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23/08/1985 | FRANCE | N°85-197

France | France, Conseil constitutionnel, 23 août 1985, 85-197


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 20 août 1985, d'une part, par MM Jean-Claude Gaudin, Claude Labbé, Jacques Chirac, Jacques Toubon, Pierre-Charles Krieg, Henri de Gastines, Charles Paccou, Pierre-Bernard Cousté, Pierre Bachelet, Camille Petit, René André, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Marc Lauriol, Etienne Pinte, Gabriel Kaspereit, Didier Julia, Michel Debré, Maurice Couve de Murville, Georges Gorse, Emmanuel Aubert, Robert-André Vivien, Jean-Louis Goasduff, Charles Miossec, Yves Lancien, Jean Valleix, Edouard Frédéric-Dupont, Michel Inchauspé, Michel Cointat, Roger Corr

èze, Claude-Gérard Marcus, Mme Hélène Missoffe, MM Georges ...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 20 août 1985, d'une part, par MM Jean-Claude Gaudin, Claude Labbé, Jacques Chirac, Jacques Toubon, Pierre-Charles Krieg, Henri de Gastines, Charles Paccou, Pierre-Bernard Cousté, Pierre Bachelet, Camille Petit, René André, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Marc Lauriol, Etienne Pinte, Gabriel Kaspereit, Didier Julia, Michel Debré, Maurice Couve de Murville, Georges Gorse, Emmanuel Aubert, Robert-André Vivien, Jean-Louis Goasduff, Charles Miossec, Yves Lancien, Jean Valleix, Edouard Frédéric-Dupont, Michel Inchauspé, Michel Cointat, Roger Corrèze, Claude-Gérard Marcus, Mme Hélène Missoffe, MM Georges Tranchant, Jean de Lipkowski, Jacques Baumel, Bruno Bourg-Broc, Michel Barnier, Alain Peyrefitte, Roland Nungesser, Antoine Gissinger, Olivier Guichard, Bernard Rocher, Jean Tiberi, Jean de Préaumont, Jean Narquin, Gérard Chasseguet, Jean Hamelin, Vincent Ansquer, Christian Bergelin, Robert Wagner, Pierre Mauger, Lucien Richard, Bernard Pons, Roland Vuillaume, Georges Delatre, Roger Fossé, Jacques Chaban-Delmas, Jean-Paul Charié, Jacques Godfrain, François Grussenmeyer, Daniel Goulet, Xavier Deniau, Michel Péricard, René La Combe, Tutaha Salmon, Hyacinthe Santoni, Germain Sprauer.
Pierre Godefroy, Jacques Lafleur, Pierre Messmer, Valéry Giscard d'Estaing, Jean-Pierre Soisson, Michel d'Ornano, François Léotard, Adrien Zeller, Jean Proriol, Jean-Marie Daillet, Georges Mesmin, Charles Deprez, Germain Gengenwin, Emile Koehl, Francisque Perrut, Albert Brochard, Emmanuel Hamel, Jacques Fouchier, Marcel Bigeard, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, Paul Pernin, Pierre Micaux, Maurice Dousset, Mme Florence d'Harcourt, MM René Haby, Gilbert Gantier, Edmond Alphandéry, Georges Delfosse, Alain Mayoud, Pascal Clément, Henri Bayard, Adrien Durand, Jean Seitlinger, députés.
D'autre part, par MM Alain Poher, Jacques Larché, Etienne Dailly, Adolphe Chauvin, Marcel Lucotte, Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Dick Ukeiwé, Jean Delaneau, Pierre-Christian Taittinger, Jean-Pierre Tizon, Michel Sordel, José Balarello, Christian Bonnet, Henry Elby, Philippe de Bourgoing, Pierre Croze, Guy de La Verpillière, Jean Boyer, Modeste Legouez, Jean-François Pintat, Paul Guillaumot, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Michel d'Aillières, Pierre Louvot, Michel Crucis, Roland du Luart, Hubert Martin, Jean Bénard Mousseaux, André Bettencourt, Jacques Descours-Desacres, René Travert, Louis de la Forest, Jean-Marie Girault, Jacques Habert, Olivier Roux, Guy Cabanel, Marc Castex, Joseph Caupert, Albert Voilquin, Jean-Paul Chambriard, Louis Lazuech, Serge Mathieu, Jacques Ménard, Henri Olivier, Bernard Pellarin, Jacques Thyraud, Bernard Barbier, Jean Puech, Charles Jolibois, Henri Torre, Yves Goussebaire-Dupin, Jean-Pierre Fourcade, Michel Miroudot, Richard Pouille, Roland Ruet, Jean-Paul Bataille, Louis Boyer, Edouard Bonnefous, Max Lejeune, Jean François-Poncet, Paul Girod, Abel Sempé, Pierre Laffitte, Raymond Soucaret, Jean Mercier, Jean-Pierre Cantegrit, Charles Beaupetit, Charles-Edmond Lenglet, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Marc Bécam, Henri Belcour, Paul Bénard, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Raymond Bourgine, Jacques Braconnier, Raymond Brun, Michel Caldaguès, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, François O Collet, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie.
Jacques Delong, Charles Descours, Franz Duboscq, Marcel Fortier, Philippe François, Michel Giraud, Christian Masson, Adrien Gouteyron, Bernard-Charles Hugo, Roger Husson, Paul Kauss, Christian de La Malène, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Malassagne, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Geoffroy de Montalembert, Arthur Moulin, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Sosefo Makapé Papilio, Christian Poncelet, Henri Portier, Alain Pluchet, Claude Prouvoyeur, Josselin de Rohan, Roger Romani, Michel Rufin, Maurice Schumann, Louis Souvet, Jacques Valade, Edmond Valcin, André-Georges Voisin, Jean Arthuis, Paul Alduy, Alphonse Arzel, René Ballayer, Jean-Pierre Blanc, Maurice Blin, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Raymond Bouvier, Pierre Brantus, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, Marcel Daunay, André Diligent, Jean Faure, Charles Ferrant, Jean Francou, Jacques Genton, Alfred Gérin, Henri Goetschy, Marcel Henry, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Claude Huriet.
Louis Jung, Pierre Lacour, Bernard Laurent, Henri Le Breton, Jean Lecanuet, Yves Le Cozannet, Edouard Le Jeune, Bernard Lemarié, Roger Lise, Georges Lombard, Jacques Machet, Jean Madelain, Guy Malé, Kléber Malécot, Louis Mercier, René Monory, Claude Mont, Jacques Mossion, Dominique Pado, Raymond Poirier, Roger Poudonson, André Rabineau, Jean-Marie Rausch, Marcel Rudloff, Pierre Salvi, Pierre Schiélé, Paul Séramy, Pierre Sicard, Michel Souplet, Georges Treille, Pierre Vallon, Albert Vecten, Louis Virapoullé, Frédéric Wirth, Charles Zwickert, sénateurs.
Le 21 août 1985, par MM Charles Pasqua, Dick Ukeiwé, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Marc Bécam, Henri Belcour, Paul Bénard, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Raymond Bourgine, Jacques Braconnier, Raymond Brun, Michel Caldaguès, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, François O Collet, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jacques Delong, Charles Descours, Franz Duboscq, Marcel Fortier, Philippe François, Michel Giraud, Christian Masson, Adrien Gouteyron, Bernard-Charles Hugo, Roger Husson, Paul Kauss, Christian de La Malène, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Malassagne, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Geoffroy de Montalembert, Arthur Moulin, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Sosefo Makapé Papilio, Christian Poncelet, Henri Portier, Alain Pluchet, Claude Prouvoyeur, Josselin de Rohan, Roger Romani, Michel Rufin, Maurice Schumann, Louis Souvet, Jacques Valade, Edmond Valcin, André-Georges Voisin, Dominique Prado, sénateurs, et, le 22 août 1985, par MM Alain Poher, Etienne Dailly, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Christian Bonnet, Hubert Martin, André Bettencourt, Jean-François Pintat, Marcel Lucotte, Philippe de Bourgoing, Richard Pouille, Michel Sordel, Jean Puech, Roland Ruet, Serge Mathieu, Jean Bénard Mousseaux, Pierre Louvot, Jean Delaneau, Michel d'Aillières, Charles Jolibois, Jacques Descours-Desacres, Michel Miroudot, Henri Elby, Pierre-Christian Taittinger, Louis de la Forest, Jean-Pierre Tizon, Guy de La Verpillière, Pierre Croze, Jean-Paul Bataille, Michel Crucis, Louis Lazuech, Roland du Luart, Jacques Larché.
Jacques Thyraud, Yves Goussebaire-Dupin, Jean Arthuis, Paul Alduy, Alphonse Arzel, René Ballayer, Jean-Pierre Blanc, Maurice Blin, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Raymond Bouvier, Pierre Brantus, Louis Caiveau, Jean Cauchon. Pierre Ceccaldi-Pavard, Adolphe Chauvin, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, Marcel Daunay, André Diligent, Jean Faure, Charles Ferrant, Jean Francou, Jacques Genton, Alfred Gérin, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Claude Huriet, Louis Jung, Pierre Lacour, Bernard Laurent, Rémi Herment, Marcel Henry, Henry Goetschy, Henri Le Breton, Jean Lecanuet, Yves Le Cozannet, Edouard Le Jeune, Bernard Lemarié, Roger Lise, Georges Lombard, Jacques Machet, Jean Madelain, Guy Malé, Kléber Malécot, Louis Mercier, René Monory, Claude Mont, Jacques Mossion, Dominique Pado, Raymond Poirier, Roger Poudonson, André Rabineau, Jean-Marie Rausch, Marcel Rudloff, Pierre Salvi, Pierre Schiélé, Paul Séramy, Pierre Sicard, Michel Souplet, Georges Treille, Pierre Vallon, Albert Vecten, Louis Virapoullé, Frédéric Wirth, Charles Zwickert, Jacques Pelletier, Max Lejeune, Jean François-Poncet, Paul Girod, Pierre Laffitte, Raymond Soucaret, Jean Mercier, Jean-Pierre Cantegrit, Charles Beaupetit, Joseph Raybaud, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs des saisines dirigent leurs critiques tant contre la procédure législative que contre le fond de la loi déférée à l'examen du Conseil constitutionnel ;
