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27/01/2012 | FRANCE | N°2011-214

France | France, Conseil constitutionnel, 27 janvier 2012, 2011-214


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 novembre 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1208 du 15 novembre 2011) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société COVED SA, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 65 du code des douanes, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ainsi que dans sa rédaction modifiée par l'article 91 de cette loi.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
>Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur l...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 novembre 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1208 du 15 novembre 2011) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société COVED SA, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 65 du code des douanes, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ainsi que dans sa rédaction modifiée par l'article 91 de cette loi.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code des douanes ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, notamment son article 91 ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 7 et 22 décembre 2011 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 décembre 2011;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Denis Garreau, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 janvier 2012 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 65 du code des douanes, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2004 susvisée : « 1° Les agents des douanes ayant au moins le grade d'inspecteur ou d'officier et ceux chargés des fonctions de receveur peuvent exiger la communication des papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant leur service :
« a) dans les gares de chemin de fer (lettres de voiture, factures, feuilles de chargement, livres, registres, etc.) ;
« b) dans les locaux des compagnies de navigation maritimes et fluviales et chez les armateurs, consignataires et courtiers maritimes (manifestes de fret, connaissements, billets de bord, avis d'expédition, ordres de livraison, etc.) ;
« c) dans les locaux des compagnies de navigation aérienne (bulletins d'expédition, notes et bordereaux de livraison, registres de magasins, etc.) ;
« d) dans les locaux des entreprises de transport par route (registres de prise en charge, carnets d'enregistrement des colis, carnets de livraison, feuilles de route, lettres de voitures, bordereaux d'expédition, etc.) ;
« e) dans les locaux des agences, y compris celles dites de "transports rapides", qui se chargent de la réception, du groupage, de l'expédition par tous modes de locomotion (fer, route, eau, air) et de la livraison de tous colis (bordereaux détaillés d'expéditions collectives, récépissés, carnets de livraison, etc.) ;
« f) chez les commissionnaires ou transitaires ;
« g) chez les concessionnaires d'entrepôts, docks et magasins généraux (registres et dossiers de dépôt, carnets de warrants et de nantissements, registres d'entrée et de sortie des marchandises, situation des marchandises, comptabilité matières, etc.) ;
« h) chez les destinataires ou les expéditeurs réels des marchandises déclarées en douane ;
« i) chez les opérateurs de télécommunications et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, pour les données conservées et traitées par ces derniers, dans le cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications ;
« j) et, en général, chez toutes les personnes physiques ou morales directement ou indirectement intéressées à des opérations régulières ou irrégulières relevant de la compétence du service des douanes.
« 2° Les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur disposent également du droit de communication prévu par le 1° ci-dessus, lorsqu'ils agissent sur ordre écrit d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur. Cet ordre, qui doit être présenté aux assujettis, doit indiquer le nom des assujettis intéressés.
« Les agents ayant qualité pour exercer le droit de communication prévu par le 1° ci-dessus peuvent se faire assister par des fonctionnaires d'un grade moins élevé, astreints comme eux et sous les mêmes sanctions au secret professionnel.
« 3° Les divers documents visés au 1° du présent article doivent être conservés par les intéressés pendant un délai de trois ans, à compter de la date d'envoi des colis, pour les expéditeurs, et à compter de la date de leur réception, pour les destinataires.
« 4° a) Les bénéficiaires ou redevables visés à l'article 65 A ci-dessous doivent conserver les documents relatifs à leur activité professionnelle durant 3 années civiles à compter de la fin de l'année civile de l'établissement de ces documents. Ils doivent en délivrer des extraits ou des copies à la demande des agents chargés du contrôle.
« b) Par documents, on entend l'ensemble des livres, registres, notes et pièces justificatives (comptabilité, registres, factures, correspondances, copies de lettres, etc.) relatives à l'activité professionnelle de l'entreprise.
« 5° Au cours des contrôles et des enquêtes opérés chez les personnes ou sociétés visées au 1° du présent article, les agents des douanes désignés par ce même paragraphe peuvent procéder à la saisie des documents de toute nature (comptabilité, factures, copies de lettres, carnets de chèques, traites, comptes de banque, etc.) propres à faciliter l'accomplissement de leur mission.
« 6° L'administration des douanes est autorisée, sous réserve de réciprocité, à fournir aux autorités qualifiées des pays étrangers tous renseignements, certificats, procès-verbaux et autres documents susceptibles d'établir la violation des lois et règlements applicables à l'entrée ou à la sortie de leur territoire.
« 7° Pour l'application des dispositions relatives à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des Etats membres de la Communauté européenne en matière de réglementation douanière ou agricole, les agents des douanes sont autorisés à mettre en oeuvre les dispositions du présent article pour le contrôle des opérations douanières ou agricoles réalisées dans les autres Etats membres.
« 8° Sous réserve de réciprocité, l'administration des douanes et droits indirects peut communiquer aux autorités compétentes des Etats membres de la Communauté européenne des renseignements et documents pour l'établissement des droits indirects grevant les huiles minérales.
« Elle peut faire état, à titre de preuve, des renseignements et documents fournis par les autorités compétentes des Etats membres de la Communauté européenne.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent 8° » ;

