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18/11/1993 | CANADA | N°[1993]_4_R.C.S._371

Canada | Allard Contractors Ltd. c. Coquitlam (District), [1993] 4 R.C.S. 371 (18 novembre 1993)


Allard Contractors Ltd. c. Coquitlam (District), [1993] 4 R.C.S. 371

Allard Contractors Ltd. Appelante

c.

La Corporation du district de Coquitlam Intimée

et entre

Thornhill Aggregates Ltd. Appelante

c.

La Corporation du district de Maple Ridge Intimée

et entre

Kirkpatrick Sand & Gravel Co. Ltd. Appelante

c.

La Corporation du district de Maple Ridge Intimée

et entre

Allard Contractors Ltd. Appelante

c.

La Corporation du district de Coquitlam Intimée

et entre

Kirkpatrick

Sand & Gravel Co. Ltd. Appelante

c.

La Corporation du district de Maple Ridge Intimée

et

Le procureur général du Canada,

le procureur général d...

Allard Contractors Ltd. c. Coquitlam (District), [1993] 4 R.C.S. 371

Allard Contractors Ltd. Appelante

c.

La Corporation du district de Coquitlam Intimée

et entre

Thornhill Aggregates Ltd. Appelante

c.

La Corporation du district de Maple Ridge Intimée

et entre

Kirkpatrick Sand & Gravel Co. Ltd. Appelante

c.

La Corporation du district de Maple Ridge Intimée

et entre

Allard Contractors Ltd. Appelante

c.

La Corporation du district de Coquitlam Intimée

et entre

Kirkpatrick Sand & Gravel Co. Ltd. Appelante

c.

La Corporation du district de Maple Ridge Intimée

et

Le procureur général du Canada,

le procureur général de l'Ontario,

le procureur général du Québec,

le procureur général de la Colombie‑Britannique

et le procureur général de l'Alberta Intervenants

Répertorié: Allard Contractors Ltd. c. Coquitlam (District)

No du greffe: 22829.

1993: 26 mai; 1993: 18 novembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé,

Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d'appel de la colombie-britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1991), 61 B.C.L.R. (2d) 299, 5 B.C.A.C. 241, 11 W.A.C. 241, 8 M.P.L.R. (2d) 313, 85 D.L.R. (4th) 729, qui a infirmé un jugement du juge Trainor (1988), 31 B.C.L.R. (2d) 309, 40 M.P.L.R. 96, motifs supplémentaires (1988), 31 B.C.L.R. (2d) 319, qui avait annulé certains règlements municipaux et confirmé les décisions du juge Paris (1989), 35 B.C.L.R. (2d) 386, 43 M.P.L.R. 201, et du juge Callaghan de confirmer la validité des règlements municipaux modifiés. Pourvoi rejeté.

William S. Berardino, c.r., Charles F. Willms et Helen H. Low, pour les appelantes.

Paul T. McGivern, James M. Lepp et Loreen M. Williams, pour l'intimée la Corporation du district de Coquitlam.

E. C. Chiasson, c.r, et S. S. Antle, pour l'intimée la Corporation du district de Maple Ridge.

Linda J. Wall, pour l'intervenant le procureur général du Canada.

Michel Yves Hélie, pour l'intervenant le procureur général de l'Ontario.

Monique Rousseau, pour l'intervenant le procureur général du Québec.

George H. Copley, pour l'intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.

Nolan D. Steed, pour l'intervenant le procureur général de l'Alberta.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Iacobucci — Le présent pourvoi est un autre chapitre de la saga apparemment sans fin du litige de nature constitutionnelle ayant trait à l'extraction de terre et de gravier. Plus particulièrement, il porte sur la constitutionnalité du par. 930(2) de la Municipal Act, R.S.B.C. 1979, ch. 290. La principale question est de savoir si le par. 930(2), dans la mesure où il autorise l'imposition de droits variables, est ultra vires de la Colombie‑Britannique du fait qu'il autorise une charge de la nature d'une taxation indirecte. De façon incidente, se trouve en cause la constitutionnalité de règlements adoptés par les municipalités intimées sous le régime de la Municipal Act. En outre, deux autres questions relatives aux règlements sont également soulevées. Premièrement, les règlements sont‑ils discriminatoires au sens du droit municipal? Deuxièmement, les règlements en question sont‑ils, selon une interprétation juste de la Municipal Act, autorisés par cette loi?

I.Le contexte

À première vue, l'évolution de la loi et des règlements visés par le présent pourvoi paraît complexe. Toutefois, cette complexité apparente peut être simplifiée lorsque l'on comprend que la loi et les règlements ont été modifiés à maintes reprises par suite de décisions judiciaires. Afin de mieux établir le rapport entre la modification des règlements et les poursuites judiciaires, j'estime utile de présenter un tableau global de ce qui s'est passé.

La première version du par. 930(2) était l'art. 873 de la Municipal Act, S.B.C. 1957, ch. 42, mais c'est une version ultérieure de cette disposition qui a fait l'objet de la première contestation judiciaire, en l'occurrence l'al. 868d) de la Municipal Act, R.S.B.C. 1960, ch. 255 (mod. 1962, ch. 41, art. 48; mod. 1964, ch. 33, art. 70):

[traduction] 868. Le conseil peut, par règlement, régir ou interdire

. . .

d)l'enlèvement de terre, de sable, de gravier, de roche ou d'autres substances dont le terrain est composé dans tout endroit dans la municipalité, ou dans tout secteur de la municipalité, et exiger un permis à cette fin et fixer un droit pour le permis; différents règlements et interdictions peuvent être établis selon les secteurs.

En 1967, conformément à cet alinéa de la Municipal Act, l'intimé le district municipal de Coquitlam (Coquitlam) a adopté le règlement no 1489, 1967, The District of Coquitlam Soil, Sand, Gravel, Rock or Other Substances of Which Land is Composed Removal Bylaw. Ce règlement interdisait l'enlèvement des substances énumérées dans tout endroit de la municipalité, sous réserve des autres dispositions du code de réglementation qui autorisaient l'enlèvement de ces substances par les titulaires de permis. En vertu de cette partie de l'al. 868d) qui autorisait le conseil à «fixer un droit» pour les permis, on avait initialement établi un droit de permis fixe de 50 dollars par an.

En 1971, Coquitlam a décidé de remplacer le droit de permis fixe par un droit calculé en fonction du volume des substances enlevées par le titulaire de permis: règlement modificateur no 2041, 1971. L'établissement d'un droit volumétrique a tout naturellement eu pour conséquence d'accroître sensiblement les droits payés par les entreprises commerciales d'extraction. Comme on pouvait s'y attendre, on a contesté la constitutionnalité de ce règlement. Dans l'arrêt LaFarge Concrete Ltd. c. Coquitlam, [1972] 3 W.W.R. 539 (C.S.C.‑B.), le juge Gould a annulé le règlement au motif que le droit volumétrique constituait une taxe indirecte ultra vires de la municipalité. Toutefois, en appel, dans un arrêt que j'examinerai plus loin, la décision du juge Gould a été infirmée et le droit volumétrique a été confirmé: Coquitlam c. LaFarge Concrete Ltd., [1973] 1 W.W.R. 681 (C.A.C.‑B.).

En 1979, l'al. 868d) de la Municipal Act est devenu l'al. 930d) de la Municipal Act, R.S.B.C. 1979, ch. 290 (la Municipal Act), mais n'a subi aucune modification. Peu après, affirmant agir en vertu du pouvoir que lui conférait l'al. 930d), l'intimé le district municipal de Maple Ridge (Maple Ridge) a adopté le règlement no 2681‑1979, Maple Ridge Soil Removal By‑law. À l'instar du règlement de Coquitlam qui avait été jugé valide, celui de Maple Ridge prévoyait l'imposition d'un droit de permis volumétrique.

Malgré la similitude entre le règlement de Maple Ridge et celui de Coquitlam, le juge Murray, dans l'arrêt Re Kirkpatrick and District of Maple Ridge (1980), 119 D.L.R. (3d) 598 (C.S.C.‑B.), a annulé le règlement de Maple Ridge au motif qu'il s'agissait d'une tentative détournée de percevoir des taxes indirectes. Toutefois, la Cour d'appel, sous la plume du juge Seaton, a infirmé cette dernière conclusion et refusé de renverser l'arrêt LaFarge: Kirkpatrick c. Maple Ridge (1983), 49 B.C.L.R. 134 (C.A.). Un pourvoi a été interjeté auprès de notre Cour.

Les mêmes questions constitutionnelles qui avaient été soulevées dans l'arrêt LaFarge ont été examinées par notre Cour dans l'arrêt Kirkpatrick c. Maple Ridge (Corporation du District), [1986] 2 R.C.S. 124. Toutefois, dans cet arrêt, notre Cour n'a pas examiné la constitutionnalité du droit volumétrique puisqu'elle était d'avis que l'al. 930d) de la Municipal Act ne permettait pas d'exiger des droits volumétriques. De l'avis du juge La Forest, notre Cour avait confirmé «la notion selon laquelle le pouvoir accordé par l'al. 930d) de "fixer des droits pour le permis" (ou licence qui est synonyme) vise ordinairement des droits fixes de quelque nature par opposition à un montant croissant en fonction de l'importance des activités entreprises en vertu du permis» (p. 128).

Par suite de l'arrêt Kirkpatrick de notre Cour, la législature de la Colombie‑Britannique a modifié l'art. 930 de la Municipal Act: Municipal Amendment Act (No. 2), 1987, S.B.C. 1987, ch. 38, art. 27. Cette modification a eu deux conséquences. Premièrement, l'al. 930d) est devenu l'al. 930(1)d), mais n'a par ailleurs pas été modifié. Deuxièmement, le par. 930(2) — la disposition principalement visée par le présent pourvoi — a été ajouté. Il est important d'examiner la nature de la réaction de la législature à l'arrêt Kirkpatrick. Le paragraphe 930(2) prévoit notamment ce qui suit: [traduction] «Le conseil peut, par règlement, exiger un droit pour l'enlèvement visé à l'alinéa (1) d) [. . .] et ce droit peut comporter des frais [. . .] par unité volumétrique [. . .] enlevée.» À la suite de la modification de la Municipal Act, les deux municipalités intimées ont de nouveau adopté leur règlement: règlement no 1841, 1988 de Coquitlam; règlement no 3957-1988 de Maple Ridge (je me réfère au règlement no 3957-1988, comme l'ont fait les parties dans leurs actes de procédure, et comme l'a fait le juge Trainor dans son ordonnance, bien que je sois conscient que, dans un annexe aux actes de procédure de la requérante Kirkpatrick, on trouve une copie du règlement contesté, qui peut être cité à bon droit, comme le règlement no 3957-1987).

Les trois appelantes, chacune exploitant une gravière, n'ont pas tardé à contester par voie de requêtes les nouveaux règlements. Thornhill Aggregates Ltd. (Thornhill) et Kirkpatrick Sand & Gravel Co. Ltd. (Kirkpatrick) sont des entreprises commerciales d'extraction, situées dans le district de Maple Ridge. Allard Contractors Ltd. (Allard) est également une entreprise commerciale d'extraction, située dans le district de Coquitlam.

Les appelantes ont chacune déposé une requête devant le juge Trainor de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique pour faire annuler les règlements en question. Thornhill et William Kirkpatrick (plus tard remplacé par ordonnance par l'appelante Kirkpatrick) ont tous deux contesté le règlement no 3957‑1988 de Maple Ridge. Allard a contesté le règlement no 1841, 1988 de Coquitlam. Un quatrième requérant, non partie devant notre Cour, a contesté la validité d'un règlement adopté par le district de Mission (Mission).

Le juge Trainor a rendu, relativement aux quatre requêtes, une seule décision, que je décrirai davantage plus loin: (1988), 31 B.C.L.R. (2d) 309, 40 M.P.L.R. 96. Bien qu'il ait subsidiairement examiné des arguments maintenant soulevés devant notre Cour, le juge Trainor a accueilli les requêtes au motif que l'art. 930 de la Municipal Act n'avait pas réussi à répondre de manière adéquate à l'arrêt Kirkpatrick. Il a affirmé (à la p. 314 B.C.L.R.):

[traduction] Le paragraphe 930(2) est un texte législatif correctif. La législature avait devant elle l'historique des problèmes entre les municipalités et les exploitants de gravières ainsi que l'arrêt Kirkpatrick c. Maple Ridge. Elle savait que l'al. 930(1)d) autorisait seulement un droit fixe pour l'obtention d'un permis. Je n'ai aucun doute que l'objet de la disposition, ce qui était visé, était de conférer aux municipalités le pouvoir d'imposer des droits volumétriques ou variables. Le paragraphe ne le prévoit pas expressément. Il autorise plutôt l'imposition d'un droit pour l'enlèvement de terre et précise ensuite que des frais peuvent être exigés pour chaque unité volumétrique enlevée.

