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03/07/2012 | CEDH | N°001-112257

CEDH | KALAYCIOGLU c. TURQUIE


DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 22943/08Birsen KALAYCIOĞLUcontre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 3 juillet 2012 en un comité composé de :
Isabelle Berro-Lefèvre, présidente, Guido Raimondi, Helen Keller, juges,et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 13 mai 2008 ;
Vu la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 16 février 2012 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse de la partie requérante Ã

  cette déclaration ;
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
La requéra...

DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 22943/08Birsen KALAYCIOĞLUcontre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 3 juillet 2012 en un comité composé de :
Isabelle Berro-Lefèvre, présidente, Guido Raimondi, Helen Keller, juges,et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 13 mai 2008 ;
Vu la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 16 février 2012 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse de la partie requérante à cette déclaration ;
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante, Mme Birsen Kalaycıoğlu, est une ressortissante turque née en 1952 et résidant à Ankara.
Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
Le 1er octobre 1996, la requérante introduisit une action contre l’administration dans le cadre d’un litige concernant sa retraite, devant le tribunal administratif d’Ankara.
Par un jugement du 29 mai 1997, le tribunal rejeta sa demande.
Le 26 octobre 1998, le Conseil d’Etat confirma ce jugement.
A la suite d’un arrêt de principe rendu par les Sections réunies du Contentieux administratif du Conseil d’Etat (no 2000/274 E., 2000/581 K.), le 6 septembre 2001, la requérante saisit de nouveau le tribunal administratif d’Ankara de la même demande.
Par un jugement du 12 juillet 2002, le tribunal administratif d’Ankara donna gain de cause à la requérante.
Le 7 mars 2005, le Conseil d’Etat confirma ce jugement.
A une date non précisée, la requérante introduisit un autre recours devant le tribunal administratif d’Ankara pour non-exécution de l’arrêt rendu le 7 mars 2005.
Le 6 mars 2007, le tribunal administratif d’Ankara donna partiellement gain de cause à la requérante.
Le 17 octobre 2007, le tribunal administratif régional d’Ankara confirma ce jugement.
Le 19 novembre 2007, ce jugement fut notifié à la requérante.
GRIEFS
La requérante allègue que la durée de la procédure, relative à sa seconde action devant le tribunal régional d’Ankara, a méconnu le principe du « délai raisonnable », tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention.
Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, la requérante se plaint également d’une atteinte à son droit au respect de ses biens.
Invoquant l’article 1 du Protocole no 12, la requérante soutient avoir fait l’objet d’un traitement discriminatoire.
La requérante se plaint du défaut d’équité de la procédure intentée devant les juridictions nationales. D’une manière générale, elle conteste la solution adoptée par les juridictions internes.
EN DROIT
A. Sur la durée de la procédure
La partie requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu l’article 6 § 1 de la Convention.
Après l’échec des négociations de règlement amiable, par une lettre du 16 février 2012 le Gouvernement a informé la Cour qu’il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée sous l’angle de la durée de la procédure. Il a en outre invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l’article 37 de la Convention.
La déclaration était ainsi libellée :
« Je déclare que le Gouvernement de la République de Turquie offre de verser au requérante Mme. Birsen Kalaycıoğlu la somme de 3 000 (trois mille euros) EUR couvrant tout [préjudice] confondu, somme qu’il considère comme appropriée à la lumière de la jurisprudence de la Cour.
Cette somme sera convertie en livres turques au taux applicable à la date du paiement, et exempte de toute taxe éventuellement applicable. Elle sera payée dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l’article 37 § 1 de la Convention (...). A défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage. Ce versement vaudra règlement définitif de l’affaire.
Le Gouvernement considère que la procédure interne engagée par le requérant a connu une durée excessive au sens de la jurisprudence bien établie de la Cour (Daneshpayeh c. Turquie, no 21086/04, 16 juillet 2009). Il invite respectueusement la Cour à dire qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête et à la rayer du rôle conformément à l’article 37 de la Convention. »
Par une lettre du 28 mars 2012, la partie requérante s’est déclarée non satisfaite par les termes de la déclaration unilatérale du Gouvernement et a prié la Cour de poursuivre l’examen de l’affaire.
