraire, l'obligation de donner un préavis raisonnable de son intention de le résilier s'il s'agit d'un licenciement non motivé: Carter c. Bell & Sons (Canada) Ltd., [1936] O.R. 290 (C.A.).

Au cours des débats devant nous, les parties se sont étendues longuement sur la question du droit régissant les conditions implicites dans les contrats. Elles se sont attardées en particulier sur la pertinence de l'intention des parties relativement à une condition implicite de préavis raisonnable de licenciement dans les contrats de travail. Le rapport entre l'intention et l'existence de conditions implicites est complexe et j'estime pour ma part que le présent pourvoi peut et doit être tranché sur un fondement plus étroit. Donc, aux fins du pourvoi, je qualifierais de présomption le principe de common law voulant qu'il ne puisse y avoir licenciement que sur préavis raisonnable. Cette présomption est susceptible de réfutation si le contrat de travail prévoit clairement, de façon expresse ou implicite, une autre période de préavis.

Tel est le point de vue adopté par Freedland, op. cit., qui affirme que [traduction] "le contrat type généralement accepté et appliqué par les tribunaux de nos jours en l'absence d'une preuve contraire est celui qui prévoit un emploi d'une durée indéterminée et qui est résiliable par l'une ou l'autre partie sur préavis raisonnable, mais seulement sur préavis raisonnable" (p. 153). C'est le point de vue qu'a adopté également la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt Prozak c. Bell Telephone Co. of Canada (1984), 46 O.R. (2d) 385. Au nom de la cour, le juge Goodman a noté, à la p. 399, que [traduction] "si un contrat de travail ne contient pas de stipulation expresse ou manifestement implicite quant à sa durée ou à sa résiliation, il sera probablement présumé en common law être d'une durée indéterminée et résiliable par l'une ou l'autre partie sur préavis raisonnable . . ." C'est essentiellement l'opinion exprimée également par I. Christie dans Employment Law in Canada (1980), à la p. 347.

Quant à savoir ce qui constitue un préavis raisonnable, cela varie en fonction des circonstances de chaque cas. L'énumération le plus souvent citée des facteurs applicables à l'appréciation du caractère raisonnable du préavis est celle faite par le juge en chef McRuer dans la décision Bardal, précitée, à la p. 145:

[traduction] Il est impossible de préciser ce qui constitue un préavis raisonnable dans des catégories particulières de cas. Le caractère raisonnable du préavis est à déterminer au cas par cas, eu égard à la nature de l'emploi, à la durée du service de l'employé, à l'âge de celui‑ci et à la possibilité d'obtenir un poste analogue compte tenu de l'expérience, de la formation et des compétences de l'employé.

Pour déterminer ce qui constituerait un préavis raisonnable dans le cas des deux appelants en l'espèce, le juge Hollingworth s'est référé aux facteurs énumérés dans la décision Bardal. La conclusion à laquelle il est arrivé sur ce point n'est pas contestée dans le présent pourvoi.

C. La Loi sur les normes d'emploi

Les appelants et l'intimée ont reconnu que, n'eussent été les effets possibles de la Loi, la question de la validité des contrats de travail en cause ne se serait pas posée. La présomption de common law selon laquelle un contrat de travail pour une période indéterminée n'est résiliable que sur préavis raisonnable aurait été réfutée par les stipulations claires des contrats prévoyant des périodes de préavis plus courtes. Mais quel est l'effet de la Loi?

La Loi prescrit des périodes minimales obligatoires de préavis. La disposition applicable aux appelants figure à l'al. 40(1)c) de la Loi, qui oblige un employeur à donner à un employé qui travaille pour lui depuis cinq ans ou plus mais moins de dix ans un préavis de licenciement de quatre semaines. Aux termes de l'al. 40(7)a), s'il ne donne pas le préavis prescrit, l'employeur doit verser à l'employé une indemnité de licenciement égale à son salaire normal pendant la période de préavis.

De plus, il se dégage nettement des art. 4 et 6 de la Loi que les périodes minimales de préavis qu'elle établit ne jouent pas de manière à écarter la présomption de common law relative au préavis raisonnable. L'article 6 de la Loi dispose que celle‑ci ne porte pas atteinte au droit d'un employé d'exercer un recours civil contre son employeur. Suivant le par. 4(2), "un droit accordé, un avantage consenti ou une condition d'emploi prévue par un contrat" qui confère à l'employé un avantage supérieur aux normes énoncées dans la Loi prévaut sur celles‑ci. Je conclus sans hésitation que la présomption de common law relative au préavis raisonnable constitue un "avantage" qui, si la période de préavis exigée par la common law dépasse celle prescrite par la Loi, prévaudra, à supposer qu'elle soit par ailleurs applicable, sur la période de préavis fixée dans la Loi. Tout doute pouvant subsister sur cette question est levé par le par. 4(1) de la Loi, qui porte expressément que les normes d'emploi énoncées dans la Loi sont réputées n'être que des exigences minimales.

La question soulevée par le présent pourvoi est de savoir dans quelle mesure il convient d'appliquer une condition d'un contrat de travail qui ne respecte pas les exigences minimales quant au préavis posées dans la Loi. Une telle condition peut‑elle écarter la présomption de common law d'un préavis raisonnable? Les articles 3 et 4 de la Loi jouent de manière à rendre "nul[le] et sans effet" toute tentative de se soustraire aux normes d'emploi minimales établies dans la Loi en stipulant dans le contrat des avantages inférieurs à ces normes minimales. Or, on tente effectivement dans les deux contrats en cause de se soustraire à l'exigence quant au préavis minimal, établie à l'al. 40(1)c) de la Loi, en prévoyant des périodes de préavis moins longues que le minimum légal. Par conséquent, ni l'un ni l'autre contrat n'est conforme à l'exigence posée à l'art. 3 de la Loi, si bien que les dispositions des deux contrats fixant les périodes de préavis sont "nulles et sans effet".