2. Considérant que, selon la société requérante, ces dispositions portent atteinte, d'une part, à la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution et, d'autre part, au respect des droits de la défense découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

3. Considérant que l'article 65 du code des douanes fixe une liste de personnes qui, en raison de leur activité, sont tenues de communiquer aux agents de l'administration des douanes, sur demande de ces derniers, les documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant cette administration ; qu'il prévoit en outre que ces documents peuvent être saisis ;

4. Considérant, en premier lieu, que l'article 66 de la Constitution prohibe la détention arbitraire et confie à l'autorité judiciaire, dans les conditions prévues par la loi, la protection de la liberté individuelle ; que la procédure instaurée par l'article 65 du code des douanes n'affecte pas la liberté individuelle ; que, par suite, le grief tiré d'une méconnaissance de l'article 66 de la Constitution est inopérant ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est garanti par ces dispositions le respect des droits de la défense ;

6. Considérant que, d'une part, le droit reconnu aux agents de l'administration des douanes d'accéder aux documents relatifs aux opérations intéressant leur service ne saurait, en lui-même, méconnaître les droits de la défense ; que, d'autre part, si les dispositions contestées imposent aux personnes intéressées de remettre aux agents de l'administration des douanes les documents dont ces derniers sollicitent la communication, elles ne confèrent pas à ces agents un pouvoir d'exécution forcée pour obtenir la remise de ces documents ; qu'elles ne leur confèrent pas davantage un pouvoir général d'audition ou un pouvoir de perquisition ; qu'en l'absence d'autorisation préalable de l'autorité judiciaire, seuls les documents qui ont été volontairement communiqués à l'administration peuvent être saisis ; qu'en outre, si ces dispositions ne prévoient pas que la personne intéressée peut bénéficier de l'assistance d'un avocat, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à cette assistance ; qu'enfin, elles ne portent aucune atteinte aux droits des personnes intéressées de faire contrôler, par les juridictions compétentes, la régularité des opérations conduites en application des dispositions précitées ; qu'il suit de là que l'article 65 du code des douanes ne porte aucune atteinte au respect des droits de la défense ;

7. Considérant que l'article 65 du code des douanes ne méconnaît ni le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, qui découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; que la modification apportée à cet article par l'article 91 de la loi du 30 décembre 2004 susvisée est sans incidence sur sa conformité à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- L'article 65 du code des douanes, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, ainsi que dans sa rédaction modifiée par l'article 91 de cette même loi, est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 27 janvier 2012.


Synthèse
Numéro de décision : 2011-214
Date de la décision : 27/01/2012
Société COVED SA [Droit de communication de l'administration des douanes]
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 27 janvier 2012 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 27 janvier 2012 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2011-214 QPC du 27 janvier 2012
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2012:2011.214.QPC
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