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16/12/2011 | FRANCE | N°2011-206

France | France, Conseil constitutionnel, 16 décembre 2011, 2011-206


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2011, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution et selon les modalités fixées par la dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-7 de l'ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Noël C. et transmise à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 2206 du code civil.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifié...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2011, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution et selon les modalités fixées par la dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-7 de l'ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Noël C. et transmise à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 2206 du code civil.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code civil ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour le requérant par Me Julien Soulié, avocat au barreau de Tarbes, enregistrées les 4 et 21 novembre 2011 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 novembre 2011 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Soulié, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 décembre 2011 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 2206 du code civil : « Le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant. À défaut d'enchère, celui-ci est déclaré adjudicataire d'office à ce montant.
« Le débiteur peut, en cas d'insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, saisir le juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble et les conditions du marché. Toutefois, à défaut d'enchère, le poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour la mise à prix initiale » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en permettant que le créancier poursuivant devienne, à défaut d'enchère, propriétaire du bien saisi au prix qu'il a lui-même fixé, l'article 2206 du code civil méconnaît la protection constitutionnelle du droit de propriété ainsi que les droits de la défense ;
3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, de définir les modalités selon lesquelles, pour permettre l'exécution des obligations civiles et commerciales, les droits patrimoniaux des créanciers et des débiteurs doivent être conciliés ; que l'exécution forcée sur les biens du débiteur est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'article 2190 du code civil prévoit que la saisie immobilière est une procédure d'exécution forcée sur l'immeuble du débiteur en vue de la distribution de son prix ; qu'elle constitue une modalité de paiement d'une créance exécutoire ; qu'il en résulte que, si l'adjudication conduit à ce que le débiteur soit privé de la propriété de ce bien, cette procédure n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant, en second lieu, que, d'une part, en prévoyant que le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant et en disposant qu'à défaut d'enchère, ce dernier est déclaré adjudicataire, les dispositions contestées ont pour objet d'éviter que la procédure de saisie immobilière demeure suspendue faute d'enchérisseur ; qu'en prévoyant que le créancier poursuivant est déclaré adjudicataire d'office au montant de la première enchère fixée par lui, elles font obstacle à ce que le créancier poursuivant se voie imposer un transfert de propriété moyennant un prix auquel il n'aurait pas consenti ; que l'objectif poursuivi de garantir dans ces conditions l'aboutissement de la procédure constitue un motif d'intérêt général ;
7. Considérant que, d'autre part, les articles 2202 et 2203 du code civil reconnaissent au débiteur du bien saisi le droit d'obtenir l'autorisation judiciaire de vendre le bien à l'amiable ; qu'à défaut, la vente a lieu par adjudication ; que les articles 2205 et 2206 disposent que l'adjudication de l'immeuble a lieu aux enchères publiques à l'audience du juge ; que, dans le cadre de cette procédure, le débiteur peut saisir le juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble et les conditions du marché ; que l'enchère est ouverte à toute personne qui justifie de garanties de paiement ; que l'adjudication d'office au créancier poursuivant au montant de la mise à prix initiale n'intervient qu'à défaut de toute enchère ; que, dans ces conditions, l'atteinte portée aux droits du débiteur saisi ne revêt pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi ;
8. Considérant que l'article 2206 du code civil ne porte aucune atteinte aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'il n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

D É C I D E :

Article 1er.- L'article 2206 du code civil est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 16 décembre 2011.


Synthèse
Numéro de décision : 2011-206
Date de la décision : 16/12/2011
M. Noël C. [Saisie immobilière, montant de la mise à prix]
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 16 décembre 2011 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 16 décembre 2011 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2011-206 QPC du 16 décembre 2011
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2011:2011.206.QPC
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