- SUR LA PROCEDURE LEGISLATIVE :
2. Considérant que le dispositif de la décision n° 85-196 DC du Conseil constitutionnel en date du 8 août 1985 est ainsi conçu : "Art. 1er.- Les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie sont déclarées non conformes à la Constitution.- Art. 2.- Les autres dispositions de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie sont déclarées conformes à la Constitution.- Art. 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française." ;
3. Considérant qu'en date du 9 août 1985 le Président de la République a, avec le contreseing du Premier ministre, pris deux décrets l'un et l'autre publiés au Journal officiel du même jour ;
4. Considérant que le premier décret "portant convocation du Parlement en session extraordinaire" est ainsi conçu : "Le Président de la République, Sur le rapport du Premier ministre, Vu les articles 29 et 30 de la Constitution, Décrète : - Art. 1er.- Le Parlement est convoqué en session extraordinaire pour le 12 août 1985.- Art. 2.- L'ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra une nouvelle délibération de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.- Art. 3.- Le Premier ministre est chargé de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République française" ;
5. Considérant que le second décret "soumettant la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie à une nouvelle délibération" est ainsi conçu : "Le Président de la République, Vu la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie ; Vu la Constitution et notamment son article 10 (2ème alinéa) ; Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et notamment son article 23 (1er alinéa) ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 85-196 DC du 8 août 1985, Décrète : - Art. 1er.- Il est demandé au Parlement une nouvelle délibération de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie. Cette délibération interviendra en premier lieu à l'Assemblée nationale.- Art. 2.- Le Premier ministre est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera notifié au Président de l'Assemblée nationale et au Président du Sénat et publié au Journal officiel de la République française." ;
6. Considérant que le texte présentement soumis à l'examen du Conseil constitutionnel a été adopté après une lecture devant chaque chambre et après la réunion infructueuse d'une commission mixte paritaire par le vote de l'Assemblée nationale statuant définitivement dans les conditions prévues à l'article 45 de la Constitution ;
7. Considérant que les auteurs des saisines déposées le 20 août 1985, rédigées d'ailleurs sur ce point en termes identiques, soutiennent que la procédure législative ainsi suivie est contraire à la Constitution ; qu'à l'appui de cette affirmation, ils font valoir divers moyens ;
8. Considérant tout d'abord que, selon eux, si l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel permet au Président de la République, dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution une disposition d'une loi votée sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de la loi, de demander une "nouvelle lecture", cette nouvelle lecture, qui ne saurait être confondue avec une nouvelle délibération, n'est pas justiciable de l'application de l'article 45 de la Constitution et ne saurait donc ouvrir au Gouvernement ni le droit de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire, ni celui de demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement ; qu'en effet, "en l'absence de toute référence dans l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique à cet article 45 de la Constitution, la nouvelle lecture prévue par l'article 23 de l'ordonnance ne peut pas être assimilée à celle de l'article 45 de la Constitution." ; que "au demeurant, l'article 45 de la Constitution ne s'applique qu'aux projets et aux propositions de loi et en aucun cas aux lois votées par le Parlement et les facultés qu'il comporte, de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire, puis, après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat, de demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, n'y sont respectivement accordées qu'au Premier ministre et au Gouvernement, en aucun cas au Président de la République" ;
9. Considérant que, d'autre part, les auteurs de ces saisines contestent le recours du Président de la République aux dispositions de l'article 10 de la Constitution et y voient un "détournement de procédure" ; qu'en effet, selon eux, en ce qui concerne la prérogative traditionnelle reconnue au chef de l'État de demander aux chambres une nouvelle délibération de la loi votée, "dans l'esprit de la Constitution, il est clair qu'il s'agit, pour le Président de la République, non pas d'intervenir dans la procédure parlementaire, mais seulement d'inviter le Parlement, par un acte solennel, à reconsidérer une loi sur laquelle le Président de la République a une opinion défavorable" ; que, toujours selon eux, "L'usage fait de cet article 10 dans le cas présent est d'une toute autre nature. Il ne s'agit nullement de demander au Parlement de réexaminer une loi qu'il a votée et sur laquelle le Président de la République veut alerter son jugement, mais de demander au Parlement de réexaminer une loi qui a le plein agrément du Président de la République mais dont une disposition, au demeurant essentielle, a été déclarée par le Conseil constitutionnel contraire à la Constitution." ; que, dès lors, le recours à l'application de l'article 10 de la Constitution n'a eu d'autre objet que de pallier l'impossibilité sur le seul fondement de l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 de faire appel aux dispositions de l'article 45 de la Constitution et constitue ainsi le détournement de procédure allégué ;
10. Considérant, en effet, selon les auteurs de ces saisines, qu'une application correcte de l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 n'aurait pu aboutir à un texte valablement adopté que si celui-ci avait obtenu l'accord de l'Assemblée nationale et du Sénat ; qu'à défaut de cet accord, le Gouvernement aurait dû recourir, pour pouvoir utiliser l'article 45 de la Constitution, au dépôt d'un nouveau projet de loi qui eût nécessité la consultation préalable du Conseil d'État, celle, également préalable, de l'assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie en vertu de l'article 74 de la Constitution et le déroulement d'une procédure législative nouvelle ; que c'est pour écarter ces exigences constitutionnelles que l'article 10 de la Constitution a été détourné de sa finalité ;
11. Considérant que les auteurs de ces saisines font valoir que la nouvelle délibération demandée par le Président de la République au Parlement portait sur la loi telle qu'elle avait été précédemment adoptée, y compris l'article 4, alinéa 2, déclaré non conforme à la Constitution par la décision précitée du Conseil constitutionnel ; qu'ainsi la demande de seconde délibération a méconnu l'article 62, alinéa 2, de la Constitution, aux termes duquel "Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles." ;
12. Considérant enfin que, dans un mémoire complémentaire, certains sénateurs auteurs d'une saisine font valoir qu'il n'est pas interdit d'interpréter la Constitution à la lumière d'une loi organique, comme cela ressort de la décision n° 62-20 DC du Conseil constitutionnel, en date du 6 novembre 1962 ;
. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 10 de la Constitution :
13. Considérant que l'article 10 de la Constitution dispose : "Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée.- Il peut, avant l'expiration de ce délai, demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut être refusée." ;
14. Considérant que l'exercice de la prérogative conférée au Président de la République par le deuxième alinéa de l'article 10 précité n'est soumis à aucune condition autre que celles résultant de ce texte et, en ce qui concerne le contreseing, de l'article 19 de la Constitution ;
15. Considérant en particulier qu'il est loisible au Président de la République qui, par la promulgation, atteste que la loi a été régulièrement délibérée et votée, de demander au Parlement une nouvelle délibération en vue d'assurer la conformité de la loi à la Constitution ; qu'il en est notamment ainsi lorsque, par l'effet d'une décision du Conseil constitutionnel, il apparaît que certaines dispositions de la loi, non conformes à la Constitution, sans la rendre dans son ensemble contraire à la Constitution, peuvent, au cours de la nouvelle délibération, se voir substituer de nouvelles dispositions conformes à la Constitution ;
