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18/11/1993 | CANADA | N°[1993]_4_R.C.S._289

Canada | Hunt c. T&N plc, [1993] 4 R.C.S. 289 (18 novembre 1993)


Hunt c. T&N plc, [1993] 4 R.C.S. 289

George Ernest Hunt Appelant

c.

Lac d'Amiante du Québec Ltée, auparavant connue

sous le nom de Lake Asbestos Company Limited,

Société Asbestos Limitée, Atlas Turner Inc.,

Bell Asbestos Mines Limited, JM Asbestos Inc.,

l'Association des mines d'amiante du Québec

et National Gypsum Co. Intimées

et

T&N, plc, Carey Canada Inc., auparavant connue

sous le nom de Carey‑Canadian Mines Ltd.,

Flintkote Mines Limited et The Flintkote Co. Défenderesses

et

Workers' Compensation Board et

Henfrey Sampson Belair Ltd., administrateur

séquestre de Victoria Machinery

Depot Company Limited Tiers app...

Hunt c. T&N plc, [1993] 4 R.C.S. 289

George Ernest Hunt Appelant

c.

Lac d'Amiante du Québec Ltée, auparavant connue

sous le nom de Lake Asbestos Company Limited,

Société Asbestos Limitée, Atlas Turner Inc.,

Bell Asbestos Mines Limited, JM Asbestos Inc.,

l'Association des mines d'amiante du Québec

et National Gypsum Co. Intimées

et

T&N, plc, Carey Canada Inc., auparavant connue

sous le nom de Carey‑Canadian Mines Ltd.,

Flintkote Mines Limited et The Flintkote Co. Défenderesses

et

Workers' Compensation Board et

Henfrey Sampson Belair Ltd., administrateur

séquestre de Victoria Machinery

Depot Company Limited Tiers appelés

et

Le procureur général de l'Ontario et

le procureur général du Québec Intervenants

Répertorié: Hunt c. T&N plc

No du greffe: 22637.

1992: 7 octobre; 1993: 18 novembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin.

en appel de la cour d'appel de la colombie-britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1991), 56 B.C.L.R. (2d) 365, 81 D.L.R. (4th) 763, [1991] 5 W.W.R. 475, 48 C.P.C. (2d) 247, 3 B.C.A.C. 138, 7 W.A.C. 138, qui a confirmé un jugement du juge en chef Esson de la Cour suprême (1990), 43 B.C.L.R. (2d) 390, 67 D.L.R. (4th) 687, [1990] 3 W.W.R. 558, qui avait rejeté une requête visant à obtenir une ordonnance enjoignant de produire des documents. Pourvoi accueilli.

J. J. Camp, c.r., David Church et Steven Antle, pour l'appelant.

W. S. Berardino, c.r., Avon Mersey et Michael Sobkin, pour l'intimée Lac d'Amiante du Québec Ltée.

Jack Giles, c.r., et Robert J. McDonell, pour les intimées Société Asbestos Limitée, Atlas Turner Inc. et Bell Asbestos Mines Limited.

Henry S. Brown, c.r., et Richard B. Lindsay, pour l'intimée JM Asbestos Inc.

Louis J. Zivot, pour l'intimée l'Association des mines d'amiante du Québec.

John L. Finlay, pour l'intimée National Gypsum Co.

Michel Hélie, pour l'intervenant le procureur général de l'Ontario.

Alain Gingras, pour l'intervenant le procureur général du Québec.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge La Forest — Les systèmes juridiques et les règles de droit reflètent et expriment les valeurs fondamentales d'une société. Pour respecter la diversité des sociétés, il importe donc de respecter les différences entre les systèmes juridiques. Mais pour que cela soit possible à notre époque où de nombreuses opérations et interactions débordent les frontières qui séparent les ressorts juridiques dans notre ordre juridique mondial décentralisé, il faut également disposer d'un moyen pratique de coordonner ces régimes divers, sans quoi les pires aspects d'un système anarchique font surface, entraînant inévitablement une injustice pour les justiciables. Cette coordination face à la diversité ressortit tant au droit international privé qu'au droit international public. Elle constitue aussi l'un des principaux objectifs du partage des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux dans une fédération. Le présent pourvoi soulève des questions qui se situent à la limite du droit international privé et du droit constitutionnel. Dans la recherche d'un équilibre pratique entre la diversité et l'uniformité, il faut être conscient des similitudes mais également des différences qui existent sur le plan de l'équilibre atteint dans les règles de ces deux branches du droit.

La question qui se pose immédiatement dans le présent pourvoi est d'abord de savoir si les dispositions de la Loi sur les dossiers d'entreprises du Québec, L.R.Q., ch. D‑12, qui est une loi qui prohibe la communication de documents, fournissent une «excuse légitime» au sens du par. 2(5) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique, de sorte que les défendeurs du Québec dans une action civile intentée en Colombie‑Britannique puissent refuser de se conformer à une demande de communication de documents fondée sur l'art. 26 des Rules of Court de la Colombie‑Britannique. La loi québécoise interdit notamment de transporter hors de la province des documents d'entreprises qui sont exigés relativement à des procédures judiciaires à l'extérieur de la province. La question fondamentale est de savoir si cette loi est inconstitutionnelle ou si elle est constitutionnellement inapplicable à des procédures judiciaires dans une autre province.

À divers stades des procédures, l'appelant a soutenu que la Loi n'exempte pas de produire les documents demandés en Colombie‑Britannique pour les motifs suivants: (1) la Loi outrepasse la compétence de l'Assemblée nationale du Québec ou, subsidiairement, elle est constitutionnellement inapplicable à des procédures judiciaires dans une autre province, (2) la Loi est contraire à l'ordre public de la Colombie‑Britannique, ou (3) la Loi n'est pas impérative et l'omission de communiquer les documents requis constituait de la mauvaise foi de la part des intimées. Quant à la première question, le Juge en chef a, le 2 juin 1992, formulé la question constitutionnelle suivante:

L'article 2 de la Loi sur les dossiers d'entreprises, L.R.Q., ch. D‑12, outrepasse‑t‑il la compétence de l'Assemblée nationale du Québec ou est‑il constitutionnellement inapplicable pour le motif qu'il constitue, de par son caractère véritable, une dérogation à des droits extraprovinciaux?

Les intimées contestent toutes ces allégations ainsi que la compétence de notre Cour pour entendre la question constitutionnelle. Elles affirment que notre Cour ne peut exercer que les pouvoirs dont sont investis les tribunaux de la Colombie‑Britannique et que ceux‑ci n'étaient pas compétents pour statuer sur la constitutionnalité d'une loi québécoise.

Les faits

L'appelant George Hunt souffre d'un cancer qui, selon lui, a été causé par l'inhalation de fibres d'amiante auxquelles il a été exposé pendant qu'il travaillait comme électricien au Victoria Machinery Depot à Victoria, en Colombie‑Britannique. Il allègue aussi que ces fibres étaient contenues dans des produits conçus, fabriqués, emballés, annoncés, distribués, promus et vendus par un certain nombre de sociétés, dont les intimées qui sont des entreprises québécoises de production et de distribution d'amiante.

L'appelant et un certain nombre d'autres demandeurs, appuyés par la Workers' Compensation Board de la Colombie‑Britannique, ont intenté une action en dommages‑intérêts contre les intimées, dans laquelle ils alléguaient qu'il y avait eu négligence dans la fabrication des produits, que l'on avait fait preuve de négligence en omettant d'avertir des effets dangereux des fibres et qu'il y avait eu complot en vue de cacher au public les dangers de l'amiante. Dans l'arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, notre Cour a rejeté une requête antérieure en radiation de la déclaration de l'appelant. Les intimées ont ensuite contesté la compétence de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique et demandé l'arrêt des procédures; voir Hunt c. T&N, plc, greffe de Vancouver no C885383, le 30 juin 1989. La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a rejeté la requête et la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a refusé l'autorisation d'en appeler de cette décision (26 juillet 1989).

L'appelant a alors demandé la production de documents liés à l'action. Les intimées n'ont pas répondu à cette demande. Le 11 septembre 1989, l'appelant a fait signifier une demande de communication de documents aux intimées Atlas Turner Inc. («Atlas»), Bell Asbestos Mines Limited («Bell»), Société Asbestos Limitée («SAL»), l'Association des mines d'amiante du Québec («AMAQ») et National Gypsum Co., conformément au par. 26(1) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique. Une demande de communication avait été signifiée à Johns‑Manville Amiante Canada Inc. le 23 juin 1989. JM Asbestos Inc. («JM») a été substituée plus tard à cette dernière défenderesse. En réponse à ces demandes, JM et l'AMAQ ont affirmé que la Loi les empêchait d'y acquiescer; les autres intimées n'ont pas répondu. Le 2 octobre 1989, les principaux actionnaires des intimées Atlas, Bell, et SAL ont demandé à la Cour provinciale du Québec de rendre, conformément à l'art. 4 de la Loi, une ordonnance empêchant les sociétés d'envoyer des documents hors de la province. Bell a demandé qu'une ordonnance similaire soit rendue contre l'AMAQ. Le 17 novembre 1989, l'actionnaire principal de JM a présenté une requête semblable. Toutes ces ordonnances ont été accordées. En 1980, le procureur général du Québec avait demandé qu'une ordonnance soit rendue, conformément à la Loi, contre l'intimée Lac d'Amiante du Québec Ltée. («Lac d'Amiante») relativement à une autre action. Le 26 avril 1989, Lac d'Amiante en a appelé de cette ordonnance devant la Cour d'appel du Québec. L'appel a été rejeté; voir Québec (Procureur général) c. Lac d'Amiante du Québec Ltée (1989), 24 Q.A.C. 235. Une demande d'autorisation de pourvoi devant notre Cour a été rejetée le 23 novembre 1989: [1989] 2 R.C.S. viii.

Le 3 octobre 1989, l'appelant a signifié à Atlas, Bell, SAL et AMAQ un avis de requête visant à obtenir une ordonnance leur enjoignant de communiquer des listes de documents. Un avis a été signifié à JM le 10 octobre 1989. Les deux requêtes ont été ajournées à la demande des intimées. Le 12 octobre 1989, Atlas, Bell et SAL ont remis des «listes de documents» qui ne faisaient état d'aucun document, prétendant que les ordonnances rendues en vertu de la loi québécoise en interdisaient la communication. JM avait fait de même auparavant. L'appelant a alors demandé à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique de délivrer une ordonnance enjoignant de produire les documents. Le juge en chef Esson de la Cour suprême, siégeant en chambre, a rejeté cette requête: (1990), 43 B.C.L.R. (2d) 390, 67 D.L.R. (4th) 687, [1990] 3 W.W.R. 558. L'appelant a interjeté sans succès un appel devant la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique: (1991), 56 B.C.L.R. (2d) 365, 81 D.L.R. (4th) 763, [1991] 5 W.W.R. 475, 48 C.P.C. (2d) 247, 3 B.C.A.C. 138, 7 W.A.C. 138. L'autorisation de pourvoi devant notre Cour a été accordée le 16 janvier 1992: [1992] 1 R.C.S. viii.

Historique des procédures judiciaires

Cour suprême de la Colombie‑Britannique (1990), 43 B.C.L.R. (2d) 390

Après avoir fait l'historique de la Loi, le juge en chef Esson a affirmé que la question fondamentale était de savoir [traduction] «si notre cour est tenue, pour des motifs de courtoisie, de respecter la loi d'une autre province en acceptant, comme excuse pour ne pas se conformer aux prescriptions ordinaires de nos règles, la prohibition contenue dans cette loi» (p. 394). Il a refusé de statuer sur la constitutionnalité de la loi québécoise, en affirmant qu'il ne connaissait aucun précédent dans lequel une loi provinciale avait été invalidée par un tribunal d'une autre province. De toute façon, il n'aurait pas examiné un tel argument sans entendre le procureur général ou un autre représentant compétent du Québec. Il a donc tenu pour acquis que la loi en question était valide.

