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19/10/2001 | CANADA | N°2001_CSC_71

Canada | R. c. Rhee, 2001 CSC 71 (19 octobre 2001)


R. c. Rhee, [2001] 3 R.C.S. 364, 2001 CSC 71

DaiGeun Rhee Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié : R. c. Rhee

Référence neutre : 2001 CSC 71.

No du greffe : 27863.

2001 : 27 avril; 2001 : 19 octobre.

Présents : Les juges Iacobucci, Major, Binnie, Arbour et LeBel.

en appel de la cour d’appel de la colombie-britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (2000), 134 B.C.A.C. 135, 219 W.A.C. 135, [2000] B.C.J. No. 485 (QL), 2000 BCCA 162, rejetant l’appel de l’accu

sé contre sa déclaration de culpabilité de tentative de meurtre et de voies de fait causant des lésions corporelles prononcée...

R. c. Rhee, [2001] 3 R.C.S. 364, 2001 CSC 71

DaiGeun Rhee Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié : R. c. Rhee

Référence neutre : 2001 CSC 71.

No du greffe : 27863.

2001 : 27 avril; 2001 : 19 octobre.

Présents : Les juges Iacobucci, Major, Binnie, Arbour et LeBel.

en appel de la cour d’appel de la colombie-britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (2000), 134 B.C.A.C. 135, 219 W.A.C. 135, [2000] B.C.J. No. 485 (QL), 2000 BCCA 162, rejetant l’appel de l’accusé contre sa déclaration de culpabilité de tentative de meurtre et de voies de fait causant des lésions corporelles prononcée par la Cour suprême de la Colombie‑Britannique. Pourvoi rejeté, le juge LeBel est dissident.

Matthew A. Nathanson, pour l’appelant.

Alexander Budlovsky et Ursula Botz, pour l’intimée.

Version française du jugement des juges Iacobucci, Major, Binnie et Arbour rendu par

Le juge Arbour —

I. Introduction

1 La seule question à trancher dans ce pourvoi est de savoir si la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a commis une erreur en concluant que les directives au jury sur le doute raisonnable ne l’ont pas induit en erreur sur le sens et l’application de la norme de preuve applicable en droit criminel énoncée dans R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320. En l’espèce, le juge du procès ne bénéficiait pas des motifs de notre Cour dans Lifchus et la Cour d’appel ne disposait pas de R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, 2000 CSC 40; R. c. Russell, [2000] 2 R.C.S. 731, 2000 CSC 55; R. c. Beauchamp, [2000] 2 R.C.S. 720, 2000 CSC 54; et R. c. Avetysan, [2000] 2 R.C.S. 745, 2000 CSC 56.

2 Examinés à la lumière de Lifchus, certains éléments de l’exposé en question sont défectueux. À mon avis cependant, d’autres parties de l’exposé, soit celles portant sur la crédibilité et la preuve circonstancielle, ont servi à préciser dans l’esprit du jury la définition à donner au doute raisonnable, et, par conséquent, l’exposé pris dans son ensemble doit être considéré comme « conforme pour l’essentiel » aux principes de Lifchus. Je ne vois donc aucun motif raisonnable de conclure que le jury a pu avoir mal compris la norme de preuve à appliquer et je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

II. Les faits

3 En février 1997, l’appelant a été déclaré coupable par un jury de tentative de meurtre de sa femme et de voies de fait causant des lésions corporelles à sa fille. L’incident qui a donné lieu aux accusations est survenu en août 1996, alors que l’appelant aurait tenté d’étrangler sa femme et se serait porté à des voies de fait contre sa fille au cours d’une bataille au domicile de sa femme.

4 Le ministère public soutient que l’appelant a attaqué sa femme avec l’intention de l’étrangler avec un bout de corde. Les efforts de l’appelant ont été mis en échec lorsque sa fille est intervenue inopinément, et une bruyante bataille au cours de laquelle il s’est livré à des voies de fait sur sa fille l’a forcé à s’enfuir. L’appelant prétend qu’il essayait d’empêcher sa femme de s’étrangler avec un bout de corde lorsque sa fille est entrée dans la pièce. Croyant à tort qu’il exerçait des voies de fait contre sa mère, la fille l’a attaqué, et il a tenté de la maîtriser. La bataille devenant très bruyante et hors de contrôle, l’appelant s’est sauvé. L’appelant expose sa version des faits dans son témoignage, tandis que sa femme et sa fille témoignent au soutien de la version du ministère public. La preuve de la poursuite repose également sur certains éléments de preuve circonstancielle.

5 L’appelant interjette appel de sa déclaration de culpabilité auprès de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique pour plusieurs motifs, notamment le fait que le juge du procès a commis une erreur de droit en donnant au jury des directives erronées sur la définition appropriée du doute raisonnable. La Cour d’appel convoque une formation spéciale de cinq juges et entend l’appel conjointement avec deux autres affaires, soit R. c. K. (K.) (2000), 144 C.C.C. (3d) 35, 2000 BCCA 161, et R. c. Finley (2000), 134 B.C.A.C. 142, 2000 BCCA 160. Elle rejette l’appel à la majorité au motif que les erreurs alléguées, contrairement à celles commises par le juge du procès dans Lifchus, précité, n’ont pas pu avoir induit le jury en erreur. Cependant, deux juges ont exprimé leur dissidence et ont conclu que le juge du procès avait commis une erreur en indiquant au jury qu’il fallait donner au terme « doute raisonnable » son sens clair et naturel, et que cette erreur avait été aggravée par l’omission du juge du procès d’informer le jury qu’une déclaration de culpabilité exigeait davantage que la culpabilité probable. Le pourvoi est soumis de plein droit à notre Cour, conformément à l’al. 691(1)a) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46.

III. Les tribunaux d’instance inférieure

A. Cour suprême de la Colombie-Britannique

6 Le juge du procès a ainsi expliqué au jury l’interprétation à donner à l’expression « hors de tout doute raisonnable » :

[traduction] On doit donner au terme « doute raisonnable » le sens qui s’en dégage naturellement. Il ne s’agit pas d’un terme juridique ayant une connotation particulière. Un doute raisonnable est un doute honnête et équitable fondé sur la raison et le bon sens, un doute réel et non un doute imaginaire ou frivole, un doute fondé sur la raison. Donc, si vous deviez vous demander pourquoi vous doutez, vous seriez en mesure de donner une explication logique à votre doute. Dans ce contexte, une explication logique signifie une explication liée à la preuve elle-même, y compris tout conflit auquel vous pourriez conclure après avoir examiné l’ensemble de la preuve ou en raison de l’absence d’éléments de preuve qui, en l’espèce, sont à votre avis essentiels pour le prononcé d’une déclaration de culpabilité.

Vous ne devez pas fonder votre doute sur le principe que rien n’est certain et, donc, vous avez un doute ou encore que tout est possible et, donc, vous avez encore un doute. Vous n’êtes pas en droit d’établir une norme de certitude absolue et d’affirmer que la preuve ne satisfait pas à cette norme. Dans la vie, il n’est souvent pas possible de prouver la certitude absolue.

Si, après un examen minutieux de l’ensemble de la preuve, des exposés des avocats et de mes directives sur le droit, un doute raisonnable persiste dans votre esprit quant à la culpabilité de l’accusé, le ministère public n’a pas satisfait à la norme de preuve que requiert le droit, la présomption d’innocence doit donc l’emporter et vous devez prononcer l’acquittement. Par contre, si vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé, la présomption d’innocence a été écartée et vous devez rendre un verdict de culpabilité. Lorsque, dans le cadre de cet exposé, je vous dirai ce que le ministère public doit prouver, je ferai toujours référence à la preuve hors de tout doute raisonnable.

7 En ce qui concerne la preuve circonstancielle que le ministère public a produite pour démontrer l’intention criminelle de l’accusé quant à la tentative de meurtre, le juge du procès a déclaré :

[traduction] Avant de conclure que l’accusé avait l’intention criminelle requise, qu’il avait tout spécialement l’intention de causer la mort, vous devez être convaincus hors de tout doute raisonnable que cette intention est la seule inférence raisonnable qui puisse être tirée de ce que vous avez accepté comme étant les faits prouvés. Sur ce point, il faut se demander quelles conséquences l’accusé avait-il réellement voulu voir découler de ses actes. Y a-t-il un doute raisonnable quant à son intention de causer la mort?

8 Le juge du procès a ensuite fourni au jury des directives générales à propos de la preuve circonstancielle :

[traduction] À l’examen de l’ensemble de la preuve circonstancielle, vous devez être convaincus hors de tout doute raisonnable que, lorsque le verdict de culpabilité repose sur une telle preuve, la culpabilité de l’accusé est la seule inférence raisonnable qui puisse être tirée des faits que vous avez constatés.

9 Comme il s’agit d’une affaire où l’accusé avait lui-même témoigné, le juge du procès a également donné au jury les directives suivantes semblables à celles auxquelles notre Cour a donné son aval dans R. c. W. (D.), [1991] 1 R.C.S. 742 :

[traduction] Si vous croyez l’accusé, vous devez le déclarer non coupable. Si vous ne savez pas qui croire entre l’accusé, d’une part, et sa femme et sa fille, d’autre part, vous devez également le déclarer non coupable. Si vous ne croyez pas l’accusé mais que son témoignage soulève néanmoins chez vous un doute raisonnable, vous devez le déclarer non coupable. Même si vous ne croyez pas l’accusé et que son témoignage ne soulève chez vous aucun doute raisonnable, vous devez alors faire abstraction de son témoignage et examiner si, compte tenu des autres éléments de preuve, le ministère public a, hors de tout doute raisonnable, fait la preuve de l’infraction reprochée.