16. Considérant que, loin de tenir en échec ces règles constitutionnelles, claires et précises, qui n'appellent aucune interprétation, ou d'en modifier les conditions d'exercice, ce que d'ailleurs une loi organique n'aurait pu faire, les articles 22 et 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel n'en constituent que des modalités d'application ;
17. Considérant ainsi que les divers griefs dirigés contre la demande de nouvelle délibération de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie ne sauraient être retenus ;
. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 23, 1er alinéa, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel :
18. Considérant que l'article 22 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose : "Dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution et inséparable de l'ensemble de cette loi, celle-ci ne peut être promulguée." ;
19. Considérant que l'alinéa 1er de l'article 23 de la même ordonnance est ainsi conçu : "Dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de cette loi, le Président de la République peut, soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture." ;
20. Considérant que le contrôle de constitutionnalité établi par la Constitution du 4 octobre 1958 s'exerce à titre préventif après le vote de la loi et avant sa promulgation ; que le Conseil constitutionnel doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il est saisi et, s'il y a urgence, dans un délai de huit jours ; qu'ainsi l'objet de ce contrôle est non de gêner ou de retarder l'exercice du pouvoir législatif mais d'assurer sa conformité à la Constitution et, le cas échéant, lorsqu'une loi n'est pas déclarée dans sa totalité contraire à la Constitution, d'en permettre la promulgation, soit après amputation des dispositions déclarées contraires à la Constitution, soit après substitution à celles-ci de nouvelles dispositions réalisant une mise en conformité avec la Constitution ;
21. Considérant que tel est le but visé par l'article 23 précité de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique qui ouvre au Président de la République une option qu'il exerce, sous réserve de contreseing, discrétionnairement, dans le cadre de sa compétence de promulgation ;
22. Considérant que si, choisissant le premier terme de cette option, le Président de la République décide de promulguer la loi votée amputée de la ou des dispositions déclarées non conformes à la Constitution, la procédure législative est close par la promulgation, de telle sorte qu'il est nécessaire de recourir à une nouvelle procédure législative pour compléter, le cas échéant, la loi promulguée par des dispositions se substituant à celles déclarées non conformes à la Constitution ;
23. Considérant au contraire que, lorsque le Président de la République décide de recourir à la seconde lecture prévue par l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, cette décision a évidemment pour objet de réaliser la mise en conformité de la loi votée avec la Constitution en substituant aux dispositions non conformes à celle-ci des dispositions nouvelles faisant droit à la décision du Conseil constitutionnel ; que, dans ce cas, il ne s'agit pas du vote d'une loi nouvelle, mais de l'intervention, dans la procédure législative en cours, d'une phase complémentaire résultant du contrôle de constitutionnalité ;
24. Considérant qu'aucune disposition constitutionnelle ne permet d'écarter, pour la conclusion de cette phase complémentaire, les dispositions de l'article 45 de la Constitution qui sont applicables de plein droit à la nouvelle délibération demandée par le Président de la République ; que les termes "nouvelle lecture" employés par l'article 23 précité de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ayant force de loi organique ne sauraient être interprétés comme ayant une signification différente de celle des mots "nouvelle délibération" employés à l'article 10 de la Constitution dont l'article 23 n'est qu'un cas d'application ; qu'ainsi les divers moyens développés par les auteurs des saisines sur la base de l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 doivent être écartés ;
25. Considérant de même qu'il ne saurait être objecté à la procédure législative suivie pour l'adoption de la loi présentement examinée que l'article 45 ne vise que les projets et propositions de loi alors qu'il s'agirait d'une loi déjà adoptée ; qu'en effet, comme il a été dit, le recours par le Président de la République à la deuxième branche de l'option ouverte par l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 a pour effet de prolonger, par une phase complémentaire, la procédure législative issue du projet ou de la proposition de loi ;
26. Considérant que, s'il est exact, comme le font observer les auteurs des saisines, que la faculté de recourir à la réunion d'une commission mixte paritaire et celle de demander à l'Assemblée nationale de statuer en dernier ressort sont réservées par l'article 45 au Premier ministre et au Gouvernement, il ressort de la procédure suivie que cette attribution de compétence a été respectée ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;
27. Considérant donc que la procédure législative utilisée pour mettre en conformité avec la Constitution la disposition déclarée non conforme à celle-ci par le Conseil constitutionnel a fait de l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique une application ne méconnaissant en rien les règles de l'article 10 de la Constitution et a répondu aux exigences du contrôle de constitutionnalité dont l'un des buts est de permettre à la loi votée, qui n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution, d'être sans retard amendée à cette fin ;
. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 62 de la Constitution :
28. Considérant que si, pour des raisons de forme, la demande de seconde lecture, en application de l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 a été accompagnée du texte comportant la disposition déclarée non conforme à la Constitution, le Gouvernement n'en a pas moins déposé un amendement destiné à substituer à cette disposition un texte nouveau, propre, selon lui, à assurer la mise en conformité avec la Constitution de la loi soumise à nouvelle lecture ; qu'ainsi la procédure suivie a eu pour effet d'assurer le respect de la décision du Conseil constitutionnel ;
. En ce qui concerne l'ensemble de la procédure législative :
29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution ;
- SUR LE FOND :
. En ce qui concerne les dispositions de la loi autres que l'alinéa 2 de l'article 4 :
30. Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine déposée le 21 août 1985 font valoir divers griefs dirigés contre certaines dispositions de la loi autres que celles de l'alinéa 2 de l'article 4 ;
31. Considérant que ces critiques portent sur des dispositions identiques à celles que, dans sa décision n° 85-196 DC du 8 août 1985, relative à la même loi, le Conseil constitutionnel a déclarées conformes à la Constitution ;
32. Considérant qu'aux termes de l'article 62, alinéa 2, de la Constitution, "les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours" ;
33. Considérant dès lors qu'il n'y a pas lieu à un nouvel examen de la constitutionnalité des dispositions de la loi autres que celles de l'alinéa 2 de l'article 4 ;
. En ce qui concerne le nouvel alinéa 2 de l'article 4 :
34. Considérant que les auteurs de l'une et l'autre saisines déposées le 20 août 1985 soutiennent qu'en se bornant à porter de 18 à 21 le nombre de conseillers représentant la région Sud, le législateur, dans la nouvelle rédaction de l'article 4, alinéa 2, n'a pas fait droit aux principes dégagés par la décision du Conseil constitutionnel ayant censuré la première rédaction de cette disposition ; qu'en effet, la correction ainsi opérée laisse subsister un déséquilibre très important au détriment des électeurs de la région Sud et au profit des autres régions en ce qui concerne le rapport entre le nombre d'habitants et le nombre de sièges à pourvoir ;
35. Considérant que le congrès, dont le rôle comme organe délibérant d'un territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire doit, pour être représentatif du territoire et de ses habitants dans le respect de l'article 3 de la Constitution, être élu sur des bases essentiellement démographiques ; qu'il ne s'ensuit pas que cette représentation doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque région et qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, lesquels peuvent intervenir dans une mesure limitée ; que cette mesure, compte tenu des termes du nouvel alinéa 2 de l'article 4, n'a pas été manifestement dépassée ;
36. Considérant ainsi que l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est conforme à la Constitution,

