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22/12/2023 | FRANCE | N°471373

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 22 décembre 2023, 471373


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, ainsi que la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Par un jugement n° 1903822 du 9 mars 2021, ce tribunal a prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance et a rejeté le sur

plus de la demande.



Par un arrêt n° 21PA02504 du 14 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, ainsi que la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Par un jugement n° 1903822 du 9 mars 2021, ce tribunal a prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance et a rejeté le surplus de la demande.

Par un arrêt n° 21PA02504 du 14 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre l'article 3 de ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, et deux nouveaux mémoires enregistrés les 15 février, 15 mai, 13 juin et 1er décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de son activité d'avocat, l'administration fiscale a notifié à M. A..., suivant la procédure de taxation d'office par opposition à contrôle fiscal, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur les sommes perçues au titre de cette activité en 2012 et 2013. Par un jugement du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

2. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. "

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a estimé que M. A... se prévalait, sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-10, relatifs aux règles d'assujettissement des prestations d'avocat selon les conditions d'exercice de cette profession. La cour a écarté cette argumentation sur le fondement du premier alinéa de cet article, en estimant que M. A..., qui n'avait ni souscrit les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à son activité d'avocat libéral au titre de l'exercice clos en 2012, ni spontanément acquitté cette taxe au cours du même exercice, ne pouvait utilement s'en prévaloir. En statuant ainsi, sans examiner cette argumentation sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, et alors qu'elle avait estimé que M. A... s'était prévalu, sur ce fondement, de la même instruction pour soutenir qu'en ne déclarant pas de taxe sur la valeur ajoutée, il avait appliqué un texte fiscal que l'administration avait interprété comme excluant qu'il en soit lui-même redevable en sa qualité de membre d'une société d'exercice libéral, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, M. A... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le terrain de la loi fiscale :

5. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : / - les salariés et les autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur ;/ (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités (...) de prestataire de services, y compris les activités (...) des professions libérales ou assimilées. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que M. A... a perçu en 2012, par virements bancaires mensuels du cabinet d'avocats Nixon Peabody, des sommes pour un montant total de 145 787 euros. S'il affirme que ces versements correspondent à la rémunération lui revenant en qualité d'associé de ce cabinet, constitué en 2012 sous la forme d'un établissement secondaire de la société de capitaux " Nixon Peabody International LLP ", il ne produit au soutien de cette affirmation aucun document établissant la réalité d'un tel contrat d'association. Il ne saurait notamment être déduit du seul acte produit aux débats, en date du 30 juillet 2008, intitulé " Lateral Partner Agreement " et aux termes duquel M. A... disposait auprès du cabinet d'un statut de " non capital partner ", soit collaborateur libéral, jusqu'en janvier 2011, ni que M. A..., en 2012, aurait acquis la qualité d'associé, ni qu'il était salarié de la société Nixon Peabody International LLP, ni, en tout état de cause, que ses conditions de travail, notamment la disposition de sa clientèle, ou les modalités de sa rémunération auraient été déterminées, à cette date, par cette société. Il n'est par ailleurs pas contesté que M. A... s'est acquitté, en 2012, des obligations de cotisation lui incombant auprès de l'organisme conventionné par le régime social des indépendants. En conséquence, l'administration fiscale a pu à bon droit estimer que les prestations exercées par M. A... en 2012 l'avaient été dans des conditions permettant leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée en application des règles rappelées au point 5 ci-dessus.

Sur le terrain de la doctrine administrative :

7. Il ressort des écritures d'appel de M. A... que s'il a, au titre de l'exposé du cadre juridique du litige, reproduit plusieurs paragraphes des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-10 aux règles d'assujettissement des prestations d'avocat selon les conditions d'exercice de cette profession, il ne s'en est pas expressément prévalu sur le terrain de la garantie contre les changements de doctrine de l'administration prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 14 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il statue sur conclusions de M. A... tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2023 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 22 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mahé

La secrétaire :

Signé : Mme Sandrine Mendy


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 471373
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2023, n° 471373
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mahé
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP BOULLEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:471373.20231222
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