10 Au terme de l’exposé, le juge du procès a demandé aux avocats s’ils avaient des commentaires, et aucune question, réserve ou objection n’a été notée. Par la suite, le jury a déclaré l’appelant coupable de tentative de meurtre (de sa femme) et de voies de fait causant des lésions corporelles (à sa fille).

B. Cour d’appel de la Colombie-Britannique (2000), 134 B.C.A.C. 135, 2000 BCCA 162

1. Le juge Esson (avec l’appui des juges Braidwood et Hall)

11 En appel, l’appelant allègue que l’exposé du juge du procès sur le doute raisonnable comporte cinq erreurs; il prétend en outre que le juge du procès a donné des directives erronées au jury sur l’application du doute raisonnable à la question de la crédibilité. À l’audience, il y a eu abandon d’un moyen d’appel et, à l’unanimité, la cour rejette toutes les autres erreurs reprochées, à l’exception de deux.

12 Des deux principales failles de l’exposé au jury sur le doute raisonnable, le juge Esson qualifie la première erreur d’erreur d’action, car le juge du procès a informé le jury que le doute raisonnable n’était pas un terme juridique ayant une connotation juridique particulière. Le juge du procès a plutôt donné la directive suivante :

[traduction] On doit donner au terme « doute raisonnable » le sens qui s’en dégage naturellement. Il ne s’agit pas d’un terme juridique ayant une connotation particulière.

Le juge Esson reconnaît que, dans Lifchus, notre Cour a statué que l’omission de caractériser le doute raisonnable comme étant un terme juridique ayant un sens spécial constitue une erreur de droit. Au paragraphe 6, les juges majoritaires de la Cour d’appel citent les propos suivants tenus par le juge Cory au par. 22 de l’arrêt Lifchus :

L’expression « hors de tout doute raisonnable » est composée de mots qui sont utilisés couramment dans la langue de tous les jours. Cependant, ces mots ont un sens précis dans le contexte juridique. Il est possible que ce sens spécial des mots « doute raisonnable » ne corresponde pas exactement au sens qui leur est donné ordinairement. Dans le cadre de poursuites pénales, où la liberté de l’intéressé est en jeu, il est d’une importance fondamentale que les jurés comprennent pleinement la nature du fardeau de la preuve que le droit leur demande d’appliquer.

13 Cependant, la majorité conclut que l’erreur en l’espèce, contrairement à la situation dans Lifchus, précité, ne peut pas avoir induit le jury en erreur compte tenu du contexte particulier de l’exposé lui-même, le juge du procès ayant par la suite défini le doute raisonnable de manière plus précise. Le juge Esson a fait le commentaire suivant : [traduction] « il doit être considéré au pire comme une erreur inoffensive, à supposer que, avant Lifchus, il ait pu être considéré comme une erreur » (par. 7). De même, le juge Esson estime que l’emploi d’adjectifs tels que « honnête », « équitable » et « réel » pour qualifier le doute raisonnable ne donne pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, à une quelconque probabilité que le jury ait mal compris la norme de preuve.

14 La seconde principale faille alléguée est une erreur d’omission, c’est-à-dire que le juge a omis d’informer le jury qu’une norme plus élevée que la simple culpabilité probable était requise pour que le ministère public s’acquitte de son fardeau de preuve. Pour les motifs exposés dans K. (K.), une des deux causes entendues par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique en même temps que celle‑ci, le juge Esson a rejeté les arguments voulant que cette omission constitue une erreur donnant ouverture à révision. Dans K. (K.), le juge Esson a conclu que les erreurs alléguées ne contrevenaient pas à la jurisprudence antérieure à Lifchus et que, comme cet arrêt vise à s’appliquer seulement pour l’avenir, il n’y avait aucune raison de ne pas tenir compte des principes qui existaient au moment de l’exposé (soit R. c. Brydon (1995), 95 C.C.C. (3d) 509 (C.A.C.-B.); R. c. Lord, [1995] 1 R.C.S. 747, conf. (1993), 36 B.C.A.C. 223). En ce qui concerne l’omission de diverses directives sur le « doute raisonnable » recommandées dans Lifchus, le juge Esson note au par. 35 de K. (K.) :

[traduction] Au moment de l’exposé, la jurisprudence n’exigeait pas que le juge du procès utilise le terme « absence de preuve » ou qu’il donne au jury la directive que la preuve hors de tout doute raisonnable est plus exigeante que la preuve selon la prépondérance des probabilités, ou encore qu’il dise au jury qu’il doit être « sûr ». Ces points figurent dans le modèle d’exposé de Lifchus auquel les juges du procès portent sans doute aujourd’hui une attention toute particulière.

15 Conformément aux arrêts Lifchus et W. (D.), le juge Esson a appliqué la norme appropriée aux erreurs alléguées dans l’exposé du juge du procès, norme qui a été habilement résumée au par. 39 de l’arrêt K. (K.) :

[traduction] . . . une erreur ne constituera pas un motif d’annulation « si l’exposé, considéré dans son ensemble, indique clairement que le jury ne peut pas ne pas avoir compris quel fardeau et quelle norme de preuve s’appliquent ». Par contre, si l’exposé dans son ensemble « soulève une probabilité raisonnable que le jury ait mal compris la norme de preuve applicable », le verdict devra en général être annulé. [Premier extrait tiré de W. (D.), p. 758, cité dans Lifchus, par. 41; second extrait tiré de Lifchus, par. 41.]

16 Notant qu’aucune exception n’a été soulevée au procès quant à un aspect quelconque de l’exposé du juge du procès, le juge Esson a rejeté tous les moyens d’appel fondés sur les allégations de défectuosité dans l’exposé.

2. Le juge Newbury (avec l’appui du juge Rowles)

17 Tout comme la majorité, Madame le juge Newbury, dissidente, affirme que la question cruciale dont la cour est saisie n’est pas de savoir si le juge du procès s’est conformé comme il se doit à l’exposé énoncé dans Lifchus; il s’agit plutôt de déterminer si la question fondamentale posée par le juge Cory dans cet arrêt, soit si l’exposé « soulève une probabilité raisonnable que le jury a mal compris la norme de preuve applicable », peut recevoir une réponse affirmative. Le juge Newbury note que notre Cour a conclu à la nécessité d’ordonner un nouveau procès dans Lifchus, en raison notamment d’une erreur semblable à celle alléguée en l’espèce. Dans Lifchus, le juge du procès avait informé le jury que le terme « doute raisonnable » devait être interprété dans son « sens ordinaire, dans [son] sens naturel, celui de tous les jours ». Si cette erreur a pu priver l’accusé d’un procès équitable dans Lifchus, elle risque vraisemblablement, d’après le juge Newbury, d’entraîner les mêmes conséquences en l’espèce.

18 Selon le juge Newbury, cette erreur est aggravée par l’omission du juge du procès d’informer le jury qu’une déclaration de culpabilité exige davantage que la culpabilité probable. Bien qu’à son avis l’interprétation du doute raisonnable selon son sens ordinaire constitue une erreur plus grave, le juge Newbury conclut que ces erreurs collectivement donnent à penser que le jury pouvait ne pas avoir entièrement compris le sens de « doute raisonnable ». Citant Lifchus dans l’arrêt K. (K.), auquel elle se réfère pour statuer sur la présente affaire, le juge Newbury souligne au par. 48 que les jurés « doivent savoir que [. . .] la norme de preuve est plus exigeante que celle appliquée dans les litiges civils » (Lifchus, par. 14) et qu’« [i]l faudrait leur dire qu’une preuve établissant une probabilité de culpabilité n’est pas suffisante pour établir la culpabilité hors de tout doute raisonnable » (Lifchus, par. 32 (soulignement ajouté par le juge Cory)).

IV. Question en litige

19 La question à trancher en l’espèce est celle de savoir si l’exposé au jury est conforme pour l’essentiel aux principes de Lifchus. Plus précisément, compte tenu de la dissidence en Cour d’appel de la Colombie-Britannique, une directive au jury selon laquelle le terme « doute raisonnable » n’est pas une expression juridique ayant une connotation particulière, à laquelle s’ajoute l’omission du juge d’indiquer au jury qu’une déclaration de culpabilité exige davantage que la culpabilité probable, équivaut-elle à une erreur donnant ouverture à révision dans les circonstances?

V. Analyse

20 L’arrêt Lifchus a établi la manière dont il convient d’expliquer le doute raisonnable; aux par. 36-37 de cet arrêt, le juge Cory a déclaré en résumé qu’aucun ensemble précis de mots ne s’imposait et qu’en substance, le juge du procès devait communiquer au jury les principes suivants :

· la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable est inextricablement liée au principe fondamental de tous les procès pénaux, c’est‑à‑dire la présomption d’innocence;

· le fardeau de la preuve incombe à la poursuite tout au long du procès et ne se déplace jamais sur les épaules de l’accusé;

· un doute raisonnable ne peut être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé;

· il repose plutôt sur la raison et le bon sens;

· il a un lien logique avec la preuve ou l’absence de preuve;

· la norme n’exige pas une preuve correspondant à la certitude absolue; il ne s’agit pas d’une preuve au‑delà de n’importe quel doute; il ne peut s’agir non plus d’un doute imaginaire ou frivole;

· il faut davantage que la preuve que l’accusé est probablement coupable — le jury qui conclut seulement que l’accusé est probablement coupable doit acquitter l’accusé.