Décide :
Article premier :
La loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 85-197
Date de la décision : 23/08/1985
Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

LETTRE COMPLEMENTAIRE, EN DATE DU 22 AOUT 1985, A LA SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL, EN DATE DU 20 AOUT 1985, SIGNEE PAR PLUS DE SOIXANTE SENATEURS ET VISEE DANS LA DECISION N° 85-197 DC

Complément au recours au Conseil constitutionnel

In fine des arguments qui figurent au paragraphe A du premier moyen "sur la procédure" du recours dont, avec un certain nombre de leurs collègues, ils sont saisi le Conseil constitutionnel, les sénateurs soussignés ajoutent les alinéas supplémentaires ci-après : Il y a d'autant moins de doute quant à la seule applicabilité de l'article 23 de l'ordonnance susmentionnée du 7 novembre 1958 que dans sa décision n° 62-20 du 6 novembre 1962 concluant à son incompétence pour apprécier la conformité à la Constitution de la loi relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct adoptée par le peuple dans le référendum du 28 octobre 1962, le Conseil constitutionnel a fait figurer le considérant suivant : "Considérant, enfin, que cette même interprétation est encore expressément confirmée par les dispositions de l'article 17 de la loi organique susmentionnée du 7 novembre 1958, qui ne fait état que des "lois adoptées par le Parlement", ainsi que par celles de l'article 23 de ladite loi qui prévoit que "dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de la loi, le Président de la République peut soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture".

Il résulte de ce considérant que si le Conseil constitutionnel s'est déclaré incompétent pour les lois adoptées par le peuple à la suite d'un référendum, c'est d'abord parce que son contrôle de constitutionnalité se limite selon l'article 17 de l'ordonnance susmentionnée aux lois adoptées par le Parlement. C'est ensuite parce que le contrôle de la constitutionnalité de ces lois serait impraticable puisque, selon l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique susmentionnée, le Président de la République, au cas où le Conseil constitutionnel déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de la loi, ne peut que soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, ce qui est à l'évidence impossible, soit demander aux chambres une nouvelle lecture, ce qui l'est tout autant, puisque c'est au suffrage du peuple et non au vote des chambres qu'en ce cas le Président de la République a décidé de s'adresser.

Le Conseil constitutionnel a ainsi établi qu'a contrario s'il s'agit d'une loi votée par le Parlement, le Président de la République ne peut appliquer que l'article 23 de l'ordonnance susmentionnée et dès lors ne procéder qu'à la mise en oeuvre de l'une ou de l'autre des solutions qu'il comporte.En application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les sénateurs soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

1 Sur le deuxième alinéa de l'article 4 Le découpage des circonscriptions électorales pour l'élection du congrès auquel procède l'article 3 de la présente loi comporte incontestablement un caractère racial dans la mesure où il vise à créer des circonscriptions électorales homogènes habitées par une même ethnie.

C'est ainsi que l'on obtient trois circonscriptions essentiellement habitées par des Mélanésiens et une quatrième (la circonscription Sud) essentiellement habitée par des Calédoniens d'origine européenne, wallisienne, polynésienne, vietnamienne ou indonésienne.

Or ce découpage visant à isoler les différentes races vivant dans l'archipel calédonien est contraire à l'article 2 de la Constitution qui pose le principe de "l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans autre distinction d'origine, de race ou de religion".

Ce découpage est également contraire au préambule de la Constitution de 1946 qui précise que "la France forme avec les peuples d'outre-mer une union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs sans distinction de race, ni de religion".

Si le Gouvernement avait été soucieux d'éviter de contrevenir à ces principes constitutionnels, il aurait procédé à une répartition des sièges de nature à atténuer le caractère racial du découpage électoral.

Bien au contraire, la répartition des sièges telle qu'elle figure à l'article 4 de la présente loi accentue davantage encore ce caractère racial en donnant une surreprésentation considérable aux circonscriptions où se trouve le plus grand nombre de Mélanésiens et une sous-représentation à la circonscription où demeure la majeure partie des Calédoniens d'origine européenne, polynésienne ou wallisienne.

On peut d'ailleurs noter que face à des dispositions constitutionnelles analogues, d'autres juridictions constitutionnelles, comme la Cour suprême des Etats-Unis (arrêt South contre Peters en 1950 et arrêt Gomillion contre Lightfoot en 1960) ont annulé la création de circonscriptions électorales racialement déséquilibrées.

En conséquence, les requérants concluent qu'il plaise au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution le deuxième alinéa de l'article 4 de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

2 Sur l'article 27 Dans sa décision en date du 11 janvier 1977, relative à la loi autorisant le Gouvernement à modifier par ordonnances les circonscriptions pour l'élection des membres de la chambre des députés du territoire français des Afars et des Issas, le Conseil constitutionnel déclare que "s'il est spécifié à l'alinéa premier de l'article 38 de la Constitution que c'est pour l'exécution de son programme que le Gouvernement se voit attribuer la possibilité de demander au Parlement l'autorisation de légiférer par voie d'ordonnance pendant un délai limité, ce texte doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre" et "qu'il y a donc lieu d'exclure toute autre interprétation, et notamment celle qui serait tirée d'un rapprochement avec les énonciations de l'alinéa premier de l'article 49 de la Constitution ; que celle-ci, en effet, qui tend à conférer une acception analogue au terme "programme" et à l'expression "déclaration de politique générale", d'une part, ne ferait aucune place pour une éventuelle justification de recours aux dispositions de l'article 38, aux notions de circonstances imprévues ou de situation requérant des mesures d'urgence et, d'autre part, en raison de sa généralité, aurait pour résultat d'étendre, sans limites définies, le champ d'application de la procédure d'habilitation prévue audit article 38 au détriment du respect des prérogatives du Parlement".

Or, dans la mesure où le paragraphe a de l'article 27 couvre, sans limitation, le fonctionnement des conseils de région, le contrôle exercé au nom de l'Etat sur leurs délibérations, ainsi que le régime budgétaire et financier des régions ;

: dans la mesure où le paragraphe b permet de modifier, sans limitation, le statut du territoire, : dans la mesure où le paragraphe c couvre la totalité des domaines économique, social, financier et fiscal, : dans la mesure où le paragraphe d couvre la totalité de l'organisation administrative et de la fonction publique du territoire, il apparaît, à l'évidence, que l'ampleur et la diversité des domaines auxquels les ordonnances sont destinées à s'appliquer dépasse, dans une très large mesure, les limites déterminées par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée pour définir le champ d'application de la procédure d'habilitation prévue à l'article 38 de la Constitution.