La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l’amènent à l’une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L’article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :
« pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».
La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.
A cette fin, la Cour doit examiner de près la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l’arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75-77, CEDH 2003‑VI, WAZA Spółka z o.o. c. Pologne (déc.) no 11602/02, 26 juin 2007, Sulwińska c. Pologne (déc.) no 28953/03, et İlyas Karal c. Turquie (déc.), no 44655/09, 29 mars 2011).
La Cour note que le grief communiqué au Gouvernement défendeur dans la présente affaire portait sur la durée d’une procédure civile engagée devant les juridictions nationales. Elle a déjà précisé dans un certain nombre d’affaires, dont celles dirigées contre la Turquie, la nature et l’étendue des obligations des Etats défendeurs en ce qui concerne les griefs tirés de la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable (voir, par exemple, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 131 et 160, CEDH 2000‑XI, Tendik et autres c. Turquie, no 23188/02, §§ 31 et 39, 22 décembre 2005, Ebru et Tayfun Engin Çolak c. Turquie, no 60176/00, §§ 81 et 107, 30 mai 2006, Ayık c. Turquie, no 10467/02, §§ 26 et 32, 21 octobre 2008, et Daneshpayeh c. Turquie, no 21086/04, §§ 29 et 38, 16 juillet 2009).
En l’espèce, eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée – qui est conforme aux montants alloués dans des affaires similaires – la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)).
En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard en particulier à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
Enfin, la Cour rappelle que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipovic c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).
B. Sur le droit au respect des biens
La requérante dénonçait en outre une violation de l’article 1 du Protocole no 1, en raison de la durée de la procédure civile suivie en l’espèce.
Au vu de l’ensemble des éléments en sa possession et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour relève que la requérante formule ses allégations de manière très générale, sans étayer son grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1.
Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
C. Sur l’équité de la procédure
La requérante alléguait que la procédure intentée devant les juridictions nationales n’était pas équitable. D’une manière générale, elle conteste l’issue de cette procédure.
La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 19 de la Convention elle a pour tâche uniquement d’assurer le respect des engagements des Parties contractantes. En principe, il ne lui appartient pas d’apprécier elle-même les éléments de fait ayant conduit une juridiction nationale à adopter telle décision plutôt que telle autre, ni de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par ces juridictions, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention. Sinon, elle s’érigerait en juge de troisième ou quatrième instance et elle méconnaîtrait les limites de sa mission (Kemmache c. France (no 3), 24 novembre 1994, § 44, série A no 296-C, et García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, §§ 28-29, CEDH 1999-I).
En l’occurrence, la Cour relève que la requérante qui a saisi les tribunaux administratifs a bénéficié d’une procédure contradictoire et a pu, aux différents stades de celle-ci, présenter les éléments qu’elle jugeait pertinents pour la défense de sa cause.
En outre, les décisions des juridictions nationales sont amplement motivées, en fait comme en droit. La Cour ne dispose d’aucun élément lui permettant de critiquer la procédure ainsi menée ou de qualifier d’arbitraires les décisions rendues à l’issue de ces procédures.
Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention
D. Sur le grief tiré de l’article 1 du Protocole no 12
La requérante se plaint d’une manière générale d’avoir fait l’objet d’un traitement discriminatoire. Elle invoque l’article 1 du Protocole no 12 à cet égard.
La Cour rappelle que la Turquie n’a pas encore ratifié ce Protocole. Il s’ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention, au sens de l’article 35 § 3, et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
Décide en vertu de l’article 37 § 1 c) de la Convention, de rayer l’affaire du rôle pour autant qu’elle concerne le grief tiré de la durée de la procédure ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Françoise Elens-Passos Isabelle Berro-Lefèvre Greffière adjointe Présidente


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section comité)
Numéro d'arrêt : 001-112257
Date de la décision : 03/07/2012
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Partiellement radiée du rôle ; Partiellement irrecevable

Parties
Demandeurs : KALAYCIOGLU, Birsen
Défendeurs : TURQUIE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2012-07-03;001.112257 ?

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