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15/12/2023 | FRANCE | N°464424

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 15 décembre 2023, 464424


Vu la procédure suivante :



M. A... E... et Mme F... B..., agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure C... E..., ont demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 18 juin 2021 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n° 21044537 du 8 décembre 2021, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leur demande.





Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire...

Vu la procédure suivante :

M. A... E... et Mme F... B..., agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure C... E..., ont demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 18 juin 2021 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n° 21044537 du 8 décembre 2021, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mai et 28 août 2022 et le 14 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... E... et Mme F... B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 3 000 euros à verser à Me Bertrand, leur avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- la directive 2011/95 UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Bertrand, avocat de Mme E... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'office français de protection des refugies et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que M. A... E... et Mme F... B..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure C... E..., ont sollicité pour celle-ci, née le 27 décembre 2020 en France et de nationalité guinéenne, la reconnaissance de la qualité de réfugié ou, à défaut, le bénéfice de la protection subsidiaire, qui lui ont été refusés par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 juin 2021, au motif que les craintes dont ils faisaient état pour leur fille de persécutions, en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de son appartenance au groupe social des jeunes filles exposées à une excision, n'étaient pas fondées. M. A... E... et Mme F... B... se pourvoient en cassation contre la décision du 8 décembre 2021 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leur recours contre cette décision.

2. Aux termes du 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève, la qualité de réfugié est reconnue à " toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité de réfugié est reconnue : (...) 3° A toute personne qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : (...) 2°) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du même code : " Les persécutions ou menaces de persécution prises en compte dans l'octroi de la qualité de réfugié et les atteintes graves ou menaces d'atteintes graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être le fait des autorités de l'Etat, de partis ou d'organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat, ou d'acteurs non étatiques dans les cas où les autorités définies au premier alinéa de l'article L.513-1 refusent ou ne sont pas en mesure d'offrir une protection ". Aux termes de l'article L. 513-3 du même code : " Les autorités susceptibles d'offrir une protection peuvent être les autorités de l'Etat ou des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l'Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci. Cette protection doit être effective et non temporaire. / Une telle protection est en principe assurée lorsque les autorités définies au premier alinéa prennent des mesures appropriées pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves, en particulier lorsqu'elles disposent d'un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant de telles persécutions ou de telles atteintes, et lorsque le demandeur a accès à cette protection ".

3. Dans une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale, les enfants et les adolescentes non mutilées constituent de ce fait un groupe social au sens des stipulations du 2 du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ainsi que des dispositions de la directive 2011/95 UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale. Il appartient à une personne qui sollicite l'admission au statut de réfugié en se prévalant de son appartenance à un groupe social de fournir l'ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques qu'elle encourt personnellement de manière à permettre à l'OFPRA et, le cas échéant, au juge de l'asile d'apprécier le bien-fondé de sa demande. En outre, l'admission au statut de réfugié peut légalement être refusée lorsque l'intéressé peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine, à laquelle il est en mesure, en toute sûreté, d'accéder afin de s'y établir et d'y mener une vie familiale normale.

4. Il résulte des énonciations de la décision attaquée que, pour rejeter la demande dont elle était saisie, la Cour nationale du droit d'asile a estimé que les parents de l'intéressée ne fournissaient pas des éléments circonstanciés suffisamment crédibles pour permettre de la regarder comme exposée personnellement à des persécutions ou menaces de persécution ou à des atteintes graves ou menaces d'atteintes graves justifiant que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou attribuée la protection subsidiaire, en se fondant notamment sur les incohérences ou imprécisions des déclarations de ses parents sur leur histoire familiale.

5. En premier lieu, dès lors que la Cour s'est fondée, pour rejeter la demande de Mme E..., sur la circonstance que les éléments présentés par ses parents ne permettaient pas de la regarder comme personnellement exposée à des persécutions ou menaces de persécution, elle n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ou d'insuffisance de motivation en ne prenant pas explicitement parti sur son appartenance à un groupe social.

6. En deuxième lieu, en prenant en compte les incohérences ou imprécisions entachant les déclarations de ses parents, la Cour ne s'est pas fondée sur des éléments inopérants.

7. En troisième et dernier lieu, dès lors que la Cour a souverainement estimé que les risques personnels encourus par l'intéressée en cas de retour en Guinée n'étaient pas justifiés, doivent être regardés comme surabondants les motifs de sa décision relatifs à l'existence de risques différenciés selon les zones géographiques en Guinée et à la législation pénale guinéenne. Les moyens dirigés contre ces motifs sont, par suite, inopérants.

8. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté, ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1 : Le pourvoi de M. E... et de Mme B..., agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fille C... E..., est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... E... et Mme F... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 15 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Philippe Bachschmidt

La secrétaire :

Signé : Mme Chloé-Claudia Sediang


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 464424
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2023, n° 464424
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Bachschmidt
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : BERTRAND ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464424.20231215
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