Par contre, certaines mentions concernant la norme de preuve requise doivent être évitées. Par exemple :

· le fait de décrire l’expression « doute raisonnable » comme étant une expression ordinaire, qui n’a pas de sens spécial dans le contexte du droit pénal;

· le fait d’inviter les jurés à appliquer la même norme de preuve que celle qu’ils utilisent, dans leur propre vie, pour prendre des décisions importantes, voire les plus importantes de ces décisions;

· le fait d’assimiler preuve « hors de tout doute raisonnable » à une preuve correspondant à la « certitude morale »;

· le fait de qualifier le mot « doute » par d’autres adjectifs que « raisonnable », par exemple « sérieux », « substantiel » ou « obsédant », qui peuvent induire le jury en erreur;

· le fait de dire aux jurés qu’ils peuvent déclarer l’accusé coupable s’ils sont « sûrs » de sa culpabilité, avant de leur avoir donné une définition appropriée du sens des mots « hors de tout doute raisonnable ». [Souligné dans l’original.]

21 L’applicabilité de ces lignes directrices aux directives fournies au jury avant Lifchus a été analysée dans Russell, Avetysan, Starr et Beauchamp, tous précités. Les juges majoritaires de notre Cour dans Starr ont déclaré que « [l]a cour qui examine un exposé au jury antérieur à l’arrêt Lifchus doit le faire dans le but de s’assurer qu’il était conforme, pour l’essentiel, aux principes établis dans cet arrêt » (par. 237). L’examen en appel d’un exposé au jury n’est pas une tâche machinale, mais bien une évaluation consistant à déterminer si, d’après la norme établie dans Lifchus, les défectuosités de l’exposé soulèvent des craintes sérieuses quant à la validité du verdict du jury. Cependant, le fait que de tels exposés ne reflètent pas les principes de Lifchus « ne peut pas donner naissance à lui seul au spectre du procès inéquitable ou de l’erreur judiciaire » (Russell, précité, par. 24). Au contraire, il s’agit principalement de savoir si l’exposé en question est conforme pour l’essentiel aux principes énoncés dans Lifchus, de sorte que, considéré dans son ensemble, il ne donne pas lieu à une probabilité raisonnable que le jury ait mal compris la norme de preuve applicable. Le juge Major a ainsi exposé de façon succincte ce point de vue dans Avetysan, précité, par. 12 :

Il est utile de souligner que les principes développés dans l’arrêt Lifchus doivent être appliqués d’une façon visant à améliorer la formulation des exposés au jury, mais ne rendent pas invalides des exposés antérieurs qui, même s’ils utilisent des expressions qui ne devraient plus avoir cours, satisfont pour l’essentiel au critère applicable. Un exposé au jury antérieur ou postérieur à l’arrêt Lifchus ne devrait pas être jugé défectueux pour la seule raison que sa formulation est imprécise. Il s’agit plutôt, comme le dit l’arrêt Starr de déterminer s’il est essentiellement conforme aux principes de Lifchus. Comme dans les affaires Russell et Beauchamp, précitées, la question de base demeure celle de savoir si l’exposé, pris dans son ensemble, donne lieu à une probabilité raisonnable que le jury ait mal compris la norme de preuve applicable. Si la réponse est négative, l’exposé est adéquat.

22 Je tiens à souligner une fois de plus que la Cour d’appel doit évaluer les conséquences vraisemblables découlant d’erreurs dans l’exposé au jury sur la définition de doute raisonnable en procédant à un examen au cas par cas. Les failles de l’exposé doivent être examinées en fonction de l’ensemble de l’exposé et selon le contexte de l’ensemble du procès.

23 Sur quatre pourvois semblables à celui-ci, où on a contesté la validité d’un exposé antérieur à Lifchus au motif qu’il a donné lieu à la probabilité raisonnable que le jury ait mal compris la norme de preuve applicable, notre Cour a ordonné la tenue de nouveaux procès pour deux d’entre eux : Starr et Avetysan.

24 Dans Starr, le juge du procès avait expressément indiqué au jury que le terme « doute raisonnable » n’avait aucune « connotation particulière » ni « aucun sens magique propre au droit ». De plus, il avait dit aux jurés qu’ils pouvaient prononcer une déclaration de culpabilité en fonction d’une norme de preuve moindre que la certitude absolue, sans pour autant leur indiquer exactement jusqu’à quel point elle pouvait y être inférieure pour constituer la norme minimale appropriée (à savoir que le ministère public était tenu de faire plus qu’établir la culpabilité selon la prépondérance des probabilités). Les juges majoritaires ont commenté l’effet cumulatif de ces deux erreurs en ces termes (par. 239) :

Lorsque le juge du procès a affirmé que la certitude absolue n’était pas requise et qu’il a ensuite lié la norme de preuve au sens « ordinaire de tous les jours » de l’expression « doute raisonnable », le jury aurait pu facilement comprendre qu’il disait qu’une norme de probabilité était la norme de preuve applicable.

Le doute raisonnable n’ayant jamais été défini et presque toutes les directives données ayant servi en fait à affaiblir le contenu de la norme du doute raisonnable, la majorité a conclu qu’il existe une probabilité raisonnable que le jury ait appliqué la mauvaise norme et cette probabilité raisonnable soulève la possibilité réaliste que les déclarations de culpabilité de l’accusé constituent une erreur judiciaire. Ces erreurs ont été commises dans le cadre d’un procès où les juges majoritaires de notre Cour ont conclu que des éléments de preuve incriminants inadmissibles avaient été produits au procès.

25 Dans Avetysan, le juge n’avait pas dit au jury que la « preuve hors de tout doute raisonnable » était un concept juridique spécial ayant un sens précis en droit pénal, ni qu’il devait acquitter les accusés s’il concluait qu’ils étaient « probablement coupables ». En outre, le juge n’a pas informé le jury que la norme de preuve appropriée exigeait plus que la prépondérance des probabilités, mais moins que la certitude absolue. Ces erreurs ont été aggravées par le fait que le jury a reçu des directives erronées sur la manière de résoudre les versions contradictoires des événements conformément à l’arrêt W. (D.), précité.

26 Dans Russell, où notre Cour a conclu qu’un exposé antérieur à Lifchus sur le doute raisonnable était conforme pour l’essentiel aux principes de cet arrêt, le juge Iacobucci a indiqué, au par. 25, que les questions additionnelles soulevées dans Starr et Avetysan distinguaient ces affaires de Russell :

Dans Starr, la principale question pour notre Cour était que, selon la majorité, le juge du procès avait accepté à tort des éléments de preuve irrecevables. Dans Avetysan, le juge du procès a omis d’avertir les jurés de ce que, même s’ils ne croyaient pas l’accusé, ils pouvaient encore avoir un doute raisonnable. En l’espèce, [. . .] je ne suis pas convaincu qu’il y a une raison quelconque d’intervenir dans le jugement de la majorité de la Cour d’appel [de l’Alberta], surtout que ce jugement traite de manière approfondie les divers éléments des principes établis par Lifchus. Le fait que la Cour d’appel a rejeté à l’unanimité tous les autres moyens d’appel, dont aucun n’a été soumis à notre Cour, distingue la présente affaire des affaires Starr et Avetysan.

Par conséquent, s’il est vrai que les directives données dans Starr et Avetysan n’ont clairement pas été en tous points conformes aux principes articulés dans Lifchus, chacun de ces arrêts soulevait d’autres questions qui ont servi à accentuer, plutôt qu’à atténuer, la crainte que les jurés aient mal compris leur tâche et rendu un verdict erroné.

27 Comme dans Russell, la Cour d’appel en l’espèce a rejeté à l’unanimité tous les moyens d’appel, à l’exception des questions concernant les directives sur le doute raisonnable. Compte tenu des commentaires du juge Iacobucci cités plus haut, Starr et Avetysan ne contribuent donc que de façon limitée à déterminer le seuil approprié de la « conform[ité] pour l’essentiel » lorsqu’un exposé défectueux sur le doute raisonnable constitue la seule question dont la cour est saisie.

28 Par ailleurs, dans ces deux arrêts, l’exposé au jury considéré dans son ensemble et en contexte a servi en fait à affaiblir davantage le contenu de la norme du doute raisonnable. Cela contraste avec Russell et Beauchamp où, malgré l’existence de certaines failles dans les directives au jury sur le doute raisonnable, l’exposé comporte d’autres directives et explications qui ont servi à renforcer la norme de preuve appropriée dans l’esprit du jury, ce qui étayait donc la théorie selon laquelle les directives étaient, dans l’ensemble, « conformes pour l’essentiel » à Lifchus.

29 Dans Russell, le juge du procès a fourni au jury une explication de l’expression « hors de tout doute raisonnable » qui s’écartait à certains égards de la norme énoncée dans Lifchus; notamment pour ce qui est de l’utilisation de ce terme « dans [son] sens ordinaire, et non pas comme expression juridique ayant un sens spécial ». Il a également omis d’indiquer expressément au jury que la simple culpabilité probable ne suffit pas à étayer une déclaration de culpabilité criminelle.