Le Juge en chef a fait observer que les ordonnances fondées sur l'art. 4 avaient été obtenues à la demande des actionnaires des sociétés et non par le Procureur général. Il a fait remarquer qu'il ne pouvait pas [traduction] «s'empêcher de conclure qu'il s'agissait d'un cas où l'on recherchait délibérément des obstacles légaux à la production» (p. 396), mais il a estimé que la recherche délibérée d'un obstacle légal était sans importance si, de toute façon, il existait effectivement un obstacle légal. Il s'est référé aux motifs du juge Kaufman de la Cour d'appel dans l'arrêt Lac d'Amiante, précité, qui avait conclu que l'art. 4 de la Loi venait simplement [traduction] «renforcer» la prohibition énoncée à l'art. 2. Il a dit que la Loi avait aussi été interprétée libéralement ailleurs dans la jurisprudence québécoise, notamment dans l'arrêt de la Cour d'appel du Québec Asbestos Corp. c. Eagle‑Picher Industries Inc., [1984] C.A. 151, où l'on a indiqué que la prohibition contenue dans la Loi visait aussi toute forme de communication indirecte, par exemple, même la remise d'une liste de documents. Bien que, dans un affidavit déposé en preuve lors de la requête antérieure visant l'obtention d'un arrêt des procédures, un avocat du Québec ait exprimé l'avis que l'application de la Loi était plus limitée, le juge en chef Esson n'a pas estimé qu'il devrait donner à la Loi une interprétation différente de celle donnée dans les causes qu'il avait étudiées. Il a donc conclu que la prohibition énoncée dans la Loi est générale et qu'elle vise la préparation de listes de documents et il n'était pas disposé à ordonner que les sociétés enfreignent la loi québécoise.

Le Juge en chef s'est fondé sur son interprétation de la jurisprudence pour conclure que la théorie de la courtoisie contraignait la cour à ne pas exiger que l'on contourne l'application de la loi d'un autre ressort. Il a fait remarquer que, même si la communication de la preuve était importante, elle était beaucoup moins indispensable à une action civile que la capacité de contraindre des personnes à témoigner au procès. De plus, il a souligné que le recours ultime de l'appelant consisterait à invoquer le par. 2(5) pour demander une ordonnance radiant la défense pour refus de communiquer des documents. Il a indiqué que ce redressement discrétionnaire ne serait pas accordé si, comme en l'espèce, le refus de communiquer des documents reposait sur une prohibition légale.

Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1991), 56 B.C.L.R. (2d) 365

Le juge Gibbs a accepté, au nom de la Cour d'appel à l'unanimité, la décision du juge en chef Esson voulant que les tribunaux de la Colombie‑Britannique n'aient pas compétence pour se prononcer sur la constitutionnalité d'une loi québécoise et qu'on ne puisse lui reprocher de ne pas instruire l'affaire sans entendre le procureur général du Québec. Le juge Gibbs a fait remarquer que, pour être entendu en appel, le Procureur général devrait demander d'être constitué intervenant et accepter le dossier de l'instance inférieure, à moins d'avoir la permission de présenter de nouveaux éléments de preuve, et il a conclu qu'il n'était pas loisible à l'appelant d'imposer de telles obligations au Procureur général. En conséquence, la cour n'a pas demandé aux intimées du Québec de répondre aux arguments d'ordre constitutionnel. Elle a donc, à l'instar du juge en chef Esson, tenu pour acquis que la loi québécoise était valide.

D'après le juge Gibbs, il en est résulté un conflit entre les politiques générales de la Colombie‑Britannique, reflétées dans les Rules of Court, et la loi québécoise. Il a souligné que le juge en chef Esson avait réglé le conflit en appliquant la théorie de la courtoisie interprovinciale. Selon le juge Gibbs, ce point de vue était appuyé par l'arrêt de notre Cour Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077. Il a décidé que les principes de la courtoisie établis dans cet arrêt s'appliquaient tout autant à la [traduction] «reconnaissance et [au] respect par les tribunaux d'une province des lois validement adoptées par une autre province» (p. 369).

Néanmoins, le juge Gibbs a affirmé que les tribunaux d'une province pourraient refuser de [traduction] «reconnaître une loi d'une autre province qui est conçue pour empiéter sur son champ de compétence législative exclusive» (p. 369). Citant le Renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights Reversion Act de notre Cour, [1984] 1 R.C.S. 297, il a dit qu'un tribunal doit déterminer le caractère véritable de la loi attaquée. Il a indiqué que la loi québécoise avait été adoptée il y a plus de 30 ans et que son effet accessoire ou ses répercussions sur l'appelant aujourd'hui, en Colombie‑Britannique, ne la rendaient pas inconstitutionnelle.

Quant aux autres questions soulevées, la Cour d'appel a accepté les motifs et les conclusions du juge en chef Esson. Elle a convenu que la Loi établissait une interdiction absolue et que ce n'était pas de mauvaise foi que les sociétés québécoises avaient demandé des ordonnances empêchant la communication de documents.

La Loi

Pour bien comprendre les questions en litige, il est utile d'examiner les dispositions de la Loi plus en détail. Voici donc le texte intégral de ces dispositions:

1. Dans la présente loi, les mots suivants désignent:

a) «document»: un compte, un bilan financier, un état des recettes et des dépenses, un état des profits et pertes, un état de l'actif et du passif, un inventaire, un rapport et tout autre écrit ou pièce faisant partie des dossiers ou archives d'une entreprise d'affaires;

b) «entreprise»: toute entreprise d'affaires au Québec;

c) «réquisition»: une demande, une instruction, un ordre, un subpoena ou une sommation.

2. Sous réserve de l'article 3, nul ne peut, à la suite ou en vertu d'une réquisition émanant d'une autorité législative, judiciaire ou administrative extérieure au Québec, transporter ou faire transporter, ou envoyer ou faire envoyer, d'un endroit quelconque au Québec à un endroit situé hors de celui‑ci, aucun document ou résumé ou sommaire d'un document relatif à une entreprise.

3. La prohibition stipulée à l'article 2 ne s'applique pas dans le cas de transport ou d'envoi d'un document hors du Québec

a) par une agence, une succursale, une compagnie ou une maison d'affaires exerçant son activité au Québec, à un principal, un siège social, une compagnie ou une maison d'affaires affiliée, une agence ou une succursale située hors du Québec, dans le cours ordinaire de leurs affaires;

b) par ou de la part d'une compagnie ou personne, telles que définies par la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V‑1), faisant affaires au Québec, dans un territoire soumis à une autre juridiction politique dans lequel la vente des valeurs mobilières de cette compagnie ou de cette personne a été autorisée;

c) par ou de la part d'une telle compagnie ou d'une telle personne faisant affaires au Québec comme courtier, émetteur de valeurs mobilières ou vendeur au sens de la Loi sur les valeurs mobilières, dans un territoire soumis à une autre juridiction politique dans lequel une telle compagnie ou personne a été enregistrée ou autrement autorisée à exercer le commerce de courtier, émetteur de valeurs mobilières ou vendeur, selon le cas;

d) lorsqu'un tel transport ou envoi est autorisé par une loi du Québec ou du parlement du Canada, suivant leur juridiction respective.

4. Lorsqu'il y a lieu de croire qu'une réquisition a été ou sera probablement faite pour le transport ou l'envoi hors du Québec d'un document relatif à une entreprise, le procureur général peut s'adresser à un juge de la Cour du Québec, dans le district judiciaire où est située l'entreprise en question, pour obtenir une ordonnance enjoignant à toute personne, désignée ou non dans la réquisition, de fournir un engagement ou un cautionnement pour garantir qu'elle ne transportera ni n'enverra hors du Québec le document mentionné dans ladite réquisition.

La demande au juge de la Cour du Québec se fait par requête sommaire. Au cas d'urgence, elle peut être produite et présentée au juge sans signification préalable. Le juge peut toutefois en ordonner la signification dans tel délai, de telle manière et à toute condition qu'il juge à propos de déterminer.

Toute personne intéressée dans une entreprise peut exercer les prérogatives prévues au présent article.

5. Toute personne qui, après avoir reçu un avis d'une requête adressée à un juge de la Cour du Québec en vertu de l'article 4, contrevient aux dispositions de l'article 2, est coupable d'outrage au tribunal et passible d'un an d'emprisonnement.

Toute personne qui a fourni, ou qui a reçu du juge l'ordre de fournir, un engagement ou un cautionnement et qui contrevient aux dispositions de l'article 2 est coupable d'outrage au tribunal, et passible d'un an d'emprisonnement, sans préjudice de toute peine ou obligation stipulée dans l'engagement ou le cautionnement fourni ou ordonné par le juge.

Comme on peut le constater, l'art. 2 (interprété conformément à la définition de l'art. 1) établit une prohibition générale, sujette aux exceptions énoncées à l'art. 3 qui ne sont pas applicables en l'espèce, de transporter du Québec à un endroit quelconque situé hors de cette province tout document relatif à une entreprise au Québec, à la suite d'une réquisition, c'est‑à‑dire d'une demande, d'une instruction, d'un ordre, d'un subpoena ou d'une sommation émanant notamment d'une autorité judiciaire extérieure au Québec. L'article 4 prévoit ensuite que le Procureur général ou toute personne intéressée dans l'entreprise peut s'adresser à un tribunal du Québec, dans le district judiciaire où est située l'entreprise en question, pour obtenir une ordonnance enjoignant à une personne de fournir un engagement ou un cautionnement pour garantir qu'un document mentionné à l'art. 2 ne sera pas transporté hors du Québec à la suite d'une réquisition émanant d'une autorité judiciaire ou autre. Enfin, l'art. 5 prévoit que toute personne qui contrevient à l'art. 2, après avoir reçu un avis de requête fondée sur l'art. 4 ou après avoir fourni ou reçu l'ordre de fournir un engagement ou un cautionnement en vertu de l'art. 4, est coupable d'outrage au tribunal et passible d'un an d'emprisonnement.

La Loi, tout comme son équivalent ontarien dont elle s'inspire, a été adoptée, nous a-t-on dit, pour faire obstacle à l'application extraterritoriale des lois américaines antitrusts et peut‑être à d'autres formes d'ingérence judiciaire étrangère. Dans un passage coloré cité par le juge en chef Esson du tribunal de première instance, le journal québécois L'Événement du 21 février 1958 reproduit une allocution que le premier ministre du Québec d'alors aurait prononcée au moment du dépôt du projet de loi et qui établit clairement que ce projet de loi visait à empêcher des ingérences étrangères, et particulièrement américaines, de ce genre. À maintes reprises, les tribunaux du Québec ont affirmé que c'était vraiment là le but de la Loi. Ainsi, dans la décision Renault c. Bell Asbestos Mines Ltd., [1976] C.P. 284, la Cour provinciale du Québec a exprimé l'avis que la Loi a surtout pour but «de protéger les entreprises ou filiales canadiennes à l'encontre de l'application des lois anti-trust américaines ou d'autres pays étrangers» (p. 287). Toutefois, cela ne saurait être considéré comme le dernier mot sur le sujet. Même si elle a examiné l'affaire en tenant pour acquis que la conclusion de la Cour provinciale sur ce point était exacte, la Cour d'appel du Québec, [1980] C.A. 370, a indiqué que ce n'était pas expressément prévu dans la Loi et qu'il n'y avait pas de préambule (p. 372). Toutefois, dans l'affaire Benesh, Friedlandler, Coplan & Aronoff c. Nesmith, [1983] C.S. 790, à la p. 793, on a de nouveau décidé que l'objectif [traduction] «généralement reconnu [de la Loi] est la protection des entreprises québécoises contre l'ingérence judiciaire étrangère comme, par exemple, les poursuites fondées sur des lois antitrusts . . .».

