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18/01/1985 | FRANCE | N°84-183

France | France, Conseil constitutionnel, 18 janvier 1985, 84-183


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 19 décembre 1984, par MM Jacques Chirac, Claude Labbé, Bernard Pons, Marc Lauriol, Pierre Messmer, Gabriel Kaspereit, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Roger Corrèze, Jacques Toubon, Christian Bergelin, Jean-Paul Charié, Bruno Bourg-Broc, Mme Hélène Missoffe, MM Jean-Louis Goasduff, Claude-Gérard Marcus, Maurice Couve de Murville, Alain Peyrefitte, Robert-André Vivien, Pierre-Charles Krieg, Pierre Bachelet, Robert Wagner, Jean de Préaumont, Michel Debré, Etienne Pinte, Daniel Goulet, Tutaha Salmon, Robert Galley, Roland Nungesser, Edouard FrÃ

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Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 19 décembre 1984, par MM Jacques Chirac, Claude Labbé, Bernard Pons, Marc Lauriol, Pierre Messmer, Gabriel Kaspereit, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Roger Corrèze, Jacques Toubon, Christian Bergelin, Jean-Paul Charié, Bruno Bourg-Broc, Mme Hélène Missoffe, MM Jean-Louis Goasduff, Claude-Gérard Marcus, Maurice Couve de Murville, Alain Peyrefitte, Robert-André Vivien, Pierre-Charles Krieg, Pierre Bachelet, Robert Wagner, Jean de Préaumont, Michel Debré, Etienne Pinte, Daniel Goulet, Tutaha Salmon, Robert Galley, Roland Nungesser, Edouard Frédéric-Dupont, Jean Tiberi, Pierre Raynal, Régis Perbet, Michel Barnier, Jean-Paul de Rocca Serra, Emmanuel Aubert, Michel Cointat, René La Combe, Charles Paccou, Roland Vuillaume, Philippe Séguin, Didier Julia, Jean Foyer, Michel Noir, Jacques Chaban-Delmas, Camille Petit, Henri de Gastines, Hyacinthe Santoni, Pierre Bas, Georges Tranchant, Yves Lancien, Georges Gorse, Pierre-Bernard Cousté, Jean-Claude Gaudin, Mme Louise Moreau, MM Charles Deprez, Jean Bégault, Marcel Bigeard, Jacques Blanc, Henri Baudouin, Michel d'Ornano, Philippe Mestre, Albert Brochard, Yves Sautier, Adrien Zeller, Pierre Méhaignerie, Pierre Micaux, René Haby, Francis Geng, Jacques Dominati, Germain Gengenwin, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, Charles Fèvre, François d'Aubert, Alain Madelin, Claude Birraux, Jean Briane, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ;