30 Concluant que l’exposé était adéquat, le juge Iacobucci, s’exprimant au nom de la Cour dans Russell, a noté que la Cour d’appel de l’Alberta avait « trait[é] de manière approfondie les divers éléments des principes établis par Lifchus », et il était convaincu qu’il n’y avait aucune raison de modifier l’arrêt de la Cour d’appel selon lequel l’exposé en question était compatible avec les lignes directrices de Lifchus. Plus précisément, en ce qui concerne l’interprétation du juge du procès du concept « preuve hors de tout doute raisonnable » dans son sens « ordinaire » ou dans son sens dans la « vie de tous les jours », la Cour d’appel a conclu que les directives additionnelles dans d’autres parties de l’exposé, celles-là plus compatibles avec les principes de Lifchus, suffisaient à guider correctement le jury.

31 Une fois de plus, dans l’arrêt Beauchamp, précité, le juge Iacobucci n’a vu aucune raison de modifier l’arrêt majoritaire de la Cour d’appel du Québec. Bien qu’il ait été reconnu que le juge du procès aurait dû éviter d’employer certaines expressions dans son exposé au jury sur le doute raisonnable (plus particulièrement l’expression « certitude morale » en rapport avec « doute raisonnable »), la Cour d’appel du Québec a estimé que « l’exposé contesté ne contenait pas de failles de la nature de celles contenues dans les directives qui avaient justifié l’intervention judiciaire dans d’autres cas » (résumé par le juge Iacobucci, par. 10). La Cour d’appel en a décidé ainsi principalement parce que, malgré l’emploi de certains termes déconseillés, le juge du procès avait correctement expliqué tous les éléments essentiels du doute raisonnable.

32 Étant donné le caractère particulier de l’affaire, je ne vois aucun motif justifiant l’intervention de notre Cour lorsqu’une cour d’appel a exercé son jugement pour évaluer la conformité pour l’essentiel d’un exposé antérieur à Lifchus avec les principes énoncés dans cet arrêt. Lors de l’examen d’un exposé antérieur à Lifchus sur le doute raisonnable, aucune erreur ou omission particulière ne constituera automatiquement, en soi, une erreur donnant ouverture à révision, pas plus qu’une directive additionnelle ne remédiera immédiatement à une faille précise. En définitive, l’analyse doit être axée sur la question de savoir s’il existe une probabilité raisonnable que le jury ait mal compris la norme de preuve criminelle.

33 À mon sens, dans le présent pourvoi, deux parties précises de l’exposé réaffirment la norme de preuve applicable en droit criminel et auraient guidé le jury sur cette question. Tout d’abord, parce qu’il s’agit d’une affaire dans laquelle l’accusé a témoigné, le juge du procès a donné au jury un exposé conforme à l’arrêt W. (D.), précité, et a précisément indiqué au jury la manière dont la question de la crédibilité s’appliquait au doute raisonnable :

[traduction] Si vous croyez l’accusé, vous devez le déclarer non coupable. Si vous ne savez pas qui croire entre l’accusé, d’une part, et sa femme et sa fille, d’autre part, vous devez également le déclarer non coupable. Si vous ne croyez pas l’accusé mais que son témoignage soulève néanmoins chez vous un doute raisonnable, vous devez le déclarer non coupable. Même si vous ne croyez pas l’accusé et que son témoignage ne soulève chez vous aucun doute raisonnable, vous devez alors faire abstraction de son témoignage et examiner si, compte tenu des autres éléments de preuve, le ministère public a, hors de tout doute raisonnable, fait la preuve de l’infraction reprochée.

34 L’appelant a prétendu que les erreurs commises en l’espèce, considérées dans leur ensemble, pouvaient créer dans l’esprit du jury l’impression que le doute raisonnable ressemblait davantage à une norme de preuve civile que criminelle. Le juge du procès a expressément indiqué au jury que la norme de preuve était moindre que la « certitude absolue », mais il ne l’a jamais prévenu que la culpabilité probable était insuffisante, interprétant plutôt le concept de doute raisonnable selon son sens ordinaire. Cependant, même si l’exposé n’indiquait pas expressément qu’une norme plus élevée que la culpabilité probable était requise, la partie des directives fondées sur l’arrêt W. (D.) a servi à mon avis à réaffirmer dans l’esprit du jury le haut degré de preuve requis pour l’obtention d’une déclaration de culpabilité. Comme le juge Cory l’a noté dans W. (D.), p. 758 :

Quand il y a une erreur dans une directive concernant le fardeau de preuve, le fait que le juge du procès a donné des directives correctes sur cette question ailleurs dans son exposé, est une forte indication que le jury n’a pas été laissé dans le doute au sujet du fardeau de preuve qui incombe au ministère public.

Lorsque la majeure partie de l’exposé est conforme aux principes de Lifchus et que le juge du procès a omis d’indiquer expressément qu’une norme plus exigeante que la « culpabilité probable » était requise, il ne serait pas raisonnable de conclure que le juré qui a reçu des directives additionnelles semblables à celles recommandées dans W. (D.) continuerait de croire qu’il incombe au ministère public de prouver la culpabilité selon une norme en deçà de la norme de preuve applicable en droit criminel. Même lorsque cette omission se produit conjointement avec une autre erreur, comme le fait de définir le doute raisonnable selon son sens ordinaire, de telles failles peuvent être compensées par d’autres parties des directives au jury qui viennent préciser la définition appropriée du doute raisonnable.

35 La conformité pour l’essentiel de l’exposé du juge du procès au jury dans ce pourvoi est en outre appuyée par la justesse des directives sur le doute raisonnable relatif à la preuve circonstancielle, sur laquelle reposait finalement une partie de la preuve du ministère public. Le juge du procès a expliqué aux jurés qu’en ce qui concerne l’intention criminelle requise et la preuve circonstancielle produite pour la démontrer, ils [traduction] « doi[vent] être convaincus hors de tout doute raisonnable que cette intention est la seule inférence raisonnable qui puisse être tirée de ce qu[’ils ont] accepté comme étant les faits prouvés ». Puis, se référant à l’ensemble de la preuve circonstancielle produite, il a expliqué : [traduction] « vous devez être convaincus hors de tout doute raisonnable que, lorsque le verdict de culpabilité repose sur une telle preuve, la culpabilité de l’accusé est la seule inférence raisonnable qui puisse être tirée des faits que vous avez constatés ». Une fois de plus, comme avec l’exposé dans W. (D.), la crainte que le jury ait pu appliquer une norme de culpabilité probable devrait disparaître à la suite de l’examen de ces directives traitant de la preuve circonstancielle.

36 Pendant cette période de transition, où les cours d’appel sont appelées à évaluer la conformité pour l’essentiel avec les principes de Lifchus concernant les directives au jury sur le doute raisonnable dans le cas d’affaires déjà en cours, mais antérieures à Lifchus, je ne vois aucune raison de modifier l’arrêt majoritaire de la Cour d’appel. Non seulement l’exposé en question était-il conforme en partie aux lignes directrices de Lifchus, mais d’autres aspects de l’exposé concernant la crédibilité et la preuve circonstancielle ont servi à remédier aux failles de celui-ci, de sorte qu’il ne puisse exister de crainte raisonnable que le jury ait conclu à la culpabilité en appliquant la mauvaise norme de preuve.

VI. Dispositif

37 Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Version française des motifs rendus par

Le juge LeBel (dissident) --

I. Introduction

38 Comme le juge Iacobucci l’a noté dans l’arrêt R. c. Russell, [2000] 2 R.C.S. 731, 2000 CSC 55, l’état du droit quant à la teneur de l’exposé au jury sur le concept juridique du doute raisonnable se trouve encore en phase de transition. Une phase de transition difficile, je me dois d’ajouter. Encore une fois, il s’agit d’une affaire où l’exposé au jury précède l’arrêt de notre Cour R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320. Cependant, l’examen de ce pourvoi bénéficie de l’éclairage de cet arrêt et des décisions subséquentes. Cette phase de transition a en conséquence rendu difficile la tâche de s’assurer que ces exposés particuliers au jury sont conformes, pour l’essentiel, aux principes établis dans Lifchus, tout en évitant de donner à cet arrêt important une portée déraisonnable.

39 Il va de soi que le problème est nécessairement temporaire : les exposés antérieurs à Lifchus finiront par se frayer un chemin dans le système. À ce moment-là, il deviendra moins difficile d’évaluer si, pour veiller à l’équité du procès, un juge, en pleine connaissance de l’arrêt Lifchus, s’est conformé pour l’essentiel aux lignes directrices qu’énonce ce jugement et a fourni des directives claires au jury sur la question cruciale du doute raisonnable. Entre-temps, toutefois, comme le juge Iacobucci l’a également noté, au par. 24 de l’arrêt Russell, « les tribunaux de notre pays ont veillé et continueront de veiller à remédier aux procès inéquitables et aux erreurs judiciaires ».

40 Le présent pourvoi permet de préciser une fois de plus quand l’exposé au jury — antérieur ou postérieur à Lifchus — ne satisfait pas à la norme minimale d’équité. En l’espèce, l’exposé au jury était inadéquat.

II. Faits

41 On reproche à l’appelant d’avoir tenté de tuer sa femme et d’avoir commis des voies de fait causant des lésions corporelles à sa fille. Les faits ne sont pour la plupart pas contestés, mais l’explication des motifs pour lesquels ils se sont produits et de la manière dont ils se sont déroulés se trouve au cœur du pourvoi. La preuve était circonstancielle. Le litige se résume essentiellement à un affrontement entre l’appelant et les plaignantes, pour présenter une version crédible des faits. L’essentiel est qu’il ne s’agit pas d’une affaire compliquée. Aucune question de droit complexe n’a été soulevée. Le procès a duré quatre jours et, après quatre heures de délibération, le jury a rendu un verdict de culpabilité relativement aux deux accusations, sans poser de questions.