En dépit de ce prétendu objectif restreint, les tribunaux québécois, comme le juge en chef Esson l'a fait remarquer, ont donné à la Loi une interprétation généreuse conforme à son texte très général. Ainsi, dans l'arrêt Lac d'Amiante, précité, le juge Kaufman de la Cour d'appel a décidé qu'il n'était pas nécessaire qu'une ordonnance fondée sur l'art. 4 de la Loi définisse les documents pertinents. Cela, a-t-il dit, serait embarrassant et est inutile puisque l'art. 2 [traduction] «interdit, de toute façon, le transport de tout «document . . .»» (p. 236). Bien entendu, cette affaire ne portait pas sur des mesures antitrusts. Une fois de plus, dans l'arrêt Asbestos Corp. c. Eagle‑Picher Industries Inc., précité, qui portait aussi sur une action privée au civil, la cour a interprété la Loi comme visant les témoignages recueillis devant une commission rogatoire au Québec.

Dans ces affaires, on a aussi rejeté l'idée que la Loi est limitée aux documents exigés par des autorités étrangères, pour affirmer qu'elle s'applique également aux demandes faites par les autorités judiciaires d'autres provinces. Le cas le plus récent où ce point de vue a été appliqué est la décision 2632‑7602 Québec Inc. c. Pizza Pizza Canada Inc., [1991] R.J.Q. 2951.

Dans l'affaire Benesh, précitée, le juge Gomery, s'exprimant au nom de la Cour supérieure, était disposé à donner une interprétation plus restrictive à la Loi. Toutefois, il est loin d'être évident que la Loi puisse être limitée, comme il l'estime, aux affaires qui mettent en cause des [traduction] «considérations d'ordre public» et la Loi n'en fait pas une question de pouvoir discrétionnaire. Encore une fois, l'idée qu'il exprime selon laquelle le terme «documents» ne s'entend pas des lettres à des tiers semblerait douteuse même si la Loi était limitée aux affaires portant sur des mesures antitrusts, car il s'agit d'un moyen de preuve courant dans ce type d'affaires. Qui plus est, son point de vue s'oppose à celui que la Cour d'appel du Québec a adopté; voir, par exemple, l'arrêt Renault, précité, à la p. 371.

Un auteur fait également valoir que la Cour d'appel aurait dû interpréter la Loi plus restrictivement en fonction d'une autre loi québécoise, la Loi sur certaines procédures, L.R.Q., ch. P-27, et que la violation de la prohibition générale de l'art. 2 de la Loi n'est assortie d'aucune peine précise; voir E. Groffier, Précis de droit international privé québécois (4e éd. 1990), à la p. 234. En l'espèce, cependant, une ordonnance judiciaire avait été rendue et, en pareil cas, une peine est applicable en vertu de l'art. 5 de la Loi.

Même s'il était possible d'argumenter contre le point de vue adopté par la Cour d'appel du Québec, on ne saurait guère reprocher au juge en chef Esson de la Cour suprême et à la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique d'accepter le point de vue de la Cour d'appel du Québec, en vertu de la règle de common law voulant que la loi d'un autre ressort est une question de fait. On n'a pas débattu la question de savoir si, en vertu de la disposition de la Evidence Act, R.S.B.C. 1979, ch. 116, de la Colombie‑Britannique qui permet aux tribunaux de prendre connaissance d'office des lois d'autres ressorts, le tribunal de la Colombie‑Britannique pourrait permettre d'aborder différemment des questions de droit étranger, et je m'abstiens donc de faire des commentaires à ce sujet. De toute façon, il serait curieux qu'un tribunal de la Colombie‑Britannique ne tienne pas compte des directives de la Cour d'appel du Québec au sujet de l'interprétation d'une loi québécoise.

Notre Cour, comme je vais l'expliquer, n'est pas dans la même situation que le tribunal de la Colombie‑Britannique pour ce qui est d'examiner les lois d'une autre province. Mais dans l'argumentation qu'il a présentée à notre Cour, l'appelant n'a pas vraiment attaqué l'interprétation large donnée à la Loi. En fait, durant leur argumentation orale, les avocats de l'appelant, des intimées et de l'intervenant le procureur général du Québec se sont tous dit en faveur d'une interprétation large. Ce que l'appelant a effectivement fait valoir devant notre Cour, c'est que la Loi outrepasse la compétence de la province de Québec du fait qu'elle se rapporte à une matière hors de la province, ou encore qu'elle est inapplicable aux autres provinces suivant les principes énoncés par notre Cour dans l'arrêt Morguard. En fait, c'est surtout sur ce dernier point qu'a porté l'argumentation orale. Voilà pourquoi je me propose d'examiner l'affaire sous cet angle. Bien qu'il soit possible, comme je l'ai indiqué, d'argumenter en faveur d'une interprétation plus restrictive de la Loi, notre Cour n'a pas été saisie pleinement d'une telle argumentation. De plus, la Loi est rédigée en termes très généraux et, de toute façon, une argumentation complète en faveur d'une interprétation atténuée pourrait bien requérir un examen des exigences constitutionnelles.

Le tribunal de la Colombie‑Britannique peut‑il examiner la constitutionnalité de la loi québécoise?

Avant d'étudier la question de la constitutionnalité, il est nécessaire d'examiner une question préliminaire soulevée par les intimées et par le procureur général du Québec. Ils soutiennent que notre Cour n'est pas compétente pour examiner la constitutionnalité de la présente Loi. Citant une remarque tirée des motifs du juge Beetz dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Canard, [1976] 1 R.C.S. 170, à la p. 216, ils affirment que cela découle de l'application de l'art. 45 de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S‑26, qui, selon eux, limite la compétence de notre Cour à ce que les juridictions inférieures auraient pu faire. Ils ajoutent que les juridictions inférieures ont reconnu à bon droit qu'elles n'avaient pas compétence pour statuer sur la constitutionnalité de la loi québécoise. Par conséquent, ils soutiennent que notre Cour n'est pas compétente pour répondre à la question constitutionnelle formulée par le Juge en chef.

Je ne souscris pas à cet argument. À mon avis, la compétence pour examiner à tout le moins la constitutionnalité d'une loi d'une autre province peut se fonder sur le droit de toute cour supérieure d'examiner la loi d'un autre ressort pour les fins du litige dont elle est saisie et de tirer des conclusions de fait à cet égard. Cette compétence pour examiner les lois d'une autre province me semble être d'autant plus justifiée si les deux ressorts sont canadiens et régis par notre Constitution. Je vais étudier chacune de ces questions à tour de rôle, pour ensuite aborder la compétence particulière que notre Cour possède pour interpréter les lois de chaque province et en examiner la constitutionnalité.

Le pouvoir ordinaire des tribunaux d'examiner la constitutionnalité d'une loi étrangère

Je fais d'abord remarquer qu'en common law la question de ce qui constitue une loi étrangère, qui se pose le plus fréquemment mais non exclusivement en droit international privé, est une question de fait qui doit être tranchée par le juge du procès. En l'espèce, la loi québécoise est clairement un fait pertinent pour ce qui est de savoir s'il y avait une «excuse légitime», au sens du par. 2(5) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique, pour ne pas se conformer aux règles de cette province en matière de communication de la preuve. Elle est aussi un fait pertinent quant à l'ordre public de la Colombie‑Britannique. Comme la loi québécoise est pertinente relativement à ces questions, il s'ensuit que la validité de cette loi, sa constitutionnalité, est également pertinente.

Il semble qu'il y ait peu de raisons pour que le tribunal qui cherche à déterminer ce qui constitue une loi étrangère ne puisse pas entendre des arguments et recevoir des éléments de preuve concernant la constitutionnalité d'une telle loi. La jurisprudence citée par les intimées ne va nullement à l'encontre de cette proposition. Au contraire, tout ce que la cour a décidé dans l'arrêt Buck c. Attorney‑General, [1965] 1 All E.R. 882 (C.A.), c'est qu'un tribunal n'est pas compétent pour rendre un jugement déclaratoire sur la validité de la Constitution d'un État étranger. Cela violerait les principes du droit international public. Mais, en l'espèce, personne n'essaie d'attaquer la Constitution elle‑même. La question de la constitutionnalité est accessoire au litige. Dans l'arrêt Buck, lord Diplock fait clairement cette distinction, aux pp. 886 et 887:

[traduction] Le seul objet du présent appel est une question relative à la validité d'une loi d'un État étranger souverain et indépendant, en fait, de la loi fondamentale qui en prescrit la Constitution. La validité de cette loi n'est pas mise en doute accessoirement dans des procédures à l'égard desquelles la Haute Cour est indubitablement compétente étant donné, par exemple, que la validité d'une loi étrangère pourrait être mise en doute accessoirement dans une action relative à un contrat devant être exécuté à l'étranger. La validité de la loi étrangère est ce dont il est exclusivement question dans le présent appel. À mon avis, il s'agit là d'un sujet sur lequel les tribunaux anglais n'ont pas compétence.

De même, bien que, dans l'affaire Manuel c. Attorney General, [1982] 3 All E.R. 786 (Ch. D.), la cour ait affirmé que les tribunaux d'un pays ne devaient pas statuer sur la validité d'une loi d'un autre pays, une exception est expressément prévue pour le cas où la question n'est soulevée qu'accessoirement.

Il existe de bonnes raisons de principe de permettre l'examen d'arguments d'ordre constitutionnel pour statuer sur une loi étrangère qui est soulevée accessoirement dans un litige. La Constitution d'un autre ressort fait clairement partie de son droit et en constitue vraisemblablement la partie la plus fondamentale. Le tribunal étranger qui tire une conclusion de fait ne devrait pas être tenu de présumer qu'une loi est constitutionnelle du simple fait de son adoption. C'est souvent par pur hasard que la constitutionnalité fait l'objet d'une décision formelle, laquelle dépend souvent de l'existence de parties qui ont intérêt à contester la loi en question. Il est peu probable que cela se produira dans un cas où, comme en l'espèce, la plupart des parties touchées sont à l'extérieur du ressort dans lequel la loi en cause a été adoptée. Dans la présente affaire, la loi québécoise n'a jamais été contestée par des justiciables québécois parce qu'elle n'est normalement pas soulevée dans les litiges engagés dans la province et que, dans les litiges extraprovinciaux, les défendeurs québécois en profitent alors que les demandeurs québécois ne sont normalement pas touchés. Pourquoi une partie ne pourrait‑elle pas débattre la question de la constitutionnalité dans le cadre d'un litige où la question se pose directement? En pratique, il n'est pas beaucoup plus difficile de statuer sur la constitutionnalité que sur tout autre aspect d'une loi étrangère.

L'absence de disposition obligeant à aviser le procureur général compétent ne rend pas la procédure invalide. Je ne vois pas non plus de grave inconvénient à cela. Les situations comme la présente sont rares et les conclusions qui sont essentiellement de nature factuelle ne lient pas les tribunaux d'autres provinces. Et si la question constitutionnelle est soulevée devant notre Cour, il existe des dispositions qui prévoient que le procureur général compétent doit être avisé.

En l'espèce, les tribunaux de la Colombie‑Britannique ont fait preuve de prudence louable mais, selon moi, excessive en refusant d'examiner la constitutionnalité même dans ce sens limité, au risque d'être injustes envers le demandeur. En toute déférence, je conclus donc que les tribunaux d'instance inférieure ont commis une erreur en croyant que les règles du droit international privé empêchaient d'examiner la constitutionnalité des lois d'un autre ressort.

Par conséquent, les tribunaux de la Colombie‑Britannique avaient au moins, en l'espèce, le pouvoir normal d'examiner la constitutionnalité des lois d'un autre ressort et de tirer des conclusions de fait à cet égard. Ces conclusions auraient influé sur leurs conclusions en matière d'excuse légitime, de courtoisie et d'ordre public. En ignorant simplement les questions constitutionnelles, ils ont commis une erreur de droit qui a vicié leurs conclusions. Par surcroît, un autre facteur vient renforcer et peut‑être augmenter les pouvoirs qu'ont les cours supérieures d'examiner les questions constitutionnelles: les deux ressorts en question font partie de la même fédération canadienne et sont régis par la même constitution. C'est le point que je vais maintenant étudier.