Le Conseil constitutionnel ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre III de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de la loi relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, en ce que l'article 40 de cette loi méconnaîtrait les principes d'égalité devant la loi et de non-rétroactivité, les articles 171 et 174 la séparation des pouvoirs et les droits de la défense et l'article 207 le principe de la légalité des délits et des peines ;
Sur l'article 40 de la loi :
2. Considérant que l'article 40 de la loi dispose, au cas où l'activité de l'entreprise est poursuivie pendant la période d'observation, que sont payées à leur échéance les créances nées après le jugement d'ouverture de la procédure de redressement ; qu'en cas de cession totale ou de liquidation de l'entreprise, ou lorsque ces créances ne sont pas payées à leur échéance, "elles sont payées par priorité à toutes autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception des créances garanties par le privilège établi aux articles L 143-10, L 143-11, L 742-6 et L 751-15 du code du travail" ; qu'en application de ces dispositions, le deuxième alinéa de l'article 40 de la loi précise l'ordre de paiement à respecter ;
3. Considérant que, pour contester la conformité à la Constitution de l'article 40 susvisé, les auteurs de la saisine font valoir que les droits réels d'hypothèque et de gage constitués avant le vote de la loi sont anéantis par celle-ci et leurs titulaires rétroactivement privés des garanties de leurs créances ; que, faute de prévoir un droit à indemnisation, cet anéantissement de droits réels au profit de nouveaux créanciers est contraire aux principe de non-rétroactivité et d'égalité devant la loi et les charges publiques ;
4. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, l'article 40 de la loi ne comporte aucun anéantissement de droits réels mais se borne à modifier l'ordre de priorité des paiements qu'ils garantissent ; qu'en vertu des articles 240 et 243, ces dispositions ne sont applicables que dans les procédures ouvertes postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi ; que si les créances assorties d'une sûreté réelle spéciale peuvent se trouver, en cas d'insuffisance d'actif, primées par des créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure de redressement, cette situation, étrangère à la matière pénale, n'est contraire à aucune règle constitutionnelle ;
5. Considérant que l'article 40 ne méconnaît pas davantage le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques ; qu'en effet, la loi a pu, sans être astreinte à prévoir quelque indemnisation que ce soit, modifier le rang des créances assorties de sûretés réelles à l'avantage de créanciers qui, depuis l'ouverture de la procédure, ont concouru à la réalisation de l'objectif d'intérêt général de redressement des entreprises en difficulté ; qu'ainsi, elle a soumis à des règles différentes des créanciers placés dans des situations différentes au regard de l'objectif poursuivi ; que l'article 40 de la loi n'est donc pas contraire à la Constitution ;
Sur les articles 171 et 174 de la loi :
6. Considérant qu'aux termes des articles 171 et 174 de la loi le ministère public peut interjeter appel ou se pourvoir en cassation à l'encontre des décisions ou jugements ; que ces dispositions précisent "même s'il n'a pas agi comme partie principale" ;
7. Considérant qu'il est reproché auxdits articles de méconnaître les droits de la défense, en ce que le ministère public, simple partie jointe à la procédure de première instance, reçoit le droit exceptionnel d'exercer des voies de recours réservées aux parties principales, en contradiction avec le principe d'égalité des parties devant le juge ;
8. Considérant que le ministère public, chargé de la défense de l'ordre public, peut recevoir les moyens de procédure appropriés pour lui permettre de remplir sa mission ; que la loi peut ainsi lui ouvrir les voies de recours réservées aux parties principales, alors même qu'il n'aurait pas agi à ce titre devant le premier juge ; que les droits des autres parties ne sont pas méconnus dès lors qu'il n'est pas porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure ;
Sur l'article 207 de la loi :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 207, alinéa 1er, de la loi "est puni des peines prévues par le deuxième alinéa de l'article 408 du code pénal, tout administrateur, représentant des créanciers, liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan qui se rend coupable de malversation dans l'exercice de sa mission" ;
10. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent qu'en ne définissant pas le délit de malversation ainsi prévu cette disposition viole l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 ;
11. Considérant qu'en vertu de l'article 8 de ladite déclaration : "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée" ; que l'article 34 de la Constitution précise que "la loi fixe les règles concernant : la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables" ;
12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions l'obligation pour le législateur de fixer les règles concernant la détermination des infractions ; que, par voie de conséquence, il doit en définir les éléments constitutifs en des termes clairs et précis ; qu'en prévoyant un délit de malversation dont, pas plus que les lois du 28 mai 1838 et du 4 mars 1889, l'article 207 n'a déterminé les éléments constitutifs, la loi soumise au Conseil constitutionnel n'a pas défini l'infraction qu'il vise à réprimer ; que cette disposition qui figure à l'alinéa 1er de l'article 207 de la loi examinée doit donc être déclarée non conforme à la Constitution ; que les autres dispositions de cet article, en elles-mêmes non contraires à la Constitution, ne peuvent pas, pour des raisons de rédaction, être regardées comme séparables de l'alinéa 1er ; qu'en conséquence l'article 207 doit donc être déclaré non conforme à la Constitution ;
13. Considérant que l'expression : "sans préjudice des dispositions de l'article 207" figurant aux articles 41, alinéa 2, 151 et 240, alinéa 3, est inséparable des dispositions déclarées non conformes à la Constitution ;
Sur les autres dispositions de la loi :
14. Considérant que l'article 175, alinéa 1er, de la loi, applicable à l'ensemble des jugements susceptibles d'appels rendus dans les procédures de redressement et de liquidation judiciaires des entreprises, est ainsi conçu : "lorsque la cour d'appel n'a pas statué au fond dans les deux mois suivant le prononcé du jugement entrepris, celui-ci acquiert autorité de chose jugée. Dans ce cas, le pourvoi en cassation est formé contre le jugement de première instance." ;
15. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans toutes les procédures d'appel prévues par la loi, les justiciables sont placés quelles que soient leurs diligences, dans des situations différentes au regard des garanties qu'offre l'exercice d'une même voie de recours selon que la cour d'appel statue ou non dans le délai qui lui est imparti ; que le premier alinéa de l'article 175 méconnaît ainsi le principe d'égal accès des citoyens à la justice et doit être déclaré non conforme à la Constitution ;
16. Considérant que les dispositions de l'article 177, alinéa 2 : "ou jusqu'à la date à laquelle la décision attaquée est confirmée en application de l'article 175" sont inséparables des dispositions déclarées non conformes à la Constitution ;
17. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,