L'intimée a convenu au cours des débats que la tentative de se soustraire à l'application des dispositions de la Loi était "nulle et sans effet", mais a fait valoir que les documents devraient être considérés comme établissant [traduction] "que les contrats conclus traduisaient clairement l'intention des parties relativement au préavis de licenciement". Je ne puis retenir cet argument. Dans l'affaire Rover International Ltd. c. Cannon Film Sales Ltd., [1989] 1 W.L.R. 912, la Cour d'appel était saisie du cas d'un contrat qui était nul en totalité. Le lord juge Kerr a refusé de recourir aux conditions du contrat pour limiter la somme pouvant être accordée à l'appelante pour la valeur des services rendus (à la p. 928):

[traduction] . . . si nous acceptions de fixer un "plafond" en l'espèce, cela aurait des conséquences d'une grande portée qui seraient peu souhaitables dans d'autres situations, avec lesquelles il serait impossible en principe de faire de distinction. Il s'ensuivrait donc qu'il serait toujours possible de demander un examen de la situation des parties à un contrat entaché de nullité ou à un contrat qui devient par la suite inopérant. Or, nous savons qu'il n'en est pas ainsi dans le cas de contrats devenus inexécutables, lesquels relèvent de la Law Reform (Frustrated Contracts) Act 1943. De nombreuses difficultés en résulteraient si l'approche était différente pour les contrats qui sont nuls ab initio. Par analogie avec l'argument avancé [par l'intimée] en l'espèce, on pourrait alors demander à la cour, chaque fois qu'elle a à décider s'il est équitable d'accorder la restitution, d'analyser ou de tenter de prévoir les situations relatives des parties à un contrat hypothétiquement inexistant. C'est là une thèse qui ne séduit guère et pour laquelle je ne vois aucune justification, que ce soit dans les principes ou dans la jurisprudence ou la doctrine.

En l'espèce, il ne s'agit pas d'un contrat nul en totalité, mais plutôt d'un contrat dont une clause est rendue nulle et sans effet par le jeu d'une loi. J'appliquerais néanmoins le raisonnement du lord juge Kerr, savoir: si une condition est nulle et sans effet, elle l'est à toutes les fins et ne peut servir de preuve de l'intention des parties. Si ces dernières ont eu l'intention de passer un contrat illégal, il est impossible de tirer de leur intention une stipulation contractuelle licite. Dans l'affaire Erlund c. Quality Communication Products Ltd. (1972), 29 D.L.R. (3d) 476 (B.R. Man.), le juge Wilson se trouvait en présence d'un contrat de travail frappé de nullité aux termes de la Statute of Frauds. S'appuyant sur l'arrêt James c. Thomas H. Kent & Co., [1950] 2 All E.R. 1099 (C.A.), le juge Wilson a dit qu'en l'absence d'un contrat valide, il ne pouvait que conclure à l'existence d'une condition implicite selon laquelle l'employé avait droit à un préavis raisonnable.

De plus, comme la Loi déclare nulles et sans effet les dispositions relatives au préavis contenues dans les contrats en cause, il me semble que la question à se poser pour déterminer l'intention des parties est de savoir ce qu'elles ont envisagé pour le cas où les dispositions concernant le préavis seraient jugées nulles et sans effet. Or, nous ne disposons tout simplement pas d'éléments de preuve permettant de répondre à cette question. Dans l'affaire Suleman c. British Columbia Research Council (1989), 38 B.C.L.R. (2d) 208, dont les faits s'apparentent à ceux de la présente espèce, le juge Lysyk a conclu qu'il n'y avait pas d'éléments de preuve établissant l'intention des parties face aux normes d'emploi minimales auxquelles l'employeur était tenu de se conformer. Le juge Lysyk étudiait l'effet du par. 2(1) de la Employment Standards Act, S.B.C. 1980, ch. 10, dont le texte présente une très grande ressemblance avec celui de l'art. 3 de la loi en cause. Il a tiré la conclusion suivante, à la p. 214:

[traduction] Je ne vois dans la preuve produite en l'espèce rien qui justifie la conclusion que les parties, pour peu qu'elles se soient penchées sur la question, auraient convenu de substituer à la condition du contrat entachée de nullité le préavis minimal prescrit par la loi plutôt que de retenir la norme du préavis raisonnable découlant de la common law.

D. Considérations de principe

J'aborde en dernier lieu les considérations de principe qui se rapportent à la question en litige dans le présent pourvoi. Bien que cette question puisse paraître de portée étroite, elle n'en est pas moins importante vu le rôle capital que joue le travail dans notre société. Comme le fait remarquer le juge en chef Dickson dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, à la p. 368:

Le travail est l'un des aspects les plus fondamentaux de la vie d'une personne, un moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. L'emploi est une composante essentielle du sens de l'identité d'une personne, de sa valorisation et de son bien‑être sur le plan émotionnel.

Ce à quoi j'ajouterais non seulement que le travail est un élément fondamental de l'identité d'une personne, mais aussi que la façon dont il peut être mis fin à un emploi revêt tout autant d'importance.