L'impact de la Constitution canadienne

Il est bien établi qu'une gamme de tribunaux judiciaires et administratifs canadiens sont habilités à examiner la constitutionnalité des lois qu'ils appliquent. Ce faisant, ils appliquent le principe de la primauté de la Constitution confirmé par le par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Notre Cour a eu à examiner la portée de cette disposition à un certain nombre de reprises et dans différents contextes. Ainsi, dans les arrêts Douglas/Kwantlen Faculty Assn. c. Douglas College, [1990] 3 R.C.S. 570, et Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [1991] 2 R.C.S. 5, notre Cour a conclu que les tribunaux administratifs qui sont expressément investis, par leur loi habilitante, du pouvoir d'interpréter ou d'appliquer toute loi nécessaire pour tirer leurs conclusions ont le pouvoir d'appliquer la Charte canadienne des droits et libertés. De même, la Cour a décidé que certains tribunaux administratifs sont compétents pour examiner des questions de partage des compétences; voir, par exemple, l'arrêt Northern Telecom Canada Ltée c. Syndicat des travailleurs en communication du Canada, [1983] 1 R.C.S. 733. Dans ce dernier arrêt, elle a également décidé que la Cour fédérale a, dans l'exercice de sa compétence légale, le pouvoir et l'obligation de vérifier si une loi est constitutionnelle en tranchant des questions qui lui sont soumises; voir Northern Telecom, précité, à la p. 740.

Le même principe s'applique avec encore plus de force aux cours supérieures des provinces. Celles‑ci constituent les tribunaux de droit commun du pays qui ont une compétence inhérente sur toutes les matières relevant de la compétence fédérale ou provinciale, sauf si un autre tribunal est désigné; voir l'arrêt Ontario (Procureur général) c. Pembina Exploration Canada Ltd., [1989] 1 R.C.S. 206, aux pp. 217 et 218. Le juge Estey a bien exposé ce point dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Law Society of British Columbia (l'arrêt Jabour), [1982] 2 R.C.S. 307. Il dit, aux pp. 326 et 327:

Cette question revêt cependant un autre aspect plus fondamental. Les cours supérieures des provinces ont toujours occupé une position de premier plan à l'intérieur du régime constitutionnel de ce pays. Ces cours de compétence générale sont les descendantes des cours royales de justice. Constituées par les provinces en vertu du par. 92(14) de la Loi constitutionnelle et présidées par des juges nommés et rémunérés par le gouvernement fédéral (les art. 96 et 100 de la Loi constitutionnelle), elles franchissent, pour ainsi dire, la ligne de partage des compétences fédérale et provinciale.

Ce point de vue, comme il l'a fait remarquer, s'appuie sur des précédents qui remontent jusqu'à l'arrêt Valin c. Langlois (1879), 3 R.C.S. 1, où le juge en chef Ritchie a souligné que ces cours [traduction] «ne sont pas de simples tribunaux locaux chargés de l'application des lois locales» (p. 19), mais «sont les tribunaux de la Reine, tenus de prendre connaissance de toutes les lois et de les appliquer, soit qu'elles aient été adoptées par le Parlement du Canada ou par les législatures locales» (p. 20) (je souligne). Voir aussi les motifs du juge Pigeon dans l'arrêt R. c. Thomas Fuller Construction Co. (1958) Ltd., [1980] 1 R.C.S. 695, à la p. 713.

Cette compétence doit inclure le pouvoir de décider si les lois que l'on cherche à appliquer sont constitutionnelles. Pour reprendre les propos du juge Laskin dans l'arrêt Thorson c. Procureur général du Canada, [1975] 1 R.C.S. 138, à la p. 151: «La question de la constitutionnalité des lois a toujours été dans ce pays une question réglable par les voies de justice.» Cela a également été mentionné dans l'arrêt Northern Telecom, précité, où le juge Estey affirme, aux pp. 741 et 742:

Il est essentiel, dans un régime fédéral comme celui que crée la Loi constitutionnelle, que les tribunaux soient, dans la société, l'autorité qui contrôle les bornes de la souveraineté propre des deux gouvernements pléniers et celle qui surveille les organismes à l'intérieur de ces sphères pour vérifier que leurs activités demeurent dans les limites de la loi. Ces deux rôles appartiennent, cela va de soi, aux tribunaux selon leurs compétences respectives. L'arrêt Jabour, précité, visait les cours supérieures de compétence générale dans les provinces, mais les mêmes principes s'appliquent aux cours de juridiction inférieure lorsqu'elles agissent dans les limites de leur compétence qui est définie par leur loi constitutive. Ces cours doivent, pour appliquer les lois du pays, que ces lois soient fédérales ou provinciales, déterminer la valeur constitutionnelle de la mesure en cause si le problème se pose. Ces cours qui ont une compétence d'exception doivent, cela va de soi, se prononcer sur une affaire qui est légalement de leur ressort.

Cela n'est guère étonnant.

Comme la Cour le souligne, à la p. 14 de l'arrêt Cuddy Chicks, précité, techniquement, la source de cette compétence ne se trouve pas dans le par. 52(1) lui‑même, lequel est silencieux sur la question de compétence comme telle. La source de la compétence des tribunaux administratifs pour examiner ces questions se trouve plutôt dans leur loi habilitante. Toutefois, les cours supérieures des provinces sont investies d'une compétence inhérente pour appliquer les dispositions des lois constitutionnelles qui lient les gouvernements au Canada. Bien des contestations constitutionnelles se produisent dans le cadre de litiges privés «normaux» et les travaux des tribunaux seraient bloqués s'ils ne pouvaient pas statuer sur la question. Comme l'a fait remarquer B. Strayer, dans The Canadian Constitution and the Courts (3e éd. 1988), à la p. 145, la question à trancher a une portée restreinte, étant donné que

[traduction] [e]n pareils cas, le particulier cherche à faire valoir qu'il y a un certain droit. Pour établir l'existence de ce droit, il prétend que la loi ou un acte administratif qui y porterait atteinte est invalide. C'est une attaque accessoire ou indirecte contre la loi ou l'acte au cours de la revendication d'un droit propre au réclamant.

En principe, je ne vois aucune raison pour laquelle une règle catégorique devrait empêcher un juge de statuer sur une question constitutionnelle qui se pose accessoirement dans le cours normal d'un litige. Comme notre Cour l'a fait observer dans l'arrêt Morguard, précité, ce sont les principes d'ordre et d'équité qui doivent nous guider dans le choix d'un tribunal compétent. En examinant ces principes, il vaut la peine de répéter certaines des considérations énoncées dans Morguard. À la page 1103, on lit ce qui suit:

Pourquoi un demandeur devrait‑il être tenu d'intenter une action dans la province où le défendeur réside présentement, quels que soient les inconvénients et le coût que cela puisse entraîner et quelle que soit la mesure dans laquelle l'opération pertinente peut avoir un lien avec l'autre province? Et pourquoi la possibilité de faire exécuter le jugement dans le ressort devrait‑elle être l'élément déterminant du choix du tribunal par le demandeur?

Je reconnais bien sûr, et cela est mentionné dans l'arrêt Morguard, qu'il faut également soupeser ces considérations en fonction du besoin d'équité envers le défendeur. Cela, peut‑on lire, à la p. 1103 de cet arrêt, «exige que le jugement soit rendu par un tribunal qui agit avec équité et avec retenue dans l'exercice de sa compétence».

Quant à la première de ces conditions, il est difficile de mettre en doute l'équité fondamentale du processus, étant donné la nature essentiellement unitaire du système judiciaire canadien; voir l'arrêt Pembina, précité, à la p. 215. Je reprendrais ici les propos qu'on peut lire aux pp. 1099 et 1100 de l'arrêt Morguard, précité:

Le système judiciaire canadien est organisé de telle manière que toute crainte de différence de qualité de justice d'une province à l'autre ne saurait être vraiment fondée. Tous les juges de cour supérieure — qui ont également un pouvoir de contrôle sur d'autres tribunaux judiciaires et administratifs provinciaux — sont nommés et rémunérés par les autorités fédérales. De plus, toutes les cours de justice sont sujettes à l'examen en dernier ressort de leurs décisions par la Cour suprême du Canada qui peut décider si les cours d'une province ont à bon droit exercé leur compétence dans une action et dans des circonstances où les cours d'une autre province devraient reconnaître ces jugements.

On peut sans doute affirmer que les cours d'une province connaissent mieux les lois adoptées par cette province. Il ne faut pas oublier, cependant, que les tribunaux judiciaires sont couramment appelés à appliquer des lois étrangères lorsque cela est indiqué. Ainsi, la présente affaire n'est différente que du fait qu'une question constitutionnelle y est soulevée. Mais tous les juges du système judiciaire canadien doivent être considérés comme compétents pour interpréter leur propre Constitution. Dans un système judiciaire composé d'arbitres neutres formés dans les principes d'un État fédéral et tenus de faire preuve de courtoisie, l'idée générale que le processus est inéquitable ne saurait simplement pas tenir sur le plan juridique, d'autant plus que le processus est soumis au pouvoir de surveillance de notre Cour.

Ce point de vue est encore plus convaincant si, comme en l'espèce, le point litigieux se rapporte à la constitutionnalité d'une loi provinciale qui a des effets dans une autre province. Cela est particulièrement vrai quand la constitutionnalité d'une loi d'une autre province n'a jamais été attaquée devant ses tribunaux et quand, de plus, comme en l'espèce, il est peu probable qu'une telle contestation aura lieu. Si la violation est autant une violation de la Constitution du Canada, alors les cours supérieures qui doivent légitimement faire face à la question en litige devraient être en mesure de la trancher. À l'encontre de ce point de vue, on a fait observer que la plupart des parties ayant un intérêt dans la question en qualité d'intervenants se trouveraient dans la province dont la loi est contestée. C'est possible, mais si la violation alléguée concerne l'effet extraterritorial, bien des parties intéressées sont aussi à l'extérieur du Québec. Avant tout, il n'est simplement pas juste d'imposer à la partie touchée le fardeau d'engager une action constitutionnelle coûteuse dans un autre ressort.

Je conviens qu'en raison de l'impact considérable de ces décisions, les tribunaux devraient se limiter à n'entendre les contestations constitutionnelles des lois d'autres provinces que si un intérêt véritable est touché dans leur province. Malheureusement, cela pose des problèmes insolubles de cause et d'effet: si les effets extraterritoriaux de la loi sont eux‑mêmes une condition préalable de la compétence du tribunal de la Colombie‑Britannique, alors qui va déterminer que de tels effets extraterritoriaux existent dans un cas donné? Le processus doit commencer quelque part et nous devons compter que nos cours supérieures, dans chacune des provinces, auront le bon sens de ne pas présumer sans motif qu'elles ont compétence.

En définitive, il faut donc, pour régler le problème, trancher des questions de compétence et décider si cette compétence devrait être exercée. Nous avons vu que les tribunaux de la Colombie‑Britannique ont, dans un litige connexe (Hunt c. T&N, précitée), rejeté une contestation de compétence et que l'autorisation de pourvoi devant notre Cour a été refusée. Ce n'est guère étonnant. L'affaire semblerait analogue à l'arrêt Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., [1975] 1 R.C.S. 393, dans lequel une société qui avait fabriqué des produits défectueux dans une province était poursuivie dans une autre province où le demandeur avait subi un préjudice du fait de ces produits. Comme en l'espèce, il fallait présumer que le fabricant savait que les produits seraient utilisés de la manière qu'ils l'ont été, à l'extérieur de la province où ils avaient été fabriqués. Vu le lien important avec la province où le préjudice a été causé, il est difficile de voir comment on pouvait dire qu'il était contraire aux principes d'ordre et d'équité que les tribunaux de la Colombie‑Britannique se déclarent compétents. Je suppose qu'un tribunal pourrait aussi être appelé à décider s'il devrait se déclarer incompétent selon le principe du forum non conveniens. En réalité, on demandait à la cour de se déclarer incompétente dans l'affaire Hunt c. T&N, précitée. Mais, à mon avis, la cour a refusé à bon droit de le faire. Le fait additionnel que, dans cette affaire, il était question que le tribunal de la Colombie‑Britannique interprète la loi québécoise et en examine la constitutionnalité n'est pas suffisant pour en faire un forum non conveniens, étant donné les considérations qui militent en faveur de l'exercice de sa compétence.