En d'autres termes, le juge Trainor a statué que l'art. 930 autorise à la fois l'imposition d'un droit de permis fixe et de frais volumétriques variables pour l'enlèvement de substances, mais qu'il n'autorise pas l'imposition d'un droit de permis volumétrique variable. J'examinerai cet aspect de la décision vers la fin de mes motifs.

Coquitlam, Maple Ridge et Mission ont interjeté appel de la décision du juge Trainor, mais Mission s'est plus tard désistée. Les municipalités ont aussi modifié leur règlement respectif pour établir des droits de permis fixes ainsi que des droits volumétriques distincts pour l'enlèvement de substances de façon à résoudre les problèmes de rédaction soulevées par le juge Trainor. Puisque la décision du juge Trainor doit maintenant être examinée par notre Cour, les règlements non modifiés examinés par le juge Trainor sont reproduits en partie plus loin. Toutefois, dans les commentaires, il se peut que je me réfère aux versions modifiées des règlements en question, par souci de commodité. Sauf pour ce qui est de la question de l'interprétation restrictive découlant de la décision du juge Trainor, aucun motif ne permet d'établir une distinction entre le règlement modifié et sa version antérieure.

À l'instar du juge Southin de la Cour d'appel, je suis d'avis que la décision du juge Trainor a donné lieu à une autre réaction, soit l'adoption des art. 9 et 10 de la Municipal Amendment Act (No. 2), 1989, S.B.C. 1989, ch. 33. Conformément à ces articles, les al. 930(1)d) et e) et le par. 930(2) de la Municipal Act ont été abrogés et une nouvelle disposition, l'art. 930.1, a été ajoutée. Dans l'ensemble, cette nouvelle disposition a pour effet que la Municipal Act envisage expressément l'imposition de droits de permis volumétriques du type de ceux annulés par le juge Trainor. Toutefois, il est évident que l'art. 930.1 ne résout pas la question de savoir si l'imposition d'un droit de ce genre relève de la compétence législative de la province et n'écarte pas la nécessité d'examiner le par. 930(2). À mon avis, le présent pourvoi ne porte aucunement sur l'existence de l'art. 930.1.

Dès leur mise en {oe}uvre, les règlements adoptés par les municipalités par suite de la décision du juge Trainor ont été contestés. Allard a déposé une requête sollicitant l'annulation du règlement no 1914, 1988 de Coquitlam. Le juge Paris a rejeté cette requête pour les motifs décrits ci‑après: (1989), 35 B.C.L.R. (2d) 386, 43 M.P.L.R. 201. Allard a interjeté appel de cette décision. William Kirkpatrick a déposé une requête à l'encontre du règlement no 4109‑1988 de Maple Ridge, qui a été entendue par le juge Callaghan. Puisque les avocats ont reconnu que la décision antérieure du juge Paris régissait les faits, le juge Callaghan a rejeté la requête. Cette décision a également été portée en appel.

En définitive, la Cour d'appel devait trancher cinq appels, soulevant chacun substantiellement les mêmes questions. Trois de ces appels découlaient de la décision du juge Trainor, qui avait annulé à la fois le règlement no 1841, 1988 de Coquitlam à la demande d'Allard et le règlement no 3957‑1988 de Maple Ridge à la demande de Thornhill et de William Kirkpatrick. Les deux autres appels avaient été formés contre les décisions des juges Paris et Callaghan, qui avaient confirmé les règlements modifiés, soit le règlement no 1914, 1988 de Coquitlam et le règlement no 4109‑1988 de Maple Ridge. La Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a statué que ces divers règlements étaient intra vires des municipalités intimées ((1991), 61 B.C.L.R. (2d) 299, 8 M.P.L.R. (2d) 313, 85 D.L.R. (4th) 729, 5 B.C.A.C. 241, 11 W.A.C. 241) et c'est cette décision qui fait l'objet du présent pourvoi.

II.Les textes constitutionnels, les textes législatifs et les règlements pertinents

A.Les textes constitutionnels

Loi constitutionnelle de 1867, art. 92 et 92A:

92. Dans chaque province, la législature pourra exclusivement légiférer relativement aux matières entrant dans les catégories de sujets ci‑dessous énumérés, à savoir:

. . .

2. la taxation directe dans les limites de la province, en vue de prélever un revenu pour des objets provinciaux;

. . .

8. les institutions municipales dans la province;

9. les licences de boutiques, de cabarets, d'auberges, d'encanteurs et autres licences ou permis en vue de prélever un revenu pour des objets provinciaux, locaux ou municipaux;

. . .

16. généralement, toutes les matières d'une nature purement locale ou privée dans la province.

92A. . . .

(4) La législature de chaque province a compétence pour prélever des sommes d'argent par tout mode ou système de taxation:

a) des ressources naturelles non renouvelables et des ressources forestières de la province, ainsi que de la production primaire qui en est tirée . . .

. . .

Cette compétence peut s'exercer indépendamment du fait que la production en cause soit ou non, en totalité ou en partie, exportée hors de la province, mais les lois adoptées dans ces domaines ne peuvent autoriser ou prévoir une taxation qui établisse une distinction entre la production exportée à destination d'une autre partie du Canada et la production non exportée hors de la province.

(5) L'expression «production primaire» a le sens qui lui est donné dans la sixième annexe.

. . .

SIXIÈME ANNEXE

. . .

1. Pour l'application de l'article 92A:

a) on entend par production primaire tirée d'une ressource naturelle non renouvelable:

(i) soit le produit qui se présente sous la même forme que lors de son extraction du milieu naturel . . .

B.Les textes législatifs

Municipal Act, R.S.B.C. 1979, ch. 290, art. 930, modifiée par la Municipal Amendment Act (No. 2), 1987, S.B.C. 1987, ch. 38, art. 27:

[traduction]

930. (1) Le conseil peut, par règlement, régir ou interdire

a)la vente de fleurs sauvages;

b)les ventes à l'encan dans un marché public;

c)la boxe, la lutte, le jiu‑jitsu et toute autre compétition sportive professionnelle, lorsqu'une commission athlétique n'a pas été établie;

d)l'enlèvement de terre, de sable, de gravier, de roche ou autre substance dont le terrain est composé dans tout endroit dans la municipalité, ou dans tout secteur de la municipalité, et exiger un permis à cette fin et fixer un droit pour le permis; différents règlements et interdictions peuvent être établis selon les secteurs;

e)le dépôt de terre, de sable, de gravier, de roche ou autre substance dans tout endroit dans la municipalité, ou dans tout secteur de la municipalité, et exiger un permis à cette fin et fixer un droit pour le permis; différents règlements et interdictions peuvent être établis selon les secteurs. . .

. . .

(2) Le conseil peut, par règlement, exiger un droit pour l'enlèvement visé à l'alinéa (1) d) ou le dépôt visé à l'alinéa 1 e) et ce droit peut comporter des frais, fixés par règlement, par unité volumétrique de terre, de sable, de gravier, de roche ou autre substance enlevée ou déposée; le droit volumétrique peut varier selon les secteurs de la municipalité.

C.Les règlements

1.Maple Ridge Soil Removal By-law No. 3957-1987, art. 3, 4, 8, 16 et annexe D:

[traduction]

3. GÉNÉRALITÉS

Il est interdit d'enlever de la terre dans tout endroit de la municipalité, sauf dans un secteur désigné.

4. Il est interdit à quiconque d'enlever de la terre dans un secteur désigné à moins d'avoir préalablement obtenu de l'ingénieur un permis, conformément aux conditions du présent règlement.

. . .

8. EXEMPTIONS

Le présent règlement ne s'applique pas à:

a) l'enlèvement de terre dans une parcelle de terrain de la municipalité, à des fins autres que commerciales, si la quantité enlevée n'excède pas soixante‑quinze (75) mètres cubes;

b) quiconque participe légitimement à l'aménagement ou à l'amélioration de terrains situés dans la municipalité ou à la construction d'édifices sur des terrains dans la municipalité si cet enlèvement de terre est nécessaire à ces fins, si les devis nécessaires ont été approuvés par la municipalité ou encore si un permis de construction a été délivré par la municipalité, selon le cas;

c) l'enlèvement de terre dans tout endroit dans la municipalité, effectué par un horticulteur, un pépiniériste ou un agriculteur, qui l'utilisera sur place dans le cadre de son commerce autorisé; cependant, l'enlèvement de terre ne peut donner lieu à une dénivellation par rapport au niveau de la rue contiguë au secteur dans lequel la terre est enlevée ou par rapport à la route d'accès à ce secteur;

d) l'enlèvement de terre nécessaire à l'installation et à l'entretien de services publics ou à la construction de routes ou d'autres travaux publics sur un fonds grevé de droits de passage publics ou de servitudes enregistrées.

. . .

16. DROITS

Le droit pour chaque permis est établi conformément à l'annexe «D» du règlement et est payable à la municipalité.

ANNEXE «D»

. . .

1. Le droit de permis est calculé au taux de 0,20 $ par mètre cube de terre que le requérant prévoit enlever dans le secteur désigné au cours de la durée du permis; toutefois, l'estimation du requérant ne doit pas être inférieure au volume de terre enlevé dans le secteur désigné au cours de l'année précédente.

2.District of Coquitlam Soil Removal Regulation Bylaw No. 1841, 1988, art. 4, 5 et 11:

[traduction]

4. Il est interdit à quiconque d'enlever de la terre dans tout endroit du district de Coquitlam, sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants:

a)l'enlèvement de substances du sol se rattache à des activités de construction ou d'aménagement paysager, si la quantité annuelle de substances enlevées est inférieure à 300 mètres cubes;

b)un permis de conservation valide ou tout autre permis valide a été délivré par le district de Coquitlam et ce permis autorise l'enlèvement de substances du sol se rapportant à des chargements préalables ou à d'autres activités de construction nécessitant du terrassement;

c)un permis d'enlèvement de substances du sol valide a été délivré par le district de Coquitlam;

d)l'enlèvement de substances du sol se rapporte à des travaux de construction ou à d'autres activités exécutés par le district de Coquitlam ou en son nom.

5. Aucun permis d'enlèvement de substances du sol ne sera délivré, sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants:

a)les terrains sont situés dans le secteur décrit à l'Annexe «C» du cadastre officiel de Northwest Coquitlam, visé à l'Annexe I et inclus dans le présent règlement;

b)les terrains sont situés dans le secteur décrit à l'Annexe «D» du cadastre officiel de Northwest Coquitlam, visé à l'Annexe II et inclus dans le présent règlement . . .

11.a) Le droit payable au district de Coquitlam relativement à tout permis d'enlèvement de substances du sol correspond à la somme des deux montants suivants:

(i)les frais d'examen de cent dollars (100 $) relativement à chaque demande de permis d'enlèvement de substances du sol;

(ii)la somme de vingt‑six cents (0,26 $) par mètre cube de substances du sol enlevées dans les terrains en vertu de chaque permis d'enlèvement.

III.Les juridictions inférieures

A.La Cour suprême de la Colombie‑Britannique (1988), 31 B.C.L.R. (2d) 309 (le juge Trainor)

Comme je l'ai déjà fait remarquer, le juge Trainor a annulé les règlements municipaux contestés au motif que le libellé du par. 930(2) de la Municipal Act n'autorisait pas l'imposition d'un droit de permis volumétrique variable pour l'enlèvement de substances. Il est arrivé à cette décision en examinant les règles d'interprétation des lois en général et, tout particulièrement, l'arrêt de notre Cour Kirkpatrick c. Maple Ridge, précité. Il a examiné d'autres arguments, mais de façon subsidiaire seulement.

1.L'argument fondé sur la taxation indirecte

En ce qui concerne l'argument selon lequel les droits de permis constituaient une forme de taxation indirecte ultra vires de la Colombie‑Britannique, le juge Trainor a commencé par décrire l'arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique Coquitlam c. LaFarge Concrete Ltd., précité. Il a ensuite suivi l'arrêt de cette cour Kirkpatrick, précité, précisant que l'imposition d'un droit de permis variable a une incidence indirecte. Il a conclu que les droits de permis, du fait qu'ils étaient liés aux coûts du régime de réglementation, étaient véritablement accessoires à ce régime. Sur ce point, il a dit (à la p. 318):

[traduction] En l'espèce, la preuve indique une intention de percevoir suffisamment de recettes pour couvrir les coûts du régime de réglementation ainsi que de la construction et de l'entretien des routes utilisées par les camions de transport de gravier. Bien que des éléments de preuve indiquent que ce droit volumétrique générerait beaucoup plus de fonds que le montant réellement nécessaire à ces fins, il ne m'appartient pas de tenter de calculer ces montants avec exactitude. Mon rôle consiste à déterminer s'il s'agit d'un véritable régime de délivrance de permis régissant un commerce ou d'un simple moyen dissimulé d'obtenir de l'argent à d'autres fins. La possibilité d'un excédent ne rendrait pas pour autant le régime non valide, sauf s'il s'agit d'un moyen détourné de percevoir des recettes par taxation indirecte. Il n'est pas nécessaire d'établir l'utilisation des fonds.