Il convient, en outre, de faire remarquer que l'application des paragraphes b et d de l'article 27 permettrait de modifier la totalité des trente autres articles de la présente loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie. Il eut été en conséquence de meilleure pratique législative que le Gouvernement présentât une loi d'habilitation comportant un article unique dont le contenu aurait été celui de l'article 27 de la présente loi.

En conséquence, les requérants concluent qu'il plaise au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution l'article 27 de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

3 Sur le premier alinéa de l'article 25 Aux termes du premier alinéa de l'article 25 "le haut-commissaire est l'exécutif du territoire".

Compte tenu de ce qui a déjà été dit, dans le moyen précédent sur l'étendue et la diversité des domaines d'application des ordonnances de l'article 27, le délégué du Gouvernement qui est chargé de l'application des mesures prises en vertu de cet article 27 détient de ce fait des pouvoirs administratifs dont on ne voit pas les limites.

En tout état de cause, ces pouvoirs excèdent très largement ceux fixés par l'article 72 de la Constitution ; aux termes duquel le délégué du Gouvernement dans les départements et territoires d'outre-mer "a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois".

Une telle confusion des compétences aboutissant à cumuler dans la même personne les attributions constitutionnelles du délégué du Gouvernement et celles d'exécutif local est contraire à l'existence même d'une libre administration de la collectivité territoriale intéressée.

En conséquence, les requérants concluent qu'il plaise au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution le premier alinéa de l'article 25 de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.En application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

Premier moyen : sur la procédure Le premier moyen tient à l'utilisation, pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 85-196 DC en date du 8 août 1985, de l'article 10, alinéa 2, de la Constitution, et non de l'article 23, premier alinéa, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Cette ordonnance portant loi organique, liée à l'apparition sous la Ve République d'un réel contrôle de la constitutionnalité des lois, a pourtant notamment pour objet de préciser les incidences sur la promulgation d'une loi de la censure par le Conseil constitutionnel de l'une de ses dispositions.

A : L'ordonnance susmentionnée envisage deux hypothèses, selon que la disposition jugée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel est ou non déclarée par lui inséparable de l'ensemble de la loi.

Dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare inséparable de l'ensemble de loi la disposition qu'il a jugée contraire à la Constitution, c'est l'article 22 de l'ordonnance susmentionnée qui s'applique. Cet article 22 dispose que la loi ne peut être promulguée.

Il en va différemment lorsque le Conseil constitutionnel ne déclare pas la disposition contraire à la Constitution inséparable de l'ensemble de la loi.

C'est alors l'article 23 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 qui s'applique. Cet article dispose : "Dans le cas où le Conseil déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de cette loi, le Président de la République peut soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture." Cet article 23 est parfaitement clair dans sa lettre comme dans son esprit.

Si le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution une disposition d'une loi sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble, le Président de la République n'a le choix qu'entre deux solutions : Ou bien il doit promulguer la loi à l'exception de la disposition déclarée contraire à la Constitution, quitte à faire déposer par la suite par le Premier ministre un nouveau projet de loi ne comportant que la disposition manquante, mais dans une rédaction nouvelle, cette fois conforme à la Constitution ;

Ou bien il doit demander aux chambres une nouvelle mais unique lecture en vue d'insérer dans la loi aux lieu et place de la disposition censurée par le Conseil constitutionnel, et qui, de ce fait, est réputée inexistante, une disposition nouvelle cette fois conforme à la Constitution.

Le terme de "nouvelle lecture" est en effet employé une fois et une seule dans la Constitution. Il s'agit dans l'article 45, alinéa 4, de la "nouvelle lecture" d'un projet ou d'une proposition de loi après échec de la phase de la commission mixte paritaire.

Ledit article 45, alinéa 4, de la Constitution prévoit en effet qu'"après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat" le Gouvernement peut "demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement".

En l'absence de toute référence dans l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique à cet article 45 de la Constitution, "la nouvelle lecture" prévue par l'article 23 de l'ordonnance ne peut pas être assimilée à celle de l'article 45 de la Constitution. Elle ne saurait donc n'être précédée ni de la réunion d'une commission mixte paritaire ni donner accès "au dernier mot" à l'Assemblée nationale.

Au demeurant, l'article 45 de la Constitution ne s'applique qu'aux projets et aux propositions de loi, en aucun cas aux lois déjà adoptées par le Parlement, et les facultés qu'il comporte, de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire, puis, après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat, de demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, n'y sont respectivement accordées qu'au Premier ministre et au Gouvernement, en aucun cas au Président de la République.

L'article 23 de l'ordonnance portant loi organique ouvre donc au Président de la République une faculté de rectification mais qui suppose, à l'issue d'une nouvelle et unique lecture, l'accord des deux chambres composant le Parlement. Si cet accord des deux chambres n'est pas, alors, réalisé, l'utilisation de l'article 23 n'entraîne pas pour autant de blocage puisque le Président de la République peut alors demander au Premier ministre de présenter un nouveau projet de loi.

B : Pourtant, le Président de la République n'a pas finalement demandé "aux chambres une nouvelle lecture" conformément à l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique. Il a demandé "au Parlement une nouvelle délibération de la loi" conformément au deuxième alinéa de l'article 10 de la Constitution.

L'utilisation dans le cas considéré de ce second alinéa de l'article 10 de la Constitution constitue un détournement de procédure caractérisé.

En effet, le droit qui est reconnu au Président de la République dans le délai qui lui est imparti pour la promulgation de "demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi" constitue une prérogative traditionnelle en régime parlementaire.

Elle permet au Chef de l'Etat, qui est lié par le devoir de promulgation, d'y surseoir et de demander au Parlement une nouvelle délibération d'une loi que ce dernier a votée.

Dans l'esprit de la Constitution, il est clair qu'il s'agit, pour le Président de la République, non pas d'intervenir dans la procédure parlementaire, mais seulement d'inviter le Parlement, par un acte solennel, à reconsidérer une loi sur laquelle le Président de la République a une opinion défavorable.

Le caractère conflictuel de cette situation ressort à l'évidence de la dernière phrase du second alinéa de l'article 10 de la Constitution, lequel précise : "Cette nouvelle délibération ne peut pas être refusée." L'usage fait de cet article 10 dans le cas présent est d'une toute autre nature. Il ne s'agit nullement de demander au Parlement de réexaminer une loi qu'il a votée et sur laquelle le Président de la République veut alerter son jugement, mais de demander au Parlement de réexaminer une loi qui a le plein agrément du Président de la République mais dont une disposition, au demeurant essentielle, a été déclarée par le Conseil constitutionnel contraire à la Constitution.

Si cette demande de nouvelle délibération d'une loi peut même, à la limite, être de nature, dans certaines circonstances, à prévenir un recours au Conseil constitutionnel, ou encore s'appliquer à une loi dont le Conseil constitutionnel a été saisi mais dont il a déclaré l'ensemble des dispositions conforme à la Constitution, cette prérogative présidentielle ne saurait, sans être dénaturée ni détournée de son objet, être utilisée dès lors que le Conseil constitutionnel a déclaré une disposition de la loi contraire à la Constitution : c'est alors soit l'article 22, soit l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique qui, selon que ladite disposition a été déclarée inséparable ou non de l'ensemble de la loi, seul, doit s'appliquer.

C : En l'occurrence, cette demande de nouvelle délibération, qui ne peut se dérouler que dans les mêmes conditions que la délibération précédente, n'avait pas d'autre but que d'échapper aux contraintes de la procédure normale.

La procédure normale, c'était la nouvelle lecture prévue par l'article 23, premier alinéa de l'ordonnance portant loi organique mais elle avait toute chance de se solder par un échec. Le Gouvernement aurait alors été conduit à la présentation d'un nouveau projet de loi, lequel aurait dû, avant d'être présenté au Parlement, être soumis à l'avis du Conseil d'Etat, puis à une délibération en conseil des ministres, enfin à la consultation de l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie, prévue par l'article 74 de la Constitution.