Je ne nie pas qu'il existe des inconvénients pratiques, mais les actions portant sur des activités qui ont des effets extraprovinciaux doivent nécessairement causer des difficultés à l'une ou l'autre des parties. Toutefois, l'avocat a soutenu que des inconvénients systémiques étaient en cause. D'après lui, aucune disposition n'obligeait à aviser les procureurs généraux, notamment celui de la province dont la loi était contestée. Les observations des procureurs généraux sont sans doute utiles, mais je ne vois pas pourquoi cela devrait être fatal. Il appartient à chaque ressort de prescrire légalement un tel avis; voir B. Strayer, op. cit., aux pp. 73 à 86. C'est peut‑être un facteur à prendre en considération, mais ce n'est que cela. Il faut considérer que les tribunaux et les avocats des parties, qui sont après tout les principaux intéressés, ont compétence pour traiter de ces questions. De toute façon, la décision ne lie pas les tribunaux des autres provinces et elle est susceptible de contrôle par notre Cour lorsque les procureurs généraux doivent être avisés, comme ils l'ont d'ailleurs été en l'espèce.

Les intimées ont également soutenu que cela peut, dans des provinces différentes, conduire à des décisions différentes sur la constitutionnalité de la loi en cause. Il faut cependant se rappeler qu'il n'est pas rare que cela se produise dans le cas de lois fédérales ou de lois identiques dans des provinces différentes. Et dans les rares cas où cela pourrait causer des difficultés à une partie, notre Cour pourrait y remédier. Comme le font observer Black et Swan, dans leur article «New Rules for the Enforcement of Foreign Judgments: Morguard Investments Ltd. v. De Savoye» (1991), 12 Advocates' Q. 489, note, au sujet de notre arrêt Banque de Montréal c. Metropolitan Investigation & Security (Canada) Ltd., [1975] 2 R.C.S. 546, elle le ferait probablement étant donné que la situation de la loi provinciale au regard du partage des compétences serait en jeu.

Je conclus donc que les tribunaux de la Colombie‑Britannique étaient compétents pour statuer sur la question constitutionnelle et que, par conséquent, notre Cour l'est aussi. Il n'est donc pas absolument nécessaire d'examiner les pouvoirs précis, que possède notre Cour, d'examiner des questions constitutionnelles, mais comme cette question a été débattue sérieusement, il me semblerait avisé de dire quelques mots à ce sujet.

La compétence de la Cour suprême du Canada

Plusieurs facteurs semblent indiquer que la compétence de la Cour suprême du Canada n'est pas limitée aux pouvoirs et procédures identiques des tribunaux d'instance inférieure dont les décisions sont portées en appel. Une importante réserve veut que les lois d'une province autre que celle des tribunaux dont la décision fait l'objet d'un pourvoi ne sont pas des faits qui doivent être prouvés. À l'appui de cette affirmation, on peut citer l'arrêt antérieur John Morrow Screw and Nut Co. c. Hankin (1918), 58 R.C.S. 74, dans lequel notre Cour a décidé qu'elle pouvait prendre connaissance d'office des lois et autres règles de droit des provinces canadiennes autres que celle où l'action avait pris naissance. Le juge Anglin cite l'arrêt ancien Logan c. Lee (1907), 39 R.C.S. 311, à la p. 313, dans lequel le juge en chef Fitzpatrick [traduction] «annonce»:

[traduction] . . . après avoir consulté mes collègues, notre Cour, qui est un tribunal d'appel pour l'ensemble du pays, n'exige pas que l'on prouve quelles lois peuvent être en vigueur dans une province ou un territoire du Canada. Notre Cour est tenue de suivre la règle énoncée par la Chambre des lords dans l'arrêt Cooper c. Cooper [(1888), 13 App. Cas. 88] et, de sa propre initiative, de prendre connaissance d'office des lois et autres règles de droit de chaque province et territoire du Canada, même dans les cas où celles‑ci n'ont pas fait l'objet d'une preuve devant les tribunaux d'instance inférieure, et même s'il pouvait arriver que la perception de ce que la loi peut être, qu'ont les membres de notre Cour, soit en complète contradiction avec la preuve relative à ces points qui a été produite devant les tribunaux d'instance inférieure.

On a continué de reconnaître que notre Cour a ce pouvoir direct d'examiner les lois des provinces. Par exemple, dans l'arrêt Pettkus c. Becker, [1980] 2 R.C.S. 834, aux pp. 853 et 854, le juge Dickson approuve l'arrêt Cooper c. Cooper (1888), 13 App. Cas. 88, et affirme que notre Cour prendrait connaissance d'office de toutes les lois de chaque province, même dans les cas où ces lois n'ont pas fait l'objet d'une preuve devant les tribunaux d'instance inférieure, pourvu qu'elles aient été invoquées en première instance.

La Cour peut donc exercer une «juridiction unificatrice» sur les tribunaux des provinces; voir l'arrêt Banque de Montréal c. Metropolitan Investigation & Security (Canada) Ltd., précité, à la p. 556, motifs du juge en chef Laskin. Cela est compatible avec le mandat confié à la Cour par la Loi sur la Cour suprême qui l'établit comme «une cour générale d'appel pour le Canada», conformément à l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867. Les remarques du juge Beetz dans l'arrêt Canard, précité, s'inscrivaient dans le contexte des compétences respectives des tribunaux fédéraux et provinciaux, et elles ne sauraient guère être interprétées comme visant à restreindre l'application de cette jurisprudence. Cela irait à l'encontre de la tendance de la jurisprudence récente qui donne, à d'autres dispositions de la Loi sur la Cour suprême (par. 40(1)) (auparavant par. 41(1)), une interprétation plus libérale «qui permet à cette Cour de remplir son rôle au sommet du système judiciaire canadien en tant que cour de dernier ressort pour tous les Canadiens»; voir l'arrêt R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368, le juge Dickson, plus tard Juge en chef, à la p. 404; voir aussi l'arrêt Argentine c. Mellino, [1987] 1 R.C.S. 536, aux pp. 545 à 547.

La question constitutionnelle

Je vais d'abord examiner le fondement constitutionnel invoqué à l'appui de la loi québécoise. Les intimées et l'intervenant le procureur général du Québec soutiennent que la Loi relève de la compétence législative provinciale en vertu des par. 92(13), (14) et (16) qui habilitent la province à légiférer relativement aux matières suivantes dans la province: la propriété et les droits civils, l'administration de la justice, y compris la constitution et l'organisation de tribunaux provinciaux, de même que la procédure en matière civile, et les matières d'une nature purement locale ou privée. Selon eux, ces dispositions habilitent une province à légiférer relativement à l'exécution d'ordonnances judiciaires et autres, émanant d'une autre province. À ce propos, ils citent l'arrêt Attorney General for Ontario c. Scott, [1956] R.C.S. 137, où la Cour a confirmé le pouvoir d'une province d'exécuter des jugements d'autres pays conformément à des ententes de réciprocité en matière d'exécution. Il faut nécessairement en conclure, d'après eux, que la province a la compétence législative pour empêcher l'exécution sur son territoire de toute ordonnance concernant des biens situés dans la province, même si cela touche des droits reconnus à l'extérieur de la province.

Il va sans dire que ce point de vue soulève des questions au sujet de la mesure dans laquelle une province peut donner un effet extraterritorial à une loi, questions qui ont traditionnellement été étudiées dans le contexte de la limitation de chaque chef de compétence provinciale aux lois «dans la province». De même, en ce qui concerne l'application extraterritoriale de décisions judiciaires rendues dans une autre province, il soulève des questions quant à savoir si la théorie proposée dans l'arrêt Morguard est de nature constitutionnelle et si elle s'applique dans les circonstances. Avant d'aborder ces questions d'extraterritorialité, je devrais toutefois faire remarquer que j'ai beaucoup de doutes au sujet de certaines justifications constitutionnelles proposées à l'égard de la Loi. Premièrement, il est difficile de considérer la Loi comme relative à l'administration de la justice au Québec, conformément au par. 92(14). Cette disposition se rapporte à la création de tribunaux dans la province et à leur procédure. Cependant, la loi attaquée ne se rapporte pas à l'administration de la justice ou à la procédure des tribunaux du Québec; elle a plutôt pour objet de contrôler les biens dans la province qui pourraient être touchés par des procédures à l'extérieur de la province. Elle n'a rien à voir avec la procédure des tribunaux québécois. Elle vise plutôt à faire obstacle aux actes de procédure de tribunaux hors de la province en empêchant leur exécution dans la province.

De même, il semble peu vraisemblable que le par. 92(16) puisse constituer un chef de compétence en vertu duquel la Loi pourrait être permise, parce que le refus de permettre la communication de documents relatifs à des ordonnances judiciaires ou à des actes législatifs émanant de l'extérieur de la province n'est guère une matière «d'une nature purement locale ou privée dans la province». La Loi porte plutôt sur des ordonnances et des actes de l'extérieur de la province et sur la réponse donnée à ceux-ci par des parties au Québec.

Le fondement constitutionnel le plus prometteur pour cette loi est le par. 92(13) étant donné qu'il touche la propriété et les droits civils substantiels dans la province. Les documents et les renseignements en question peuvent certainement faire l'objet d'une loi relative à la propriété dans la province de Québec. C'est en effet le fondement qu'ont principalement invoqué ceux qui demandent le maintien de la Loi. Selon ces derniers, l'objet de la Loi était d'interdire l'exécution de décisions de l'extérieur de la province qui touchaient la communication de dossiers d'entreprises situées dans la province.

Cet argument peut s'expliquer par les façons traditionnelles d'aborder le droit international privé qui s'applique entre les États étrangers. Il est bien établi que, pour s'appliquer dans un ressort étranger, les jugements et ordonnances d'un État doivent être reconnus et exécutés. Mais les règles traditionnelles du droit international privé qui ont été conçues pour un monde anarchique qui mettait l'accent sur l'indépendance du tribunal saisi, doivent être évaluées en fonction des principes de notre droit constitutionnel mentionnés plus haut. Premièrement, la loi doit satisfaire à l'exigence de situation «dans la province» imposée par l'art. 92, laquelle comporte une évaluation, selon la méthode du «caractère véritable», visant à déterminer si l'adoption d'une mesure législative ayant un effet extraprovincial excède la compétence de la province. Deuxièmement, les tribunaux doivent réfléchir à la ligne de conduite qu'il convient d'adopter sur le plan de la reconnaissance et de l'exécution des jugements rendus dans d'autres provinces, compte tenu de l'interdépendance juridique qui existe sous le régime de confédération établi en 1867. C'est cette dernière question que je souhaite maintenant examiner.

L'arrêt Morguard

C'étaient la situation d'autonomie totale en matière de reconnaissance et d'exécution et la perturbation qu'elle pouvait causer dans tout litige comportant des éléments interprovinciaux ou internationaux, qui préoccupaient notre Cour dans l'arrêt Morguard, précité. Dans cet arrêt, la Cour était soucieuse de tempérer cette source d'injustice et d'inconvénient pour les parties à un litige conformément au caractère changeant de la communauté internationale et, particulièrement, en fonction de la structure constitutionnelle canadienne.

Au centre de cet arrêt, il y avait la notion de courtoisie. Mais comme je l'ai dit, à la p. 1098, «je ne crois pas qu'il importe qu'on les qualifie de règles de courtoisie ou qu'on ne fasse qu'appel directement aux motifs de justice, de nécessité et de commodité» qui les sous‑tendent. À mon avis, les anciennes règles de common law relatives à la reconnaissance et à l'exécution avaient leur origine dans une conception périmée du monde qui mettait l'accent sur la souveraineté et l'indépendance, souvent au détriment de l'équité. Une plus grande courtoisie est nécessaire à l'époque moderne où les opérations internationales impliquent une circulation constante de produits, de richesses et de personnes partout dans le monde.