Bien que le juge Trainor ne précise pas clairement sa conclusion sur ce point, il aurait de toute évidence confirmé l'imposition d'un droit de permis volumétrique comme étant accessoire à un véritable régime de délivrance de permis valable en vertu du par. 92(9) de la Loi constitutionnelle de 1867.

2.L'argument fondé sur la discrimination

On a également soutenu devant le juge Trainor que les règlements en cause étaient discriminatoires au sens du droit municipal, parce que l'on distingue les exploitants de gravières de l'ensemble des usagers des routes municipales en exigeant d'eux qu'ils paient des droits de permis, et aussi parce que cette discrimination n'est pas autorisée par la Municipal Act. En réponse à cet argument, le juge Trainor a indiqué que les municipalités avaient été autorisées par la loi à réglementer le dépôt et l'enlèvement de gravier et que l'imposition d'un droit de permis est une méthode reconnue de réglementation. Il a ensuite appliqué un critère formulé dans l'arrêt Lees c. West Vancouver (1979), 15 B.C.L.R. 233 (C.A.), pour établir s'il y avait eu discrimination et il a tiré deux conclusions pertinentes. Premièrement, il a statué que les règlements n'étaient pas en réalité discriminatoires. Deuxièmement, selon lui, les municipalités n'ont pas agi sans motif valable ni sans tenir compte de l'intérêt public.

En conséquence, le juge Trainor a annulé les règlements en se fondant sur son analyse de la question de l'interprétation des lois mais, pour ce qui est des autres questions devant lui, il aurait accordé gain de cause aux municipalités.

B.La Cour suprême de la Colombie‑Britannique (1989), 35 B.C.L.R. (2d) 386 (le juge Paris)

1.L'argument fondé sur la taxation indirecte

L'analyse que fait le juge Paris de la question de la taxation indirecte se fonde plus directement sur l'arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique Coquitlam c. LaFarge Concrete Ltd. que celle du juge Trainor. Après avoir examiné l'arrêt LaFarge et cité des arrêts auxquels il renvoie, le juge Paris affirme (à la p. 392):

[traduction] Il me semble que ces diverses décisions établissent que, même si les droits imposés par un règlement comme en l'espèce peuvent être qualifiés de taxe indirecte, ils peuvent néanmoins se justifier lorsqu'ils sont accessoires ou rattachés au régime de délivrance de permis et de réglementation de l'activité, soit, en l'espèce, l'enlèvement de terre et de gravier dans les terrains municipaux.

Par conséquent, à l'instar du juge Trainor, le juge Paris s'est fondé sur le par. 92(9) de la Loi constitutionnelle de 1867 pour justifier l'imposition du droit de permis variable. Laissant entendre qu'il se fondait sur l'arrêt de notre Cour Kirkpatrick, il a affirmé: [traduction] «Un droit de permis peut aussi être qualifié de taxe indirecte et être quand même valide en vertu du par. 92(9) dans la mesure où il est véritablement accessoire à un régime de délivrance de permis ou de réglementation» (p. 393).

Le juge Paris s'est également fondé sur le par. 92A(4) de la Loi constitutionnelle de 1867 dans sa conclusion concernant la taxation indirecte. À cet égard, il a simplement fait remarquer que le par. 92A(4) accorde expressément des pouvoirs de taxation indirecte relativement aux ressources naturelles non renouvelables et il a précisé que ces ressources comprenaient le gravier et la terre. Enfin, il a conclu que le pouvoir prévu au par. 92A(4) pouvait être délégué aux municipalités.

2.L'argument fondé sur la discrimination

Selon le juge Paris, les circonstances dont il devait tenir compte étaient [traduction] «parfaitement assimilables aux circonstances examinées par le juge Trainor» (p. 389). Il a reconnu que les règlements étaient autorisés par l'art. 930 de la Municipal Act. Il a aussi statué qu'il n'existait pas de discrimination au sens juridique parce que le règlement visé s'appliquait également à tous les membres du groupe réglementé. Il a affirmé (à la p. 389):

[traduction] Même s'il permet d'obtenir des exploitants de gravière des fonds qui seront en partie ou presque exclusivement consacrés à la réparation et à l'entretien des routes mais n'impose aucun droit aux autres usagers des routes, il n'est pas discriminatoire pour autant au sens juridique formulé dans la jurisprudence portant sur la validité de règlements municipaux. C'est parce qu'il s'applique, comme je l'ai déjà dit, également et sans distinction aux membres du groupe auquel la municipalité peut, en vertu de la loi provinciale habilitante, imposer un droit, savoir ceux qui procèdent à l'enlèvement de terre et de gravier dans les terrains municipaux.

Puisque le règlement modifié avait permis de résoudre les difficultés d'interprétation soulevées par le juge Trainor, le juge Paris, après avoir analysé les arguments fondés sur la taxation indirecte et sur la discrimination, a rejeté la requête en annulation du règlement.

C.La Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1991), 61 B.C.L.R. (2d) 299 (les juges Macdonald, Southin, Taylor, Proudfoot et Hinds)

1.L'argument fondé sur la taxation indirecte

La Cour d'appel a siégé à cinq juges puisque les requérants qui interjetaient appel de la décision du juge Paris voulaient que la cour renverse son arrêt antérieur Coquitlam c. LaFarge Concrete Ltd. S'exprimant au nom de la cour, le juge Southin a cependant indiqué, à la p. 301, qu'il était inutile d'examiner l'arrêt LaFarge puisqu'il [traduction] «se trouvait dépassé par un événement constitutionnel», savoir l'ajout de l'art. 92A à la Loi constitutionnelle de 1867.

Le juge Southin a ensuite procédé à l'examen de l'argument relatif à la taxation indirecte en se fondant seulement sur l'art. 92A de la Loi constitutionnelle de 1867. Dans l'interprétation de cette disposition, elle a rejeté les arguments d'interprétation censés être fondés sur les différences entre les textes français et anglais du par. 92A(4), aux pp. 305 à 307; motifs supplémentaires (1991), 5 B.C.A.C. 241, à la p. 252. En définitive, elle a, dans son interprétation du par. 92A(4), affirmé qu'il englobait un pouvoir de taxation indirecte qui peut être délégué aux municipalités.

2.L'argument fondé sur la discrimination

Empruntant des termes de l'arrêt Montréal (Ville de) c. Arcade Amusements Inc., [1985] 1 R.C.S. 368 (à la p. 405), le juge Southin a affirmé que la question pertinente en matière de discrimination est de savoir si l'art. 930 autorise des règlements «qui font acception de personne et s'appliquent de façon inégale à différentes classes». Comme je l'ai déjà signalé, le juge Southin était d'avis que l'art. 930 établissait une sorte de taxation indirecte. C'est pourquoi elle a examiné si l'art. 930 autorisait les municipalités [traduction] «à imposer cette taxe à une catégorie d'entrepreneurs, les exploitants commerciaux, et à en exempter d'autres» (p. 311). Elle a ensuite tiré la conclusion suivante: [traduction] «Compte tenu de l'historique du texte législatif en question, je suis d'avis que non seulement la législature visait à autoriser l'imposition et les exemptions, mais elle a utilisé les termes appropriés pour le faire» (p. 311).

3.L'argument fondé sur l'interprétation des lois

Le juge Southin ne s'est pas beaucoup attardée à vérifier si les règlements étudiés par le juge Trainor étaient autorisés par la version non modifiée de la Municipal Act, auquel cas ils pouvaient validement imposer un droit de permis volumétrique. Elle a tout d'abord dit que c'était clairement l'intention de la législature d'autoriser un impôt volumétrique. Elle s'est ensuite simplement demandé si les règlements pouvaient constituer un tel impôt au moyen d'un droit de permis. Relativement à ce dernier point, elle a tiré la conclusion suivante (à la p. 310):

[traduction] En ce qui concerne ce point d'interprétation, avec égards, je ne suis pas d'accord avec le juge de première instance. Dans ce contexte, c'est faire une distinction vide de sens que d'affirmer que les frais peuvent être imposés, mais qu'ils ne peuvent faire partie du droit de permis et doivent être imposés à titre de frais distincts seulement.

La Cour d'appel a infirmé la décision du juge Trainor sur ce point d'interprétation des lois, a rejeté l'argument fondé sur la discrimination et a confirmé l'art. 930 de la Municipal Act et les règlements municipaux en vertu du pouvoir de taxation indirecte prévu au par. 92A(4) de la Loi constitutionnelle de 1867.

IV.Les questions en litige

Le 10 novembre 1992, le Juge en chef a formulé la question constitutionnelle suivante:

1. Le paragraphe 930(2) de la Municipal Act, R.S.B.C. 1979, ch. 290, excède-t‑il la compétence législative de la province dans la mesure où il autorise l'imposition de droits variables?

Dans les plaidoiries devant notre Cour, les parties ont soulevé quatre questions distinctes:

[traduction]

1. Le paragraphe 930(2) de la Municipal Act, dans la mesure où il autorise l'imposition de droits variables, relève‑t‑il de la compétence législative de la province de la Colombie‑Britannique conformément au par. 92(9) de la Loi constitutionnelle de 1867?

2. Le paragraphe 930(2) de la Municipal Act, dans la mesure où il autorise l'imposition de droits variables, relève‑t‑il de la compétence législative de la province conformément au par. 92A(4) de la Loi constitutionnelle de 1867?

3. Si le par. 930(2) de la Municipal Act relève de la compétence législative de la province dans la mesure où il autorise l'imposition de droits variables, les règlements sont‑ils néanmoins discriminatoires et, en conséquence, illégaux?

4. Si le par. 930(2) de la Municipal Act relève de la compétence législative de la province dans la mesure où il autorise l'imposition de droits variables, autorise‑t‑il, selon une interprétation juste, l'imposition de droits de permis variables?

Tout d'abord, vu ma conclusion à l'égard de la première question concernant le par. 92(9) de la Loi constitutionnelle de 1867, j'estime inutile d'examiner les arguments fondés sur le par. 92A(4), qui traite de la taxation des ressources naturelles par les provinces.

V.Analyse

A.Le paragraphe 930(2) de la Municipal Act, dans la mesure où il autorise l'imposition de droits variables, relève‑t‑il de la compétence législative de la province de la Colombie‑Britannique conformément au par. 92(9) de la Loi constitutionnelle de 1867?

Plus loin, je conclus que les droits variables en cause font partie d'un régime global de réglementation du gravier et des routes et que le par. 92(9), de concert avec les par. 92(13) et (16), de la Loi constitutionnelle de 1867 valide ces droits dans la mesure où ils incluent un élément de taxation indirecte. Cette conclusion finale est l'aboutissement d'une longue analyse. Elle repose plus directement sur la question de savoir si la Municipal Act et les règlements créent un régime de réglementation auquel les droits peuvent se rapporter. L'analyse de cette question présuppose à son tour que le par. 92(9) peut justifier l'imposition de droits de permis indirects dans le cadre d'un régime de réglementation, droits qui par ailleurs pourraient être qualifiés de taxes indirectes. Enfin, la question de la taxation indirecte n'est pertinente et l'analyse fondée sur le par. 92(9) n'est nécessaire que dans la mesure où les droits variables en cause peuvent être considérés comme indirects de par leur effet général. J'examinerai donc tout d'abord l'effet général des droits de permis variables. Je procéderai ensuite à l'examen de la jurisprudence portant sur le par. 92(9) et analyserai la Municipal Act et les règlements en cause pour déterminer s'ils créent un régime de réglementation se rapportant à l'imposition de droits variables; enfin, je conclurai de la façon mentionnée.

1.L'effet général des droits de permis

En vertu du par. 92(2) de la Loi constitutionnelle de 1867, les provinces ont le pouvoir de percevoir des recettes pour des objets provinciaux par le moyen de la taxation directe seulement. L'existence de ce pouvoir signifie que, normalement, dans le cas d'un droit de permis fixe, l'analyse de la question du partage des compétences n'a pas besoin d'être très poussée, et ce, parce qu'il est généralement reconnu depuis l'arrêt classique Bank of Toronto c. Lambe (1887), 12 A.C. 575 (C.P.), qu'un droit fixe constitue une forme de taxation directe.