L'article 10 de la Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, dispose que toute loi "est réputée réparatrice" et doit "faire l'objet d'une interprétation large, juste et libérale, afin d'assurer la réalisation de son objet selon son sens, son intention et son esprit véritables". En l'espèce, la Loi a pour objet de protéger les intérêts des employés en exigeant que les employeurs respectent certaines normes minimales, notamment en ce qui concerne les périodes minimales de préavis de licenciement. Pour citer les propos tenus par le juge Conant de la Cour de comté dans l'affaire Pickup, précitée, à la p. 274, [traduction] "l'objet général de ce texte législatif [c.‑à‑d. la Loi] est la protection des employés et il établit à cet effet des normes minimales qui sont raisonnables, équitables et uniformes". Le mal que la Loi vise à réparer est le suivant: dans bien des cas, les employés en tant qu'individus, et en particulier les employés non syndiqués, ne traitent pas d'égal à égal avec leurs employeurs. Ainsi que l'affirme Swinton, op. cit., à la p. 363:

[traduction] . . . il est rare que les conditions d'un contrat de travail résultent de l'exercice du pouvoir de négocier librement selon le modèle des échanges commerciaux entre deux commerçants. D'une manière générale, les employés, pris individuellement, n'ont ni le pouvoir de négociation ni les renseignements nécessaires pour obtenir dans leurs contrats des conditions plus avantageuses que celles offertes par l'employeur, surtout relativement à la permanence.

Par conséquent, une interprétation de la Loi qui encouragerait les employeurs à se conformer aux exigences minimales de celle‑ci et qui ferait ainsi bénéficier de sa protection le plus grand nombre d'employés possible est à préférer à une interprétation qui n'a pas un tel effet. À cet égard, il est d'importance capitale que, dans le contexte du travail, bien des employés ignorent leurs droits découlant de la loi et de la common law. Comme le dit B. Etherington dans "The Enforcement of Harsh Termination Provisions in Personal Employment Contracts: The Rebirth of Freedom of Contract in Ontario" (1990), 35 R.D. McGill 459, à la p. 468, [traduction] "la majorité des employés non syndiqués ne s'attendraient même pas à un préavis raisonnable de licenciement et nombre d'entre eux seraient étonnés d'apprendre que leur emploi ne tient pas qu'au bon plaisir de l'employeur".

Si, en ne se conformant pas aux prescriptions de la Loi relatives aux périodes minimales de préavis, les employeurs ne risquent pas d'encourir d'autre sanction qu'une ordonnance les obligeant à respecter les exigences minimales de la Loi, ils auront fort peu intérêt à conclure avec leurs employés des contrats conformes à la Loi. Comme l'indiquent Swinton et Etherington, la plupart des employés ne connaissent pas leurs droits ou bien ne veulent ou ne peuvent se donner la peine de les faire valoir ou en supporter les frais. Les employeurs peuvent compter sur le fait que bon nombre d'employés ne contesteront pas les dispositions contractuelles relatives au préavis qui vont en réalité à l'encontre de la législation en matière de normes d'emploi. Les employeurs comme l'intimée en l'espèce peuvent stipuler dans leurs contrats avec leurs employés des périodes de préavis moins longues que le minimum prévu dans la Loi, sachant que seuls les employés qui exercent des poursuites judiciaires à la suite de leur licenciement bénéficieront en fait de la protection des dispositions de la Loi touchant le préavis minimal.

À mon avis, une approche qui s'accorderait davantage avec les objets de la Loi est celle voulant que, dans un cas où le contrat de travail ne respecte pas les exigences minimales de la Loi touchant le préavis, la présomption relative au préavis raisonnable n'aura pas été détruite. Les employeurs auront alors intérêt à se conformer à la Loi afin d'éviter les périodes de préavis peut‑être plus longues prescrites par la common law, ce qui aura pour conséquence qu'un plus grand nombre d'employés pourront bénéficier des exigences minimales en matière de préavis. Cette approche est en outre plus conforme avec l'intention du législateur exprimée à l'art. 6 de la Loi, qui maintient expressément les recours civils dont dispose par ailleurs un employé contre son employeur.

Il s'agit d'une approche qui, de plus, protège les employés sans grever démesurément les employeurs. En l'absence d'iniquité, un employeur a toute latitude pour conclure avec ses employés des contrats qui comprennent par renvoi les périodes minimales de préavis établies dans la Loi ou qui tiennent de quelque autre manière compte de modifications subséquentes de la Loi ou de ses dispositions relatives au droit des employés à un préavis. Ces clauses contractuelles sur le préavis suffiraient pour renverser la présomption selon laquelle le contrat est résiliable sans motif seulement sur préavis raisonnable. C'est ce que reconnaît le juge Lysyk dans la décision Suleman, précitée, à la p. 214:

[traduction] L'employeur désireux de se soustraire à l'obligation de donner un préavis plus long ou de verser une indemnité de licenciement plus élevée que ce qu'exige la loi peut facilement inclure dans le contrat une clause ayant pour effet de transformer en plafond le seuil fixé par la loi. En l'espèce, cependant, l'employeur a rédigé une condition qui n'est tout simplement pas conforme à la loi. Dans ce cas, on voit mal pourquoi l'employé devrait être mis dans une situation pire que celle où il se serait trouvé s'il n'y avait rien dans le contrat concernant le préavis de licenciement.