L'utilisation de l'article 10 de la Constitution au lieu de l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique n'avait d'autre but que de permettre et a effectivement permis de s'affranchir de l'ensemble de ces obligations.

L'utilisation de l'article 10 de la Constitution au lieu de l'article 23 de la loi organique n'avait d'autre but que de permettre et a effectivement permis de provoquer en outre la réunion d'une commission mixte paritaire puis, après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat, de demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement.

Mais l'utilisation de l'article 10 de la Constitution au lieu de l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique a en revanche obligé le Président de la République à soumettre à la nouvelle délibération du Parlement l'ensemble de la loi, telle qu'elle avait été adoptée par ce dernier, y compris par conséquent l'alinéa 2 de l'article 4, bien qu'il ait été déclaré par le Conseil constitutionnel contraire à la Constitution et qui ne pouvait de ce fait figurer dans un document officiel distribué aux membres du Parlement pour qu'ils en délibèrent. Il en eût été d'ailleurs de même si le Président de la République n'avait soumis à la nouvelle délibération du Parlement que le seul article 4 dans sa rédaction adoptée lors de la précédente délibération.

Ainsi, pour se placer dans les conditions de l'article 10 qu'il avait décidé d'utiliser, le Président de la République, avec le contreseing du Premier ministre, a méconnu les dispositions de la seconde phrase du second alinéa de l'article 62 de la Constitution, laquelle précise que les décisions du Conseil constitutionnel "s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles".

Cette violation de l'article 62 de la Constitution confirme bien que ce n'est pas l'article 10 de la Constitution qui pouvait être appliqué mais seulement l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique.

Dans le cas présent et pour toutes les raisons ci-dessus exposées, l'utilisation de l'article 10 de la Constitution aux lieu et place de l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique constitue donc bien un détournement de procédure constitutionnelle.

Au-delà du problème de la procédure selon laquelle a été votée la loi en cause, ce détournement risque, en dénaturant les relations entre le Président de la République et le Parlement, d'aboutir à des situations de blocage institutionnel. Il risque en outre de conférer au Chef de l'Etat un pouvoir d'appréciation des décisions du Conseil constitutionnel.

En conséquence, les requérants concluent qu'il plaise au Conseil constitutionnel de le reconnaître et de déclarer non conforme à la Constitution l'ensemble de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

Deuxième moyen : sur l'article 4, deuxième alinéa A : Dans sa décision n° 85-196 DC du 8 août 1985, le Conseil constitutionnel a déclaré que "le congrès, dont le rôle comme organe délibérant d'un territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire doit, pour être représentatif du territoire et de ses habitants dans le respect de l'article 3 de la Constitution, être élu sur des bases essentiellement démographiques".

Il a ainsi posé un principe.

Il a défini ensuite les deux critères qui devraient présider à la nouvelle attribution des sièges des conseils de région. Le premier critère est un critère démographique mais le conseil a précisé qu'"il ne s'ensuit pas que cette représentation doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque région". Il n'a pas exclu en outre, c'est le second critère, qu'il puisse être tenu compte d'autres "impératifs d'intérêt général".

Il a toutefois précisé que la correction par rapport à la simple proportionnalité avec la population de chaque région ainsi que la prise en compte d'impératifs d'intérêt général ne peuvent cependant intervenir que "dans une mesure limitée".

Le Conseil constitutionnel a enfin déclaré que cette "mesure limitée" avait été "manifestement dépassée".

B : Le Gouvernement aurait donc dû d'abord rechercher quelles seraient les conséquences sur l'attribution des sièges des conseils de région de l'application d'une simple proportionnalité en fonction de la population de chaque région.

Il aurait dû ensuite définir quelle était la "mesure limitée" dans laquelle il pouvait apporter des correctifs à cette simple proportionnalité, par exemple pour compenser, comme il le souhaitait lui-même, un certain déséquilibre entre la région de Nouméa et le reste du territoire. Il aurait pu enfin faire alors intervenir la considération "d'autres impératifs d'intérêt général".

Or, il ressort du texte qu'il a proposé par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, et que cette dernière a adopté, comme des commentaires auxquels s'est livré pendant le débat le ministre chargé de la Nouvelle-Calédonie, que le Gouvernement n'a nullement procédé à cette analyse de la décision du Conseil constitutionnel. Il s'est contenté d'apporter une modification ponctuelle à "l'énoncé des nombres" de sièges des conseils de région qui constitue l'alinéa 2 de l'article 4 qui a été déclaré par le Conseil constitutionnel contraire à la Constitution.

La nouvelle attribution des sièges aux différentes régions adoptée à l'issue de la deuxième délibération est d'ailleurs très peu différente de celle qui avait été ainsi déclarée contraire à la Constitution. Seul est modifié le nombre de sièges de la région Sud qui est porté de dix-huit à vingt et un. On constate d'abord que méconnaissant les précisions fournies par le Conseil constitutionnel, la moyenne d'habitants par siège n'est pas modifiée dans trois régions sur quatre, à savoir : Iles Loyauté : 2215 habitants ; région Nord : 2390 habitants ; région Centre : 2583 habitants.

On constate ensuite que seule est modifiée la moyenne de la région Sud qui passe de 4728 à 4052 habitants.

L'ensemble comporte deux effets manifestement contraires aux indications fournies par le Conseil constitutionnel. On continue à appliquer à des régions de caractère identique, celle des îles Loyauté, celle du Nord et celle du Centre, des quotients démographiques différents. Quant au quotient démographique de la région de Nouméa, il est encore de 82 p 100 supérieur au quotient démographique de la région des îles Loyauté, ce qui excède, à l'évidence, la "mesure limitée" qu'exige le Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement n'a donc pas respecté les considérants du Conseil constitutionnel pour déterminer le nombre des sièges des conseils de région. Il n'en déduit aucune méthode de calcul pour l'attribution de ces sièges. Il en résulte que le nouvel "énoncé des nombres" par région, qu'il a proposé au Parlement et qui a été adopté une fois encore par la seule Assemblée nationale, ne respecte pas la "mesure limitée" exigée par le Conseil constitutionnel. Les débats devant le Sénat ont montré qu'il était parfaitement possible de s'inspirer rigoureusement des considérants de la décision DC 85-196 du 8 août 1985 et que cela conduisait, bien entendu, à des résultats complètement différents.

C'est pour ces motifs que les requérants concluent qu'il plaise au Conseil constitutionnel de déclarer le deuxième alinéa de l'article 4 non conforme à la Constitution.En application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les sénateurs soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

I. - Premier moyen : sur la procédure

Le premier moyen tient à l'utilisation, pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 85-196 DC en date du 8 août 1985, de l'article 10, alinéa 2, de la Constitution et non de l'article 23, premier alinéa, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Cette ordonnance portant loi organique, liée à l'apparition sous la Ve République d'un réel contrôle de la constitutionnalité des lois, a pourtant notamment pour objet de préciser les incidences sur la promulgation d'une loi de la censure par le Conseil constitutionnel de l'une de ses dispositions.

A. - L'ordonnance susmentionnée envisage deux hypothèses, selon que la disposition jugée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel est ou non déclarée par lui inséparable de l'ensemble de la loi.

Dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare inséparable de l'ensemble de la loi la disposition qu'il a jugée contraire à la Constitution, c'est l'article 22 de l'ordonnance susmentionnée qui s'applique. Cet article 22 dispose que la loi ne peut être promulguée.

Il en va différemment lorsque le Conseil constitutionnel ne déclare pas la disposition contraire à la Constitution inséparable de l'ensemble de la loi.