III. Analyse

42 Contrairement au cas de certains principes maintes fois répétés, il n’est pas superflu de rappeler que, dans notre système juridique, l’accusé ne peut être déclaré coupable d’un crime à moins que les accusations portées contre lui n’aient été prouvées hors de tout doute raisonnable. Ce lourd fardeau de preuve, imposé à la poursuite, reste inextricablement lié à la question tout aussi fondamentale de la présomption d’innocence (Lifchus, précité, par. 27). La preuve hors de tout doute raisonnable constitue un élément si crucial de notre droit criminel qu’elle mérite d’être réitérée, d’autant plus que le concept de « doute raisonnable » apparaît trompeusement simple. Ce n’est pas le cas. Comme le juge Iacobucci l’a exprimé de façon éloquente dans l’arrêt R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, 2000 CSC 40, par. 241 :

. . . il n’y a aucun exemple de cette notion qui soit intelligible à tous, comme la balance de la justice relativement à la norme de la prépondérance des probabilités. Contrairement à la certitude absolue ou à la prépondérance des probabilités, le doute raisonnable n’est pas une norme facile à quantifier. Il ne peut être ni mesuré ni décrit par analogie. Il doit être expliqué. Toutefois, il est difficile à expliquer justement parce qu’il n’est pas quantifiable.

43 Se fondant sur ces observations, notre Cour a conclu dans Lifchus qu’il faut expliquer au jury le concept de doute raisonnable et a fourni des lignes directrices à cet égard, y compris des méthodes qui seraient utiles et d’autres qu’il convient d’éviter. Depuis, on s’entend dans l’ensemble pour reconnaître que les lignes directrices de Lifchus ne doivent pas être utilisées comme un ensemble de recettes (Russell, précité, par. 21; R. c. Avetysan, [2000] 2 R.C.S. 745, 2000 CSC 56, par. 11), qu’il n’existe pas de formules rituelles capables de justifier ou de condamner l’exposé au jury (Russell, par. 2) et qu’il faut évaluer l’exposé au jury de façon globale (Russell, par. 2) pour décider s’il est conforme, pour l’essentiel, aux principes établis dans Lifchus (Starr, par. 237; Avetysan, par. 12). Ces affirmations demeurent valides.

44 En outre, les arrêts qui ont découlé de Lifchus, notamment Starr, R. c. Bisson, [1998] 1 R.C.S. 306, Avetysan, R. c. Beauchamp, [2000] 2 R.C.S. 720, 2000 CSC 54, et Russell, ont fait apparaître un autre principe dans la jurisprudence relative au doute raisonnable. Selon ce principe, l’explication que la culpabilité criminelle exige davantage que la culpabilité probable a un caractère fondamental et constitue une norme minimale essentielle parmi celles énumérées dans Lifchus.

45 L’arrêt Lifchus signalait lui-même ce principe. La directive selon laquelle le doute raisonnable est une norme plus exigeante que la probabilité est le facteur bénéficiant à l’accusé que le juge Cory a rattaché directement à l’équité du procès (au par. 14) :

Peu importe que les directives aient été données de façon exemplaire à tous autres égards, si elles sont défectueuses sur ce point [la définition du doute raisonnable], le procès ne peut que manquer d’équité. Il est vrai que l’expression s’est transmise au cours des siècles dans des mots d’une simplicité trompeuse. Il n’en demeure pas moins que les jurés doivent en comprendre le sens et l’importance. Ils doivent savoir que même si la norme de preuve est plus exigeante que celle appliquée dans les litiges civils, qui est fondée sur la prépondérance des probabilités, elle n’exige toutefois pas une preuve correspondant à la certitude absolue. [Je souligne.]

46 Ces propos ont trouvé écho dans Avetysan, précité, par. 14 :

L’exposé en l’espèce était défectueux. On n’a pas dit clairement au jury que la norme de preuve exigeait plus que la prépondérance des probabilités mais moins que la certitude absolue. De la même façon, on n’a pas dit au jury qu’il devait acquitter les accusés s’il concluait seulement que les accusés étaient « probablement coupables », une norme qui, selon le juge Cory dans l’arrêt Lifchus, pouvait compromettre l’équité du procès. [Premier soulignement dans l’original; deuxième soulignement ajouté.]

Et de nouveau, dans Starr, le juge Iacobucci a déclaré, au par. 241 :

Comme on l’a souligné à maintes reprises dans Lifchus, puis de nouveau dans Bisson, il faut dire au jury que la norme de preuve applicable dans un procès criminel est plus élevée que la norme de la prépondérance des probabilités qui est utilisée dans les décisions de tous les jours et dans les procès civils. En fait, c’est précisément cette exigence d’aller au‑delà de la probabilité qui fait concorder la norme de preuve en matière criminelle avec la présomption d’innocence et l’obligation du ministère public. [Souligné dans l’original.]

47 Dans Bisson, l’erreur fatale consistait à définir « doute raisonnable » comme étant une expression courante, erreur accentuée par l’emploi d’une analogie avec le simple fait de vérifier si le niveau d’huile d’une voiture est suffisant pour assurer son fonctionnement. Fait révélateur, l’une des deux raisons pour conclure qu’il s’agissait d’une erreur ouvrant droit à révision consistait dans la crainte que les décisions de la vie de tous les jours soient souvent prises selon une norme trop basse, reposant sur la prépondérance des probabilités (au par. 6) :

Aussi bien conçus soient‑ils, les exemples destinés à illustrer ce qui constitue une preuve hors de tout doute raisonnable peuvent donner lieu à des difficultés. Premièrement, ils peuvent tendre à faire croire à un juré que la décision quant à l’existence d’une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable peut être prise sur le même fondement que toute autre décision de la vie quotidienne. Le danger est tout aussi grand s’il s’agit de décisions importantes. Souvent, ces décisions de la vie de « tous les jours » sont prises en fonction d’une norme de probabilité.

48 Par conséquent, notre Cour a jugé que l’exposé au jury dans Starr était inadéquat, car les erreurs ont eu pour effet d’aggraver la seule lacune en cause, à savoir que le jury n’a pas été mis en garde contre le recours à la « culpabilité probable » pour trancher l’affaire. Dans Starr, le juge du procès avait informé le jury que le concept de doute raisonnable (1) n’avait aucune « connotation particulière » et (2) qu’il ne devait pas être assimilé à la certitude absolue; toutefois, (3) il ne lui a pas donné comme directive de ne pas se fonder sur la culpabilité probable pour trancher l’affaire. Le jury a donc essentiellement reçu la directive de recourir à une norme ordinaire — la probabilité — le juge ne l’ayant pas explicitement informé que la culpabilité probable était une norme trop basse pour y fonder la culpabilité criminelle. Comme l’expose le juge Iacobucci, au par. 239 :

Le problème fondamental que pose cette directive est qu’on n’a pas indiqué clairement au jury que le ministère public était tenu de faire plus qu’établir la culpabilité de l’appelant selon la prépondérance des probabilités. Le juge du procès a dit au jury qu’il pourrait prononcer une déclaration de culpabilité en fonction d’une norme de preuve moindre que la certitude absolue de culpabilité, sans pour autant expliquer essentiellement jusqu’à quel point elle pourrait être inférieure à cette dernière norme. En outre, au lieu de dire au jury que les mots « doute raisonnable » ont un sens particulier dans le contexte juridique, le juge du procès lui a expressément dit que ces mots n’avaient aucune [traduction] « connotation particulière » ni « aucun sens magique propre au droit ». Lorsque le juge du procès a affirmé que la certitude absolue n’était pas requise et qu’il a ensuite lié la norme de preuve au sens « ordinaire de tous les jours » de l’expression « doute raisonnable », le jury aurait pu facilement comprendre qu’il disait qu’une norme de probabilité était la norme de preuve applicable.

49 En fait, l’arrêt Starr laisse entendre, au par. 242, que le facteur fondamental et essentiel selon lequel le jury doit comprendre que la norme du doute raisonnable est plus exigeante que celle de la culpabilité probable a pour corollaire que les autres facteurs dégagés par Lifchus auront une importance plus accessoire :

Comme l’arrêt Lifchus l’a précisé, le juge du procès est tenu d’expliquer qu’il faut moins que la certitude absolue et plus que la culpabilité probable pour que le jury prononce une déclaration de culpabilité. Ces deux normes subsidiaires se comprennent assez facilement. Il sera très utile au jury que le juge du procès situe la norme du doute raisonnable de la bonne façon entre ces deux normes. Les directives supplémentaires au jury qui ont été énoncées dans Lifchus, quant au sens du doute raisonnable et à la façon d’en déterminer l’existence, servent à définir ce qui sépare la certitude absolue de la preuve hors de tout doute raisonnable. [Je souligne.]

Le résultat dans Beauchamp, où un seul facteur soi-disant « secondaire » était en cause, était compatible avec cette approche. Dans cet arrêt, la seule erreur que le juge ait commise dans son exposé au jury a été de décrire la preuve « hors de tout doute raisonnable » comme étant une preuve correspondant à la « certitude morale ». Sinon, il a expliqué comme il se doit que le doute raisonnable se situait entre les limites supérieure et inférieure que constituent la certitude absolue et la probabilité. La référence à la moralité n’était qu’un moyen pour le juge de définir l’espace entre ces limites — un facteur qui, sans être idéal, n’avait toutefois pas compromis l’équité du procès.