Signalons en dernier lieu que la Loi fixe ce que le législateur provincial considère comme des périodes minimales équitables de préavis. La Loi vise notamment à assurer aux employés qu'ils ne seront pas licenciés injustement. Or, en l'espèce, l'employeur a tenté d'établir dans ses contrats avec ses employés des périodes de préavis plus courtes que les périodes minimales jugées équitables par le législateur. Vu cette tentative, délibérée ou non, de la part de l'employeur de contrecarrer l'intention du législateur, on aurait tort de lui permettre de se prévaloir de dispositions législatives destinées à protéger les employés et de dénier en conséquence à ces derniers le droit à un préavis raisonnable que leur reconnaît la common law.

VI. Conclusion et dispositif

Je conclus que l'interprétation littérale des art. 3, 4 et 6 de la Loi et l'examen des objets de celle‑ci conduisent au même résultat: lorsqu'un contrat de travail n'accorde pas la période minimale de préavis prescrite dans la Loi, l'employé ne peut être licencié sans motif que moyennant un préavis raisonnable de licenciement.

Par conséquent, le pourvoi doit être accueilli, la décision de la Cour d'appel de l'Ontario doit être infirmée et le jugement du juge Hollingworth rétabli. Les appelants ont droit à leurs dépens dans toutes les cours.

J'ai eu l'avantage de lire les motifs de ma collègue le juge McLachlin. Je souhaite simplement ajouter que, bien que je souscrive à sa conclusion, je ne crois ni nécessaire ni souhaitable pour trancher le présent pourvoi de réexaminer l'arrêt Société hôtelière Canadien Pacifique Ltée c. Banque de Montréal, [1987] 1 R.C.S. 711.

//Le juge McLachlin//

Version française des motifs rendus par

Le juge McLachlin — Comme mon collègue le juge Iacobucci, j'estime que l'arrêt de la Cour d'appel doit être infirmé et que les demandeurs ont droit à un préavis raisonnable en dépit des stipulations contraires des contrats. Bien que je souscrive pour l'essentiel à l'avis de mon collègue, je diverge d'opinion sur un point que je tiens pour crucial. Selon moi, en effet, le règlement du présent litige nécessite qu'on examine les principes de droit régissant les conditions implicites des contrats et, en particulier, l'importance à attacher à l'intention des parties pour déterminer la condition implicite à déduire dans un cas comme celui dont nous sommes saisis en l'espèce. Voilà, d'après ce que j'ai pu retirer des arguments et des décisions des juridictions inférieures, ce qui est au c{oe}ur du débat devant nous.

La cause d'action invoquée par les demandeurs est l'inexécution du contrat, plus précisément, d'un contrat de travail. Pour obtenir gain de cause, chaque demandeur doit établir: a) l'existence dans le contrat d'une condition lui donnant droit à un préavis raisonnable de licenciement, et b) la violation de cette condition par l'employeur. C'est là un obstacle que le juge Iacobucci prétend contourner en affirmant que le litige peut être tranché sur le fondement plus étroit d'une "présomption". Mais, pour qu'elle puisse être utile aux demandeurs, il doit s'agir d'une présomption de l'existence dans le contrat d'une condition stipulant un préavis raisonnable, sans quoi les demandeurs n'ont aucune cause d'action. En d'autres termes, une présomption n'est rien d'autre qu'une technique en matière de preuve qui permet d'établir les éléments d'une cause d'action. La présomption ne peut constituer en soi un tel élément. Par conséquent, toute tentative d'éluder la question des conditions implicites n'est qu'illusoire, à mon avis.

La difficulté sur laquelle ont buté les demandeurs vient de ce que les contrats intervenus entre eux et leur employeur stipulaient expressément qu'ils n'avaient droit, dans le cas de Machtinger, à aucun préavis, et, dans celui de Lefebvre, qu'à un préavis de deux semaines. Le premier problème consiste donc à écarter cette condition, ce que fait la Loi sur les normes d'emploi, L.R.O. 1980, ch. 137, dont le par. 40(1) prévoit pour les circonstances de l'espèce un préavis minimal de quatre semaines. Comme l'explique le juge Iacobucci, les art. 3 et 4 de la Loi rendent nulle et sans effet la stipulation d'un préavis plus court. Il en résulte donc que le contrat ne renferme aucune condition relative au préavis de licenciement.

En droit, devant le mutisme du contrat quant à la période du préavis de licenciement, le tribunal introduit une stipulation implicite à ce sujet. Mais quelle devrait être la période du préavis ainsi introduit? Les avis des juridictions inférieures ont divergé sur ce point. Le juge de première instance a dit qu'il doit s'agir d'un "préavis raisonnable" et, d'après lui, le préavis raisonnable est celui qui est généralement juste dans les circonstances, sans réduction tenant compte du fait que les parties ont manifesté dans leurs contrats l'intention de n'accorder aux demandeurs aucun préavis ou de ne leur accorder qu'un court préavis. Le préavis raisonnable, a‑t‑il conclu, était de 7 mois dans le cas de Machtinger et de 7 mois ½ dans celui de Lefebvre.

La Cour d'appel, par contre, a estimé que la condition implicite doit refléter l'intention des parties. Puisque ces dernières n'ont jamais envisagé un préavis de 7 mois à 7 mois ½, la cour leur a imposé la période qui, dans les limites établies par la Loi, traduisait le mieux leur intention, soit en l'occurrence quatre semaines.