De toute façon, j'ai indiqué, à la p. 1099, que les règles traditionnelles qui mettent l'accent sur la souveraineté semblent «absolument contraires à l'intention manifeste de la Constitution d'établir un seul et même pays». Parmi les facteurs que j'ai identifiés, qui justifieraient aussi un esprit de coopération plus étroite en matière de reconnaissance et d'exécution figuraient, premièrement, la citoyenneté commune, deuxièmement, la mobilité interprovinciale des citoyens, troisièmement, le marché commun créé par l'union, qui se reflète dans les par. 91(2) et 91(10) et à l'art. 121, ainsi que dans la disposition relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement, et quatrièmement, la structure essentiellement unitaire de notre système judiciaire dont le sommet est occupé par la Cour suprême du Canada, comme je l'ai déjà mentionné. Ces facteurs sont énoncés dans l'extrait suivant de la p. 1099 de l'arrêt Morguard:

De toute façon, les règles anglaises me semblent absolument contraires à l'intention manifeste de la Constitution d'établir un seul et même pays. Cela présuppose un objectif fondamental de stabilité et d'unité où de nombreux aspects de la vie ne sont pas confinés à un seul ressort. La citoyenneté commune assure aux Canadiens la mobilité d'une province à l'autre, ce qui est aujourd'hui renforcé par l'art. 6 de la Charte; voir l'arrêt Black c. Law Society of Alberta, [1989] 1 R.C.S. 591. Plus précisément, d'importantes mesures ont été prises pour favoriser l'intégration économique. L'un des principaux éléments des arrangements constitutionnels incorporés dans la Loi constitutionnelle de 1867 était la création d'un marché commun. L'article 121 a écarté les obstacles aux échanges interprovinciaux. Dans l'ensemble, les échanges et le commerce interprovinciaux étaient considérés comme un sujet qui intéressait le pays dans son ensemble; voir le par. 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867. La disposition relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement confère au Parlement fédéral la compétence sur les activités interprovinciales (voir Interprovincial Co‑Operatives Ltd. c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 477, et aussi mes motifs de jugement dans l'arrêt R. c. Crown Zellerbach Canada Ltd., [1988] 1 R.C.S. 401 (où j'étais dissident, mais sur un autre point); voir aussi Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S. 161). Et il en est de même pour les entreprises et ouvrages interprovinciaux en raison de l'effet conjugué des par. 91(29) et 92(10).

Ces arrangements mêmes répondent à la nécessité impérieuse de pouvoir faire exécuter partout au pays les jugements obtenus dans une province. Mais ce n'est pas tout. [On trouve ensuite, aux pp. 1099 et 1100, le passage précité concernant la structure essentiellement unitaire du système judiciaire canadien, qui dissipe toute crainte de différence de qualité de justice d'une province à l'autre.]

L'importance d'adapter les limites procédurales traditionnelles des règles de common law en fonction des exigences structurelles de la Constitution canadienne n'a pas été inventée dans l'arrêt Morguard. Par exemple, j'y ai souligné, et je reprends ici, ce qu'a dit le juge Estey dans l'arrêt Aetna Financial Services Ltd. c. Feigelman, [1985] 1 R.C.S. 2, aux pp. 34 et 35, relativement aux injonctions Mareva conçues pour empêcher le transfert de biens d'un ressort à l'autre:

Toutes les considérations qui précèdent, bien qu'importantes pour comprendre le fonctionnement de ce genre d'injonction, laissent sans réponse la question fondamentale sous‑jacente: les principes dégagés par les tribunaux anglais restent‑ils intacts une fois transplantés de cet État unitaire dans l'État fédéral qu'est le Canada?

Il a conclu que les règles conçues pour empêcher le transfert de biens et pour «parer les déprédations de marins véreux opérant à partir de refuges lointains et habituellement à la limite du commerce légalement organisé» ne s'appliquaient pas aux situations dans lesquelles une société défenderesse cherchait à transférer, à des fins commerciales légitimes, des biens dans un autre ressort canadien. De même, je ne pense pas que l'action intentée contre une société située dans une province en raison des activités d'échanges et de commerce auxquelles elle se livre dans une autre province devrait nécessairement être assujettie aux mêmes règles que celles qui s'appliquent au commerce international. En particulier, si une société située dans une province choisit de se livrer à des activités d'échanges et de commerce dans d'autres provinces, les règles régissant les litiges qui s'ensuivent, particulièrement les règles relatives à la reconnaissance et à l'exécution des jugements, devraient être adaptées à la nature spécifique de la fédération canadienne. Et il est difficile de croire que les personnes ordinaires qui se déplacent au Canada dans l'exercice de leur citoyenneté commune devraient être traitées différemment; voir Black c. Law Society of Alberta, [1989] 1 R.C.S. 591.

L'affaire Morguard n'ayant pas été plaidée sur le plan constitutionnel, il suffisait d'insuffler les considérations constitutionnelles dans les règles qui auraient pu, par ailleurs, régir les questions de reconnaissance et d'exécution de jugements. Mais la question a été très clairement soulevée en l'espèce et, en fait, une question constitutionnelle a été formulée. Or, comme il ressort d'une lecture attentive du dernier passage cité de l'arrêt Morguard, les considérations constitutionnelles soulevées sont précisément cela. Elles sont des impératifs constitutionnels et elles s'appliquent, en tant que telles, autant aux législatures provinciales qu'aux tribunaux, comme l'a concédé le procureur général de l'Ontario et comme l'ont soutenu un certain nombre d'auteurs; voir, par exemple, P. Hogg, Constitutional Law of Canada (3e éd. 1992), à la p. 335; V. Black et J. Swan, «New Rules for the Enforcement of Foreign Judgments: Morguard Investments Ltd. v. De Savoye», loc. cit. Bref, pour reprendre les propos tenus à la p. 1100 de l'arrêt Morguard, le «caractère unificateur de nos arrangements constitutionnels, pour autant que ceux‑ci visent la mobilité interprovinciale», exige de la part des tribunaux de chaque province la «reconnaissance totale» des jugements des tribunaux des autres provinces. Il s'agit là, comme on l'a aussi fait remarquer dans l'arrêt Morguard, d'une caractéristique inhérente de la fédération canadienne et les législatures provinciales ne peuvent y passer outre. Cela ne veut pas dire, toutefois, qu'il est interdit à une province d'adopter une loi qui peut avoir un effet sur les litiges dans d'autres provinces, voire d'adopter une loi concernant les modalités de reconnaissance des jugements d'autres provinces. Mais cela signifie qu'elle doit respecter les normes minimales d'ordre et d'équité abordées dans l'arrêt Morguard. Je vais me pencher brièvement sur les principes pertinents, pour ensuite examiner la question de savoir si la loi contestée en l'espèce enfreint ces normes.

L'idée essentielle de l'arrêt Morguard était que, dans notre fédération, il était nécessaire d'avoir une meilleure reconnaissance et exécution des jugements rendus dans d'autres provinces. Dans cet arrêt, on a toutefois pris soin d'indiquer que les tribunaux doivent avoir des motifs raisonnables de se déclarer compétents. Il faut souligner que les idées de «courtoisie» ne sont pas une fin en soi, mais reposent sur des notions d'ordre et d'équité envers les parties à un litige qui a des liens avec plusieurs ressorts.

Selon l'arrêt Morguard, une façon plus conciliante d'aborder la reconnaissance et l'exécution reposait sur l'existence d'un «lien réel et substantiel» avec le tribunal qui s'est déclaré compétent et a rendu jugement. Contrairement à ce qu'ont fait remarquer certains auteurs et certains juges de tribunaux d'instance inférieure, cela ne se voulait pas un critère rigide, mais visait simplement à exprimer l'idée que les revendications de compétence doivent être assujetties à certaines limites. En effet, j'ai fait remarquer (à la p. 1104) que le critère du «lien réel et substantiel» a été établi dans l'arrêt Indyka c. Indyka, [1969] 1 A.C. 33, qui portait sur l'état matrimonial (en pareil cas, la logique commande une reconnaissance généreuse), et que, dans une action personnelle, il peut être nécessaire de chercher un lien entre l'objet de l'action et le ressort où elle est intentée. J'ai ensuite étudié le critère énoncé dans l'arrêt Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., précité, à l'égard d'affaires de responsabilité du fabricant, comme un exemple de situation où un tribunal pourrait à bon droit se déclarer compétent. Les limites de ce qui constitue une déclaration raisonnable de compétence n'ont pas été déterminées et j'ajoute qu'aucun critère ne pourra peut‑être jamais être appliqué rigidement; aucun tribunal n'a jamais pu prévoir tous ces cas. Toutefois, même s'il peut bien être nécessaire d'en réexaminer certains à la lumière de l'arrêt Morguard, les liens invoqués aux termes des règles traditionnelles constituent un bon point de départ. On a laissé plus que cela dépendre de l'accumulation progressive de liens définis conformément aux principes généraux d'ordre et d'équité; V. Black, «The Other Side of Morguard: New Limits on Judicial Jurisdiction» (1993), 22 Can. Bus. L.J. 4. Mais je pense que la solution générale reposait sur une base solide.

Comme la question a fait l'objet de nombreux commentaires, je ferais remarquer, entre parenthèses, que je n'ai pas, aux fins de la présente affaire, à examiner les avantages relatifs de l'adoption d'un motif général ou strict de se déclarer compétent, ni les conséquences de cette décision sur le recours au principe du forum non conveniens; voir les points de vue contraires de V. Black dans l'article précité et de P. Finkle et C. Labrecque, «Low-Cost Legal Remedies and Market Efficiency: Looking Beyond Morguard» (1993), 22 Can. Bus. L.J. 58. Peu importe le point de vue adopté, la déclaration de compétence et le pouvoir discrétionnaire de ne pas l'exercer doivent en fin de compte être subordonnés aux exigences d'ordre et d'équité, et non à un calcul mécanique de rapports ou de liens. En l'espèce, les tribunaux d'instance inférieure ont conclu que, d'après la jurisprudence, il y avait compétence et qu'il n'y avait aucune raison d'appliquer le principe du forum non conveniens. Compte tenu des commentaires relatifs à l'arrêt Morguard, je devrais peut‑être ajouter que je n'ai pas à tenir compte des répercussions, s'il en est, de l'arrêt Morguard sur le choix de la loi applicable et d'autres aspects du droit international privé.

Finalement, j'ai fait remarquer dans l'arrêt Morguard (à la p. 1100) qu'un certain nombre d'auteurs ont affirmé que le Parlement fédéral avait le pouvoir de légiférer en matière de reconnaissance et d'exécution des jugements et, selon moi, cette affirmation est bien fondée. Cette question a trait, en fin de compte, aux droits des citoyens et à la compétence législative que le Parlement possède notamment en matière d'échange et de commerce, y compris celle comprise dans la disposition relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement. Mais sous réserve de ces pouvoirs prépondérants, je ne vois pas pourquoi les provinces ne devraient pas être en mesure de légiférer en la matière, sous réserve toutefois des principes énoncés dans l'arrêt Morguard et des exigences de territorialité exposées dans la jurisprudence et, tout dernièrement, dans le Renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights Reversion Act, précité.