50 Enfin, le point de vue selon lequel la culpabilité probable constitue un élément fondamental et essentiel de Lifchus s’accorde également avec l’approche générale adoptée par notre Cour, à savoir que « l’absence d’un des éléments requis de Lifchus ou l’inclusion d’un des éléments inappropriés “n’est pas généralement déterminant quant à la validité de l’ensemble de l’exposé” » (Russell, par. 21, citant l’arrêt Avetysan, par. 11 (je souligne)). Le terme « généralement » n’écarte pas — en fait, anticipe — la possibilité qu’il y ait des situations où une omission ou une exclusion contraire à Lifchus peut être déterminante quant au caractère adéquat de l’exposé au jury.

51 En résumé donc, j’apporterai une précision à la jurisprudence actuelle en affirmant que l’explication nécessaire du doute raisonnable doit comporter, comme élément essentiel, la directive que la norme de preuve hors de tout doute raisonnable est distincte de la preuve selon la prépondérance des probabilités et qu’elle est plus exigeante. Cela signifie non pas qu’il faille employer des termes particuliers, mais uniquement que ce concept essentiel doit être communiqué d’une façon ou d’une autre dans le cadre de l’explication requise du doute raisonnable. J’accorde priorité à ce concept parmi l’ensemble des facteurs énoncés dans Lifchus, parce qu’un fil conducteur émerge du raisonnement adopté par notre Cour à la suite de l’arrêt Lifchus.

52 Il convient néanmoins de souligner qu’il n’est pas nécessaire de répéter mot pour mot comme des formules magiques « prépondérance des probabilités » et « culpabilité probable ». Il est suffisant, quoique nécessaire, de s’assurer que le jury soit conscient dans l’ensemble qu’une telle norme ne peut servir à décider de la culpabilité criminelle. Dans Russell, l’exclusion d’une référence à la norme de probabilité ne s’est pas révélée fatale. En effet, compte tenu de l’ensemble de l’exposé au jury, il n’y avait toujours aucune probabilité raisonnable que le jury ait mal compris qu’il lui incombait d’appliquer une norme de preuve plus exigeante.

53 Dans Russell, le jury avait reçu la directive que le doute raisonnable était inextricablement lié à la présomption d’innocence. Le juge l’avait informé que le doute raisonnable n’était pas frivole, mais qu’il était plutôt fondé sur la raison et sur la preuve qui permet au juré de conclure : « Je suis sûr. » En outre, en réponse à une question du jury quant au fardeau du ministère public de prouver l’intention de tuer, le juge avait ajouté : [traduction] « si vous avez un doute sur cette question, vous devez en faire bénéficier l’accusé ». Essentiellement, quoique, dans l’exposé au jury, il n’ait été fait mention d’aucun plafond de certitude absolue ni d’aucun plancher de culpabilité probable pour expliquer la notion de doute raisonnable, la directive portant que le jury devait être « sûr » ainsi que les autres facteurs de Lifchus et la directive additionnelle selon laquelle l’accusé devait avoir le bénéfice du doute auraient effectivement indiqué au jury que la culpabilité probable ne justifiait pas une déclaration de culpabilité.

54 Il importe d’ajouter que, dans un cas comme Russell, où les limites supérieure et inférieure du doute raisonnable ne sont pas mentionnées, mais où on donne au jury la directive qu’il doit être sûr, cette dernière ne se substituera pas de façon satisfaisante à une explication en bonne et due forme sur la probabilité dans tous les cas. On se rappellera que, dans Russell, le jury avait reçu des directives additionnelles en réponse à sa question et que l’exposé au jury en cause était antérieur à Lifchus.

55 Cependant, pris dans son ensemble, l’exposé au jury dans Russell demeurait conforme pour l’essentiel à l’arrêt Lifchus, car il avait pour effet de s’assurer que le « plancher » avait été établi, de sorte que le jury ne puisse pas rendre un verdict de culpabilité simplement selon la prépondérance des probabilités. Si cette norme minimale n’avait pas été observée, on aurait pu conclure au caractère inadéquat de l’exposé au jury sur ce seul fondement, sans plus. En fait, dans d’autres cas où l’exposé au jury sur le doute raisonnable était inadéquat, la présence d’erreurs additionnelles commises au procès avaient scellé le sort de l’affaire et un nouveau procès avait été ordonné. C’est dans ce contexte qu’il faut interpréter le par. 25 de l’arrêt Russell :

Dans Starr, comme dans Avetysan, l’effet cumulatif d’erreurs commises sur des questions soumises aux jurés nous a amenés à conclure qu’un nouveau procès s’imposait. Dans Starr, la principale question pour notre Cour était que, selon la majorité, le juge du procès avait accepté à tort des éléments de preuve irrecevables. Dans Avetysan, le juge du procès a omis d’avertir les jurés de ce que, même s’ils ne croyaient pas l’accusé, ils pouvaient encore avoir un doute raisonnable. En l’espèce, [. . .] je ne suis pas convaincu qu’il y a une raison quelconque d’intervenir dans le jugement de la majorité de la Cour d’appel, surtout que ce jugement traite de manière approfondie les divers éléments des principes établis par Lifchus. Le fait que la Cour d’appel a rejeté à l’unanimité tous les autres moyens d’appel, dont aucun n’a été soumis à notre Cour, distingue la présente affaire des affaires Starr et Avetysan. Par conséquent, je ne peux pas dire que le procès de l’accusé était inéquitable au sens que l’intégrité du verdict a été compromise.

Il ressort principalement de Russell et des autres arrêts où Lifchus a été appliqué que, lorsque l’exposé au jury n’est pas conforme pour l’essentiel à Lifchus, il sera considéré comme inadéquat — sans plus. L’arrêt Russell satisfaisait à la norme énoncée dans Lifchus. Ce n’est cependant pas le cas du présent pourvoi.

IV. Application à la présente affaire

56 Un premier problème important qui touche l’exposé au jury en l’espèce concerne la directive suivante du juge : [traduction] « On doit donner au terme “doute raisonnable” le sens qui s’en dégage naturellement. Il ne s’agit pas d’un terme juridique ayant une connotation particulière. » Cette explication pose clairement problème, comme ce fut le cas dans Lifchus, Bisson et Russell. Elle indiquait au jury que « doute raisonnable » ne comportait aucun sens particulier et aurait invité chaque juré à se fier à ses croyances ou à son expérience personnelles pour juger de sa signification. Comme l’a expliqué la jurisprudence, il s’agit là vraisemblablement d’une invitation aux jurés à appliquer une norme de probabilité, comme ils le feraient pour la majorité des décisions de leur vie.

57 L’autre problème de taille que présente cet exposé est étroitement lié à cette première difficulté. Le juge du procès n’a pas fait mention de la norme de probabilité trop basse pour convenir — problème qui est analysé dans Starr, Avetysan et Russell. Toutefois, contrairement à Russell, le problème s’est aggravé lorsque le juge du procès a précisé la limite supérieure du « doute raisonnable » sans mentionner la limite inférieure correspondante :

[traduction] Vous ne devez pas fonder votre doute sur le principe que rien n’est certain et, donc, vous avez un doute ou encore que tout est possible et, donc, vous avez encore un doute. Vous n’êtes pas en droit d’établir une norme de certitude absolue et d’affirmer que la preuve ne satisfait pas à cette norme. Dans la vie, il n’est souvent pas possible de prouver la certitude absolue.

Cette directive a effectivement mis en garde le jury contre l’application d’une norme de preuve trop exigeante, mais elle n’a pas fait la mise en garde correspondante, à savoir que la norme de probabilité était trop peu exigeante.

58 Le juge du procès a effectivement tenté de définir le doute raisonnable de la façon suivante :

[traduction] Un doute raisonnable est un doute honnête et équitable fondé sur la raison et le bon sens, un doute réel et non un doute imaginaire ou frivole, un doute fondé sur la raison. Donc, si vous deviez vous demander pourquoi vous doutez, vous seriez en mesure de donner une explication logique à votre doute. Dans ce contexte, une explication logique signifie une explication liée à la preuve elle‑même . . .

Cependant, comme le démontre la jurisprudence, ces facteurs « secondaires » ne s’avèrent utiles que pour expliquer le doute raisonnable, mais, en l’absence de quelque garantie que le jury appliquera une norme plus exigeante que la probabilité, ils ne sont pas suffisants. Dans Russell, cette garantie existe. Dans le présent pourvoi, le plafond a été établi, mais non le plancher.

59 On a soutenu que, malgré les lacunes dans l’exposé au jury en l’espèce, le jury a dû savoir qu’il devait appliquer une norme plus exigeante que la probabilité. Cet argument se fonde sur la directive fournie aux jurés selon laquelle, compte tenu de l’ensemble de la preuve circonstancielle, [traduction] « [ils doivent] être convaincus hors de tout doute raisonnable que, lorsque le verdict de culpabilité repose sur une telle preuve, la culpabilité de l’accusé est la seule inférence raisonnable qui puisse être tirée des faits qu[’ils ont] constatés » (je souligne). Il existe cependant le danger que le jury puisse avoir cru qu’une décision fondée sur la culpabilité probable était néanmoins logique, qu’elle n’était pas frivole et qu’elle reposait sur la preuve — autrement dit, qu’il s’agissait d’une inférence raisonnable. Je ne suis pas convaincu que le fait de dire au jury que sa décision doit être la « seule » inférence raisonnable qui puisse être tirée de la preuve soit suffisant pour qu’il se garde de conclure à la culpabilité probable. À mon sens, un juré peut facilement comprendre la directive « vous devez être sûr »; par contre, la directive « vous devez être convaincu hors de tout doute raisonnable que la culpabilité est la seule inférence raisonnable » est considérablement moins claire. En définitive, cette dernière directive paraît brouiller plutôt que préciser le sens de la notion de doute raisonnable et, assurément, elle n’indique pas clairement qu’une déclaration de culpabilité ne peut se fonder sur la culpabilité probable. La probabilité que le jury ait mal saisi la notion de doute raisonnable en l’occurrence reste trop grande pour que la culpabilité ou l’innocence de l’accusé puisse en dépendre.