La véritable question est donc la suivante: en l'absence, dans un contrat de travail, d'une condition juridiquement valable stipulant un préavis de licenciement, sur quoi un tribunal doit‑il se fonder pour introduire une condition implicite quant à la période de préavis et, en particulier, dans quelle mesure l'intention doit‑elle être prise en considération pour établir dans un tel contrat une condition implicite prévoyant un préavis raisonnable?

C'est une question à laquelle il est impossible de répondre sans examiner les principes de droit régissant les conditions implicites. L'intention des parties contractantes est pertinente pour la détermination de certaines conditions implicites, mais non de toutes. Elle est pertinente dans le cas de conditions implicites découlant des faits, c'est‑à‑dire lorsque la question est de savoir ce que les parties auraient stipulé si, au moment de la passation du contrat, leur attention avait été attirée sur cette question. L'intention n'a toutefois aucune pertinence relativement aux conditions implicites en droit. Sur la distinction entre les différents types de conditions implicites, voir Treitel, The Law of Contract, (7e éd. 1987), aux pp. 158 à 165 (où elles sont divisées en trois catégories, à savoir: les conditions implicites découlant des faits, les conditions implicites en droit et les conditions implicites en vertu de la coutume ou de l'usage); voir en outre l'arrêt Société hôtelière Canadien Pacifique Ltée c. Banque de Montréal, [1987] 1 R.C.S. 711.

L'exigence d'un préavis raisonnable dans les contrats de travail entre dans la catégorie des conditions implicites en droit: Allison c. Amoco Production Co., [1975] 5 W.W.R. 501 (C.S. Alb.), aux pp. 508 et 509, le juge MacDonald. Elle ne tient ni à la coutume ni à l'usage, quoique ces éléments puissent entrer en ligne de compte dans la détermination de la nature et de la portée de l'obligation légale imposée. Cette exigence n'entre pas davantage dans la catégorie des conditions implicites découlant des faits, c'est‑à‑dire qu'elle ne relève pas des cas où le droit prévoit une condition que les parties ont omis de stipuler, mais dont elles ont manifestement supposé l'inclusion.

L'introduction dans les contrats de travail de conditions implicites exigeant un préavis raisonnable dépend plutôt de plusieurs facteurs, qui sont

[traduction] . . . à déterminer au cas par cas, eu égard à la nature de l'emploi, à la durée du service de l'employé, à l'âge de celui‑ci et à la possibilité d'obtenir un poste analogue compte tenu de l'expérience, de la formation et des compétences de l'employé.

(Bardal c. Globe & Mail Ltd. (1960), 24 D.L.R. (2d) 140 (H.C. Ont.), à la p. 145, le juge en chef McRuer.)

Ces considérations déterminent la période du préavis de licenciement qu'il convient de fixer. Elles ne sont pas fonction de l'intention des parties contractantes. De fait, certaines d'entre elles — la durée du service et les possibilités d'emploi, par exemple — sont habituellement inconnues lors de la passation du contrat. Aussi la période de préavis que fixe le tribunal constitue‑t‑elle, pour reprendre l'expression employée par Treitel, à la p. 162, un [traduction] "accessoire juridique" d'un type particulier de relations contractuelles.

À mon avis, cette analyse concorde parfaitement avec l'arrêt de notre Cour Société hôtelière CP, précité, où le juge Le Dain a étudié les fondements de l'introduction d'une condition implicite dans un contrat. La première catégorie mentionnée comprend les conditions implicites en vertu de la coutume ou de l'usage. L'introduction d'une condition implicite sur ce fondement n'est possible que s'il existe une preuve justifiant la conclusion que les parties contractantes auraient jugé applicable la coutume ou l'usage en question. Lorsque des conditions sont introduites de cette façon, elles sont fondées sur une intention présumée. Quant à la deuxième catégorie, elle englobe les conditions implicites dont l'introduction est nécessaire pour conférer à un contrat une efficacité commerciale. Il s'agit de conditions dont l'inclusion aurait manifestement été tenue pour acquise par les parties à un contrat donné. Par conséquent, elles y sont également introduites sur le fondement d'une intention présumée et, parmi les catégories de Treitel, elles correspondent aux conditions implicites découlant des faits.

C'est la dernière catégorie de conditions implicites examinée dans l'arrêt Société hôtelière CP, précité, qui s'applique en l'espèce. Ces conditions sont celles dont l'introduction n'est pas fondée sur une intention présumée mais qui sont introduites "en tant qu'accessoires juridiques d'une catégorie ou d'un type particuliers de contrats, dont la nature et la teneur doivent d'une manière générale être définies par déduction" (à la p. 776). Parmi les catégories de Treitel, elles correspondent aux conditions implicites en droit.

S'appuyant sur l'arrêt qu'a rendu la Chambre des lords dans l'affaire Liverpool City Council c. Irwin, [1977] A.C. 239, le juge Le Dain a indiqué que la nécessité est le critère à retenir dans le cas de conditions implicites en droit. Or, l'examen de cet arrêt permet de dégager le sens à prêter au terme "nécessité" dans ce contexte. Il s'agit là d'une affaire dans laquelle la Chambre des lords s'est attachée à écarter le critère pour l'introduction de telles conditions proposé par le maître des rôles lord Denning dans ses motifs de dissidence en Cour d'appel, critère suivant lequel il serait loisible à un tribunal d'introduire sur le fondement du droit toute condition qu'il juge [traduction] "raisonnable", notamment en anticipant sur les recommandations de réforme des lois que formuleraient des commissions de réforme du droit: Liverpool City Council c. Irwin, [1976] 1 Q.B. 319 (C.A.). Voilà qui, a estimé la Chambre des lords, semblait [traduction] "nettement déborder, et ce dans une mesure peu souhaitable, le cadre des sains principes jurisprudentiels" (à la p. 254, lord Wilberforce). Il y avait donc lieu d'appliquer plutôt, d'après lord Wilberforce, le critère selon lequel [traduction] "le contrat ne doit être interprété comme comportant une telle obligation que si la nature du contrat lui‑même l'exige implicitement, ni plus ni moins: en d'autres termes, un critère de nécessité" (à la p. 254).

