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29/12/2023 | FRANCE | N°471614

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 29 décembre 2023, 471614


Vu la procédure suivante :



La Société générale calédonienne de banque a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe de solidarité sur les services, d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale additionnelle et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos de 2015 à 2017 ainsi que des pénalités correspondantes, de procéder à la compensation des rappels de taxe de solidarité sur les services non contestée

avec celle perçue à tort au titre des mêmes exercices et de prononcer la restitution...

Vu la procédure suivante :

La Société générale calédonienne de banque a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe de solidarité sur les services, d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale additionnelle et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos de 2015 à 2017 ainsi que des pénalités correspondantes, de procéder à la compensation des rappels de taxe de solidarité sur les services non contestée avec celle perçue à tort au titre des mêmes exercices et de prononcer la restitution de la taxe de solidarité sur les services acquittée, d'un montant de 29 286 297 francs CFP, ou à titre subsidiaire d'ordonner le remboursement de cette taxe pour un montant de 27 950 019 francs CFP. Par un jugement n° 2100030 du 25 novembre 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22PA00871 du 23 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la Société générale calédonienne de banque contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 23 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société générale calédonienne de banque demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;

- la loi du pays n° 2015-5 du 18 décembre 2015 ;

- l'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 relatif au plafonnement de la déductibilité des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-819 QPC du 7 janvier 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la Société générale calédonienne de banque SGCB et à la SARL cabinet Briard, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

Considérant ce qui suit :

1. La Société générale calédonienne de banque, filiale de la Société Générale, exerce en Nouvelle-Calédonie une activité de crédit. Par un jugement du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe de solidarité sur les services, d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge par l'administration fiscale calédonienne au titre des exercices clos de 2015 à 2017. La Société générale calédonienne de Banque se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 novembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement. Eu égard aux moyens soulevés, elle doit être regardée comme demandant l'annulation de l'arrêt en tant qu'il statue sur ses conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés et la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés.

2. Aux termes de l'article 21 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction issue de la loi du pays du 18 décembre 2015 plafonnant la déductibilité fiscale des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie : " I - Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges à condition : - de se rattacher à la gestion normale de l'entreprise ou d'être exposées dans l'intérêt de l'exploitation ; - de se traduire par une diminution de l'actif net de l'entreprise ; - de correspondre à une charge effective et d'être appuyées de justifications suffisantes ; - de ne pas être exclues par une disposition particulière. / Ces charges comprennent, notamment : a) Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire, sous réserve des dispositions du V. / (...) / V. Les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie peuvent déduire du montant de leur bénéfice imposable, la quote-part des frais généraux supportés au lieu du siège social ou de la direction, afférente aux activités exercées en Nouvelle-Calédonie, dans la limite de 5 % du montant des services extérieurs, au sens de la comptabilité privée, nécessités par lesdites activités. Un arrêté du gouvernement précise les services extérieurs à prendre en compte pour l'application de cette disposition. / Cette déduction est subordonnée aux conditions cumulatives suivantes : 1. les frais affectés aux activités exercées en Nouvelle-Calédonie ont été engagés dans l'intérêt direct des entreprises en Nouvelle-Calédonie. 2. les entreprises joignent à leur déclaration de résultats un relevé des frais généraux encourus et un état de détermination du montant déductible de frais généraux conformes à des modèles établis par l'administration. / (...) / Les dispositions du présent paragraphe s'appliquent également aux frais généraux facturés aux personnes morales assujetties à l'impôt sur les sociétés en Nouvelle-Calédonie, par les personnes morales liées non imposables à cet impôt en Nouvelle-Calédonie. Deux personnes morales sont réputées liées lorsqu'elles ont en commun des dirigeants de droit ou de fait, ou sont détenues, directement ou indirectement, par une personne morale ou physique, à hauteur de 10 % au moins de leur capital, ou encore lorsqu'au moins 10 % du capital de l'une est détenu, directement ou indirectement, par l'autre. La détention indirecte s'entend du produit des pourcentages successifs détenus dans une même chaîne de participations. Pour un exercice considéré, le montant de la participation s'apprécie à la date de clôture de l'exercice social de la filiale ". L'article 6 de la loi du pays du 18 décembre 2015 dispose que : " Des arrêtés du gouvernement précisent, en tant que de besoin, les dispositions de la présente loi du pays ". L'article 2 de l'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 relatif au plafonnement de la déductibilité des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie prévoit que : " Les dispositions du V de l'article 21 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie s'appliquent aux frais et charges de toute nature affectés à une entreprise calédonienne par son siège social ou par une société liée au sens de la disposition légale précitée, établie en dehors de la Nouvelle-Calédonie, à l'exception toutefois de ceux afférents : 1°) aux achats de marchandises, matières premières, fournitures ; 2°) aux autres charges directes de production, y compris la mise à disposition de personnel lorsque ce dernier est directement affecté à la production ; 3°) aux charges financières ".

3. Il résulte de ces dispositions que les frais correspondant à des prestations individualisables réalisées par une entreprise ayant son siège social en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour le compte d'un établissement stable ou d'une personne morale liée situé sur ce territoire, qui constituent des charges directes de cet établissement ou de cette personne morale, sont déductibles de son bénéfice net imposable en application du I de l'article 21 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie. En revanche, les frais généraux exposés par une telle entreprise, qui regroupent les frais de direction et d'administration ainsi que l'ensemble des dépenses prises en charge par le siège qui sont nécessaires à l'activité d'un établissement stable ou d'une personne morale liée situé en Nouvelle-Calédonie mais qui ne peuvent lui être rattachés individuellement, ne peuvent, en principe, en application du V de l'article 21, être déduits du bénéfice imposable que dans la limite de 5% de ses charges de services extérieurs. Toutefois, ainsi que l'a jugé, le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-819 QPC du 7 janvier 2020, le contribuable est autorisé à apporter la preuve que la part de frais généraux imputés à l'établissement stable ou facturés à la personne morale liée excédant 5 % du montant de ses services extérieurs ne correspond pas à un transfert indirect de bénéfices. Il lui appartient alors d'apporter la preuve de l'absence de transfert de bénéfices en justifiant de l'existence de contreparties au moins équivalentes au montant des frais généraux excédant ce seuil imputés à l'établissement stable ou facturés à la personne morale liée. Cette justification peut être apportée au moyen d'une comptabilité analytique permettant, par l'application de clés de répartition pertinentes eu égard à la nature des frais en cause et à l'activité de l'établissement ou de la personne morale, de déterminer la quote-part des frais généraux qui peut être regardée comme ayant été exposée dans l'intérêt propre de ces derniers.

4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la société requérante ne pouvait, pour justifier l'absence de transfert indirect de bénéfices, se prévaloir de la méthode de répartition utilisée pour déterminer la part des frais généraux mise à sa charge par sa société mère et d'autres sociétés liées et qu'elle devait fournir des éléments permettant de déterminer précisément la valeur des prestations intragroupes qui lui ont été rendues, la cour a commis une erreur de droit. Il s'ensuit que la Société générale calédonienne de banque est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il statue sur ses conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas partie dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 23 novembre 2022 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la Société générale calédonienne de banque relatives à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Société générale calédonienne de banque et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société générale calédonienne de banque et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 471614
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 471614
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:471614.20231229
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