La question de la taxation indirecte se pose lorsque les tribunaux sont appelés à examiner l'imposition de droits de permis variables. Bien que l'arrêt Lambe, précité, ait établi que l'effet général des droits fixes est direct, il n'y a pas de conclusion aussi évidente quant à l'effet général d'un droit variable. Il faut examiner chaque cas pour déterminer si un droit variable calculé en fonction du nombre ou de la valeur des opérations du titulaire de permis a un effet général direct ou indirect.

D'après les faits de l'espèce, je n'ai aucun doute que les droits volumétriques en cause ont un effet général indirect. Chacune des municipalités intimées a créé un droit qui varie en fonction du volume de gravier enlevé par les appelantes. Par exemple, l'al. 13a) du règlement no 1914, 1988 de Coquitlam établit un droit de 26 cents par mètre cube de terre enlevé. L'imposition de ce droit variable, relativement à un bien comme le gravier qui est destiné au commerce, a sur le plan juridique un effet général indirect comme on peut rapidement le démontrer.

Bien que ce soit une question juridique de déterminer si une taxe est directe ou indirecte, les tribunaux ont eu comme pratique de faire leur la formulation classique de John Stuart Mill, citée dans l'arrêt Lambe, précité (à la p. 582):

[traduction] Les taxes sont directes ou indirectes. La taxe directe est celle qu'on exige de la personne même qui doit l'assumer. Les taxes indirectes sont celles qu'on exige d'une personne dans l'intention que celle‑ci se fasse indemniser par une autre . . .

Dans certains cas, par exemple lorsque la taxe est de toute évidence imposée seulement au consommateur réel, cette définition est suffisante et complète: voir l'arrêt Air Canada c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161, à la p. 1186. Dans d'autres, toutefois, la personne qui doit payer la taxe peut être en position de la reporter directement sur autrui ou de recouvrer un montant équivalent d'une façon moins directe. Dans ces dernières circonstances, il faut préciser davantage la définition de Mill.

On remarque que même l'arrêt Lambe, précité, avait apporté les précisions nécessaires. En statuant qu'une taxe commerciale imposée aux banques était à bon droit qualifiée de taxe directe, le Conseil privé a établi une distinction entre cette taxe et [traduction] «une taxe sur un bien dont la banque ferait commerce et qu'elle pourrait vendre à un prix plus élevé à ses clients» (p. 583). Cette pensée a davantage été précisée dans l'arrêt Attorney‑General for British Columbia c. Canadian Pacific Railway Co., [1927] A.C. 934. Dans cette affaire, le Conseil privé devait examiner une loi provinciale qui imposait à un acheteur une taxe égale à un demi‑cent par gallon de mazout acheté. Cette taxe devait être imposée sur le mazout vendu pour la première fois après sa production ou son importation dans la province, mais le Conseil privé l'a annulée parce qu'il s'agissait d'une taxe indirecte. Le vicomte Haldane a affirmé (à la p. 938): [traduction] «Le mazout est un bien négociable et ceux qui l'achètent, même pour leur utilisation personnelle, acquièrent le droit de le mettre sur le marché. En conséquence, selon le principe général, il s'agit d'une taxe indirecte.»

Par conséquent, les arrêts Lambe et Attorney‑General for British Columbia, précités, paraissent reconnaître qu'une taxe imposée sur un bien négociable a habituellement un effet général indirect. Il restait au juge Rand dans l'arrêt Canadian Pacific Railway Co. c. Attorney General for Saskatchewan, [1952] 2 R.C.S. 231 («Saskatchewan»), à expliquer clairement pourquoi cela pourrait être le cas. En faisant ses commentaires relativement à l'arrêt Attorney-General for British Columbia c. Esquimalt and Nanaimo Railway Co., [1950] A.C. 87 (C.P.), il a affirmé (aux pp. 251 et 252):

[traduction] Dans le même arrêt, lord Greene parle de la «différence fondamentale» entre la «tendance économique» d'un propriétaire qui tente de déplacer l'incidence d'une taxe et le «report sur autrui» de la taxe considéré comme la caractéristique principale d'une taxe indirecte. En ce qui concerne les biens dans le commerce, je considère qu'ils se rattachent aux conceptions reconnues par les économistes des droits qui se classent dans la catégorie des biens accumulés; la question est alors la suivante: quelles sont les taxes qui, par intention, doivent être incluses dans ces biens? Si la taxe se rapporte ou est susceptible de se rapporter, directement ou indirectement, à une unité de bien ou à son prix, et est imposée à l'étape de la fabrication ou de la vente, cette taxe tend alors à s'attacher comme un fardeau à l'unité en question ou à l'opération destinée au marché.

Bien que d'autres méthodes aient été proposées (voir l'analyse dans G. V. La Forest, The Allocation of Taxing Power Under the Canadian Constitution (2e éd. 1981), aux pp. 88 à 92), je suis d'avis que le juge Rand formule un bon critère qui permet d'établir si une taxe est indirecte: la taxe se rapporte‑t‑elle ou est‑elle susceptible de se rapporter, directement ou indirectement, à une unité du bien ou à son prix, et est‑elle imposée à l'étape de la fabrication ou de la vente?

Cependant, Maple Ridge a particulièrement soutenu devant notre Cour que le droit volumétrique ne pouvait se rapporter à une unité du gravier ni à son prix. On a affirmé que du gravier pouvait être enlevé du sol par les appelantes — c'est‑à‑dire par excavation -- et, pourtant, ne pas être de qualité marchande. Maple Ridge a soutenu que le droit volumétrique s'appliquerait alors à ce genre d'enlèvement de substances, même si le gravier de qualité inférieure risquait de ne pas être vendu comme bien commercial. Je rejette cet argument pour deux motifs.

Premièrement, Maple Ridge a invoqué l'arrêt Colpitts Ranches c. Attorney‑General of Alberta, [1954] 3 D.L.R. 121 (C.S. Alb.). Dans cette affaire, il s'agissait d'une taxe municipale qui avait été imposée à l'entreprise d'élevage d'animaux à fourrure du demandeur. Celui‑ci faisait l'élevage des renards, et le montant de la taxe était calculé par rapport au nombre de renards appartenant au demandeur. Bien que la cour ait examiné plusieurs des arrêts que j'ai mentionnés, y compris l'arrêt Saskatchewan, précité, elle a soutenu qu'il ne s'agissait pas d'une taxe indirecte. Le juge Cairns a fait remarquer que tous les renards n'allaient pas être vendus ou devenir un article de commerce; il a affirmé: [traduction] «La taxe en question [. . .] n'est pas spécifiquement reportée sur l'acheteur» (p. 123). Cette taxe a été qualifiée de coût de production du demandeur, qui pouvait seulement être reporté sur l'acheteur comme d'autres dépenses de production.

Je ne considère pas que l'arrêt Colpitts appuie d'une façon convaincante la position de Maple Ridge. En fait, l'avocat de Maple Ridge a reconnu que l'arrêt Colpitts présente une position plutôt extrême. Je ne peux m'empêcher de souligner que, dans l'arrêt Colpitts, le tribunal semble laisser entendre qu'une taxe indirecte nécessite une corrélation parfaite entre une taxe et le coût majoré d'un article commercial. Je ne crois pas que l'analyse utile formulée dans l'arrêt Saskatchewan perde toute son importance simplement parce que certaines unités d'un bien taxé ne sont pas mises sur le marché. Bien que la taxe imposée sur ces unités puisse en fait être absorbée dans les «coûts de production» généraux, cela n'empêche pas cette taxe de s'attacher comme un fardeau à la vaste majorité des unités qui aboutissent sur le marché. Dans la mesure où l'arrêt Colpitts va à l'encontre de cette proposition, je suis d'avis de le rejeter.

Le second motif justifiant le rejet de l'argument de Maple Ridge se fonde sur les faits. L'avocat de Maple Ridge a expliqué la façon de mesurer le gravier enlevé, prévue dans les règlements. Ce calcul est fait à l'aide de photographies aériennes prises avant et après l'enlèvement de gravier dans un secteur désigné. Par conséquent, en soutenant qu'il peut y avoir extraction de gravier qui ne sera pas nécessairement vendu, Maple Ridge fait une distinction trop ténue. Bien qu'une partie du gravier puisse en fait être extraite mais non vendue, ce gravier ne sera pas [traduction] «enlevé du secteur désigné» (règlement no 4109‑1988 de Maple Ridge, annexe «D», art. 1). Je ne crois pas que l'avocat de Maple Ridge ait dit que le gravier impropre à la vente serait transporté ailleurs. Puisque ce gravier ne serait pas enlevé de l'endroit visé par la photographie aérienne, il ne serait pas assujetti au droit volumétrique. À partir de ce raisonnement, l'argument fondé sur l'arrêt Colpitts, tel qu'il est formulé, n'est aucunement fondé du point de vue factuel.

Pour les motifs qui précèdent, j'estime que le par. 930(2) de la Municipal Act et ses règlements d'application ont clairement été conçus pour imposer des droits volumétriques qui auront un effet général indirect. Puisque les droits sont établis par rapport au volume d'un bien commercial destiné au marché, ils se trouvent de toute évidence à s'attacher [traduction] «comme un fardeau à l'unité en question ou à l'opération destinée au marché», au sens de l'arrêt Saskatchewan, précité, à la p. 252.

2.Le paragraphe 92(9) et les arguments fondés sur la taxation indirecte

La conclusion que les droits variables ont un effet général indirect entraîne inévitablement l'argument que ces droits sont ultra vires de la province, parce qu'ils constituent une taxe indirecte. En conséquence, j'examinerai maintenant les arrêts qui ont porté sur l'examen du par. 92(9) et de sa capacité d'englober le concept de la taxation indirecte. Puisque je tente de déterminer la portée du par. 92(9) et non de définir la «taxation» comme telle, j'estime inutile d'examiner le Renvoi relatif à la Loi sur l'organisation du marché des produits agricoles, [1978] 2 R.C.S. 1198, ou le Renvoi relatif à la taxe sur le gaz naturel exporté, [1982] 1 R.C.S. 1004, tous deux cités par les appelantes, puisque ni l'un ni l'autre ne portent sur le par. 92(9) de la Loi constitutionnelle de 1867.

Avant 1930, on n'avait jamais examiné dans un arrêt si le par. 92(9) incluait un pouvoir de taxation susceptible de s'étendre au‑delà du pouvoir de taxation directe prévu au par. 92(2). Cette année‑là, notre Cour a toutefois rendu l'arrêt Lawson c. Interior Tree Fruit and Vegetable Committee of Direction, [1931] R.C.S. 357. Bien que notre Cour ait principalement statué qu'un régime provincial de commercialisation était inconstitutionnel puisqu'il réglementait les échanges et le commerce, le juge Duff a tout d'abord examiné la portée du par. 92(9) par rapport au par. 92(2) et affirmé (aux pp. 363 et 364):

[traduction] À première vue, il semble ressortir de l'examen du libellé de ces deux domaines distincts de compétence que les taxes envisagées par le par. 9 ne sont pas limitées aux taxes de même nature que celles autorisées par le par. 2, et que, par conséquent, des taxes qui seraient généralement décrites comme des «taxes indirectes» ne sont pas pour ce seul motif exclues de celles qui peuvent être exigées en vertu du par. 9.

À partir de ce raisonnement, le juge Duff a conclu, à la p. 364, que certains droits de permis provinciaux n'étaient qu'accessoires puisqu'ils avaient comme objet la [traduction] «création d'un fonds pour couvrir les frais» du régime de réglementation. En définitive, il va sans dire que les permis étaient néanmoins accessoires à un régime inconstitutionnel, et ils ont été jugés invalides pour ce motif.

Bien que l'arrêt Lawson, précité, ait donné au par. 92(9) une interprétation susceptible d'inclure la taxation indirecte, il l'a fait en donnant à entendre que cette possibilité serait limitée au recouvrement des dépenses de nature réglementaire. Dans l'arrêt suivant sur la question, on a utilisé des termes un peu plus généraux. Dans Shannon c. Lower Mainland Dairy Products Board, [1938] A.C. 708, le Conseil privé devait examiner un régime provincial de commercialisation intraprovinciale. En vertu de ce régime, les offices de commercialisation pouvaient être habilités à financer des dépenses au moyen de droits de permis obtenus de personnes {oe}uvrant dans les secteurs de la production, du conditionnement, du transport, de l'entreposage ou de la commercialisation des produits naturels réglementés. Ces offices pouvaient percevoir les droits annuellement, semi‑annuellement, trimestriellement ou mensuellement, classer par groupe les titulaires de permis et fixer des droits différents pour ces divers groupes.