Décide :
Article premier :
Sont déclarées non conformes à la Constitution :
les dispositions de l'article 207 ainsi que celles résultant de l'expression : "sans préjudice des dispositions de l'article 207" figurant aux articles 41, alinéa 2, 151 et 240, alinéa 3 ;
les dispositions du premier alinéa de l'article 175 ainsi que celles résultant de l'expression : "ou jusqu'à la date à laquelle la décision attaquée est confirmée en application de l'article 175" figurant à l'article 177, alinéa 2, de la loi relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.
Article 2 :
Les autres dispositions de la loi sont déclarées conformes à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 84-183
Date de la décision : 18/01/1985
Loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

SAISINE DEPUTES

Les députés soussignés, conformément à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, définitivement votée par le Sénat le 12 décembre 1984.

rises, définitivement votée par le Sénat le 12 décembre 1984.

Ils concluent qu'il plaise au Conseil constitutionnel de dire non conformes à la Constitution les dispositions de la loi visées aux moyens ci-dessous développés, soit des articles 39, 172, 174 et 208, suivant la numérotation adoptée par le Sénat en dernière lecture.

I : Sur la violation du principe d'égalité devant la loi et les charges publiques et du principe de non-rétroactivité.

s publiques et du principe de non-rétroactivité.

Le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques est un principe constitutionnel essentiel de l'ordre républicain. A défaut, certains citoyens se verraient imposer des charges dont d'autres seraient dispensés. Le Conseil constitutionnel n'a pas manqué d'en tirer les conséquences : "S'il est loisible au législateur, lorsqu'il organise l'exercice d'une liberté publique en usant des pouvoirs que lui confère l'article 34 de la Constitution, d'adopter pour l'avenir, s'il l'estime nécessaire, des règles plus rigoureuses que celles qui étaient auparavant en vigueur, il ne peut, s'agissant de situations existantes intéressant une liberté publique, les remettre en cause que dans deux hypothèses : celle où leur remise en cause serait réellement nécessaire pour assurer la réalisation de l'objectif constitutionnel poursuivi" (CC, 10 et 11 octobre 1984, GP, 26 octobre 1984, L 815-6).

octobre 1984, L 815-6).

Or l'article 39 de la loi viole manifestement le principe rappelé.

é.