Application des principes de l'arrêt Morguard à la loi contestée

J'aborde maintenant la question de savoir si la loi contestée est compatible avec les principes que je viens d'énoncer. J'affirme, dès maintenant, que je ne le crois pas. Une province a sans doute intérêt à protéger les biens de ses résidents sur son territoire, mais elle ne peut pas le faire par des moyens inconstitutionnels. En l'espèce, les moyens choisis visent à refuser inconditionnellement la reconnaissance d'ordonnances et à faire ainsi obstacle aux litiges non seulement dans des pays étrangers, mais dans d'autres provinces. À tout le moins lorsqu'une ordonnance de la cour est sollicitée, si ce n'est avant, on refusera de mettre à exécution une ordonnance judiciaire rendue dans une autre province. Aucune réserve n'est prévue. Aucun pouvoir discrétionnaire n'est conféré de sorte qu'on ne saurait guère dire que la Loi respecte les principes d'ordre et d'équité qui doivent, suivant le principe de l'arrêt Morguard, sous‑tendre les procédures requises pour les litiges qui ont des effets extraprovinciaux. Hormis l'aspect législatif, la situation dans l'arrêt Morguard était différente du fait que l'appelant, dans cette affaire, avait demandé au tribunal de refuser la reconnaissance après que le jugement eut été rendu. Mais on ne peut pas éviter les prescriptions constitutionnelles par une attaque préventive. Une loi qui prohibe la communication de documents a précisément pour objet d'empêcher qu'il y ait des litiges ou des poursuites couronnés de succès dans d'autres ressorts en refusant de reconnaître et de respecter les ordonnances qui y sont rendues. Chacun se rend compte que, tout bien considéré, de telles lois ont pour objet non pas de garder des documents dans la province, mais plutôt d'empêcher le respect d'ordonnances et ainsi le succès de litiges hors de la province, que cette dernière juge inacceptables. Ces mesures font sans doute partie de la souveraineté, mais elles vont certainement à l'encontre de la courtoisie. Dans le domaine politique, il en résulte des mesures de représailles strictes sur le plan législatif, ainsi que des luttes de pouvoir. Et cela décourage le commerce international ainsi que la répartition et la conduite efficaces des litiges. Les effets, sur le plan interprovincial, sont semblables et portent atteinte à la structure fondamentale de la fédération canadienne.

Au sujet de l'historique de ces lois, on nous a dit que l'adoption des lois ontarienne et québécoise a été précipitée par l'adoption aux États‑Unis de lois antitrusts agressives à longue portée extraterritoriale. Malheureusement, ces lois qui prohibent la communication de documents constituent une réponse brutale et sont devenues elles‑mêmes des lois à longue portée qui finissent par causer, de manière fortuite, un préjudice à des particuliers qui n'étaient pas dans le ressort et qui ne sont pas engagés dans les actions que ces lois étaient censées viser au départ.

Cela pourrait sans doute se défendre en invoquant la souveraineté. En effet, notre Constitution autorise expressément le Parlement fédéral à adopter des lois qui ont un effet extraterritorial. Mais le présent pourvoi concerne les provinces qui font partie de la Confédération. L'arrêt Morguard exige que les règles de droit international privé soient adaptées à la structure de notre fédération. Dans une fédération, nous supposons qu'il y a une plus grande communauté de points de vue quant à ce qui constitue une action acceptable; un bon nombre de nos procédures sont communes. Nous avons même des règles de droit international privé semblables en matière, par exemple, de compétence et de retenue ainsi que de procédures concernant la lex fori. Et les tribunaux sont tenus, en vertu de contraintes constitutionnelles, de ne se déclarer compétents que s'il y a des liens réels et substantiels avec cet endroit. En principe, l'existence de telles lois prohibant la communication de documents est un anachronisme; lors de leur avènement dans les années 1940, elles ne visaient même pas, nous a‑t‑on dit, les litiges interprovinciaux, mais elles sont certainement défavorables à ces litiges si on les applique au niveau interprovincial.

Si des lois qui prohibent la communication de documents, comme celles qui sont aujourd'hui en vigueur en Ontario et au Québec, étaient permises en vertu de la Constitution, elles risqueraient de toucher les droits des parties à un litige dans toutes les autres provinces, chaque fois que le défendeur serait une entreprise québécoise ou ontarienne. La communication de la preuve est un outil très important dans les procès au civil. Elle revêt une importance particulière dans des cas comme la présente affaire, où on allègue un certain genre de responsabilité du fabricant. Le demandeur ultime doit disposer d'un moyen d'accéder à des documents par ailleurs internes, spécialement ceux d'importantes sociétés monolithiques. Et cela s'impose d'autant plus qu'il y a, en l'espèce, des allégations de complot civil. Il est évident que, malgré ce qui a été dit devant les tribunaux d'instance inférieure, la communication de la preuve est considérée comme fondamentale en Colombie‑Britannique, car le refus d'obtempérer à une demande de communication est l'une des rares violations procédurales qui entraînent un jugement par défaut dans la province. La plupart des autres cas de non‑respect des Rules of Court sont considérés comme des irrégularités auxquelles il est possible de remédier; voir l'art. 2. De plus, dans la jurisprudence relative à l'art. 26, on a tendance à souligner l'importance du droit à la communication de la preuve, même au prix d'une perte considérable de confidentialité. Dans l'affaire Boxer c. Reesor (1983), 43 B.C.L.R. 352, le juge en chef McEachern de la Cour suprême (maintenant Juge en chef de la Colombie‑Britannique) a confirmé l'importance fondamentale de la communication de la preuve qui a été soulignée il y a longtemps dans l'arrêt anglais Cie Financière et Commerciale du Pacifique c. Peruvian Guano Co. (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.).

Il se peut que la seule raison pour laquelle ces lois qui prohibent la communication de documents n'ont pas causé plus de problèmes dans le passé est que la plupart des défendeurs ont présumé qu'ils n'étaient pas fondés à faire valoir qu'elles interdisaient le dépôt de documents dans des situations comme la présente et qu'ils ont produit de plein gré les documents. Mais à l'avenir, les défendeurs qui connaîtront cette stratégie pour éviter la communication de la preuve ne seront que trop heureux de se prévaloir de l'effet de la loi. L'impact de cette mauvaise pratique peut déjà être constaté dans l'affaire 2632‑7602 Québec Inc. c. Pizza Pizza Canada Inc., précitée, où le juge québécois de première instance s'est fondé à mauvais escient sur l'arrêt Morguard pour refuser d'ordonner la communication dans le cas de défendeurs ontariens qui invoquaient une prohibition contenue dans la loi ontarienne équivalente. Si cette méthode était permise par la Constitution, les entreprises situées au Québec ou en Ontario n'auraient jamais à produire des documents demandés aux fins de litiges dans d'autres provinces. Pour se soustraire à la communication, il leur suffirait, à elles ou à leurs actionnaires, de demander une ordonnance aux termes de la Loi. Compte tenu du fait que l'on trouve en Ontario et au Québec les sièges sociaux de maintes sociétés canadiennes parmi les plus importantes, dont bon nombre pourront à bon droit être l'objet d'actions en responsabilité délictuelle ou d'autres actions dans les autres provinces, l'impact serait considérable. Ainsi, l'effet essentiel, et en fait l'intention à peine voilée, est de faire obstacle à l'exercice des droits substantiels des parties à des litiges à l'extérieur de la province. Cela forcerait des parties à engager des litiges dans plusieurs ressorts et obligerait plus de demandeurs à opter pour une action devant les tribunaux ontariens et québécois. Il va sans dire que d'autres provinces emboîteraient le pas. Il est inconcevable qu'en établissant un régime d'union comprenant un marché commun qui s'étendrait d'un océan à l'autre, les Pères de la Confédération aient envisagé une situation où les citoyens seraient effectivement privés de l'accès aux tribunaux ordinaires de leur province ou territoire relativement à des opérations découlant de l'existence de ce marché commun. L'augmentation du coût des activités interprovinciales qui en résulte compromet l'unité et l'efficacité du marché canadien (voir Finkle et Labrecque, loc. cit.) et est inéquitable pour le citoyen.

Une autre absurdité traduit le manque d'ordre et d'équité de la situation actuelle. Les parties à une instance civile en Ontario ou au Québec ont pleinement droit à la communication de la preuve. Ce n'est pas comme si ces provinces possédaient une tradition de procédure civile tout à fait différente. Si le litige était entendu dans l'une ou l'autre de ces provinces, il y aurait communication complète de la preuve. Et si les deux parties à l'action avaient été de la Colombie‑Britannique, il y aurait communication de la preuve. Mais curieusement, parce que le hasard a voulu que le litige se déroule en Colombie‑Britannique et que le défendeur soit du Québec ou de l'Ontario, le processus de communication est entravé.

Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Loi sur les dossiers d'entreprises québécoise est constitutionnellement inapplicable aux autres provinces et, en conséquence, inapplicable en l'espèce.

Autres questions en litige

Comme j'ai conclu que la Loi contestée est constitutionnellement inapplicable parce qu'elle est contraire aux principes énoncés dans l'arrêt Morguard, je n'ai pas à examiner la question de savoir si elle est entièrement inconstitutionnelle parce que, de par son caractère véritable, elle se rapporte à une matière à l'extérieur de la province. Il n'est pas nécessaire non plus d'examiner si on pourrait à bon droit donner à la loi une interprétation «atténuée» de manière à en permettre l'application à l'étranger, ou encore d'étudier la question de l'ordre public soulevée par l'appelant.

Il est cependant nécessaire d'examiner une question subsidiaire. On a soutenu au nom de la société Lac d'Amiante que, puisqu'une ordonnance du tribunal québécois dans une autre instance lui interdisait d'accéder à une demande de communication de la preuve présentée en Colombie‑Britannique, cette ordonnance avait, en pratique, force de chose jugée. Il m'est difficile d'accepter cette proposition. L'ordonnance n'a pas déterminé des droits passés et terminés. Elle a plutôt pour objet d'ordonner une action future, ce que le tribunal est incompétent pour faire. Cela me semble d'autant plus pertinent quand on cherche à faire appliquer l'ordonnance dans une autre action.

Dispositif

Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi, avec dépens dans toutes les cours, et d'ordonner aux intimées de produire, pour fins d'examen, dans les 30 jours, en Colombie-Britannique, des copies de tous les documents relatifs aux sujets en cause dans la présente action, qui sont en leur possession et sous leur contrôle, peu importe que ces documents se trouvent à l'intérieur ou à l'extérieur de la province de Québec. Je répondrais à la question constitutionnelle en disant qu'il y a lieu de considérer que la Loi ne s'applique pas aux provinces étant donné que pareille application serait inconstitutionnelle en vertu du principe de droit constitutionnel énoncé dans l'arrêt Morguard.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l'appelant: Camp Church & Associates, Vancouver.

Procureurs de l'intimée Lac d'Amiante du Québec Ltée: Russell & DuMoulin, Vancouver.

Procureurs des intimées Société Asbestos Limitée, Atlas Turner Inc. et Bell Asbestos Mines Limited: Farris, Vaughan, Wills & Murphy, Vancouver.

Procureurs de l'intimée JM Asbestos Inc.: Lindsay Kenney, Vancouver.

Procureurs de l'intimée l'Association des mines d'amiante du Québec: Lang Michener, Vancouver.

Procureurs de l'intimée National Gypsum Co.: Arvay, Finlay, Victoria.

Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Ontario: George Thomson, Toronto.

Procureurs de l'intervenant le procureur général du Québec: Jean‑Yves Bernard et Alain Gingras, Ste‑Foy.


Synthèse
Référence neutre : [1993] 4 R.C.S. 289 ?
Date de la décision : 18/11/1993
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit international privé - Procédure civile - Communication de documents - Demandeur dans une action civile en Colombie‑Britannique sollicitant la communication de documents par des défenderesses du Québec - Loi québécoise interdisant de transporter hors de la province des documents d'entreprises - Une loi qui prohibe la communication de documents fournit‑elle une «excuse légitime» pour ne pas se conformer à une demande de communication de documents? - Loi sur les dossiers d'entreprises, L.R.Q., ch. D‑12 - Rules of Court de la Colombie‑Britannique, art. 2(5), 26.

Droit constitutionnel - Lois - Validité - Loi québécoise interdisant de transporter hors de la province des documents d'entreprises - Une loi qui prohibe la communication de documents outrepasse-t‑elle la compétence de la province du fait qu'elle se rapporte à une matière hors de la province? - Une loi qui prohibe la communication de documents est‑elle constitutionnellement inapplicable à des procédures judiciaires dans une autre province? - Loi sur les dossiers d'entreprises, L.R.Q., ch. D‑12.

Tribunaux — Compétence — Cours supérieures -- Refus des tribunaux de la Colombie-Britannique de statuer sur la constitutionnalité d'une loi québécoise -- Les tribunaux de la Colombie-Britannique avaient-ils compétence pour statuer sur une question constitutionnelle?