Le Conseil privé a laissé entendre qu'il était difficile de classer ces droits de permis comme une taxe directe, mais a jugé inutile d'examiner cette question. D'autres domaines de compétence provinciale offraient un fondement législatif suffisant, mais le Conseil privé n'a pas tenté de clarifier le lien entre les domaines de compétence examinés. Il a simplement mentionné le par. 92(9), le pouvoir de délivrance de permis, le par. 92(13), «la propriété et les droits civils dans la province», et le par. 92(16), «toutes les matières d'une nature purement locale ou privée dans la province». Lord Atkin a ensuite examiné ces motifs servant à défendre le régime en question (à la p. 721):

[traduction] Si la réglementation du commerce dans la province est tenu pour valide, il faut également accueillir le procédé courant de réglementation du commerce, c'est‑à‑dire un système de permis. En soi, un permis comporte seulement une permission de faire du commerce en observant des conditions précises. Un droit de permis, quoique habituel, ne paraît pas essentiel. Mais, si l'on accorde des permis, il semble n'y avoir aucune objection à ce que l'on perçoive des droits, soit pour couvrir les frais d'application de la réglementation locale, soit pour augmenter les recettes générales de la province, soit pour atteindre ces deux fins. Dans pareil cas, l'objet semblerait être de percevoir des recettes à des fins locales ou provinciales.

La portée de ces propos pourrait laisser entendre que l'on a introduit dans le par. 92(9), sans restriction, un mode de taxation indirecte, ce qui priverait le par. 92(2) de tout sens propre. Toutefois, il importe de faire ressortir [traduction] «que ce qui était en cause dans cet arrêt était un régime de réglementation par l'octroi de permis, lequel relevait par ailleurs de la compétence provinciale, et que les droits de permis étaient imposés pour financer le régime»: G. V. La Forest, op. cit., à la p. 158.

La portée apparente de l'arrêt Shannon est également restreinte lorsqu'on l'examine par rapport au Reference re Farm Products Marketing Act, [1957] R.C.S. 198. Dans ce renvoi, on contestait la validité d'un autre régime provincial de commercialisation qui exigeait, notamment, des producteurs de pêches et de légumes de payer des droits de permis, calculés par rapport au poids des produits livrés aux entreprises de transformation. Même s'ils pouvaient constituer une taxe indirecte, ces droits ont été confirmés et jugés intra vires de la province.

Il est intéressant de noter les différentes analyses adoptées par les membres de notre Cour dans le Reference re Farm Products. Le juge en chef Kerwin s'est contenté de citer l'arrêt Shannon, précité, pour justifier les droits de permis. Le juge Cartwright était d'avis que la Cour n'avait pas été à bon droit saisie de la question des modalités du régime de commercialisation et, pour ce motif, il n'a pu arriver à une conclusion relativement aux droits de permis. Toutefois, il a fait remarquer que, s'il avait pu examiner les modalités du régime, il aurait souscrit à l'opinion du juge Rand. Celui‑ci a statué qu'un régime de permis ne serait pas invalidé simplement parce qu'il comprend un élément de taxation indirecte et il a cité l'arrêt Lawson, précité, pour préciser que des droits accessoires à la réglementation du commerce par voie de permis seraient examinés sans tenir compte du pouvoir de taxation directe prévue au par. 92(2). Son opinion fait ressortir que, à son avis, les par. 92(9), (13) et (16) créent collectivement un pouvoir de réglementation au moyen de permis, lequel [traduction] «englobe des pouvoirs accessoires nécessaires à son plein exercice; l'imposition de droits pour couvrir les dépenses d'administration de ces régimes, quelle que soit leur incidence, fait partie de cette nécessité» (p. 219, je souligne). Pour le juge Fauteux (avec l'appui des juges Taschereau et Abbott), si les droits étaient principalement justifiables à titre de frais de services, le pouvoir provincial de délivrance de permis [traduction] «tiré des par. 92(9), (13) et (16)» pouvait servir [traduction] «à obtenir des fonds pour payer les frais de fonctionnement» d'un régime de réglementation valide (aux pp. 249 et 250, je souligne). Enfin, pour le juge Locke (avec l'appui du juge Nolan), le par. 92(9) pouvait autoriser l'imposition d'un permis dont le coût varierait en fonction de la quantité de la substance réglementée vendue, même si le permis avait pour effet d'accroître le prix de vente du produit réglementé. Le juge Locke a mentionné l'arrêt Shannon, précité, pour préconiser qu'un permis ne pourrait être contesté simplement parce que, à la fois, il règlemente le commerce et génère des recettes. Toutefois, il importe de souligner que le juge Locke s'est fondé sur l'hypothèse établie que les droits de permis en question devaient servir à couvrir les dépenses.

Dans les arrêts mentionnés, rendus par notre Cour ou le Conseil privé, on constate que le par. 92(9) de la Loi constitutionnelle de 1867 a reçu une interprétation uniforme. Bien que lord Atkin ait utilisé des termes assez généraux dans l'arrêt Shannon, précité, il semble généralement juste de dire que le par. 92(9), de concert avec les par. 92(13) et (16), englobe un pouvoir de réglementation par permis. C'est un pouvoir qui n'est pas restreint par l'exigence en matière de taxation directe visée au par. 92(2). Toutefois, dans la mesure où ils portent sur la taxation indirecte, ces arrêts ont, d'une façon explicite ou à partir des faits, limité l'application du pouvoir de taxation indirecte à la seule fin du financement d'un régime de réglementation.

Depuis le Reference re Farm Products, précité, plusieurs instances inférieures ont examiné la question de la taxation indirecte en fonction du par. 92(9). Il vaut la peine de mentionner, plus particulièrement, l'arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, Coquitlam c. LaFarge Concrete Ltd., précité, arrêt que j'ai déjà mentionné dans ma description du contexte du présent pourvoi. Les faits dans l'arrêt LaFarge sont substantiellement les mêmes que ceux dont nous sommes maintenant saisis dont, en particulier, un règlement municipal établissant un droit volumétrique pour l'enlèvement de terre. Le requérant LaFarge avait contesté le règlement au motif qu'il constituait une taxe indirecte et était en conséquence ultra vires de la municipalité et de la province.

De l'avis du juge Taggart dans l'arrêt LaFarge, le règlement était valide puisque son véritable objet était [traduction] «de financer les coûts engagés et devant l'être par la municipalité appelante pour la construction et l'entretien des routes» ayant un rapport avec le régime de réglementation (à la p. 699). Il a par ailleurs souscrit à l'opinion des juges Bull et Branca. Pour le juge Branca, le règlement était intra vires [traduction] «au motif qu'il établit une véritable taxe de délivrance de permis qui fait partie d'un régime de délivrance de permis et de réglementation» (à la p. 698). Le juge Branca n'a pas explicitement rattaché sa conclusion de validité du règlement aux coûts du régime, mais il a aussi examiné dans ses motifs des éléments de preuve qui permettent de faire cette déduction. Enfin, le juge Bull a été plus explicite en précisant qu'il tranchait la question en se fondant sur une analyse du caractère véritable. Il a énoncé ainsi la question pertinente (à la p. 685):

[traduction] À mon avis, il faut se demander quel est l'objet principal et réel, ou le caractère véritable, du texte législatif — les droits ou la taxe (de nature directe ou indirecte) sont‑ils simplement accessoires, ou rattachés, au régime de délivrance de permis visant à réglementer ou à interdire une activité commerciale, ou encore s'agit‑il essentiellement d'une imposition fiscale, ou taxation, faite d'une façon détournée?

Pour répondre à cette question, le juge Bull s'est fondé sur les faits entourant l'adoption du règlement, lesquels, à son avis, comprenaient [traduction] «les débours éventuels d'importants fonds publics au titre de la construction et de l'entretien de routes ainsi que de dépenses d'ordre réglementaire» (p. 686). Dans l'ensemble, la disposition établissant des droits volumétriques a donc été maintenue en tant qu'élément valide du régime provincial de délivrance de permis; toutefois, la cour paraît avoir été influencée par l'idée que les recettes perçues étaient nécessaires au financement du régime de réglementation, y compris la réparation de routes.

À mon avis, l'arrêt LaFarge n'a pas considérablement modifié l'interprétation du par. 92(9) qui existait depuis le Reference re Farm Products, précité. Il ressort de l'ensemble des motifs des trois juges dans l'arrêt LaFarge que la cour a lié la validité du règlement visé aux coûts de la réglementation, et que l'analyse du caractère véritable ne visait pas à aller plus loin que ce point. Je ne crois pas non plus que l'interprétation du par. 92(9) ait été beaucoup modifiée par plusieurs autres décisions d'instances inférieures mentionnées devant notre Cour: Nelson c. City of Dartmouth (1964), 45 D.L.R. (2d) 183 (C.S.N.‑É.); Kirkpatrick c. Maple Ridge (1983), 49 B.C.L.R. 134 (C.A.), et Re Falardeau and Town of Hinton (1985), 21 D.L.R. (4th) 477 (C.A. Alb.). À mon avis, ces arrêts ne réussissent pas à établir clairement l'existence d'un pouvoir plus général de taxation indirecte en vertu du par. 92(9) ou ils le font inutilement compte tenu des faits qu'ils soulèvent.

Mon examen de la jurisprudence m'amène à supposer que l'on n'a jamais déterminé si le par. 92(9) englobe un pouvoir d'imposer des taxes indirectes qui permettront de générer des recettes excédant les coûts d'application de la réglementation. En outre, les arrêts analysés portent généralement sur l'examen du par. 92(9) conjointement avec d'autres domaines de compétence visés à l'art. 92. Je suis d'accord avec ce que dit mon collègue le juge La Forest dans son ouvrage sur le sujet, op. cit., à la p. 159:

[traduction] En conséquence, il ressort d'un examen approfondi de ces arrêts que les tribunaux considèrent que les par. (9), (13) et (16), pris ensemble, confèrent aux provinces le pouvoir de réglementer le commerce intraprovincial par un régime de permis et d'imposer des droits servant au financement de ce régime, même si les droits constituent une taxe indirecte. Toutefois, ces arrêts restreignent la taxation indirecte par permis à cette fin.

Je constate que les procureurs généraux du Québec, de l'Ontario et de la Colombie‑Britannique favorisent une interprétation du par. 92(9) qui fait du pouvoir de délivrance de permis un pouvoir clairement indépendant des autres domaines de compétence prévus à l'art. 92: voir aussi J. E. Magnet, «The Constitutional Distribution of Taxation Powers in Canada» (1978), 10 Ottawa L. Rev. 473, aux pp. 522 à 527. Plus particulièrement, on a soutenu que le pouvoir de percevoir des recettes aux fins du financement d'un régime de réglementation par taxation indirecte existe déjà en vertu des domaines de compétence mentionnés par le juge La Forest et que le par. 92(9) serait redondant si la délivrance de permis était limitée à ces fins. Toutefois, je dois m'empresser d'ajouter qu'un pouvoir de taxation indirecte inclus dans le par. 92(9) permettant la perception de recettes de beaucoup supérieures aux coûts de la réglementation pourrait bien avoir comme conséquence plus grave de priver le par. 92(2) de tout sens. Quoi qu'il en soit, les faits de l'espèce n'exigent pas une décision finale sur ce point.

Par conséquent, à mon avis, il est inutile d'examiner davantage la jurisprudence et la doctrine portant sur le par. 92(9). Les arrêts et les ouvrages me convainquent que l'analyse repose sur la question suivante: les frais variables peuvent‑ils être justifiés parce qu'ils sont accessoires ou rattachés à un régime de réglementation provincial valide? Ayant à l'esprit cette question, j'examinerai maintenant plusieurs arguments spécifiques des appelantes.

3.Les droits variables sont‑ils justifiés parce qu'ils sont accessoires ou rattachés à un régime provincial valide de réglementation?

Les appelantes présentent trois arguments connexes qui visent tous à nier que les droits variables sont associés à un régime de réglementation. Premièrement, elles soutiennent que les droits ne sont pas autorisés par la Municipal Act en un sens qui les rattache à la réglementation de l'utilisation des routes. Deuxièmement, elles font ressortir que la loi ou les règlements n'exigent pas explicitement que les fonds perçus servent à la réparation des routes; à leur avis, cette omission est fatale. Enfin, elles soutiennent que la loi ou les règlements ne limitent pas aux coûts réels de l'ensemble du régime les sommes susceptibles d'être perçues par la délivrance de permis; en d'autres mots, puisqu'il existe une possibilité de fonds excédentaires, les droits ne se trouvent plus à être imposés à une fin de réglementation. J'examinerai séparément chacun de ces arguments.