Selon l'alinéa 1 du texte, en effet : "Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont payées par priorité à toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception des créances garanties par le privilège établi aux articles L 143-10, L 143-11, L 742-6 et L 751-15 du code du travail". Autrement dit, les droits réels d'hypothèque et de gage constitués avant le vote de la loi vont être anéantis par la loi nouvelle. Jusqu'ici leurs titulaires, en raison même de leurs droits réels et contrairement aux titulaires de simples privilèges généraux, prélevaient leurs créances avant tous autres sur le prix des biens objets de leurs droits réels (voir Ripert et Roblot, Traité élémentaire de droit commercial, tome II, 9e édition, n° 2967). Ils se trouvent aujourd hui rétroactivement privés du bénéfice desdits droits réels, pourtant constitués avant la loi nouvelle : car celle-ci régit toutes les procédures ouvertes à partir de son entrée en vigueur, sans qu'il soit tenu compte de la date des créances garanties (art 233). Le contraste est net avec l'article 88 de la loi qui, s'agissant pourtant d'obligations purement personnelles, n'institue la transmission des contrats au "repreneur" de l'entreprise que dans l'état où ils ont été passés.

eprise que dans l'état où ils ont été passés.

On ne saurait contester au législateur le droit de modifier les droits réels précédemment et légalement constitués. Mais il faudrait que leurs titulaires se voient reconnaître un droit à indemnisation, faute par eux d'avoir à supporter seuls les conséquences d'une modification législative. Or ce droit à indemnisation n'est pas prévu par la loi. Aussi l'anéantissement rétroactif des droits réels considérés, au profit de nouveaux créanciers, est-il en contradiction avec le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques et le principe de non-rétroactivité.

et les charges publiques et le principe de non-rétroactivité.

C'est pourquoi l'article 39 de la loi n'est pas conforme à la Constitution.

II : Sur la violation de la séparation des pouvoirs et du principe du respect des droits de la défense.

pect des droits de la défense.

Corollaire de la séparation des pouvoirs, le principe du respect des droits de la défense constitue un droit naturel (H Motulsky, Le Droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile, Mélanges Roubier 1961, tome II, p 175 ; écrits, tome I, p 60 et suiv).

C'est un principe fondamental évidemment reconnu par les lois de la République (CC n° 77-92 du 18 février 1978, rec p 21 ; n° 80-117 du 22 juillet 1980, rec p 42 ; Journal officiel du 24 juillet 1980, p 1867). Il implique bien sûr que, devant la juridiction, dont l'impartialité doit être assurée, toutes les parties bénéficient des mêmes droits et prérogatives.

La portée du principe est importante s'agissant du ministère public. Dans les procès civils, il intervient tantôt comme partie jointe, tantôt comme partie principale. Partie jointe, il n'est pas une véritable partie. Aussi ne peut-il "rien ajouter aux conclusions des parties ; il n'a qu'à formuler un avis sur ces conclusions, telles qu'elles se présentent" (Morel, Traité élémentaire de procédure civile, 2e éd 1949, n° 159) ; c'est pourquoi il ne peut interjeter appel. Partie principale, en revanche, il est une véritable partie et bénéficie des prérogatives attachées à cette qualité. Corrélativement, "il a le même rôle qu'une partie au procès.

Il dirige le procès comme le ferait un demandeur ou un défendeur, prend telles conclusions qu'il lui paraît convenables" (Morel, op cit). Il peut en conséquence interjeter appel, mais bien sûr comme une autre partie, soit dans la mesure où la décision rendue a rejeté ses demandes ou défenses, qui ont donc dû être émises. S'il en allait autrement, le ministère public bénéficierait de droits refusés aux autres plaideurs, soit d'une sorte de privilège du juridiction, qu'on a qualifié de "privilège de procédure" (v G Bolard, "Le Temps dans la procédure", XVe colloque des instituts d'études judiciaires, ann Clermont-Ferrand 1983-Paris LGDJ, VII, p 157, et XIV, p 162, note 2).