Le critère adopté par la Chambre des lords dans l'arrêt Liverpool City Council pour déterminer s'il y a "nécessité" ne consiste pas à se demander si la condition est "nécessaire" à l'existence même du contrat. Les lords juges ont été unanimes à approuver l'introduction dans un contrat de location d'une condition implicite imposant au propriétaire l'obligation de voir à l'entretien des parties communes de l'immeuble. Bien que le contrat de location aurait pu être valide sans cette condition, elle était nécessaire dans la pratique pour assurer l'équité du contrat, étant donné les rapports entre les parties. Comme l'a dit le juge Cons dans l'affaire Tai Hing Cotton Mill Ltd. c. Liu Chong Hing Bank Ltd., [1984] 1 Lloyd's Rep. 555 (C.A. Hong Kong), la Chambre des lords a adopté un [traduction] "point de vue . . . pratique à l'égard de la nécessité" (à la p. 560). Notons que, si le Conseil privé a fini par rejeter la conclusion du juge Cons, il a expressément approuvé la méthode analytique employée par celui‑ci: [1986] A.C. 80, aux pp. 104 et 105.

Lord Wilberforce, se fondant sur l'arrêt antérieur rendu par la Chambre des lords dans l'affaire Lister c. Romford Ice and Cold Storage Co., [1957] A.C. 555, a affirmé que pour déterminer ce qui est nécessaire il faut tenir compte de [traduction] "la nature intrinsèque d'un contrat et des relations créées par lui" (aux pp. 254 et 255). Comme l'a affirmé le vicomte Simonds dans la même affaire, la question est de savoir si la condition implicite que l'on cherche à introduire constitue un [traduction] "élément nécessaire" des relations contractuelles. Le vicomte Simonds s'exprime ainsi:

[traduction] . . . la question véritable à ce moment‑là n'est pas de savoir quels termes implicites peuvent être insérés dans un contrat entre deux individus qui sont réputés avoir conclu un marché relativement à une opération ou à une affaire particulière; il faut plutôt adopter un point de vue plus large, car il s'agit d'une question générale qui, si elle n'est pas à proprement parler une question de statut, ne peut néanmoins recevoir une réponse qu'au moyen d'une étude des rapports qui existent généralement entre les chauffeurs de véhicules automobiles et leurs employeurs. De même qu'on impose à l'employé une obligation de diligence, considérée à juste titre comme découlant d'un contrat, ou l'obligation de ne pas divulguer des renseignements confidentiels, ou l'obligation de ne pas trahir des procédés secrets, et de même qu'on impose à l'employeur l'obligation de ne pas exiger de son employé qu'il commette un acte illégal, de même il faut répondre à la question de savoir si, dans le monde d'aujourd'hui, il est un élément nécessaire des relations entre employeur et employé que l'employeur doit, pour s'exprimer d'une manière très familière, s'occuper de toute la question de l'assurance. [À la p. 576, références omises.]

De même, la question que se sont posée les tribunaux est celle de savoir si, dans le monde d'aujourd'hui, il est un élément nécessaire des relations entre employeur et employé que l'employeur se voit imposer l'obligation contractuelle de donner à l'employé un préavis raisonnable de licenciement. La réponse à cette question a été un "oui" retentissant. Je souscris à l'observation suivante de Treitel concernant le critère de nécessité énoncé dans l'arrêt Liverpool City Council: [traduction] "avec égards, il est difficile de voir quelle différence il peut y avoir entre, d'une part, invoquer la nécessité pour assortir un contrat d'un accessoire juridique et, d'autre part, imposer une obligation" (à la p. 162). Selon moi, lorsque le droit impose depuis bien des années une obligation légale aux parties contractantes, comme il le fait par l'introduction d'une condition implicite obligeant les employeurs à donner aux employés un préavis raisonnable de licenciement, cette obligation a de toute évidence été jugée "nécessaire" au sens où l'entendent la Chambre des lords dans l'arrêt Liverpool City Council et notre Cour dans l'arrêt Société hôtelière CP.

Dans cette optique, l'erreur de la Cour d'appel a consisté à qualifier de condition implicite découlant des faits une condition qui est, à juste titre, implicite en droit. Cela a amené la cour à rechercher l'intention des parties telle qu'elle se dégage des relations entre ces dernières et des conditions relatives au préavis (maintenant nulles et sans effet) de leurs contrats de travail, afin de déterminer la période de préavis qu'il fallait sous‑entendre. Puisque les parties avaient stipulé moins qu'un préavis raisonnable de licenciement, la cour a statué qu'il ne conviendrait pas d'introduire dans les contrats une condition implicite exigeant un préavis raisonnable et a dit que les demandeurs n'avaient droit qu'aux périodes minimales de préavis prescrites par la Loi.