Premièrement, les appelantes invitent notre Cour à examiner la position de l'art. 930 dans la Municipal Act. On a fait remarquer que l'art. 930 ne fait aucunement mention des routes contrairement à d'autres dispositions de la Municipal Act qui traitent abondamment des routes et de leur financement. C'est pourquoi on soutient que la législature de la Colombie‑Britannique n'avait pas l'intention d'appliquer aux frais de réparation des routes les droits de permis et d'enlèvement autorisés par la disposition en question. On nous demande d'interpréter restrictivement ces droits compte tenu de l'arrêt de notre Cour Kirkpatrick c. Maple Ridge (Corporation du District), précité.

À mon avis, ni l'arrêt Kirkpatrick ni la Municipal Act n'appuient une interprétation aussi restrictive. Bien que l'arrêt Kirkpatrick ait, en effet, donné à entendre qu'il faut tenir compte de «l'interprétation restrictive donnée à des règlements municipaux détaillés comme celui dont il est question en l'espèce» (pp. 128 et 129), l'interprétation dans cet arrêt nécessitait une analyse du contexte législatif de la disposition attaquée. En l'espèce, il ressort d'une analyse du contexte que l'art. 930 peut légitimement se rapporter aux coûts des routes puisqu'on ne retrouve pas dans une partie en particulier de la Municipal Act les directives législatives régissant la réglementation des routes.

La division (2) de la partie 13 de la Municipal Act, intitulée [traduction] «Travaux publics», renferme des dispositions ayant trait aux [traduction] «Routes». Par exemple, l'al. 578(2)a) confère aux municipalités le pouvoir de [traduction] «tracer des plans de route, de les construire, de les entretenir et de les améliorer». Une autre disposition de base est l'art. 581, qui prévoit que les conseils municipaux sont habilités à [traduction] «réglementer la circulation inhabituelle». D'autres dispositions importantes concernant les routes figurent dans la partie 16 de la Municipal Act intitulée [traduction] «Améliorations locales». À la division (1) de la partie 16, l'art. 651 autorise un conseil municipal à entreprendre des travaux d'amélioration des routes, soit de son proche chef soit à la suite d'une demande. En vertu du par. 668(1), les municipalités ont la responsabilité de veiller à ce qu'un ouvrage achevé soit [traduction] «entretenu par la municipalité et à ses frais». L'article 669 prévoit que des propriétaires et des occupants peuvent forcer les municipalités, par requête, à entreprendre les réparations nécessaires. Enfin, réparties à travers la Municipal Act dans des divisions ne se rapportant pas par ailleurs aux routes se trouvent des dispositions qui touchent la réglementation routière. À titre d'exemple, à la partie 11, la division (4) a trait à la [traduction] «Réglementation des commerces», mais cette partie renferme l'al. 528b), qui permet à une municipalité d'[traduction] «établir et modifier les routes utilisées par les transporteurs de personnes ou de biens».

C'est dans ce contexte législatif global que se situe le par. 930(2). Il est situé à la partie 28, qui ne porte aucun titre, plus particulièrement sous la division (5) intitulée [traduction] «Divers règlements et dispositions». Puisque les dispositions relatives aux routes et à la réparation des routes ne sont pas situées dans une même partie ou division de la Municipal Act, l'endroit où est placé le par. 930(2) ne signifie pas, en soi, qu'il ne se rapporte pas aux routes comme le soutiennent les appelantes. Dans une loi aussi complexe que la Municipal Act, je ne trouve pas étonnant que des dispositions connexes soient éloignées les unes des autres en raison de l'économie de la loi et des préférences des rédacteurs.

Il me paraît clair que l'al. 930(1)e) et le par. 930(2) se rapportent bien à d'autres dispositions relatives aux routes dans la Municipal Act. Les appelantes donnent une interprétation restrictive à ces dispositions et affirment qu'elles visent seulement l'«enlèvement» de gravier. Toutefois, c'est un raisonnement facile que de supposer que la législature a voulu que le gravier soit «enlevé» des secteurs désignés d'une municipalité sans que soient utilisées les routes. Tout au moins dans le cas des entreprises commerciales d'extraction, l'enlèvement de gravier est certainement susceptible de toucher à la fois la réglementation de la circulation inhabituelle (art. 581) et la responsabilité qu'ont les municipalités de réparer les routes (par. 668(1)). Par ailleurs, si l'on admet que l'enlèvement du gravier réglementé par le par. 930(2) envisage l'utilisation des routes et que cette utilisation inhabituelle risque nécessairement de les endommager, ne serait‑il pas plutôt étrange qu'un exploitant de gravière bénéficie de l'application de l'art. 669 pour, d'une part, forcer la municipalité à réparer les routes et, d'autre part, refuser ensuite de reconnaître que les droits d'enlèvement de gravier prévus au par. 930(2) se rapportent aux routes? À mon avis, ce le serait, compte tenu de l'économie de la Municipal Act. C'est pourquoi j'estime que le par. 930(2) se rapporte à un régime de réglementation des routes et d'enlèvement du gravier, nonobstant l'endroit où il est placé dans la Loi et le fait qu'il ne fasse pas explicitement référence aux routes. Ce rapport est d'autant plus évident lorsque l'on examine les règlements mêmes.

Le règlement no 4109‑1988 de Maple Ridge constitue l'exemple le plus clair d'un régime global de réglementation à la fois de l'enlèvement du gravier et des routes. Certaines de ses dispositions précisent quels sont ceux qui peuvent procéder à l'enlèvement de terre: l'art. 3 renferme une interdiction générale d'enlèvement, l'art. 4 assujettit l'enlèvement de terre à l'obtention d'un permis et l'art. 8 établit des exceptions relativement à l'obtention d'un permis. D'autres dispositions incorporent le régime de réglementation d'une autre loi provinciale: l'art. 15 prévoit la nécessité d'un permis pour l'exploitation minière, et l'art. 25 exige le dépôt d'un plan d'exploitation minière. Un certain nombre de dispositions établissent des conditions régissant l'enlèvement de terre: l'art. 6 interdit l'enlèvement de terre le dimanche et les jours fériés; l'art. 7 prévoit les heures d'exploitation; l'art. 29 vise le niveau de bruit, lequel peut se rapporter à la définition de [traduction] «levée» à l'art. 2 (remblai servant de tampon sonore), et l'art. 31 prévoit les exigences en matière de drainage. Les dispositions relatives aux droits se retrouvent à l'art. 17 qui prévoit les droits volumétriques, ainsi qu'aux art. 18 à 23 qui portent sur le calcul de ces droits. Mentionnons également des dispositions relatives à l'observation du règlement: en vertu de l'art. 24, les demandeurs de permis doivent déposer un cautionnement pour garantir leur observation du règlement; en vertu de l'art. 33, les titulaires de permis doivent réparer les dommages causés aux propriétés adjacentes et, enfin, l'art. 34 crée une infraction en cas de violation.

Bien que le règlement no 1914, 1988 de Coquitlam soit moins élaboré, un certain nombre de dispositions semblables à celles du règlement de Maple Ridge permettent de démontrer qu'il établit néanmoins un régime de réglementation. L'article 4 formule une interdiction générale d'enlèvement, sauf avec permis. L'article 20 prévoit l'inspection des lieux. L'article 3 exige que le règlement soit interprété d'une façon compatible avec la Mines Act, S.B.C. 1980, ch. 28, et les al. 5e) et f) exigent une preuve de l'approbation des systèmes miniers et des plans de récupération. Le droit volumétrique est prévu à l'al. 13a), et les modalités de calcul à cet égard aux art. 14 à 18. L'article 23 crée une infraction en cas de violation.

Lorsqu'il a examiné une version antérieure de ces règlements dans l'arrêt LaFarge, précité, le juge Bull a dit qu'il s'agissait d'un [traduction] «code complet et détaillé de réglementation du commerce d'extraction et d'enlèvement de gravier et de terre» (p. 686). À partir des dispositions mentionnées ci‑dessus, j'estime que cette description s'applique également aux règlements en cause dans le présent pourvoi. Je suis convaincu également que les dispositions sur l'imposition de droits se rapportent à ces règlements. Aucun des règlements en cause ne peut être examiné isolément, sans renvoi à la Municipal Act, et une démarche globale lie ces droits à un régime de réglementation des routes.

Cette interprétation permet essentiellement de répondre au deuxième argument des appelantes, savoir que ni le par. 930(2) ni les règlements contestés ne précisent explicitement l'objet des droits perçus. En l'absence d'une disposition législative liant les droits aux coûts de la réglementation, on soutient que les droits pourraient être perçus à une fin inconstitutionnelle. Toutefois, comme l'illustre mon examen de la loi et des règlements, les droits sont implicitement liés aux coûts de la réglementation. En outre, il existe peut‑être au moins un énoncé explicite de l'objet visé. En effet, bien que le point n'ait pas été soulevé, le préambule du règlement de Coquitlam précise qu'il vise entre autres à [traduction] «favoriser l'exploitation sûre, ordonnée et économique» des substances du sol. Il n'y a aucune raison de supposer que le terme «économique» vise seulement les intérêts des entreprises commerciales d'extraction. En l'absence de dispositions relatives à la réparation de routes dans le règlement, on ne pourrait guère considérer que l'exploitation en question est économique du point de vue municipal.

Par conséquent, je peux sans trop de difficulté rejeter le second argument des appelantes, mais j'estime devoir répondre à l'aspect de cet argument qui porte sur l'utilisation de la preuve extrinsèque en l'espèce. Selon les appelantes, la seule preuve claire de l'objet des droits volumétriques est contenue dans les affidavits déposés devant les tribunaux d'instance inférieure et, à leur avis, cette preuve ne peut permettre de valider les règlements. J'ai déjà implicitement rejeté la proposition que seule une preuve extrinsèque peut établir l'objet des droits volumétriques. Cet objet peut se dégager du contexte législatif et réglementaire concernant les droits. C'est pourquoi je fais une distinction d'avec l'arrêt Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1133, que les appelantes ont cité à l'appui de leur position. Bien que la preuve extrinsèque dans cet arrêt ait été présentée pour contredire l'interprétation d'une disposition fiscale découlant d'une analyse du contexte législatif, en l'espèce, la preuve extrinsèque est simplement une preuve additionnelle de la justesse de l'analyse contextuelle déjà entreprise.

Par exemple, dans le cas de Maple Ridge, il y a la preuve par affidavit de M. Thomas Gardner, directeur municipal des services techniques. Cet affidavit indique comment M. Gardner a fait le calcul pour arriver au droit volumétrique de 20 cents par mètre cube: [traduction] «En calculant le droit de permis recommandé, je visais à représenter aussi exactement que possible les coûts devant être assumés par Maple Ridge relativement aux activités d'enlèvement de terre à Maple Ridge». Dans le cas de Coquitlam, il y a l'affidavit de l'ingénieur municipal, M. Neil Nyberg, qui laisse entendre qu'une réserve spéciale constituée par les droits de permis d'enlèvement de terre était utilisée pour le financement ultérieur des coûts de réglementation. Ces éléments de preuve ont été examinés par le juge Trainor, et non seulement je devrais me fier à son interprétation des faits, mais je le fais volontiers. Le juge Trainor a affirmé (à la p. 318): [traduction] «En l'espèce, la preuve indique une intention de percevoir suffisamment de recettes pour couvrir les coûts du régime de réglementation ainsi que de la construction et de l'entretien des routes utilisées par les camions de transport de gravier.»

Je ne voudrais pas donner à entendre que, à mon avis, les municipalités ne seraient pas en meilleure position si les règlements renfermaient une mention explicite de l'objet des droits en question. En fait, au cours de la plaidoirie, une question à ce sujet a été posée à l'avocat de Maple Ridge; je déduis de la réponse de l'avocat que les municipalités savent que l'absence de cette mention constitue un point faible de leur argument sur les permis. Bien formulé, un énoncé de l'objet pourrait être fort utile à un tribunal devant déterminer si une taxe, par ailleurs indirecte, pourrait être considérée comme accessoire à un régime de réglementation. Par contre, il ne faudrait pas penser qu'il s'agit d'une invitation à insérer des déclarations intéressées dans des règlements qui ne comportent pas de tels régimes de réglementation, parce que l'on peut toujours examiner le bien‑fondé de ces déclarations lorsqu'on analyse s'il y a eu détournement de pouvoir.