Le statut du ministère public trouve du reste un écho direct dans le statut des autres plaideurs au procès civil, quand ils interviennent dans la procédure. Leur intervention est "principale" s'ils élèvent une prétention qui leur est propre (nouveau code de procédure civile, art 329, alinéa 1). Elle est "accessoire" seulement "lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie" (art 330, alinéa 1) et l'intervenant ne peut alors en aucun cas exercer une voie de recours (Cass com 16 novembre 1982, Bulletin civil n° 352, p 297). Aussi bien un plaideur ne peut-il interjeter appel que, si ayant émis une prétention, celle-ci a été rejetée : est irrecevable en son appel aussi bien celui qui n'a pas conclu au premier degré (Cass civ 3e, 9 novembre 1976, Bulletin civil n° 396, p 300) que celui qui a obtenu des premiers juges le bénéfice de ses conclusions (Cass civ 1°, 21 avril 1970, rev trim droit civil 1970, 827, obs Raynaud).

827, obs Raynaud).

Ce sont ces principes que viole la loi, en ses articles 172 et 174. Car le ministère public y reçoit le droit d'interjeter appel même si au premier degré "il n'a pas agi comme partie principale".

Autrement dit, partie jointe au premier degré et même partie jointe silencieuse, le ministère public pourrait laisser les autres parties faire valoir leurs moyens et les premiers juges statuer, sous l'épée de Damoclès de son propre consentement à la décision. L'inégalité entre les parties au procès, source d'une violation des droits de la défense, et l'infériorité des unes au regard d'une autre, constitutive au profit de celle-ci d'un privilège de procédure, sont patentes. Est également réintroduite dans notre droit une ancienne tolérance jurisprudentielle, qui permettait exceptionnellement au ministère public d'interjeter appel alors qu'au premier degré il avait conclu comme partie jointe : encore devait-il avoir effectivement conclu comme partie jointe, ce que n'exigent même pas les dispositions critiquées de la loi, et ce qui n'avait pas empêché la doctrine la plus autorisée de présenter la solution comme une totale anomalie (Glasson et Tissier, Traité théorique et pratique d'organisation judiciaire, de compétence et de procédure civile, tome I, 3e éd 1925, n° 188 bis). Il peut être dit aujourd hui que le principe du respect des droits de la défense entraîne l'inconstitutionnalité de ces solutions.

III : Sur la violation du principe de la légalité des délits et des peines.

.

Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, "nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée". Le principe serait évidemment sans portée aucune si le législateur ne définissait pas les éléments constitutifs des infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire. A plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a vérifié, en vertu du principe de la légalité des délits et des peines, si les éléments constitutifs d'une infraction instituée étaient suffisamment précisés par la loi (CC n° 80-127 des 19 et 20 janvier 1981, AJOA 1981, 275, n J Rivero ; CC 10 et 11 octobre 1984, GP 26 octobre 1984, L 814 et suiv).

Or l'article 208 de la loi viole ouvertement le principe qui vient d'être rappelé. Car il est ainsi rédigé, en son alinéa 1 :

d'être rappelé. Car il est ainsi rédigé, en son alinéa 1 :

"Est puni des peines prévues par le deuxième alinéa de l'article 408 du code pénal tout administrateur, représentant des créanciers, liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan qui se rend coupable de malversation dans l'exercice de sa mission."

oupable de malversation dans l'exercice de sa mission."

Les éléments constitutifs du délit de malversation ne sont pas autrement définis : ce qui signifie qu'ils ne sont pas définis du tout. Imaginerait-on de réprimer pénalement le vol, sans la détermination de ses éléments constitutifs par les articles 379 et suivants du code pénal ? Il est donc patent que le principe de légalité des délits et des peines est violé par la loi nouvelle et sans aucun doute possible l'article 208 n'est pas conforme à la Constitution.

Par ces motifs, et tous autres à soulever d'office par le Conseil constitutionnel, les soussignés demandent au Conseil de déclarer la loi susvisée contraire à la Constitution, notamment dans ses articles 39, 172, 174 et 208.


Références :

DC du 18 janvier 1985 sur le site internet du Conseil constitutionnel

Texte attaqué : Loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°84-183 DC du 18 janvier 1985
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1985:84.183.DC
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