C'est alors l'article 23 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 qui s'applique. Cet article dispose : " Dans le cas où le Conseil déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de celle loi, le Président de la République peut soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture ".

Cet article 23 est parfaitement clair dans sa lettre comme dans son esprit.

Si le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution une disposition d'une loi sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble, le Président de la République n'a le choix qu'entre deux solutions :

- ou bien il doit promulguer la loi à l'exception de la disposition déclarée contraire à la Constitution, quitte à faire déposer par la suite par le Premier ministre un nouveau projet de loi ne comportant que la disposition manquante mais dans une rédaction nouvelle, cette fois conforme à la Constitution ;

- ou bien il doit demander aux chambres une nouvelle mais unique lecture en vue d'insérer dans la loi au lieu et place de la disposition censurée par le Conseil constitutionnel - et qui, de ce fait, est réputée inexistante - une disposition nouvelle cette fois conforme à la Constitution.

Le terme de " nouvelle lecture " est en effet employé une fois et une seule dans la Constitution. Il s'agit dans l'article 45, alinéa 4, de " la nouvelle lecture " d'un projet ou d'une proposition de loi après échec de la phase de la commission mixte paritaire. Ledit article 45, alinéa 4, de la Constitution prévoit en effet qu' " après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat ", le Gouvernement peut " demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement ".

En l'absence de toute référence dans l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique à cet article 45 de la Constitution, " la nouvelle lecture " prévue par l'article 23 de l'ordonnance ne peut pas être assimilée à celle de l'article 45 de la Constitution. Elle ne saurait donc ni être précédée de la réunion d'une commission mixte paritaire, ni donner accès " au dernier mot " à l'Assemblée nationale.

Au demeurant. l'article 45 de la Constitution ne s'applique qu'aux projets et aux propositions de loi, en aucun cas aux lois déjà adoptées par le Parlement, et les facultés qu'il comporte, de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire puis, après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat, de demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, n'y sont respectivement accordées qu'au Premier ministre et au Gouvernement, en aucun cas au Président de la République.

L'article 23 de l'ordonnance portant loi organique ouvre donc au Président de la République une faculté de rectification mais qui suppose, à l'issue d'une nouvelle et unique lecture, l'accord des deux chambres composant le Parlement. Si cet accord des deux chambres n'est pas, alors, réalisé, l'utilisation de l'article 23 n'entraîne pas pour autant de blocage puisque le Président de la République peut alors demander au Premier ministre de présenter un nouveau projet de loi.

B. - Pourtant le Président de la République n'a pas finalement demandé " aux chambres une nouvelle lecture " conformément à l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique. Il a demandé " au Parlement une nouvelle délibération de la loi " conformément au deuxième alinéa de l'article 10 de la Constitution.

L'utilisation dans le cas considéré de ce second alinéa de l'article 10 de la Constitution constitue un détournement de procédure caractérisé.

En effet, le droit qui est reconnu au Président de la République, dans le délai qui lui est imparti pour la promulgation, de " demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi " constitue une prérogative traditionnelle en régime parlementaire.

Elle permet au chef de l'Etat, qui est lié par le devoir de promulgation, d'y surseoir et de demander au Parlement une nouvelle délibération d'une loi que ce dernier a votée.

Dans l'esprit de la Constitution, il est clair qu'il s'agit, pour le Président de la République, non pas d'intervenir dans la procédure parlementaire, mais seulement d'inviter le Parlement, par un acte solennel, à reconsidérer une loi sur laquelle le Président de la République a une opinion défavorable.

Le caractère conflictuel de cette situation ressort à l'évidence de la dernière phrase du second alinéa de l'article 10 de la Constitution, lequel précise : " Cette nouvelle délibération ne peut pas être refusée ".

L'usage fait de cet article 10 dans le cas présent est d'une tout autre nature. Il ne s'agit nullement de demander au Parlement de réexaminer une loi qu'il a votée et sur laquelle le Président de la République veut alerter son jugement, mais de demander au Parlement de réexaminer une loi qui a le plein agrément du Président de la République mais dont une disposition, au demeurant essentielle, a été déclarée par le Conseil constitutionnel contraire à la Constitution.

Si cette demande de nouvelle délibération d'une loi peut même, à la limite, être de nature, dans certaines circonstances, à prévenir un recours au Conseil constitutionnel, ou encore s'appliquer à une loi dont le Conseil constitutionnel a été saisi mais dont il a déclaré l'ensemble des dispositions conforme à la Constitution, cette prérogative présidentielle ne saurait, sans être dénaturée ni détournée de son objet, être utilisée dès lors que le Conseil constitutionnel a déclaré une disposition de la loi contraire à la Constitution : c'est alors soit l'article 22, soit l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique qui, selon que ladite disposition a été déclarée inséparable ou non de l'ensemble de la loi, seul, doit s'appliquer.

C. - En l'occurrence, cette demande de nouvelle délibération, qui ne peut se dérouler que dans les mêmes conditions que la délibération précédente, n'avait d'autre but que d'échapper aux contraintes de la procédure normale.

La procédure normale, c'était la nouvelle lecture prévue par l'article 23, premier alinéa, de l'ordonnance portant loi organique, mais elle avait toutes chances de se solder par un échec. Le Gouvernement aurait alors été conduit à la présentation d'un nouveau projet de loi, lequel aurait dû, avant d'être présenté au Parlement, être soumis à l'avis du Conseil d'Etat, puis à une délibération en conseil des ministres, enfin à la consultation de l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie, prévue par l'article 74 de la Constitution.

L'utilisation de l'article 10 de la Constitution au lieu de l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique n'avait d'autre but que de permettre, et a effectivement permis, de s'affranchir de l'ensemble de ces obligations.

L'utilisation de l'article 10 de la Constitution au lieu de l'article 23 de la loi organique n'avait d'autre but que de permettre et a effectivement permis de provoquer en outre la réunion d'une commission mixte paritaire puis, après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat, de demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement.

Mais l'utilisation de l'article 10 de la Constitution au lieu de l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique a en revanche obligé le Président de la République à soumettre à la nouvelle délibération du Parlement l'ensemble de la loi, telle qu'elle avait été adoptée par ce dernier, y compris par conséquent l'alinéa 2 de l'article 4, bien qu'il ait été déclaré par le Conseil constitutionnel contraire à la Constitution et qu'il ne pouvait de ce fait figurer dans un document officiel distribué aux membres du Parlement pour qu'ils en délibèrent. Il en eût été d'ailleurs de même si le Président de la République n'avait soumis à la nouvelle délibération du Parlement que le seul article 4 dans sa rédaction adoptée lors de la précédente délibération.

Ainsi, pour se placer dans les conditions de l'article 10 qu'il avait décidé d'utiliser, le Président de la République, avec le contreseing du Premier ministre, a méconnu les dispositions de la seconde phrase du second alinéa de l'article 62 de la Constitution, laquelle précise que les décisions du Conseil constitutionnel " s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ".

Cette violation de l'article 62 de la Constitution confirme bien que ce n'est pas l'article 10 de la Constitution qui pouvait être appliqué mais seulement l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique.

Dans le cas présent et pour toutes les raisons ci-dessus exposées, l'utilisation de l'article 10 de la Constitution au lieu et place de l'article 23 de l'ordonnance portant loi organique constitue donc bien un détournement de procédure constitutionnelle.

Au-delà du problème de la procédure selon laquelle a été votée la loi en cause, ce détournement risque, en dénaturant les relations entre le Président de la République et du Parlement, d'aboutir à des situations de blocage institutionnel. Il risque en outre de conférer au chef de l'Etat un pouvoir d'appréciation des décisions du Conseil Constitutionnel.