Enfin, les appelantes soutiennent que les droits volumétriques en cause risquaient d'entraîner une perception de fonds de beaucoup supérieure aux montants requis pour couvrir les coûts de la réglementation, y compris la réparation des routes. Bien que ce point ait de nouveau été soulevé devant notre Cour, le juge Trainor du tribunal de première instance a affirmé que [traduction] «des éléments de preuve indiquent que les droits volumétriques généreraient beaucoup plus de fonds que le montant réellement nécessaire» (p. 318). Toutefois, à l'instar du juge Trainor, je préciserais qu'il n'appartient pas à notre Cour de procéder à une analyse rigoureuse des finances d'une municipalité. Un excédent en soi n'est pas un problème tant que les municipalités ont raisonnablement tenté de faire en sorte que les recettes provenant des droits correspondent aux frais administratifs du régime de réglementation, ce qui s'est produit en l'espèce. On peut facilement imaginer des motifs justifiant l'existence d'un présumé «excédent» à un moment donné. Par exemple, un changement dans les prix prévus pourrait faire que les coûts de réparation des routes seront inférieurs au montant prévu dans le budget, ou encore, une municipalité pourrait choisir de ne pas procéder à la réparation d'une route pour lui permettre d'effectuer plus tard des réparations plus importantes ou des travaux de reconstruction.

Bien que l'on puisse, en se fondant sur des motifs constitutionnels, contester une structure de droits visant manifestement à percevoir des recettes supérieures aux coûts de la réglementation, on n'a fourni en l'espèce aucune preuve d'une telle intention. En conséquence, sur ce point, les municipalités peuvent jouir d'une latitude raisonnable. En définitive, je suis d'avis que les droits volumétriques en l'espèce visaient seulement à couvrir les coûts du régime de réglementation, y compris ceux de la réparation des routes.

4.Conclusion relative au par. 92(9) et à la taxation indirecte

Je conclus que, dans la mesure où les droits volumétriques peuvent être considérés comme une forme de taxation indirecte, ils peuvent être justifiés parce qu'accessoires ou rattachés à un régime de réglementation. Les répercussions financières de ce régime sont valides en vertu du pouvoir de délivrance de permis visé au par. 92(9), pris conjointement avec d'autres pouvoirs de réglementation visés à l'art. 92, plus particulièrement les par. 92(13) et (16). Vu les faits de l'espèce, il n'est pas nécessaire de décider si le par. 92(9) permettrait de confirmer un pouvoir de taxation indirecte indépendant de ces autres dispositions, ou encore s'il permettrait de confirmer un pouvoir similaire de perception de recettes excédant les dépenses de réglementation. Les droits volumétriques prévus au par. 930(2) de la Municipal Act et les règlements connexes sont intra vires de la province de la Colombie‑Britannique et des municipalités intimées, respectivement.

B.Le paragraphe 930(2) de la Municipal Act, dans la mesure où il autorise l'imposition de droits variables, relève‑t‑il de la compétence législative de la province conformément au par. 92A(4) de la Loi constitutionnelle de 1867?

Notre Cour a maintes fois affirmé qu'il est préférable, en matière constitutionnelle, de ne pas engager un débat qui n'est pas carrément nécessaire pour en arriver à une décision. Dans l'arrêt Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée, précité, le juge La Forest a affirmé que ce point de vue paraît «particulièrement approprié lorsqu'il s'agit de quelque chose qui est aussi complexe et aussi lourd de conséquences que le pouvoir de taxation conféré par la Constitution» (p. 1154). Puisque j'ai conclu que les droits volumétriques peuvent être justifiés en vertu de l'art. 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 sans mentionner le par. 92A(4), j'estime inutile, comme je l'ai déjà mentionné, d'examiner les arguments se rapportant à cette disposition.

C.Si le par. 930(2) de la Municipal Act relève de la compétence législative de la province dans la mesure où il autorise l'imposition de droits variables, les règlements sont‑ils néanmoins discriminatoires et, en conséquence, illégaux?

Dans deux arrêts récents, notre Cour a eu l'occasion d'examiner la question de la discrimination au sens du droit municipal: R. c. Greenbaum, [1993] 1 R.C.S. 674, et R. c. Sharma, [1993] 1 R.C.S. 650. J'estime qu'il n'est pas nécessaire de réexaminer l'analyse adoptée dans ces arrêts. Il suffit de dire qu'un règlement établit une discrimination illégale lorsque cette discrimination n'est pas autorisée par la loi habilitante. Comme notre Cour l'affirme dans l'arrêt Sharma (à la p. 668): «il ne saurait y avoir de discrimination que si la loi habilitante le prévoit précisément ou si la discrimination est nécessairement accessoire à l'exercice du pouvoir délégué par la province». En un mot, la discrimination peut être explicitement ou implicitement autorisée: voir l'arrêt Montréal (Ville de) c. Arcade Amusements Inc., précité, à la p. 414.

Les appelantes soutiennent que le par. 930(2) de la Municipal Act prévoit seulement l'imposition de droits volumétriques. Selon elles toutefois, parce qu'ils prévoient des exigences en matière de permis et imposent des droits volumétriques, les règlements sont discriminatoires à l'égard des entreprises commerciales d'extraction. Relativement à chacun des règlements, les appelantes ont fait ressortir les exceptions prévues pour certaines personnes et certains usages. Par exemple, chaque règlement prévoit des exceptions pour l'enlèvement de substances qui est accessoire aux activités d'aménagement, d'amélioration ou de construction: al. 8b) du règlement no 3957‑1988 de Maple Ridge; al. 4b) du règlement no 1841, 1988 de Coquitlam. Des exceptions similaires sont prévues relativement à l'enlèvement de substances dans le cadre de projets d'intérêt public: al. 8d) du règlement de Maple Ridge; al. 4d) du règlement de Coquitlam. Un type particulièrement important d'exception touche les personnes qui enlèvent moins qu'un certain volume donné de terre: al. 8a) du règlement de Maple Ridge; al. 4a) du règlement de Coquitlam. Enfin, l'al. 8c) du règlement de Maple Ridge prévoit des exceptions pour «un horticulteur, un pépiniériste ou un agriculteur, qui l'utilisera sur place».

L'avocat des municipalités a vaillamment tenté d'établir un lien entre les exceptions prévues dans les règlements et la partie du par. 930(2) de la Municipal Act qui autorise l'imposition de droits différents «selon les secteurs de la municipalité». En d'autres termes, on a soutenu que toutes les exceptions constituaient une mesure discriminatoire autorisée, fondée sur le secteur plutôt que sur l'utilisation commerciale ou non commerciale. Cet argument présente un certain attrait et peut être invoqué relativement à certaines exceptions. Par exemple, l'exception pour les horticulteurs, les agriculteurs et les pépiniéristes est liée à la parcelle même de terre où est exploité le commerce. Dans le cas des exceptions ayant trait à des activités d'aménagement, d'amélioration ou de construction, on pourrait également lier ces exceptions aux terrains mentionnés dans les permis en cause.

Toutefois, l'argument des municipalités présente de graves difficultés relativement à l'exception qui existe lorsque la quantité de terre enlevée est inférieure à un certain volume. Dans le cas du règlement no 3957‑1988 de Maple Ridge, on a soutenu que l'exception prévue lorsque la quantité de terre enlevée est inférieure à 75 mètres cubes est fondée sur le secteur puisqu'elle est formulée relativement à l'enlèvement «dans une parcelle de terrain de la municipalité»: al. 8a). Nonobstant le fait que le règlement de Coquitlam ne fait aucune mention similaire des terrains municipaux, je suis d'avis que cet argument soulève deux problèmes sérieux. Premièrement, on ne tient aucunement compte du fait que l'al. 8a) établit cette exception pour «l'enlèvement de terre [. . .] à des fins autres que commerciales» (je souligne). Vu cette mention explicite des fins commerciales, il est plutôt difficile de soutenir qu'il est seulement question de discrimination fondée sur un secteur donné. Deuxièmement, si l'on accepte que l'avocat a bien décrit l'application pratique de ces règlements, on ne saurait se prévaloir des exceptions de faible volume à l'extérieur d'un secteur désigné. En d'autres termes, l'interdiction générale d'enlèvement de terre dans tout endroit autre qu'un secteur désigné l'emporte sur l'exception relative à l'enlèvement d'un faible volume de substances. Il s'ensuit nécessairement que les entrepreneurs commerciaux d'extraction et ceux qui n'enlèvent qu'un faible volume doivent {oe}uvrer à l'intérieur d'un secteur désigné et, pour ce motif, on ne peut soutenir qu'il y a discrimination fondée sur le secteur visé.

J'admets, par conséquent, que les règlements établissent une discrimination fondée sur l'utilisation commerciale plutôt que sur le secteur seulement, mais je crois néanmoins que la discrimination est autorisée par la Municipal Act. Bien que le par. 930(2) ne mentionne pas explicitement la discrimination fondée sur la nature commerciale de l'enlèvement, l'arrêt Sharma, précité, précise clairement que l'autorisation peut être explicite ou implicite à titre d'accessoire nécessaire d'une délégation de pouvoirs. En l'espèce, comme le reconnaissent les appelantes, le par. 930(2) autorise clairement la discrimination fondée sur le volume. À mon avis, il ressort implicitement de cette autorisation que les utilisateurs commerciaux seront traités différemment des utilisateurs non commerciaux. À mon avis, de tels régimes de délivrance de permis établissent généralement deux types d'exception à des fins administratives. Premièrement, il y a les exceptions de minimis implicites dans le règlement; ni la province ni les municipalités n'ont à se préoccuper de chaque motte de terre qui est déplacée. Deuxièmement, des exceptions sont établies pour les usages à des fins accessoires, personnelles ou non lucratives.

À mon avis, le concept de la discrimination fondée sur le volume est un substitut de la discrimination fondée sur ces autres considérations. En adoptant le par. 930(2), la législature visait indubitablement à réglementer l'enlèvement commercial. Je crois qu'il convient d'examiner l'historique assez turbulent de la Municipal Act et des règlements pour arriver à cette conclusion. Ce faisant, à l'instar du juge Southin de la Cour d'appel, je suis porté à croire que [traduction] «non seulement la législature visait à autoriser l'imposition et les exemptions, mais elle a utilisé les termes appropriés pour le faire» (p. 311). Le règlement établit une discrimination fondée sur le caractère commercial ou non de l'enlèvement, mais il le fait à titre d'accessoire nécessaire de l'autorisation d'imposer des droits volumétriques, visée au par. 930(2). Les règlements de Maple Ridge ou de Coquitlam ne font pas de discrimination illégale au sens du droit municipal.

D.Si le par. 930(2) de la Municipal Act relève de la compétence législative de la province dans la mesure où il autorise l'imposition de droits variables, autorise‑t‑il, selon une interprétation juste, l'imposition de droits de permis variables?

Comme je l'ai déjà fait remarquer, le juge Trainor a décidé que la version non modifiée de l'art. 930 qu'il devait examiner constituait une réaction incomplète à l'arrêt de notre Cour Kirkpatrick, précité. Adoptant une interprétation stricte, il a statué que l'al. 930(1)d) autorise un droit de permis d'enlèvement et que le par. 930(2) autorise un droit volumétrique pour l'enlèvement de substances. Il a dit n'avoir [traduction] «aucun doute que l'objet du texte législatif [. . .] était de conférer aux municipalités le pouvoir d'imposer des droits volumétriques ou variables» (p. 314), et il a conclu que le contraste entre les deux dispositions signifiait que l'objet du texte législatif n'avait pas été réalisé.

À mon avis, il n'est pas nécessaire d'aller beaucoup plus loin que la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique lorsqu'elle a fait l'examen de la décision du juge Trainor. Le juge Southin (à la p. 310) a dit que [traduction] «c'est faire une distinction vide de sens que d'affirmer que les frais peuvent être imposés, mais qu'ils ne peuvent faire partie du droit de permis et doivent être imposés à titre de frais distincts seulement». En souscrivant à cette opinion, je ne veux pas dire que le juge de première instance a mal interprété l'arrêt Kirkpatrick, précité, puisque cet arrêt préconisait en effet une interprétation restrictive d'un texte municipal ayant trait aux permis. Toutefois, comme le juge Trainor l'a reconnu, le législateur a tenté dans le par. 930(2) d'offrir aux municipalités le pouvoir qui leur était refusé par suite de l'arrêt Kirkpatrick. Bien que le par. 930(2) ne constitue peut‑être pas un modèle de réaction à une décision judiciaire, je crois que, pris ensemble, ce paragraphe et l'al. 930(1)d) permettent d'autoriser l'imposition d'un droit de permis volumétrique.