La question en litige ne concerne toutefois pas l'intention des parties, mais porte sur l'obligation légale de l'employeur, implicite en droit à titre d'accessoire nécessaire de ce type de contrat. Cette obligation ne peut être écartée que par un accord exprès à cet effet: voir Sterling Engineering Co. c. Patchett, [1955] A.C. 534 (H.L.), aux pp. 543 et 544, le vicomte Simonds, et à la p. 547, lord Reid, ainsi que Treitel, op. cit., aux pp. 161 et 162. Comme il n'y a pas de tel accord en l'espèce, ce que les parties ont convenu relativement au préavis ayant été rendu nul et sans effet par la Loi, la condition implicite d'un préavis raisonnable découlant du droit n'est pas écartée et sera en conséquence imposée par la cour.

Je suis d'avis de trancher le pourvoi de la manière proposée par le juge Iacobucci.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs des appelants: Howard Levitt & Associates, Toronto.

Procureurs de l'intimée: Miller, Thomson, Toronto.


Synthèse
Référence neutre : [1992] 1 R.C.S. 986 ?
Date de la décision : 30/04/1992
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit du travail - Licenciement non motivé - Préavis - Contrats de travail stipulant des périodes de préavis plus courtes que le minimum prescrit par la loi - Stipulations contractuelles nulles et sans effet - Les employés ont‑ils droit à un préavis raisonnable ou au minimum légal? - Loi sur les normes d'emploi, L.R.O. 1980, ch. 137, art. 3, 4, 6, 40(1)c), 7a).

Les deux appelants ont commencé à travailler pour l'intimée, un concessionnaire d'automobiles, en 1978. En 1985, ils ont été licenciés sans motif. Au moment des licenciements, M était directeur du crédit et directeur des ventes de traitements antirouille, tandis que L occupait le poste de directeur des ventes. Chacun avait conclu un contrat prévoyant un emploi d'une durée indéterminée, qui renfermait une clause permettant à l'intimée de procéder au licenciement non motivé, dans le cas de M sans préavis et, dans celui de L sur préavis de deux semaines. Aux termes de la Loi sur les normes d'emploi de la province, les appelants avaient droit à un préavis minimal de quatre semaines. Après les avoir licenciés, l'intimée a versé à chacun d'eux l'équivalent de quatre semaines de salaire. Le juge de première instance a accordé aux appelants des dommages‑intérêts pour licenciement injustifié. Il a conclu qu'ils avaient droit à un préavis raisonnable de licenciement et que la période du préavis était de 7 mois dans le cas de M et de 7 mois ½ dans le cas de L. Les jugements ont été infirmés par la Cour d'appel, qui a déclaré nulles et sans effet les stipulations contractuelles relatives au préavis, mais a dit qu'elles pouvaient néanmoins servir de preuve de l'intention des parties. Puisqu'une stipulation selon laquelle les contrats ne pouvaient être résiliés que sur préavis raisonnable allait à l'encontre de l'intention exprimée par les parties, la Cour d'appel a conclu que les appelants ne pouvaient bénéficier que des avantages conférés par la Loi et que l'intimée s'était conformée à celle‑ci en leur versant quatre semaines de salaire tenant lieu de préavis.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory et Iacobucci: Un contrat de travail pour une période indéterminée impose à l'employeur, à moins que le contrat ne stipule expressément le contraire, l'obligation de donner un préavis raisonnable de son intention de le résilier s'il s'agit d'un licenciement non motivé. Aux fins du pourvoi, ce principe de common law voulant qu'il ne puisse y avoir licenciement que sur préavis raisonnable doit être qualifié de présomption. Cette présomption est susceptible de réfutation si le contrat de travail prévoit clairement, de façon expresse ou implicite, une autre période de préavis. Quant à savoir ce qui constitue un préavis raisonnable, cela varie en fonction des circonstances de chaque cas et dépend de la nature de l'emploi, de la durée du service de l'employé, de l'âge de celui‑ci et de la possibilité d'obtenir un poste analogue compte tenu de l'expérience, de la formation et des compétences de l'employé.

Ni les périodes minimales de préavis établies par la Loi sur les normes d'emploi ni les stipulations des deux contrats de travail ne jouent de manière à écarter la présomption de common law d'un préavis raisonnable. L'article 6 dispose que la Loi ne porte pas atteinte au droit d'un employé d'exercer un recours civil contre son employeur, et, suivant le par. 4(2), un "droit accordé, un avantage consenti ou une condition d'emploi prévue par un contrat" qui confère à l'employé un avantage supérieur prévaut sur les normes énoncées dans la Loi. Les articles 3 et 4 de la Loi opèrent de manière à rendre "nul[le] et sans effet" toute tentative de se soustraire aux normes d'emploi minimales établies dans la Loi en stipulant dans le contrat des avantages inférieurs. Or, les deux contrats en cause prévoient des périodes de préavis moins longues que le minimum légal. Les clauses relatives au licenciement sont en conséquence nulles et sans effet et ne peuvent servir de preuve de l'intention des parties.