En conséquence, les requérants concluent qu'il plaise au Conseil constitutionnel de la reconnaître et de déclarer non conforme à la Constitution l'ensemble de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

Il. - Deuxième moyen: sur l'article 4, deuxième alinéa

A. - Dans sa décision n° 85-196 DC du 8 août 1985, le Conseil constitutionnel a déclaré que " le congrès, dont le rôle comme organe délibérant d'un territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire doit pour être représentatif du territoire et de ses habitants dans le respect de l'article 3 de la Constitution, être élu sur des bases essentiellement démographiques ". Il a ainsi posé un principe.

Il a défini ensuite les deux critères qui devraient présider à la nouvelle attribution des sièges des conseils de région. Le premier critère est un critère démographique mais le conseil a précisé qu'" il ne s'ensuit pas que cette représentation doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque région ". Il n'a pas exclu, en outre, - c'est le second critère - qu'il puisse être tenu compte d'autres " impératifs d'intérêt général ".

II a toutefois précisé que la correction par rapport à la simple proportionnalité avec la population de chaque région ainsi que la prise en compte d'impératifs d'intérêt général ne peuvent cependant intervenir que " dans une mesure limitée ".

Le Conseil constitutionnel a enfin déclaré que cette " mesure limitée " avait été " manifestement dépassée ".

B. - Le Gouvernement aurait donc dû d'abord rechercher quelles seraient les conséquences sur l'attribution des sièges des conseils de région de l'application d'une simple proportionnalité en fonction de la population de chaque région.

Il aurait dû ensuite définir quelle était la " mesure limitée " dans laquelle il pouvait apporter des correctifs à cette simple proportionnalité, par exemple pour compenser, comme il le souhaitait lui-même, un certain déséquilibre entre la région de Nouméa et le reste du territoire. Il aurait pu enfin faire alors intervenir la considération " d'autres impératifs d'intérêt général ".

Or, il ressort du texte qu'il a proposé par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, et que cette dernière a adopté, comme des commentaires auxquels s'est livré pendant le débat le ministre chargé de la Nouvelle-Calédonie, que le Gouvernement n'a nullement procédé à cette analyse de la décision du Conseil constitutionnel. Il s'est contenté d'apporter une modification ponctuelle à " l'énoncé des nombres" de sièges des conseils de région qui constitue l'alinéa 2 de l'article 4 qui a été déclaré par le Conseil constitutionnel contraire à la Constitution.

La nouvelle attribution des sièges aux différentes régions adoptée à l'issue de la deuxième délibération est d'ailleurs très peu différente de celle qui avait été ainsi déclarée contraire à la Constitution. Seul est modifié le nombre de sièges de la région Sud, qui est porté de dix-huit à vingt et un. On constate d'abord que, méconnaissant les précisions fournies par le Conseil constitutionnel, la moyenne d'habitants par siège n'est pas modifiée dans trois régions sur quatre, à savoir :

Iles Loyauté : 2215 habitants ;

Région Nord : 2390 habitants ;

Région Centre : 2 583 habitants.

On constate que, seule, est modifiée la moyenne de la région Sud, qui passe de 4728 à 4052 habitants.

L'ensemble comporte deux effets manifestement contraires aux indications fournies par le Conseil constitutionnel. On continue à appliquer à des régions de caractère identique, celle des îles Loyauté, celle du Nord et celle du Centre, des quotients démographiques différents. Quant au quotient démographique de la région de Nouméa, il est encore de 82 p. 100 supérieur au quotient démographique de la région des îles Loyauté, ce qui excède, à l'évidence, la " mesure limitée " qu'exige le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement n'a donc pas respecté les considérants du Conseil constitutionnel pour déterminer le nombre des sièges des conseils de région. Il n'en a déduit aucune méthode de calcul pour l'attribution de ces sièges. Il en résulte que le nouvel " énoncé des nombres " par région, qu'il a proposé au Parlement et qui a été adopté une fois encore par la seule Assemblée nationale, ne respecte pas la " mesure limitée " exigée par le Conseil constitutionnel. Les débats devant le Sénat ont montré qu'il était parfaitement possible de s'inspirer rigoureusement des considérants de la décision n° 85-196 DC du 8 août 1985 et que cela conduisait, bien entendu, à des résultats complètement différents ainsi qu'il résulte de la note et du tableau annexés au présent recours.

ANNEXE AU DEUXIEME MOYEN DU RECOURS

*dans la lettre de saisine des sénateurs* Méthode de calcul des sièges des conseils de région

pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel Le Sénat s'est efforcé d'appliquer scrupuleusement et progressivement les différentes étapes de ce qu'il a cru être le raisonnement de la haute juridiction.

Le Sénat a d'abord appliqué le principe de base. Dans un premier temps, il s'est borné à rechercher les effets d'une représentation proportionnelle à la population.

Dès lors que l'on conserve le chiffre de sept membres pour le conseil de région des îles Loyauté : ce qui paraît un chiffre minimum pour administrer une région : il en résulte un quotient de 15510 : 7 = 2215 habitants. Compte tenu de ce quotient et du découpage proposé à l'article 3 par le Sénat, l'application de la simple proportionnalité donnerait dix sièges à la région Nord, neuf sièges à la région Centre et trente-neuf sièges à la Région Sud, la région des îles Loyauté conservant, bien entendu, ses sept sièges.

Le Sénat a ensuite recherché "la mesure limitée" dans laquelle cette simple proportionnalité démographique pouvait être nuancée pour répondre aux prescriptions du Conseil constitutionnel.

Pour éviter toute critique, il a décidé d'accepter que dans la région Sud la moyenne d'habitants par siège dépasse de 50 p 100 la moyenne d'habitants par siège existant dans la plus petite région, celle des îles Loyauté.

Tout cela revient à appliquer le quotient de la région des îles Loyauté, à savoir 2215 habitants pour calculer le nombre des sièges des régions Nord et Centre, qui peuvent lui être assimilées et un quotient majoré de 50 p 100, soit 3322 habitants pour le calcul du nombre de sièges de la région Sud, celle de Nouméa.

Il en aurait résulté pour chacune des régions le nombre de sièges suivant :

: région Iles Loyauté : 7 ;

: région Nord : 10 ;

: région Centre : 9 ;

: région Sud : 26.

Or, le Sénat a par ailleurs estimé qu'il serait contraire à l'intérêt général qu'une région dispose à elle seule de plus de la moitié des sièges du Congrès : ou même exactement de la moitié des sièges : en raison des situations de blocage que cela pourrait entraîner.

Il a donc décidé d'utiliser aussi le deuxième critère indiqué par le Conseil constitutionnel, celui des "impératifs d'intérêt général", et de réduire de vingt-six à vingt-cinq le nombre des membres du conseil de la région Sud.

Le Sénat a donc, par un amendement à l'alinéa 2 de l'article 4, fixé comme suit le nombre des membres des conseils de région :

: région îles Loyauté : 7 ;

: région Nord : 10 ;

: région Centre : 9 ;

: région Sud : 25.

Le nombre des sièges qui résulterait de l'application de la proportionnelle démographique et la justification du calcul de ces nombres de sièges figurent, à la décimale près, dans le tableau ci-après *tableau non reproduit*.

La même méthode de calcul des nombres de sièges appliquée au découpage régional voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture donnerait les résultats suivants :

: région îles Loyauté : 7 ;

: région Nord : 10 ;

: région Centre : 10 ;

: région Sud : 26.

Ils figurent également dans le tableau annexé.

On remarque que le nombre de sièges dont disposerait dans ce cas la région Sud étant inférieur à la moitié du total des sièges, il n'y aurait pas lieu de la pénaliser du correctif tiré de l'"impératif d'intérêt général" que le Sénat avait mis en oeuvre pour son propre découpage.


Références :

DC du 23 août 1985 sur le site internet du Conseil constitutionnel

Texte attaqué : Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°85-197 DC du 23 août 1985
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1985:85.197.DC
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