VI. Conclusion

Pour les motifs qui précèdent, je conclus que le par. 930(2) de la Municipal Act relève de la compétence de la province de la Colombie‑Britannique et que les règlements pris en application de ce paragraphe sont bien fondés. Par conséquent, je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs des appelantes: Russell & DuMoulin, Vancouver.

Procureurs de l'intimée la Corporation du district de Coquitlam: Harper Grey Easton, Vancouver.

Procureurs de l'intimée la Corporation du district de Maple Ridge: Ladner Downs, Vancouver.

Procureur de l'intervenant le procureur général du Canada: Linda J. Wall, Ottawa.

Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Ontario: Michel Y. Hélie, Toronto.

Procureur de l'intervenant le procureur général du Québec: Monique Rousseau, Ste‑Foy.

Procureur de l'intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique: George H. Copley, Victoria.

Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Alberta: Nolan D. Steed, Edmonton.


Synthèse
Référence neutre : [1993] 4 R.C.S. 371 ?
Date de la décision : 18/11/1993
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit constitutionnel - Lois - Validité - Loi sur les municipalités autorisant l'imposition de droits variables pour les permis d'enlèvement de terre - La disposition en cause outrepasse-t‑elle la compétence de la province du fait qu'elle autorise une charge de la nature d'une taxation indirecte? - L'imposition de droits de permis volumétriques est-elle accessoire à un véritable régime de délivrance de permis? - Municipal Act, R.S.B.C. 1979, ch. 290, art. 930(2) - Loi constitutionnelle de 1867, art. 92(9).

Droit municipal - Règlements municipaux - Validité - Adoption par des municipalités de règlements sur l'enlèvement de terre prévoyant l'imposition de droits de permis volumétriques -‑ Distinction dans les règlements entre l'utilisation commerciale et l'utilisation non commerciale - Les règlements sont‑ils discriminatoires? - Les droits de permis volumétriques sont‑ils autorisés par la loi sur les municipalités? - Municipal Act, R.S.B.C. 1979, ch. 290, art. 930(2) - Coquitlam By‑law No. 1841, 1988 - Maple Ridge By‑law No. 3957‑1987.

Coquitlam a adopté un règlement interdisant l'enlèvement de terre et d'autres substances dans tout endroit de la municipalité, sauf en conformité avec un permis, et établissant un droit de permis fixe. La municipalité a, par la suite, remplacé le droit de permis fixe par un droit calculé en fonction du volume des substances enlevées. L'établissement d'un droit volumétrique a tout naturellement eu pour conséquence d'accroître sensiblement les droits payés par les entreprises commerciales d'extraction. Maple Ridge a également adopté un règlement prévoyant l'imposition d'un droit de permis volumétrique. Les deux règlements prévoyaient des exceptions pour certaines personnes et certains usages, y compris une exception pour les personnes qui enlevaient moins qu'un certain volume donné de terre. La constitutionnalité de ces règlements a été contestée et la Cour suprême de la province les a annulés. Toutefois, la Cour d'appel a infirmé ces décisions. Dans le pourvoi relatif à l'affaire Maple Ridge, la Cour suprême du Canada a statué que l'al. 930d) de la Municipal Act ne permettait pas d'exiger des droits volumétriques. La législature provinciale a réagi à cet arrêt en ajoutant le par. 930(2) qui permettait d'exiger des droits pour l'enlèvement, comportant «des frais [. . .] par unité volumétrique [. . .] enlevée.» L'alinéa 930d) est devenu l'al. 930(1)d). À la suite de cette modification de la Municipal Act, les deux municipalités ont de nouveau adopté leur règlement. La Cour suprême de la province a accueilli les requêtes déposées par les exploitants de gravière appelants en vue de faire annuler les règlements en question. Elle a statué que l'art. 930 autorise à la fois l'imposition d'un droit de permis fixe et de frais volumétriques variables pour l'enlèvement de substances, mais qu'il n'autorise pas l'imposition d'un droit de permis volumétrique variable. Les municipalités ont modifié leur règlement respectif pour établir des droits de permis fixes ainsi que des droits volumétriques distincts pour l'enlèvement de substances. La Cour suprême de la province a confirmé la validité des règlements modifiés. En appel, la Cour d'appel a statué que ces divers règlements étaient conformes à la compétence des municipalités intimées.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Les droits volumétriques en cause ont un effet général indirect puisqu'ils peuvent se rapporter à une unité du gravier ou à son prix. Le paragraphe 92(9) de la Loi constitutionnelle de 1867, conjugué aux par. 92(13) et (16), englobe un pouvoir de réglementation par permis qui n'est pas restreint par l'exigence en matière de taxation directe visée au par. 92(2). Toutefois, dans la mesure où il porte sur la taxation indirecte, ce pouvoir a été limité à la seule fin du financement d'un régime de réglementation. Il s'agit de savoir si les frais variables peuvent être justifiés parce qu'ils sont accessoires ou rattachés à un régime de réglementation provincial valide.

Les droits de permis et d'enlèvement ici en cause visaient seulement à compenser les coûts du régime de réglementation, y compris ceux de la réparation des routes. Le paragraphe 930(2) de la Municipal Act se rapporte à un régime de réglementation des routes et d'enlèvement du gravier, nonobstant l'endroit où il est placé dans la Loi et le fait qu'il ne fasse pas explicitement référence aux routes. Ce rapport ressort également des règlements eux-mêmes qui constituent un code complet et détaillé de réglementation du commerce d'extraction et d'enlèvement de gravier et de terre. Les dispositions sur l'imposition de droits se rapportent à ces règlements. L'objet des droits volumétriques peut se dégager de leur contexte législatif et réglementaire, et la preuve extrinsèque par affidavit présentée en l'espèce est simplement une preuve additionnelle qu'on avait l'intention de percevoir suffisamment de recettes pour couvrir les coûts du régime de réglementation ainsi que de la construction et de l'entretien des routes utilisées par les camions de transport de gravier. Même s'il y avait des éléments de preuve indiquant que les droits volumétriques généreraient beaucoup plus de fonds que le montant réellement nécessaire, il n'appartient pas à notre Cour de procéder à une analyse rigoureuse des finances d'une municipalité. Un excédent en soi n'est pas un problème tant que les municipalités ont raisonnablement tenté de faire en sorte que les recettes provenant des droits correspondent aux frais administratifs du régime de réglementation, comme cela s'est produit en l'espèce. Dans la mesure où les droits volumétriques peuvent être considérés comme une forme de taxation indirecte, ils peuvent être justifiés parce qu'accessoires ou rattachés à un régime de réglementation valide. Puisque les droits volumétriques sont justifiables en vertu du pouvoir de délivrance de permis visé au par. 92(9), pris conjointement avec d'autres pouvoirs de réglementation visés à l'art. 92, plus particulièrement les par. 92(13) et (16), il n'est pas nécessaire d'examiner les arguments se rapportant au par. 92A(4) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui porte sur la taxation des ressources naturelles par les provinces.

Les règlements sont discriminatoires en ce qu'ils établissent une distinction entre l'utilisation commerciale et l'utilisation non commerciale, mais cette discrimination est autorisée par la Municipal Act. Bien que le par. 930(2) ne mentionne pas explicitement la discrimination fondée sur la nature commerciale de l'enlèvement, l'autorisation peut être explicite ou implicite à titre d'accessoire nécessaire d'une délégation de pouvoirs. En l'espèce, le par. 930(2) autorise clairement la discrimination fondée sur le volume et il ressort implicitement de cette autorisation que les utilisateurs commerciaux seront traités différemment des utilisateurs non commerciaux. De tels régimes de délivrance de permis établissent généralement deux types d'exception à des fins administratives: il y a les exceptions de minimis implicites dans le règlement et les exceptions établies pour les usages à des fins accessoires, personnelles ou non lucratives. Le concept de la discrimination fondée sur le volume est un substitut de la discrimination fondée sur ces considérations.

Enfin, le par. 930(2), conjugué à l'al. 930(1)d), est suffisant pour autoriser l'imposition d'un droit de permis volumétrique.


Parties
Demandeurs : Allard Contractors Ltd.
Défendeurs : Coquitlam (District)

Références :

Jurisprudence
Distinction d'avec l'arrêt: Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1133
arrêt critiqué: Colpitts Ranches c. Attorney‑General of Alberta, [1954] 3 D.L.R. 121
arrêt examiné: Coquitlam c. LaFarge Concrete Ltd., [1973] 1 W.W.R. 681 (C.A.C.‑B.), inf. [1972] 3 W.W.R. 539 (C.S.C.‑B.)
arrêts mentionnés: Kirkpatrick c. Maple Ridge (Corporation du District), [1986] 2 R.C.S. 124, inf. (1983), 49 B.C.L.R. 134 (C.A.), inf. (1980), 119 D.L.R. (3d) 598 (C.S.C.‑B.)
Lees c. West Vancouver (1979), 15 B.C.L.R. 233
Montréal (Ville de) c. Arcade Amusements Inc., [1985] 1 R.C.S. 368
Bank of Toronto c. Lambe (1887), 12 A.C. 575
Air Canada c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161
Attorney‑General for British Columbia c. Canadian Pacific Railway Co., [1927] A.C. 934
Canadian Pacific Railway Co. c. Attorney General for Saskatchewan, [1952] 2 R.C.S. 231
Attorney‑General for British Columbia c. Esquimalt and Nanaimo Railway Co., [1950] A.C. 87
Renvoi relatif à la Loi sur l'organisation du marché des produits agricoles, [1978] 2 R.C.S. 1198
Renvoi relatif à la taxe sur le gaz naturel exporté, [1982] 1 R.C.S. 1004
Lawson c. Interior Tree Fruit and Vegetable Committee of Direction, [1931] R.C.S. 357
Shannon c. Lower Mainland Dairy Products Board, [1938] A.C. 708
Reference re Farm Products Marketing Act, [1957] R.C.S. 198
Nelson c. City of Dartmouth (1964), 45 D.L.R. (2d) 183
Re Falardeau and Town of Hinton (1985), 21 D.L.R. (4th) 477
R. c. Greenbaum, [1993] 1 R.C.S. 674
R. c. Sharma, [1993] 1 R.C.S. 650.
Lois et règlements cités
District of Coquitlam By‑law No. 2041, 1971.
District of Coquitlam Soil Removal Regulation Bylaw No. 1841, 1988, art. 4, 5, 11.
District of Coquitlam Soil Removal Regulation Bylaw No. 1914, 1988, art. 3, 4, 5e), f), 13a), 14 à 18, 20, 23.
District of Coquitlam Soil, Sand, Gravel, Rock or Other Substances of Which Land is Composed Removal Bylaw No. 1489, 1967.
Loi constitutionnelle de 1867, art. 92(2), (8), (9), (13), (16), 92A(4), (5), sixième annexe.
Maple Ridge Soil Removal By‑law No. 2681‑1979.
Maple Ridge Soil Removal By‑law No. 3957‑1987, art. 3, 4, 8, 16, annexe D.
Maple Ridge Soil Removal By‑law No. 4109‑1988, art. 2, 3, 4, 6, 7, 8, 15, 17, 18 à 23, 24, 25, 29, 31, 33, 34, annexe "D", art. 1.
Mines Act, S.B.C. 1980, ch. 28.
Municipal Act, S.B.C. 1957, ch. 42, art. 873.
Municipal Act, R.S.B.C. 1960, ch. 255, art. 868d) [mod. 1962, ch. 41, art. 48
mod. 1964, ch. 33, art. 70].
Municipal Act, R.S.B.C. 1979, ch. 290, art. 528b), 578(2)a), 581, 651, 668(1), 669, 930 [mod. 1987, ch. 38, art. 27
mod. 1989, ch. 33, art. 9], 930.1 [aj. 1989, ch. 33, art. 10].
Municipal Amendment Act (No. 2), 1987, S.B.C. 1987, ch. 38, art. 27.
Municipal Amendment Act (No. 2), 1989, S.B.C. 1989, ch. 33, art. 9, 10.
Doctrine citée
La Forest, G. V. The Allocation of Taxing Power Under the Canadian Constitution, 2nd ed. Toronto: Canadian Tax Foundation, 1981.
Magnet, Joseph Eliot. «The Constitutional Distribution of Taxation Powers in Canada» (1978), 10 Ottawa L. Rev. 473.

Proposition de citation de la décision: Allard Contractors Ltd. c. Coquitlam (District), [1993] 4 R.C.S. 371 (18 novembre 1993)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1993-11-18;.1993..4.r.c.s..371 ?
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