60 On a également prétendu que la directive du juge quant à la manière de composer avec la preuve contradictoire produite en l’espèce était suffisante pour garantir que le jury applique la norme appropriée pour décider la question de la culpabilité. Dans son exposé au jury, le juge a donné les directives suivantes :

[traduction] Si vous croyez l’accusé, vous devez le déclarer non coupable. Si vous ne savez pas qui croire entre l’accusé, d’une part, et sa femme et sa fille, d’autre part, vous devez également le déclarer non coupable. Si vous ne croyez pas l’accusé mais que son témoignage soulève néanmoins chez vous un doute raisonnable, vous devez le déclarer non coupable. Même si vous ne croyez pas l’accusé et que son témoignage ne soulève chez vous aucun doute raisonnable, vous devez alors faire abstraction de son témoignage et examiner si, compte tenu des autres éléments de preuve, le ministère public a, hors de tout doute raisonnable, fait la preuve de l’infraction reprochée. Dans l’affirmative, vous devez déclarer l’accusé coupable.

Bien qu’il ne soit pas nécessaire de se prononcer sur ce point dans le présent pourvoi, cet aspect de l’exposé au jury paraît conforme à la norme juridique (voir R. c. W. (D.), [1991] 1 R.C.S. 742, R. c. S. (W.D.), [1994] 3 R.C.S. 521, et Avetysan). Cependant, il ne remédie pas au caractère inadéquat de l’explication du doute raisonnable, car il demande seulement au jury de recourir à cette norme pour décider si le ministère public a établi la culpabilité de l’accusé.

61 Cette distinction est illustrée dans Avetysan. Dans cet arrêt, l’exposé au jury a été jugé défectueux pour deux motifs : (1) « [o]n n’a pas dit clairement au jury que la norme de preuve exigeait plus que la prépondérance des probabilités mais moins que la certitude absolue » (par. 14), et (2) « [o]n aurait dû [. . .] mettre [le jury] en garde de ne pas automatiquement condamner l’appelant et [le coaccusé] s’i[l] concluai[t] que le plaignant était plus crédible qu’eux » (par. 22). Autrement dit, l’erreur commise dans la directive sur la manière de composer avec la preuve contradictoire était distincte de l’erreur relative au doute raisonnable, les deux s’étant par ailleurs mutuellement aggravées.

62 Par conséquent, en l’espèce, aussi parfait qu’ait été l’exposé sur les diverses manières d’interpréter la preuve, le jury pouvait ne pas arriver à une appréciation équitable de la culpabilité s’il ignorait la norme de preuve qu’il convenait d’appliquer à la version des faits à laquelle il était porté à croire.

63 Enfin, il est significatif que tous ces faits se produisent dans un procès relativement simple, qui se résume essentiellement à une confrontation entre l’accusé et ses deux présumées victimes, sa femme et sa fille, pour établir leur crédibilité respective. Comme l’appelant l’a fait remarquer, l’appréciation de la crédibilité est un exercice quotidien qui se fait vraisemblablement selon la norme de probabilité. En outre, la preuve était circonstancielle, les questions de droit soumises au jury n’étaient pas complexes et le jury n’a effectivement pas jugé nécessaire de poser des questions au cours de ses délibérations. Il s’agissait là d’un facteur aggravant qui a renforcé l’impression du jury qu’aucun concept juridique particulier n’était en cause et qu’une approche ordinaire fondée sur la probabilité qu’on adopterait pour résoudre des problèmes courants était appropriée.

64 L’importance que revêt la prise en compte de tels détails relatifs au procès a été soulevée dans Russell et sert à distinguer cet arrêt du présent pourvoi. Dans Russell, par. 17, la Cour a déclaré :

L’évaluation du caractère satisfaisant d’un exposé est une fonction exercée principalement par les cours d’appel et exige un examen détaillé de l’ensemble de l’exposé dans le contexte du procès tout entier : la complexité des questions de fait à résoudre, leur degré de contestation, la nature et la qualité de la preuve des parties, leurs positions respectives au procès ainsi que toute préoccupation exprimée par les jurés dans leurs questions qui suivent l’exposé.

65 Dans Russell, les questions complexes concernaient la mens rea et le rapport entre l’ivresse et la capacité de l’accusé à former l’intention requise pour commettre un meurtre. Il s’agit clairement de concepts juridiques particuliers. De plus, le jury s’est manifestement débattu avec ces concepts au point qu’il a posé une question au juge à cet égard au cours de ses délibérations. L’arrêt Russell nous apprend que de tels détails relatifs au procès sont importants quant à l’examen approfondi de l’exposé au jury. Dans le présent pourvoi, les faits étaient plus simples, les questions de droit étaient plus simples et le jury n’a posé aucune question. Le danger de cette simplicité apparente réside dans le fait que ce procès comporte moins d’éléments indiquant au jury qu’il devait examiner des questions juridiques particulières ou que ce qu’il avait à résoudre représentait plus qu’une simple question de probabilité de tous les jours.

66 Une dernière remarque : quoique pertinent quant à la décision globale de savoir si un exposé au jury est conforme pour l’essentiel aux principes de Lifchus, le contexte du procès ne devrait pas servir dans l’examen de la solidité de la preuve présentée par le ministère public ou la défense. Il s’agit d’une conclusion de fait qui devrait être laissée à l’appréciation du jury.

67 Il ne reste qu’un seul point à analyser. On a soutenu à l’audience que notre Cour devait s’en remettre à l’arrêt de la Cour d’appel en l’absence d’une erreur de droit. Cette question est, elle aussi, compliquée par la phase de transition difficile que connaissent encore les tribunaux. En l’occurrence, l’exposé au jury est antérieur à Lifchus, la Cour d’appel a examiné l’appel postérieurement à Lifchus, alors que les arrêts Starr, Bisson, Beauchamp, Avetysan et Russell ont maintenant élargi davantage la perspective de notre Cour. Mise à part cette situation, une lecture approfondie de la décision du juge Esson, s’exprimant au nom des juges majoritaires du tribunal de juridiction inférieure, révèle qu’il a mal compris le principe selon lequel même les exposés au jury antérieurs à Lifchus doivent être conformes pour l’essentiel à cet arrêt. Par conséquent, en toute déférence, je suis d’avis que le juge du procès a mal appliqué ce principe.

68 En l’espèce, le juge Esson s’est fondé sur sa décision dans l’arrêt connexe R. c. K. (K.) (2000), 144 C.C.C. (3d) 35, 2000 BCCA 161, pour conclure qu’un exposé au jury antérieur à Lifchus sur le doute raisonnable n’avait pas à être conforme aux principes énumérés dans Lifchus (aux par. 3-5) :

[traduction] Comme c’est le cas de K. (K.), le procès a eu lieu avant que ne soit rendu l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. Lifchus [. . .]

L’appelant allègue cinq erreurs liées à la définition du doute raisonnable, soit deux d’omission et trois d’action. Les erreurs d’omission alléguées concernent l’omission du juge d’informer le jury qu’on exige davantage que la culpabilité probable et qu’il doit être « sûr » que l’accusé a commis l’infraction.

Pour les motifs exposés dans K. (K.), je suis d’avis que ces arguments sont dénués de fondement.

69 Il ressort clairement des motifs de K. (K.), par. 19, que le juge Esson estimait que Lifchus n’avait aucun effet rétroactif :

[traduction] Nul doute que la très longue analyse effectuée sous la rubrique « Comment l’expression “doute raisonnable” devrait‑elle être expliquée au jury? » [dans Lifchus] revêt une importance majeure. Mais elle ne découle pas des faits de l’affaire et, à mon avis, elle vise clairement à s’appliquer uniquement aux affaires futures, et non aux exposés antérieurs au 18 septembre 1997 [date de prononcé de l’arrêt Lifchus]. Il est implicite que, par l’emploi du terme « exposé proposé » dans cette partie de ses motifs, le juge Cory parlait des situations futures.

Une fois de plus, au par. 24 de K. (K.), le juge Esson déclare :

[traduction] L’erreur fondamentale dans Lowns [R. c. Lowns (1998), 131 C.C.C. (3d) 295 (C.A.C.-B.), autorisation de pourvoi refusée, [1999] 1 R.C.S. xii] consiste, à mon humble avis, à avoir supposé que l’exposé proposé dans Lifchus devait s’appliquer aux affaires « en cours » au moment où cette décision a été rendue.

Enfin, au par. 26 de K. (K.), le juge réitère de nouveau ce point de vue :

[traduction] Il se peut très bien que la conclusion dans Lifchus, selon laquelle l’obligation de donner aux jurés une définition du doute raisonnable constitue un principe fondamental, soit jugée applicable aux affaires « en cours » à la date de cette décision. Mais elle ne peut rationnellement s’appliquer au modèle d’exposé qui n’apporte qu’une légère modification au regard du droit établi et qui, à première vue, ne vise à s’appliquer que pour l’avenir.