Des considérations de principe appuient la conclusion que, lorsqu'un contrat de travail n'accorde pas la période minimale de préavis prescrite dans la Loi, l'employé ne peut être licencié sans motif que moyennant un préavis raisonnable de licenciement. Une interprétation de la Loi qui encouragerait les employeurs à se conformer aux exigences minimales de celle‑ci et qui ferait ainsi bénéficier de sa protection le plus grand nombre d'employés possible est à préférer à une interprétation qui n'a pas un tel effet. Si, en n'observant pas les prescriptions relatives aux périodes minimales de préavis, les employeurs ne risquent pas d'encourir d'autre sanction qu'une ordonnance les obligeant à se conformer à la Loi, ils auront fort peu intérêt à conclure avec leurs employés des contrats conformes aux normes légales. Bien des employés ignorent leurs droits et les employeurs peuvent compter sur le fait qu'ils ne contesteront pas des dispositions contractuelles établissant des périodes de préavis inférieures au minimum prévu dans la loi. Une approche qui s'accorderait davantage avec les objets de la Loi est celle voulant que, dans un cas où le contrat de travail ne respecte pas les exigences minimales de la loi touchant le préavis, la présomption relative au préavis raisonnable n'aura pas été détruite.

Le juge McLachlin: Sous réserve des observations suivantes, le juge McLachlin souscrit pour l'essentiel aux motifs du juge Iacobucci. Le règlement du présent litige nécessite qu'on examine les principes de droit régissant les conditions implicites des contrats et, en particulier, l'importance à attacher à l'intention des parties pour déterminer la condition implicite à introduire. Pour obtenir gain de cause dans une action pour inexécution d'un contrat de travail, un demandeur doit établir l'existence dans le contrat d'une condition lui donnant droit à un préavis raisonnable de licenciement et la violation de cette condition par l'employeur. Une présomption n'est rien d'autre qu'une technique en matière de preuve et doit permettre en l'espèce de présumer l'existence dans le contrat d'une condition stipulant un préavis raisonnable. L'intention des parties contractantes est pertinente relativement aux conditions implicites découlant des faits, mais non relativement à celles qui sont implicites en droit, et l'exigence d'un préavis raisonnable dans les contrats de travail entre dans la catégorie des conditions implicites en droit. L'obligation légale de l'employeur de donner un préavis raisonnable de licenciement ne peut être écartée que par un accord exprès à cet effet et il n'y en a pas en l'espèce, puisque la Loi a rendu nulles et sans effet les dispositions des contrats relatives au préavis.


Parties
Demandeurs : Machtinger
Défendeurs : HOJ Industries Ltd.

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Iacobucci
Arrêts mentionnés: Collins c. Kappele (1983), 3 C.C.E.L. 228
Pickup c. Litton Business Equipment Ltd. (1983), 3 C.C.E.L. 266
Bardal c. Globe & Mail Ltd. (1960), 24 D.L.R. (2d) 140
Carter c. Bell & Sons (Canada) Ltd., [1936] O.R. 290
Prozak c. Bell Telephone Co. of Canada (1984), 46 O.R. (2d) 385
Rover International Ltd. c. Cannon Film Sales Ltd., [1989] 1 W.L.R. 912
Erlund c. Quality Communication Products Ltd. (1972), 29 D.L.R. (3d) 476
James c. Thomas H. Kent & Co., [1950] 2 All E.R. 1099
Suleman c. British Columbia Research Council (1989), 38 B.C.L.R. (2d) 208
Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313
Société hôtelière Canadien Pacifique Ltée c. Banque de Montréal, [1987] 1 R.C.S. 711.
Citée par le juge McLachlin
Arrêts examinés: Société hôtelière Canadien Pacifique Ltée c. Banque de Montréal, [1987] 1 R.C.S. 711
Liverpool City Council c. Irwin, [1977] A.C. 239, mod. [1976] 1 Q.B. 319
arrêts mentionnés: Allison c. Amoco Production Co., [1975] 5 W.W.R. 501
Bardal c. Globe & Mail Ltd. (1960), 24 D.L.R. (2d) 140
Tai Hing Cotton Mill Ltd. c. Liu Chong Hing Bank Ltd., [1986] A.C. 80, inf. [1984] 1 Lloyd's Rep. 555
Lister c. Romford Ice and Cold Storage Co., [1957] A.C. 55
Sterling Engineering Co. c. Patchett, [1955] A.C. 534.
Lois et règlements cités
Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, art. 10.
Loi sur les normes d'emploi, L.R.O. 1980, ch. 137, art. 1, 2, 3, 4, 6, 40(1)c), (7)a) [abr. & rempl. 1981, ch. 22, art. 1(3)].
Statute of Artificers (R.‑U.), 5 Eliz. 1, ch. 4.
Doctrine citée
Christie, Innis. Employment Law in Canada. Toronto: Butterworths, 1980.
Etherington, Brian. "The Enforcement of Harsh Termination Provisions in Personal Employment Contracts: The Rebirth of Freedom of Contract in Ontario" (1990), 35 R.D. McGill 459.
Freedland, M. R. The Contract of Employment. Oxford: Clarendon Press, 1976.
Jacoby, Sanford M. "The Duration of Indefinite Employment Contracts in the United States and England: An Historical Analysis" (1982), 5 Comp. Lab. L.J. 85.
Swinton, Katherine. "Contract Law and the Employment Relationship: The Proper Forum for Reform". In Barry J. Reiter and John Swan, eds., Studies in Contract Law. Toronto: Butterworths, 1980, 357.
Treitel, G. H. The Law of Contract, 7th ed. London: Stevens: Sweet & Maxwell, 1987.

Proposition de citation de la décision: Machtinger c. HOJ Industries Ltd., [1992] 1 R.C.S. 986 (30 avril 1992)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1992-04-30;.1992..1.r.c.s..986 ?
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