Tribunaux -- Compétence -- Cour suprême du Canada — Refus des tribunaux de la Colombie-Britannique de statuer sur la constitutionnalité d'une loi québécoise -- Les tribunaux de la Colombie-Britannique avaient-ils compétence pour statuer sur une question constitutionnelle? — La compétence de la Cour suprême du Canada est‑elle limitée aux pouvoirs et aux procédures des tribunaux dont les décisions sont portées en appel? — Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S‑26, art. 45.

L'appelant souffre d'un cancer qui, selon lui, a été causé par l'inhalation de fibres d'amiante auxquelles il a été exposé pendant qu'il travaillait comme électricien en Colombie‑Britannique. Ces fibres auraient été contenues dans des produits fabriqués et vendus par les intimées qui sont des entreprises québécoises de production et de distribution d'amiante. L'appelant a intenté, en Colombie-Britannique, une action en dommages‑intérêts contre les intimées. Il a demandé la production de documents liés à l'action. La Loi sur les dossiers d'entreprises québécoise interdit de transporter hors du Québec des documents relatifs à une entreprise au Québec, à la suite d'une réquisition émanant d'une autorité judiciaire extérieure à cette province. Les intimées n'ayant pas répondu à la demande qui leur était faite, l'appelant leur a fait signifier des demandes de communication de documents, conformément au par. 26(1) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique. En réponse à ces demandes, certaines intimées ont affirmé que la Loi les empêchait d'y acquiescer; les autres n'ont pas répondu. La Cour provinciale du Québec a accordé des ordonnances empêchant les sociétés intimées d'envoyer des documents hors de la province. L'appelant a alors demandé à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique de délivrer une ordonnance enjoignant de produire les documents. Le paragraphe 2(5) habilite le tribunal de première instance à rendre une ordonnance radiant la défense pour refus «sans excuse légitime» de se conformer aux règles. La requête a été rejetée et la Cour d'appel a confirmé cette décision. Les deux tribunaux ont tenu pour acquis que la loi québécoise était valide, statuant que les tribunaux de la Colombie‑Britannique n'ont pas compétence pour se prononcer sur la constitutionnalité d'une loi québécoise. Le présent pourvoi vise à déterminer si les dispositions de la loi québécoise fournissent une «excuse légitime» au sens du par. 2(5). La question fondamentale est de savoir si cette loi outrepasse la compétence de la province du fait qu'elle se rapporte à une matière hors de la province ou si elle est constitutionnellement inapplicable à des procédures judiciaires dans d'autres provinces.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

En common law, la question de ce qui constitue une loi étrangère est une question de fait qui doit être tranchée par le juge du procès; la loi québécoise était clairement un fait pertinent et sa constitutionnalité est donc également pertinente. Les tribunaux peuvent examiner des arguments d'ordre constitutionnel pour statuer sur une loi étrangère qui est soulevée accessoirement dans un litige. Le tribunal étranger qui tire une conclusion de fait ne devrait pas être tenu de présumer qu'une loi est constitutionnelle du simple fait de son adoption. L'absence de disposition obligeant à aviser le procureur général compétent ne rend pas la procédure invalide. Les tribunaux d'instance inférieure ont commis une erreur en croyant que les règles du droit international privé empêchaient d'examiner la constitutionnalité des lois d'un autre ressort. Le fait que les deux ressorts en question font partie de la même fédération canadienne et sont régis par la même constitution vient renforcer et peut‑être augmenter les pouvoirs qu'ont les cours supérieures d'examiner les questions constitutionnelles.

Ce sont les principes d'ordre et d'équité qui doivent nous guider dans le choix d'un tribunal compétent. Étant donné la nature essentiellement unitaire du système judiciaire canadien, le processus est fondamentalement équitable, d'autant plus qu'il est soumis au pouvoir de surveillance de notre Cour. Cela est particulièrement vrai si, comme en l'espèce, le point litigieux se rapporte à la constitutionnalité d'une loi provinciale qui a des effets dans une autre province, et si la constitutionnalité d'une telle loi n'a jamais été et ne sera probablement jamais attaquée devant les tribunaux de cette autre province. Cependant, en raison de l'impact considérable de ces décisions, les tribunaux devraient se limiter à n'entendre les contestations constitutionnelles des lois d'autres provinces que si un intérêt véritable est touché dans leur province.

Puisque les tribunaux de la Colombie‑Britannique étaient compétents pour statuer sur la question constitutionnelle, notre Cour l'est aussi. De plus, la compétence de notre Cour n'est pas limitée aux pouvoirs et procédures identiques des tribunaux d'instance inférieure dont les décisions sont portées en appel. Elle peut prendre connaissance d'office de toutes les lois de chaque province, même dans les cas où ces lois n'ont pas fait l'objet d'une preuve devant les tribunaux d'instance inférieure, pourvu qu'elles aient été invoquées en première instance.

Les tribunaux doivent réfléchir à la ligne de conduite qu'il convient d'adopter sur le plan de la reconnaissance et de l'exécution des jugements rendus dans d'autres provinces, compte tenu de l'interdépendance juridique qui existe sous le régime de confédération établi en 1867. Les anciennes règles de common law relatives à la reconnaissance et à l'exécution avaient leur origine dans une conception périmée du monde qui mettait l'accent sur la souveraineté et l'indépendance, souvent au détriment de l'équité. Une plus grande courtoisie est nécessaire à l'époque moderne où les opérations internationales impliquent une circulation constante de produits, de richesses et de personnes partout dans le monde. Par ailleurs, une caractéristique inhérente de la fédération canadienne est qu'il devrait y avoir de la part des tribunaux de chaque province une «reconnaissance totale» des jugements des tribunaux des autres provinces.

Bien qu'il ne soit pas interdit à une province d'adopter une loi qui peut avoir un effet sur les litiges dans d'autres provinces, elle doit respecter des normes minimales d'ordre et d'équité. La loi en cause ici ne satisfait pas à ces normes. Une loi qui prohibe la communication de documents a pour objet non pas de garder des documents dans la province, mais d'empêcher qu'il y ait des litiges couronnés de succès dans d'autres ressorts en refusant de reconnaître et de respecter les ordonnances qui y sont rendues. Ces mesures font sans doute partie de la souveraineté, mais elles vont certainement à l'encontre de la courtoisie. L'arrêt Morguard de notre Cour exige que les règles de droit international privé soient adaptées à la structure de la fédération canadienne. Puisque les tribunaux sont tenus, en vertu de contraintes constitutionnelles, de ne se déclarer compétents que s'il y a des liens réels et substantiels avec cet endroit, l'existence de telles lois prohibant la communication de documents est un anachronisme certainement défavorable aux litiges interprovinciaux, si on les applique au niveau interprovincial. La communication de la preuve est un outil très important dans les procès au civil, notamment dans des cas comme la présente affaire, où on allègue un certain genre de responsabilité du fabricant. La Loi sur les dossiers d'entreprises québécoise est constitutionnellement inapplicable aux autres provinces et, en conséquence, inapplicable en l'espèce. Vu cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner si la Loi est entièrement inconstitutionnelle parce que, de par son caractère véritable, elle se rapporte à une matière à l'extérieur de la province. Il n'est pas nécessaire non plus d'examiner si on pourrait à bon droit donner à la loi une interprétation «atténuée» de manière à en permettre l'application à l'étranger, ou encore d'étudier la question de l'ordre public qui a été soulevée.


Parties
Demandeurs : Hunt
Défendeurs : T&N plc

Références :

Jurisprudence:
Arrêt examiné: Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077
arrêt critiqué: 2632‑7602 Québec Inc. c. Pizza Pizza Canada Inc., [1991] R.J.Q. 2951
arrêts mentionnés: Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959
Hunt c. T&N, plc, C.S.C.‑B., greffe de Vancouver no C885383, le 30 juin 1989
Québec (Procureur général) c. Lac d'Amiante du Québec Ltée (1989), 24 Q.A.C. 235, autorisation de pourvoi refusée, [1989] 2 R.C.S. viii
Asbestos Corp. c. Eagle‑Picher Industries Inc., [1984] C.A. 151
Renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights Reversion Act, [1984] 1 R.C.S. 297
Renault c. Bell Asbestos Mines Ltd., [1980] C.A. 370, inf. [1976] C.P. 284
Benesh, Friedlandler, Coplan & Aronoff c. Nesmith, [1983] C.S. 790
Procureur général du Canada c. Canard, [1976] 1 R.C.S. 170
Buck c. Attorney‑General, [1965] 1 All E.R. 882
Manuel c. Attorney General, [1982] 3 All E.R. 786
Douglas/Kwantlen Faculty Assn. c. Douglas College, [1990] 3 R.C.S. 570
Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [1991] 2 R.C.S. 5
Northern Telecom Canada Ltée c. Syndicat des travailleurs en communication du Canada, [1983] 1 R.C.S. 733
Ontario (Procureur général) c. Pembina Exploration Canada Ltd., [1989] 1 R.C.S. 206
Procureur général du Canada c. Law Society of British Columbia, [1982] 2 R.C.S. 307
Valin c. Langlois (1879), 3 R.C.S. 1
R. c. Thomas Fuller Construction Co. (1958) Ltd., [1980] 1 R.C.S. 695
Thorson c. Procureur général du Canada, [1975] 1 R.C.S. 138
Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., [1975] 1 R.C.S. 393
Banque de Montréal c. Metropolitan Investigation & Security (Canada) Ltd., [1975] 2 R.C.S. 546
John Morrow Screw and Nut Co. c. Hankin (1918), 58 R.C.S. 74
Logan c. Lee (1907), 39 R.C.S. 311
Pettkus c. Becker, [1980] 2 R.C.S. 834
Cooper c. Cooper (1888), 13 App. Cas. 88
R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368
Argentine c. Mellino, [1987] 1 R.C.S. 536
Attorney General for Ontario c. Scott, [1956] R.C.S. 137
Aetna Financial Services Ltd. c. Feigelman, [1985] 1 R.C.S. 2
Black c. Law Society of Alberta, [1989] 1 R.C.S. 591
Indyka c. Indyka, [1969] 1 A.C. 33
Boxer c. Reesor (1983), 43 B.C.L.R. 352
Cie Financière et Commerciale du Pacifique c. Peruvian Guano Co. (1882), 11 Q.B.D. 55.
Lois et règlements cités
Evidence Act, R.S.B.C. 1979, ch. 116.
Loi constitutionnelle de 1867, art. 92(13), (14), (16), 101.
Loi constitutionnelle de 1982, art. 52(1).
Loi sur certaines procédures, L.R.Q., ch. P‑27.
Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, ch. S‑19, art. 41(1).
Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S‑26, art. 40(1), 45.
Loi sur les dossiers d'entreprises, L.R.Q., ch. D‑12, art. 1, 2, 3, 4 [mod. 1988, ch. 21, art. 66], 5 [idem].
Rules of Court [Colombie‑Britannique], art. 2(5), 26.
Doctrine citée
Black, Vaughan. «The Other Side of Morguard: New Limits on Judicial Jurisdiction» (1993), 22 Can. Bus. L.J. 4.
Black, Vaughan, and John Swan. «New Rules for the Enforcement of Foreign Judgments: Morguard Investments Ltd. v. De Savoye» (1991), 12 Advocates' Q. 489.
Finkle, Peter, and Claude Labrecque. «Low‑Cost Legal Remedies and Market Efficiency: Looking Beyond Morguard» (1993), 22 Can. Bus. L.J. 58.
Groffier, Ethel. Précis de droit international privé québécois, 4e éd. Cowansville: Yvon Blais, 1990.
Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 3rd ed. Scarborough, Ont.: Carswell, 1992.
Strayer, Barry L. The Canadian Constitution and the Courts, 3rd ed. Toronto: Butterworths, 1988.

Proposition de citation de la décision: Hunt c. T&N plc, [1993] 4 R.C.S. 289 (18 novembre 1993)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1993-11-18;.1993..4.r.c.s..289 ?
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