70 Sur ce fondement, le juge Esson a statué en l’espèce au par. 7:

[traduction] Lorsque le commentaire selon lequel le doute raisonnable ne constitue pas un terme juridique est interprété dans son contexte, il doit être considéré au pire comme une erreur inoffensive, à supposer que, avant Lifchus, il ait pu être considéré comme une erreur.

Le juge Esson était alors dans une position moins favorable, car il a rendu son arrêt avant que notre Cour se prononce dans Starr, Bisson et Avetysan. Il ressort clairement de ces arrêts que tous les principes énumérés dans Lifchus seront et doivent être appliqués aux exposés au jury qui lui sont antérieurs mais qui se trouvent encore dans le système. Comme je l’ai souligné au début des présents motifs, notre Cour a noté comment cette situation a donné lieu à une « période de transition » difficile, au cours de laquelle, toutefois, les tribunaux « continueront de veiller à remédier aux procès inéquitables et aux erreurs judiciaires ».

V. Conclusion

71 Pour résumer, il est maintenant clair, à mon avis, que le jury doit comprendre que la culpabilité hors de tout doute raisonnable est une norme plus exigeante que la culpabilité probable. Peu importe la manière de procéder, l’explication à cet égard, qui constitue un élément fondamental et nécessaire des principes de Lifchus, doit figurer dans tout exposé au jury. Ici, ce message n’a tout simplement pas été transmis. Dans l’ensemble de l’exposé au jury en l’espèce, contrairement à celui dans Russell, la norme minimale, soit le « plancher » de culpabilité probable, manquait et il était donc raisonnablement probable que le jury ait mal compris cet aspect clé de sa tâche de délibération. Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et d’ordonner un nouveau procès.

Pourvoi rejeté, le juge LeBel est dissident.

Procureurs de l’appelant : Gibbons Ritchie, Vancouver.

Procureur de l’intimée : Le ministère du Procureur général, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : 2001 CSC 71 ?
Date de la décision : 19/10/2001
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Exposé au jury - Doute raisonnable - Accusé déclaré coupable de tentative de meurtre et de voies de fait causant des lésions corporelles - L’exposé sur le doute raisonnable antérieur à l’arrêt Lifchus est-il conforme pour l’essentiel aux principes de cet arrêt?.

L’accusé a été inculpé de tentative de meurtre et de voies de fait causant des lésions corporelles. La preuve du ministère public reposait sur le témoignage des plaignantes et sur certains éléments de preuve circonstancielle. Pour sa défense, l’accusé a exposé sa version des faits. Le juge du procès a donné des directives au jury sur les questions du doute raisonnable, de la crédibilité et de la preuve circonstancielle. En décrivant le doute raisonnable, le juge du procès, qui ne bénéficiait pas de l’arrêt Lifchus de notre Cour, a affirmé : « On doit donner au terme “doute raisonnable” le sens qui s’en dégage naturellement. Il ne s’agit pas d’un terme juridique ayant une connotation particulière. » Il n’a pas informé le jury qu’une norme plus élevée que la simple culpabilité probable était requise pour que le ministère public s’acquitte de son fardeau de preuve. Le jury a déclaré l’accusé coupable relativement aux deux chefs d’accusation. L’accusé a interjeté appel contre sa déclaration de culpabilité en faisant valoir notamment que le juge du procès avait donné au jury des directives erronées sur la définition appropriée du doute raisonnable. La Cour d’appel à la majorité a rejeté l’appel pour le motif que les erreurs alléguées ne pouvaient pas avoir induit le jury en erreur.

Arrêt (le juge LeBel est dissident) : Le pourvoi est rejeté.

Les juges Iacobucci, Major, Binnie et Arbour : L’examen en appel d’un exposé au jury n’est pas une tâche machinale, mais bien une évaluation consistant à déterminer si, d’après la norme établie dans l’arrêt Lifchus, les défectuosités de l’exposé soulèvent des craintes sérieuses quant à la validité du verdict du jury. Il s’agit principalement de savoir si, dans le contexte de l’ensemble du procès, l’exposé en question est conforme pour l’essentiel aux principes énoncés dans l’arrêt Lifchus, de sorte que, considéré dans son ensemble, il ne donne pas lieu à une probabilité raisonnable que le jury ait mal compris la norme de preuve applicable. Lors de l’examen d’un exposé antérieur à l’arrêt Lifchus, aucune erreur ou omission particulière ne constituera automatiquement, en soi, une erreur donnant ouverture à révision, pas plus qu’une directive additionnelle ne remédiera immédiatement à une faille précise. Lorsque la majeure partie de l’exposé est conforme aux principes de l’arrêt Lifchus, mais que le juge du procès a omis d’indiquer expressément qu’une norme plus exigeante que la culpabilité probable était requise ou qu’il a omis de le faire en commettant une autre erreur, comme le fait de définir le doute raisonnable selon son sens ordinaire, de telles failles peuvent être compensées par d’autres parties des directives au jury qui viennent préciser la définition appropriée du doute raisonnable. En l’espèce, l’exposé pris dans son ensemble était conforme pour l’essentiel aux principes de l’arrêt Lifchus. Bien que, examinés à la lumière de l’arrêt Lifchus, certains éléments de l’exposé en question aient été défectueux, d’autres parties de l’exposé portant sur la crédibilité et la preuve circonstancielle ont servi à préciser la définition à donner au doute raisonnable de sorte qu’il ne saurait exister de crainte raisonnable que le jury ait conclu à la culpabilité en appliquant la mauvaise norme de preuve.

Le juge LeBel (dissident) : Le principal concept qui se dégage de l’arrêt Lifchus est que le juge du procès doit expliquer au jury que la preuve hors de tout doute raisonnable est distincte de la preuve selon la prépondérance des probabilités et qu’elle est plus exigeante. Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’employer des termes particuliers, ce concept essentiel doit être communiqué dans le cadre de l’explication requise du doute raisonnable. Il faut informer le jury qu’une norme de probabilité n’est pas suffisante pour décider de la culpabilité criminelle. En l’espèce, l’exposé n’était pas conforme pour l’essentiel aux principes de l’arrêt Lifchus et était donc inadéquat. Premièrement, le jury a été informé qu’il fallait donner au terme « doute raisonnable » le sens qui s’en dégage naturellement et qu’il ne s’agissait pas d’un terme juridique ayant une connotation particulière. Cette explication invitait les jurés à se fier à leurs croyances ou à leur expérience personnelles pour juger de la signification du doute raisonnable et les invitait vraisemblablement à appliquer une norme de probabilité semblable à celle qu’ils appliqueraient pour prendre leurs décisions de tous les jours. Deuxièmement, bien que cette directive ait mis en garde le jury contre l’application d’une norme de preuve trop exigeante, le juge du procès n’a pas fait mention de la norme de probabilité trop basse pour convenir. En conséquence, il était raisonnablement probable que le jury ait mal compris cet aspect clé de sa tâche de délibération.

Bien que la partie de l’exposé portant sur la preuve contradictoire semble adéquate, ce n’était pas suffisant pour remédier au caractère inadéquat de l’explication générale du doute raisonnable. Aussi parfaites qu’aient été les directives concernant la preuve contradictoire, une fois que le jury avait décidé quelle version des faits il était porté à croire, il lui était encore impossible d’effectuer une appréciation équitable de la culpabilité s’il ignorait la norme qu’il convenait d’appliquer à la preuve présentée à l’appui de cette version des faits.

Enfin, le procès se résumait essentiellement à une confrontation entre l’accusé et les plaignantes pour établir leur crédibilité respective. L’appréciation de la crédibilité est un exercice quotidien qui se fait vraisemblablement selon une norme de probabilité. La nature relativement simple du procès peut donc avoir renforcé l’impression du jury qu’aucun concept juridique particulier n’était en cause et qu’une approche ordinaire fondée sur la probabilité qu’on adopterait pour résoudre des problèmes courants était appropriée.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Rhee

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Arbour
Arrêts appliqués : R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320
R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, 2000 CSC 40
R. c. Russell, [2000] 2 R.C.S. 731, 2000 CSC 55
R. c. Beauchamp, [2000] 2 R.C.S. 720, 2000 CSC 54
R. c. Avetysan, [2000] 2 R.C.S. 745, 2000 CSC 56
arrêts mentionnés : R. c. K. (K.) (2000), 144 C.C.C. (3d) 35, 2000 BCCA 161
R. c. Finley (2000), 134 B.C.A.C. 142, 2000 BCCA 160
R. c. W. (D.), [1991] 1 R.C.S. 742
R. c. Brydon (1995), 95 C.C.C. (3d) 509
R. c. Lord, [1995] 1 R.C.S. 747, conf. (1993), 36 B.C.A.C. 223.
Citée par le juge LeBel (dissident)
R. c. Russell, [2000] 2 R.C.S. 731, 2000 CSC 55
R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320
R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, 2000 CSC 40
R. c. Avetysan, [2000] 2 R.C.S. 745, 2000 CSC 56
R. c. Bisson, [1998] 1 R.C.S. 306
R. c. Beauchamp, [2000] 2 R.C.S. 720, 2000 CSC 54
R. c. W. (D.), [1991] 1 R.C.S. 742
R. c. S. (W.D.), [1994] 3 R.C.S. 521
R. c. K. (K.) (2000), 144 C.C.C. (3d) 35, 2000 BCCA 161.
Lois et règlements cités
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 691(1)a).

Proposition de citation de la décision: R. c. Rhee, 2001 CSC 71 (19 octobre 2001)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2001-10-19;2001.csc.71 ?
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